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Conférence parlementaire africaine
LES VIOLENCES CONTRE LES FEMMES, ABANDON DES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES:
LE ROLE DES PARLEMENTS NATIONAUX

Dakar, Sénégal - 4 et 5 décembre 2005

Organisée par l'Assemblée nationale du Sénégal et l'Union parlementaire africaine
en collaboration avec l'Union Interparlementaire (UIP) et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF)

 

DECLARATION FINALE
Adoptée à l'unanimité le 5 décembre 2005

 

Nous, présidents et membres des Assemblées parlementaires d'Afrique du Sud, d'Algérie, d'Angola, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire, de Djibouti, des Comores, de l'Ethiopie, du Ghana, de la Gambie, du Kenya, du Mali, de la Namibie, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, de la Suisse, du Soudan, du Togo et du Royaume-Uni;

Réunis à l'invitation de l'Assemblée nationale du Sénégal, du 4 au 5 décembre 2005, à Dakar, dans le cadre de la Conférence sur le thème « Violences à l'égard des femmes, abandon des mutilations génitales féminines: le rôle des parlements nationaux », organisée par l'Union parlementaire africaine (UPA), avec l'appui de l'UNICEF et de l'Union interparlementaire (UIP);

Heureux de l'opportunité d'information et de dialogue entre les différents acteurs engagés sur la voie de l'abandon de l'excision/mutilation génitale féminine (E/MGF) offerte par cette Conférence;

Convaincus que la culture n'est pas statique, qu'elle est en mouvement perpétuel, s'adaptant et se réformant, également convaincus que les comportements changent lorsque les dangers des pratiques néfastes ont été compris;

Convaincus que l'abandon de l'E/MGF en une génération est un objectif réalisable;

Notant avec préoccupation par ailleurs que l'E/MGF touche encore aujourd'hui 3 millions de filles par an et qu'entre 100 et 140 millions de femmes et de filles à travers le monde ont subi une forme d'E/MGF;

Préoccupés par les effets dommageables et irréversibles, parfois fatals, de l'E/MGF, aux niveaux physique, psychologique et social;

Sachant que l'E/MGF touche les pays africains à divers niveaux et concerne également d'autres pays du monde, dont certains pays d'immigration;

Rappelant que l'E/MGF est une préoccupation universelle, qui constitue une violation des droits humains des femmes et des enfants ainsi qu'une violation de leur intégrité physique, et qu'elle est l'expression d'une inégalité structurelle entre hommes et femmes;

Rappelant que l'E/MGF a été perpétrée de générations en générations par une dynamique sociale qui fait que les choix familiaux sont conditionnés par ceux des autres;

Conscients des liens existants entre le niveau de développement, l'analphabétisme et la pratique de l'E/MGF;

Notant avec satisfaction que les Nations Unies ont adopté le 6 février en tant que Journée internationale de Tolérance Zéro à l'égard des mutilations génitales féminines; Soulignant qu'il n'existe aucune justification religieuse à la pratique de l'E/MGF, et que cette dernière est essentiellement fondée sur des traditions ancestrales;

Saluant la mobilisation accrue des pays africains en faveur de l'abandon de l'E/MGF et la multitude d'initiatives régionales visant l'abandon de cette pratique; Se réjouissant de l'entrée en vigueur du Protocole de Maputo à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur les droits des femmes, qui constitue une avancée significative pour l'abandon de l'E/MGF;

Rappelant que la Convention relative aux Droits de l'Enfant, la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes, la Déclaration des Nations Unies sur l'Elimination de la Violence à l'égard des Femmes, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant; la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Conférence du Caire sur la population et le développement, la Programme d'action de Beijing, et tous les autres textes pertinents en la matière, offrent un cadre juridique international et régional pour l'abandon de l'E/MGF;

Reconnaissant que l'abandon de l'E/MGF ne pourra être réalisé que par un mouvement global faisant intervenir tous les acteurs, tant publics que privés; Déterminés à ne ménager aucun effort pour mettre un terme à l'E/MGF et à atteindre l'objectif de l'abandon de cette pratique en une génération;

Adoptons les recommandations suivantes et nous engageons à les mettre en oeuvre:

Développer une approche multidisciplinaire et inclusive

  1. L'E/MGF touche le coeur de nos sociétés et présente de multiples enjeux; seule une approche multidisciplinaire permettra d'avancer sur la voie de l'abandon des MGF;

  2. Les parlements doivent travailler en synergie avec la société civile, les chefs traditionnels et religieux, les mouvements de femmes et de jeunes et les gouvernements, afin que leurs actions soient complémentaires et coordonnées;

  3. Les stratégies pour l'abandon de l'E/MGF doivent s'inscrire dans le cadre de la promotion des droits humains, du droit à l'éducation, à la santé, au développement, et de la lutte contre la pauvreté.
Cadre international et régional pour l'abandon de l'E/MGF
  1. Les parlements doivent contrôler l'action du gouvernement et s'assurer que les engagements internationaux et régionaux pris par leur pays en tant qu'Etats Parties ou signataires de différents textes internationaux qui protègent les libertés et les droits fondamentaux des femmes et des enfants sont mis en oeuvre au niveau national;

  2. Les parlements doivent s'assurer que ces textes internationaux et régionaux sont traduits dans les langues nationales et largement diffusés auprès des populations et du pouvoir judiciaire;

  3. Les parlements doivent également contribuer à faire adhérer leurs Etats au Protocole de Maputo à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur les droits des femmes, qui renforce les efforts visant à l'abandon de l'E/MGF.
Elaboration et mise en oeuvre de lois pour l'abandon de l'E/MGF
  1. Dans le cadre de l'abandon de l'E/MGF, adopter une loi est une étape importante, hautement symbolique et nécessaire, qui comporte un effet à la fois dissuasif et éducatif; dans ce cadre il est nécessaire de promouvoir des actions de prévention soutenues. La loi doit également prendre en charge l'assistance aux femmes ayant subi l'E/MGF;

  2. Le développement de toute législation sur l'E/MGF doit se faire en consultation avec la société civile, les chefs coutumiers et les guides d'opinion dans le cadre d'une stratégie plus large pour l'abandon de cette pratique. Il est important que tout texte législatif soit diffusé et expliqué. Les communautés et plus particulièrement les femmes doivent être informées par le biais de campagnes de sensibilisation, de communication et d'information sur le contenu de la loi et sur leurs droits en particulier;

  3. La dimension régionale et internationale ne doit pas être oubliée - il est important que l'harmonisation des législations et la coordination des efforts pour l'abandon de l'E/MGF s'organisent au niveau régional et international, afin d'empêcher que les jeunes filles soient envoyées dans des pays frontaliers ou étrangers, où l'E/MGF est pratiquée;

  4. La formation des cadres judiciaires et des forces de l'ordre doit faire partie intégrante des stratégies de mise en oeuvre et d'application de la loi;

  5. Les parlements doivent travailler avec l'ensemble de la profession médicale pour assurer le respect de la loi par le personnel médical et prévenir leur implication dans cette pratique. De plus, les services sanitaires de base, en particulier les services de santé sexuelle et reproductive, doivent être renforcés de façon à assurer aux femmes ayant subi l'E/MGF tous les soins dont elles pourraient avoir besoin. La reconversion des exciseuses doit également être prise en compte par les parlements, et ce dans un cadre général de lutte contre la pauvreté;

  6. Il est important que l'application de la loi soit régulièrement revue et évaluée par les parlements afin de corriger d'éventuels effets négatifs, et d'adapter la législation à l'évolution de la société.
Développement de stratégies nationales
  1. La mise en place de plans d'action nationaux pour l'abandon de l'E/MGF permet d'identifier les différents rôles et responsabilités des acteurs concernés, et d'obtenir une bonne coordination et une bonne complémentarité des efforts. L'adoption d'objectifs clairs, avec un échéancier déterminé, facilite également la synergie entre les différents acteurs.
Adoption de budgets nationaux adéquats
  1. Les parlements doivent veiller à ce que des ressources suffisantes soient affectées, dans les budgets nationaux, à la mise en oeuvre des lois et des plans d'action relatifs à l'abandon de l'E/MGF;

  2. L'élaboration de budgets nationaux prenant en compte les questions de genre permet également de limiter la pratique de l'E/MGF en favorisant par exemple l'éducation et l'alphabétisation des filles, le renforcement des capacités des femmes et des filles et leur accès à la santé. Les parlements devraient analyser systématiquement leur budget national dans une perspective d'égalité entre hommes et femmes afin de résoudre les inégalités et les discriminations.
Changer les mentalités
  1. Les travaux des parlements doivent également s'orienter vers la sensibilisation et le changement des mentalités. De par leur statut social, les parlementaires sont dans une position qui leur permet de traiter les questions sensibles et d'avoir un impact sur l'opinion et les mentalités. Dans ce cadre, les chefs coutumiers sont des alliés précieux. Une action conjointe de sensibilisation avec les chefs traditionnels, coutumiers et religieux et les groupes de femmes et de jeunes au niveau communautaire est déterminante;

  2. La coopération avec les médias s'avère cruciale; les médias modernes et traditionnels doivent être impliqués dans toute stratégie visant l'abandon de la pratique, à travers des campagnes de sensibilisation, de communication et d'information;

  3. Il est impératif de veiller à ce que le message diffusé pour l'abandon de l'E/MGF soit positif, non critique et cohérent. Tous les acteurs concernés doivent parler d'une même voix. Dans ce contexte, tous les parlements sont invités à instituer une distinction honorifique au profit de personnes ou organisations ayant apporté une contribution notable à l'abandon de l'E/MGF;

  4. L'éducation joue un rôle fondamental dans la prévention de l'E/MGF. À cet égard, il est nécessaire de revoir les programmes scolaires de tous niveaux, de sensibiliser les enseignants et de maintenir les filles à l'école jusqu'au niveau supérieur de façon à retarder leur éventuel mariage et peut-être éviter la mutilation génitale qui souvent le précède;

  5. Toute action visant l'abandon de l'E/MGF doit s'accompagner d'initiatives concernant le développement des communautés, en particulier l'amélioration des conditions de vie des femmes et des enfants, et ce dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.
Renforcer le rôle et le fonctionnement du parlement
  1. Une structure parlementaire devrait être chargée de suivre la question de l'E/MGF dans chaque pays concerné, en particulier la mise en oeuvre des Plans d'action nationaux pour l'abandon de l'E/MGF;

  2. Il faudrait organiser régulièrement un débat parlementaire sur cette question afin d'attirer l'attention du public et d'évaluer les progrès réalisés et les difficultés rencontrées, sur la base d'indicateurs clairs et comparables;

  3. Les responsables de commissions nationales s'occupant de la question de l'E/MGF devraient présenter un rapport annuel sur la question, y compris au Parlement;

  4. Les députés doivent faire usage de tous les mécanismes parlementaires à leur portée, y compris des questions écrites et orales au gouvernement.
Coopération internationale et régionale
  1. Il est important de promouvoir et de renforcer la coopération entre les pays africains, les autres pays où l'E/MGF est pratiquée ainsi que les pays d'immigration. Il est fondamental de promouvoir les échanges d'information réguliers et de coordonner les stratégies afin d'harmoniser les approches et les initiatives;

  2. Les travaux des organisations internationales doivent être portés régulièrement à l'attention des Parlements afin de suivre l'évolution des avancées et des enjeux identifiés;

  3. Il est important d'assurer un suivi national des diverses études et recommandations émises par les organismes internationaux. Le Digest Innocenti de l'UNICEF sur l'E/MGF, le rapport à paraître de l'OMS sur cette question et la revue sur les stratégies nationales réalisées par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) doivent être présentés et distribués aux parlements. Enfin, les résultats des études du Secrétaire général des Nations Unies sur la Violence à l'égard des enfants et sur la Violence à l'égard des femmes, qui seront présentés en 2006, devront également faire l'objet d'un débat et d'un suivi dans chaque parlement.

  4. Les parlements devraient être associés au processus de préparation et de célébration de la Journée internationale de Tolérance Zéro à l'égard des mutilations génitales féminines;

  5. Tout en appréciant les efforts déployés par la communauté internationale, il est demandé aux partenaires du développement de continuer à mobiliser des ressources suffisantes et d'apporter une assistance technique visant à soutenir les Etats et leur parlement dans leurs efforts pour l'abandon de l'E/MGF.
Suivi de la conférence

Nous nous engageons à assurer un suivi rigoureux des résultats de la conférence. A ce titre, nous nous engageons à diffuser les délibérations de la Conférence de Dakar au niveau de nos différents parlements;

Nous sommes résolus à renforcer notre coopération avec les organisations internationales spécialisées dans ce domaine;

Nous nous engageons à rendre compte à l'Union parlementaire africaine et à l'Union interparlementaire des progrès réalisés dans la mise en oeuvre de ces recommandations;

Nous demandons aux organisateurs de cette Conférence de transmettre la présente Déclaration à l'Union africaine pour information et pour distribution à la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, qui se tiendra en janvier 2006 à Khartoum, au Conseil Exécutif de l'UA, au Parlement panafricain, et de la transmettre également aux structures parlementaires sous-régionales;

Nous leur demandons, par ailleurs, de la transmettre aux organes compétents de l'Union parlementaire Africaine, de l'UIP, de l'UNICEF ainsi qu'aux organismes du système des Nations Unies et aux autres partenaires;

Enfin nous demandons aux organisateurs de mettre en place, dans les plus brefs délais, un mécanisme opérationnel de suivi des délibérations de la Conférence.

Fait à Dakar le 5 décembre 2005


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