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Communiqué de presse de l'Union interparlementaire
Monte Carlo/Genève, le 4 juillet 1997
N° 2


L'EMPLOI, ELEMENT CLE DE LA STABILITE EN MEDITERRANEE, SELON LES CONCLUSIONS D'UNE REUNION DE LA CSCM

Les deux journées de débat qui se sont tenues à Monte Carlo sur le développement de la coopération en matière de politique de l'emploi en Méditerranée comme instrument du renforcement de la stabilité régionale ont pris fin aujourd'hui sur ce constat des représentants des Parlements nationaux des pays méditerranéens : la question de l'emploi ne peut être réglée par des Etats agissant en ordre dispersé.

"Elle requiert des synergies intra-régionales et une coopération internationale à l'échelle de tout l'espace méditerranéen", des solutions compatibles et concertées, selon la synthèse présentée à l'issue des travaux. Organisée par l'Union interparlementaire - organisation mondiale des parlements - cette réunion s'est tenue les 3 et 4 juillet à l'invitation du Conseil national de Monaco.

Cette rencontre de Monte Carlo était la première des trois réunions thématiques préparatoires de la IIIe Conférence interparlementaire sur la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM), prévue pour le début de 1999 à Tunis. La Conférence de Tunis portera sur les trois "corbeilles" du processus de la CSCM, à savoir Coopération politique et en matière de sécurité; Coopération économique; Dialogue des civilisations et droits de l'homme.

"Le problème de l'emploi concerne les deux rives de la Méditerranée", selon le Rapport général de la réunion. "Si l'emploi est un défi important dans les pays industrialisés d'Europe, confrontés à des taux importants de chômage, il est aujourd'hui la priorité des priorités dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée".

Comme on peut le lire dans le rapport, rien que pour absorber les jeunes qui entrent sur le marché du travail, les 12 pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée devront créer 2,5 millions d'emplois par an - soit le triple du taux actuel. "Si ce marché ne peut pas les absorber, on imagine sans peine les frustrations et sans doute la contestation sociale ainsi que la pression migratoire qui en résulteront: Déjà, dans certains pays, le taux de chômage des jeunes, notamment ceux qui sont diplômés, atteint des niveaux alarmants".

Les participants ont conclu que le projet euro-méditerranéen de création d'emplois devrait viser "une réelle convergence économique entre les deux rives" de la Méditerranée, y compris la diminution des écarts salariaux et la réduction du poids de la dette; un "apport substantiel de capitaux extérieurs" et d'autres mesures d'investissement susceptibles d'engendrer la prospérité; une politique de formation de la main-d'oeuvre et de renforcement des infrastructures institutionnelles de la région; et une "Charte euro-méditerranéenne" visant à définir une méthode réaliste de gestion des problèmes des travailleurs migrants de la région. Ils ont également mis l'accent sur la nécessité de renforcer davantage la coopération Sud-Sud et de tout mettre en oeuvre pour doter le monde arabe d'une zone de libre échange.

Ces conclusions ressortent du Rapport final présenté à la séance de clôture de la réunion par M. Mohamed Hédi Khelil (Tunisie), Rapporteur général.

"Il nous appartient maintenant de poursuivre la réflexion au sein de nos Parlements afin de venir à la Conférence de Tunis avec des propositions concrètes", a déclaré ce dernier, ajoutant que "la stabilité durable en Méditerranée dépendra en effet des réponses concrètes que nous apporterons à ce défi auquel nous sommes confrontés".

La Réunion a été ouverte par le Président du Conseil national de Monaco, M. Jean-Louis Campora, et présidée par le Président de la Commission législative et du Groupe national monégasque, M. Alain Michel.

Le Rapport général est présenté ci-dessous :

" Le thème qui nous a occupés pendant ces deux jours est un thème crucial pour chacun de nos pays puisqu'il s'agit de " L'ajustement des politiques nationales de l'emploi et renforcement de la coopération internationale en la matière en Méditerranée, dans la perspective d'un développement créateur d'emplois en tant que moyen de renforcer la stabilité régionale ".

Ce thème entre dans le cadre de la IIe Corbeille de la CSCM mais, comme l'ont montré nos débats, par bien des aspects il déborde largement sur la IIIe Corbeille.

Ces débats avaient été brillamment lancés par trois personnalités auxquelles, en votre nom à tous, je tiens à manifester notre reconnaissance. Il s'agit de M. Werner Sengenberger, Directeur du Département de l'emploi et de la formation du Bureau international du travail, du député européen Jorge Hernandez, membre de la Commission des affaires sociales et de l'emploi et Vice-Président de la Délégation Maghreb du Parlement européen, et enfin du Professeur Bichara Khader, Directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe contemporain de l'Université catholique de Louvain, auteur de nombreux ouvrages sur le partenariat euro-méditerranéen. Leurs contributions écrites ont non seulement enrichi nos débats mais elles nourriront sans doute la poursuite de notre réflexion au sein de nos Parlements.

Il me revient maintenant de faire une synthèse des principales propositions formulées au cours de deux jours de débats intenses auxquels chacun d'entre nous a pris part. D'emblée je réclame votre indulgence vu la richesse et la variété des idées et suggestions émises.

Dans son allocution d'ouverture, le Président du Conseil national disait que " L'emploi est la hantise de ceux qui l'ont perdu, de ceux qui ont peur de le perdre et de ceux qui craignent de ne jamais le trouver ". Ce raccourci saisissant traduit bien le climat de nos travaux. Nos débats ont clairement fait ressortir à quel point l'emploi est un élément essentiel de la stabilité dans notre région. C'est en effet le chômage, si obsessionellement présent de part et d'autre de la Méditerranée, qui est au coeur de nos préoccupations avec tous les problèmes qui en découlent.

Le problème de l'emploi concerne les deux rives de la Méditerranée quoiqu'il présente des caractéristiques différentes de part et d'autre de celle-ci, et souvent même d'un pays à l'autre, voire à l'intérieur d'un même pays. Cette diversité même montre qu'il n'y a pas au problème de l'emploi une solution applicable sur tout le pourtour méditerranéen.

Au cours de la session, il a été aussi mentionné combien les sanctions collectives portent atteinte à l'emploi et pénalisent les peuples.

Si l'emploi est un défi important dans les pays industrialisés d'Europe, confrontés à des taux importants de chômage, il est aujourd'hui la priorité des priorités dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (PSEM). En effet, tout semble indiquer que l'offre du travail dans tous les pays arabes ainsi qu'en Turquie est loin de répondre à l'augmentation prévisible de la main d'oeuvre en quête de travail. Rien que pour absorber les jeunes qui entrent sur le marché de travail, les 12 PSEM impliqués dans le partenariat euro-méditerranéen devraient créer annuellement plus de 2,5 millions d'emplois; ils n'en créent pas plus du tiers actuellement. Aujourd'hui sur 250 millions d'arabes, 130 millions ont moins de 20 ans; ils entreront dans les 20 années à venir sur le marché de l'emploi. Si celui-ci ne peut pas les absorber, on imagine sans peine les frustrations et sans doute la contestation sociale ainsi que la pression migratoire qui en résulteront. Déjà, dans certains pays, le taux de chômage des jeunes, notamment ceux qui sont diplômés, atteint des niveaux alarmants.

Dans ce sombre tableau, il y a une consolation majeure. Partout, bien qu'à des degrés divers, la transition démographique se poursuit. Toutefois, cette baisse de la fécondité ne se fera sentir qu'à long terme sur les nouvelles entrées potentielles sur le marché du travail dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée.

Les rapports des experts comme nos débats ont mis en évidence que tant l'éducation que l'entrée des femmes sur le marché du travail figurent parmi les facteurs majeurs de la diminution du taux de fécondité.

Il nous faut prendre la mesure du défi et viser dans un premier temps des taux de croissance supérieurs à 8% sur une longue période. Mais cela serait un pari impossible sans la modernisation de l'appareil de production, le développement d'une offre compétitive, le captage d'importants investissements étrangers et locaux, privés et publics, la promotion de l'intégration régionale en même temps que la mise en place de la zone de libre-échange proposée dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, le développement de la production de biens à forte densité de main d'oeuvre, la promotion du secteur des services productifs, et la recherche des effets de symbiose entre les secteurs économiques.

Cela requiert la mobilisation des énergies et des moyens ainsi qu'une philosophie nouvelle en termes d'organisation du travail tout en veillant à préserver les acquis sociaux, et à protéger les plus démunis.

L'importance du renforcement de la qualification de la main d'oeuvre et du recyclage des cadres a été mis en exergue ainsi que celle de projets pilotes pour la création de micro-entreprises et la promotion du micro-crédit pour inciter, surtout les femmes et les jeunes à se lancer dans l'aventure commerciale ou industrielle. Il a été rappelé comment les changements technologiques constituent certes un défi mais aussi une chance à condition de les maîtriser, de s'y adapter par une formation adéquate.

Dans ce contexte, il a été rappelé qu'il peut être fait appel à l'assistance des équipes multidisciplinaires du Bureau international du travail à même d'assister les Etats à définir des politiques de l'emploi et des politiques sociales cohérentes avec les recommandations du Sommet du Développement Social de Copenhague.

Enfin, il a été souligné que la question de l'emploi ne peut se résoudre à la seule échelle des Etats. Elle requiert des synergies intra-régionales, et une coopération internationale, à l'échelle de tout l'espace méditerranéen. Un exemple signalé est celui de l'expérience que peuvent partager - sans pour autant exporter des modèles - certains pays dans lesquels des communautés de petites et moyennes entreprises ont été mises sur pied avec succès. C'est ainsi qu'a été soulignée la nécessité de renforcer la coopération Sud-Sud et d'encourager les initiatives récentes en vue de la création d'une zone de libre échange à l'échelle de l'espace arabe.

Il a été relevé que, pour être créateur d'emploi, le projet euro-méditerranéen doit :

  1. être accompagner de mesures visant une réelle convergence économique entre les deux rives de la Méditerranée : cela exige la diminution des écarts salariaux, le lancement d'un " Plan Marshall " financier, et la réduction du poids de la dette qui serait partiellement convertie en participation industrielle, en protection de l'environnement et en promotion et qualification des ressources humaines.
  2. favoriser un apport substantiel de capitaux extérieurs en partant de l'idée que l'argent européen investi en Méditerranée et dans les pays arabes crée prospérité, profit et sécurité pour l'ensemble de la Méditerranée. Des mesures d'accompagnement de ces investissements - notamment des transferts de technologies, de qualification de la main d'oeuvre et de mise à niveau des entreprises - doivent être prises pour que les pays bénéficiaires en tirent pleinement profit.
  3. Aider les Etats méditerranéens à rendre attractif l'espace économique méditerranéen par une politique d'accompagnement concernant à la fois la formation de la main d'oeuvre, le renforcement des infrastructures institutionnelles, administratives, de communication et de transport,
  4. Co-gérer de manière réaliste la question des migrations de manière à éviter le développement incontrôlé des flux irréguliers, étant bien entendu que si les richesses ne vont pas là où sont les hommes, les hommes iront là où sont les richesses. En outre, il a été proposé d'établir une Charte Euro-Méditerranéenne pour définir et protéger les droits des travailleurs migrants.

Le problème de l'emploi est un défi à nos Etats et à nos sociétés sur les deux rives de la Méditerranée. Nous sommes résolus à le relever. Il nous appartient maintenant de poursuivre la réflexion au sein de nos Parlements afin de venir à la Conférence de Tunis avec des propositions consolidées. La stabilité durable en Méditerranée dépendra en effet des réponses concrètes que nous apporterons à ce défi auquel nous sommes confrontés. Pour être applicables et efficaces ces solutions devront être concertées et compatibles."


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