Logo de l'UnionUNION INTERPARLEMENTAIRE
PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE

Communiqué de presse de l'Union interparlementaire
Genève, le 11 mars 1998
N° 68


RAPPORT DE L'UNION A LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME SUR LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME DE PARLEMENTAIRES


Le Comité des droits de l'homme des parlementaires, qui est l'observatoire des droits des parlementaires de l'Union interparlementaire, est actuellement saisi de cas de 162 parlementaires de 30 pays. Il s'agit, dans la plupart des cas, de parlementaires déchus de leur mandat ou menacés, détenus, poursuivis, voire assassinés pour avoir exercé leur droit à la liberté de parole.

Bon nombre de cas figurant à l'ordre du jour du Comité sont publics et concernent 134 parlementaires des 12 pays suivants : Burundi, Cambodge, Colombie, Djibouti, Gambie, Honduras, Indonésie, Malaisie, Myanmar, Nigéria, Togo et Turquie. L'Union présentera un rapport sur ces cas à la 54e session d la Commission des droits de l'homme des Nations Unies lors de sa session qui se déroulera à Genève du 16 mars au 24 avril. (Voir Annexe pour le détail des cas publics.)

Les autres cas sont de nature confidentielle, le Comité, dans le cadre de sa procédure, cherchant dans un premier temps à trouver un règlement satisfaisant par le dialogue et la coopération à titre confidentiel avec les autorités des pays concernés. Il procède à des auditions et effectue au besoin des missions sur place pour s'informer le plus possible sur les cas à l'étude. Néanmoins, à défaut de règlement satisfaisant des cas durant la première phase d'examen confidentiel, le Comité présente des rapports publics assortis des recommandations au Conseil interparlementaire (organe directeur plénier de l'Union) à ses deux réunions annuelles. Cela appelle l'attention des médias sur les cas et incite les autorités nationales concernées à faire preuve de plus de diligence en vue de leur règlement.

Le Comité est composé de cinq parlementaires représentant les grandes régions politiques du monde. La composition actuelle est la suivante : M. Clyde Holding (Président, Australie), le Sénateur François Autain (Vice-Président, France), le Sénateur Hugo Batalla (Uruguay), M. François Borel (Suisse) et M. Hilarion Etong (Cameroun). Il tient normalement quatre sessions par an : deux de ses sessions hebdomadaires se déroulent au Siège de l'Union à Genève, en janvier et juillet, les deux autres ont lieu dans le cadre des conférences interparlementaires semestrielles (avril et septembre) réunissant l'ensemble des membres.

Répartition régionale Des parlements membres de l'Union prêtent également leur concours aux travaux du Comité par des actions multiples qui ont contribué au règlement satisfaisant d'une bonne part des 935 cas de parlementaires de 80 pays qu'il a déclarés recevables depuis qu'il a commencé à fonctionner en 1976. Une répartition régionale du nombre total de cas examinés par l'Union est exposée ci-contre.


DEFENSE DES DROITS DE L'HOMME EN GENERAL

L'Union incite également les parlements nationaux à agir en faveur de la promotion des droits de l'homme en général, et ce en encourageant la ratification des instruments internationaux pertinents et leur mise en œuvre effective à l'échelle nationale. Cette année, dans le cadre du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'Union entreprend une série de mesures visant à une promotion et une protection accrues des droits de l'homme à l'échelle nationale.

L'Union fait également des recommandations d'action en matière de droits de l'homme lors de ses conférences, axées, par exemple, sur les structures nationales des droits de l'homme (1994), la protection des minorités (1996), ainsi que le respect et la protection des droits de l'homme en général, et des femmes et des enfants en particulier (1996). En 1997, elle a adopté des recommandations d'action concernant le travail des enfants, l'élimination de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et autres et la protection des enfants durant les conflits armés.

A la prochaine session de la Commission des droits de l'homme, l'Union présentera, par ailleurs, sa Déclaration universelle sur la démocratie - le premier document sur la démocratie jamais adopté à l'échelle mondiale par les milieux politiques. "La démocratie est fondée sur la primauté du droit et l'exercice des droits de l'homme", selon la déclaration.

L'Union gère aussi un vaste programme de promotion de l'égalité entre hommes et femmes, centré plus particulièrement la participation des femmes à la vie politique. Elle est d'avis que le concept de démocratie ne prendra un sens réel et dynamique que lorsque les orientations politiques et les législations seront définies en commun par les hommes et les femmes, en prenant équitablement en compte les intérêts des deux moitiés de la population.

L'Union s'attache également à promouvoir la démocratie par le renforcement de l'institution parlementaire et participe au débat d'autres grands problèmes préoccupant la communauté internationale -- tels que le développement durable et la sécurité internationale -- dont la coopération et la diplomatie parlementaires sont à même de favoriser le règlement.

L'Union compte actuellement 137 parlements nationaux.

Pour de plus amples informations, contacter Robin Newmann, Chargé de l'Information, tél. 919.4125/50.


ANNEXE - Cas publics

Burundi (33 parlementaires) : Ce cas concerne des membres de l'Assemblée nationale du Burundi appartenant tous au parti FRODEBU (Front du Burundi pour la démocratie), qui ont été assassinés ou blessés par suite d'attentats, contraints à l'exil ou actuellement poursuivis sur la base d'accusations qui seraient fausses ou politiquement motivées.

Cambodge (8 parlementaires) : Ce cas concerne plusieurs membres du Parlement cambodgien, dont l'ancien Ministre des Finances, M. Sam Rainsy, qui a été déchu de son mandat parlementaire après avoir été exclu de son parti, le FUNCINPEC. Ils ont tous été l'objet d'attentats et contraints à l'exil à la suite du coup d'Etat du second Premier Ministre, M. Hun Sen, en juillet 1996. La plupart d'entre eux sont maintenant retournés au Cambodge pour participer aux élections législatives prévues pour juillet 1998. Le Comité considère, toutefois, que l'absence d'enquête sérieuse sur ces attentats ne constitue pas un climat favorable à la tenue d'élections libres et régulières.

Colombie (8 parlementaires) : Le Comité a affaire à deux cas différents de parlementaires colombiens. Le premier concerne cinq parlementaires assassinés à différentes dates entre 1986 et 1994. Des militaires ou membres de groupes paramilitaires seraient impliqués dans ces assassinats. Le second cas concerne deux parlementaires qui ont été l'objet de menaces de mort répétées et par suite desquelles l'un deux, le Sénateur Motta, a dû s'exiler. Tous les parlementaires concernés étaient membres de l'Unión Patriotica, parti d'opposition. S'agissant du premier cas, aucun des assassinats n'a été élucidé et la plupart des dossiers ont été provisoirement clos. C'est uniquement dans le cas du Sénateur Cepeda Vargas que les enquêtes ont donné quelque résultat et abouti à l'inculpation formelle de deux membres des forces armées.

Djibouti (3 parlementaires) : Le 15 juin 1996, l'immunité parlementaire de MM. Boulalah Barreh, Mahamade Houmed et Bahdon Farah, membres de l'Assemblée nationale, a été levée pour permettre l'engagement des poursuites contre eux pour offense au chef de l'Etat. Ils ont été condamnés le 7 août 1996 à une peine d'emprisonnement de six mois, assortie d'une lourde amende et à de cinq ans de privation de leurs droits civiques. Le 17 novembre 1996, la Cour suprême a confirmé ces jugements. Au mois de janvier suivant, le Président de la République a accordé une remise de peine et les trois ont ainsi recouvré la liberté. Ils demeurent cependant privés de leurs droits politiques, ce qui les a empêchés de participer aux élections législatives de décembre 1997.

Gambie (deux parlementaires) : Ce cas concerne deux membres du parlement dissous à la suite du coup d'Etat de 1994. Ils ont été tous deux arrêtés après cette dissolution et détenus sans charge. A la suite de leur libération l'année dernière, l'un d'eux a introduit un recours contre les autorités compétentes en réparation des violations de ses droits qu'il avait subies aux mains de fonctionnaires agissant sur l'autorité de l'Etat.

Honduras (un parlementaire) : Ce cas concerne M. Miguel Angel Pavón Salasar, membre du Congrès du Honduras, qui a été tué par balle le 14 janvier 1988 à San Pedro Sula, par un homme habillé en civil. L'enquête judiciaire, qui a établi un lien entre son assassinat et la déposition qu'il avait faite en octobre 1987 devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans des affaires de "disparitions" mettant en cause le Gouvernement du Honduras, après être restée au point mort, a finalement été rouverte en juillet 1996 par la Direction des enquêtes criminelles du Parquet (DIC). Elle a mis au jour de nouveaux éléments concernant les meurtriers - officiers de l'armée - présumés et a permis de demander finalement leur mise en accusation. Selon la DIC, l'issue dépendra de la collaboration des forces de l'ordre et des forces armées.

Indonésie (trois parlementaires) : Ce cas concerne Sri Bintang Pamungkas, connu pour son opposition notoire au gouvernement, qui a été exclu du Parlement et condamné en mai 1996 à une peine de deux ans et 10 mois d'emprisonnement pour avoir insulté le Président de l'Indonésie en le traitant prétendument de "dictateur". Un nouveau procès a été intenté contre lui pour subversion. Mme Megawati Sukarnoputri, membre de la Chambre des Représentants, a été illégalement déchue - selon la source - en juin 1996 de la présidence du Parti démocratique indonésien (PDI) et empêchée de participer aux élections de mai 1997. Quant à M. Aberson Sihalolo, également membre de la Chambre des Représentants, il a été condamné à une peine de neuf mois d'emprisonnement le 21 juillet 1997 pour "outrage" au Président de l'Indonésie.

Malaisie (un parlementaire) : Ce cas concerne M. Lim Guan Eng, fils de Lim Kit Siang, dirigeant du Parti de l'action démocratique (DAP), formation d'opposition. Il a été accusé, le 28 février 1995, en vertu de la Loi relative aux actes séditieux puis, le 17 mars de la même année, au titre de la Loi sur la presse et les publications, d'avoir critiqué le Procureur général pour la manière dont il a traité une affaire de viol. Il a été déclaré coupable par la suite et condamné. Le Parquet a toutefois jugé que les condamnations prononcées étaient insuffisantes et M. Lim Guan Eng risque d'être déchu de son mandat parlementaire, voire emprisonné.

Myanmar (49 parlementaires) : La plainte concernait à l'origine 83 membres de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) qui ont été élus au Pyithu Hluttaw (Assemblée du peuple) lors des élections législatives du 27 mai 1990 et arrêtés entre cette année-là et 1993 en vertu des lois d'exception. Le motif de cette plainte est que le SLORC n'a pas convoqué le Pyithu Hluttaw, que l'un des parlementaires-élus est mort en détention et que les autres sont en prison sans inculpation, ni jugement, ou purgent de lourdes peines prononcées à l'issue de procès sommaires. Depuis que la plainte a été soumise au Comité, un certain nombre des parlementaires-élus concernés ont été libérés mais ont perdu leur mandat par suite d'une mesure de disqualification, tandis que d'autres sont décédés en détention ou ont été assassinés. Selon les informations dont disposait le Comité en juillet 1997, 12 de ces députés emprisonnés à la suite des élections de 1990 sont toujours en détention. Les allégations ultérieures portent sur la vague d'arrestations qui ont eu lieu en particulier en mai 1996 et en février 1997 où des dizaines de parlementaires-élus de la NLD ont été arrêtés pour la première ou deuxième fois à l'occasion, d'une part, d'un congrès de la NLD tenu au domicile d'Aung San Suu Kyi du 26 au 28 mai 1996 et, d'autre part, de la fête-anniversaire de la NLD.

Nigéria (huit parlementaires) : La plainte concerne des membres de l'ancien Parlement nigérian élu en juillet 1992 et dissout à la suite du coup d'Etat du Général Sani Abacha en novembre 1993. Les Sénateurs Ebute, Okarafor, Nwulu, Nwite, Ibrahim et Tinubu ont été arrêtés le 2 juin 1994 et inculpés de trahison et de complot en vue de renverser le Gouvernement, pour s'être réunis le 30 mai 1994 et avoir exhorté le Général Sani Abacha à se démettre de ses fonctions de Chef de l'Etat. Le 22 juillet 1994, ils ont été libérés sous caution et, en décembre 1995, le juge a ordonné de classer ces affaires, sauf celle concernant le Sénateur Tinubu, qui a été également accusé par la suite de sabotage d'installations pétrolières et qui s'est exilé par la suite parce qu'il craignait pour sa vie. Les autres parlementaires ont été mis en garde contre la formulation de critiques à l'égard du Gouvernement et seraient l'objet d'une interdiction de sortir du territoire. M. Olawale Oshun, membre de la Chambre des Représentants dissoute, a été arrêté le 19 mai 1995 et gardé au secret sans être inculpé. Il a été libéré en décembre 1995 et est entré dans la clandestinité en avril 1996, à la suite de deux attaques visant son bureau et son domicile. Il s'est exilé depuis lors. Quant au Sénateur O.J. Adewunmi, ancien Président de la Commission sénatoriale de planification économique, il aurait été détenu pendant près de deux ans sans qu'aucune charge ait été portée contre lui.

Togo (trois parlementaires) : MM. Atidépé et Amorin, tous deux membres du Haut Conseil de la République du Togo, l'ancien organe législatif de transition, ont été assassinés en mai et juillet 1992, respectivement. M. Edeh, député élu, a été assassiné en février 1994. Le meurtre de ces trois parlementaires serait le fait de membres des forces armées. Selon les informations fournies par les autorités jusqu'en 1996, ces assassinats avaient fait l'objet d'enquêtes. En juin 1996, cependant, le Ministre de la Justice a fait savoir au Comité que les dossiers en question avaient été classés en vertu de la loi d'amnistie de décembre 1994 qui couvre tous les délits et crimes politiques commis avant cette date. Le Gouvernement togolais, qui a exprimé la volonté de prendre en considération la question du droit à indemnisation, a finalement décidé, en date du 25 novembre 1997, d'accorder une somme de 10 millions FCFA à chacune des familles des parlementaires concernés, qui reste à verser.

Turquie (15 parlementaires) : Les intéressés, tous d'origine kurde, ont été élus au Parlement de la Turquie en 1991 en tant que députés de la région sud-est. Hormis six d'entre eux qui se sont exilés à la suite de la dissolution du Parti de la démocratie (DEP) auquel ils appartenaient tous, à l'exception de M. Alinak, les autres ont été jugés pour propagande séparatiste et appartenance à une organisation terroriste. Le tribunal a déclaré quatre d'entre eux, à savoir Leyla Zana, Hatip Dicle, Oran Dogan et Selim Sadak, coupables d'appartenance à une organisation armée et les a condamnés à une peine de 15 ans d'emprisonnement. La Commission européenne et la Cour européenne des droits de l'homme ont été saisies de leurs cas. Les appels pressants de la communauté internationale en vue de leur libération sont restés vains à ce jour. Les députés restants ont été condamnés à une peine de 14 mois d'emprisonnement et à de lourdes amendes assorties de la privation de leurs droits politiques. MM. Yurtdas et Alinak, tous deux avocats, ont été de surcroît empêchés à jamais d'exercer leur profession. Quant à M. Sinçar, les circonstances de son assassinat en septembre 1993 n'ont jamais été élucidées.


Communiqués de presse | Page d'accueil | Principaux domaines d'activités | Structure et fonctionnement