UNION INTERPARLEMENTAIRE PLACE DU PETIT-SACONNEX 1211 GENEVE 19, SUISSE |
Troisième réunion thématique préparatoire Assemblée nationale, Ljubljana (Slovénie), 12 et 13 mars 1999
RAPPORT GENERAL
C'était la première fois que l'Union interparlementaire marquait sa présence dans cette jeune démocratie, devenue membre de notre Organisation en avril 1993, soit peu après son accession à la souveraineté. Cette agréable expérience nous a permis de constater que la réputation de dynamisme des Slovènes n'est pas usurpée et que le processus démocratique prend ici fermement racine. Nous ne pouvons que nous en féliciter et encourager le peuple slovène et ses institutions. J'aimerais manifester notre gratitude particulière au Président du Groupe interparlementaire slovène et de la Réunion, M. Jelko Kacin. Ayant passé près de trois ans à la direction du Ministère de la défense de ce pays, il était particulièrement bien placé pour diriger nos travaux. Nous lui sommes gré de la façon dont il a conduit les débats de ce troisième volet de la préparation de fond de la IIIème CSCM, dont la tenue est inscrite au programme de l'année prochaine. Lors de la brève séance inaugurale qui a précédé les travaux, M. Kacin ainsi que le Président du Conseil interparlementaire, M. Martínez, et le Président de l'Assemblée nationale slovène, M. Podobnik, ont successivement pris la parole. Leurs allocutions ont d'emblée situé nos travaux dans une perspective de paix, de démocratie et de développement durable pour la Méditerranée, qui représentent l'aspiration de l'ensemble de nos peuples. Le Président du Conseil interparlementaire nous a plus particulièrement invités à une réflexion sur la dynamique de coopération multilatérale. Il a rappelé que nos Parlements sont désormais appelés quotidiennement à légiférer sur des questions qui transcendent nos frontières nationales et qu'ils sont de ce fait amenés à jouer un rôle plus déterminant sur le terrain des négociations multilatérales et de la diplomatie. Avec le pouvoir de conviction que nous lui connaissons, il s'est fait l'avocat d'un processus multilatéral où Etat et Gouvernement ne seraient plus abusivement confondus, comme cela est actuellement le cas au sein des institutions interétatiques mondiales. Il a appelé de ses voeux un processus multilatéral plus représentatif de ce que sont nos sociétés, auquel, comme sur le terrain national, les Parlements contribueraient en leur qualité d'institution représentant la société dans toute sa diversité. A cet effet, il nous a incités à engager plus résolument nos Parlements et leur présidence dans l'action de l'Union interparlementaire qui doit véritablement devenir l'instrument de la coopération parlementaire avec les Nations Unies. Le Président du Conseil interparlementaire a aussi appelé notre attention sur l'opportunité de mieux coordonner les initiatives interparlementaires visant à promouvoir la sécurité et la coopération en Méditerranée, qui tendent à se multiplier et il a souhaité que l'Union interparlementaire joue un rôle décisif à cet égard. Nous ne pouvons que le soutenir lorsqu'il souhaite que nos Parlements s'engagent de manière plus cohérente, concertée et responsable dans l'action en faveur de la Méditerranée. Pour en venir plus précisément à l'objet de notre réunion, j'aimerais relever qu'une cinquantaine de membres de 19 Parlements appartenant à la catégorie des participants principaux au processus de la CSCM, cinq participants associés et deux observateurs, ont pris part aux travaux et sont pour la plupart intervenus dans le débat. Le thème qui nous a occupés pendant ces deux jours est complexe et d'une importance majeure pour nos peuples puisqu'il s'agit de " La coopération dans la maîtrise des armements en Méditerranée en vue de prévenir les conflits dans la région ". Nos débats ont été lancés par un expert, M. Vicenç Fisas, qui est titulaire de la chaire de l'UNESCO sur la paix et les droits de l'homme de l'Université autonome de Barcelone, et auquel nous tenons à manifester notre reconnaissance pour la clarté de son exposé et la richesse des idées et recommandations très précises qu'il a présentées, notamment sur la question des armes légères. Il a non seulement su stimuler notre réflexion mais aussi favoriser nos échanges. Nous tenons aussi à remercier M. Hladnik-Milharcic, correspondant du journal slovène Delo au Moyen-Orient, que le Parlement hôte avait spécialement convié à nous faire une communication de fond. Il a principalement axé son intervention sur les sources politiques des conflits armés et la nécessité de bien comprendre le contexte dans lequel ils éclatent et se développent si nous voulons y apporter des solutions durables. Sans prétendre refléter en détail la richesse des interventions, j'en reprendrai ici quelques grands traits, m'efforçant principalement de faire ressortir nos préoccupations et nos recommandations. Il va sans dire que, dans une région comme la Méditerranée où perdurent de nombreux conflits ouverts, une région où le processus de paix au Moyen-Orient est dans une phase critique, une région où existent plusieurs foyers de tension intranationaux et interétatiques, y compris ceux alimentés par des questions relatives aux minorités, une région enfin où perdurent des situations d'occupation étrangère, la question de la maîtrise des armements est primordiale. La menace sérieuse de l'éclatement de nouveaux conflits rend d'autant plus urgente une réflexion sur les moyens de prévenir le recours aux armes et leur prolifération. Aujourd'hui, d'immenses quantités d'armes de toute nature sont disponibles dans notre région et sont accessibles sans véritable entrave aux Etats comme aux groupes irréguliers. En raison des fortes disparités socio-économiques qui la caractérisent, notre région est particulièrement vulnérable aux conflits et nous ne pouvons qu'être terriblement préoccupés par le fait qu'elle est la région qui dispose de la plus forte concentration en armements dans le monde. Nous sommes bien conscients que la prévention des conflits ne saurait être entendue dans un sens étroitement militaire. C'est bien aux racines structurelles de cette situation qu'en notre qualité de parlementaires nous devons nous attaquer en priorité. Il serait en effet vain de traiter le symptôme et de négliger les causes, comme la plupart d'entre nous l'avons relevé. D'évidence, cela présuppose une volonté politique. Force est toutefois de constater que cette volonté politique reste déficiente en Méditerranée. Certains ont tenu à dire que cela tenait plus spécialement au fait que continue d'y faire défaut une véritable politique socio-économique inspirée par le respect mutuel et le dialogue. Que les recommandations que nous avions formulées lors de la Ière Conférence interparlementaire sur la sécurité et la coopération en Méditerranée, à Malaga en 1992, puis à nouveau lors de la IIème CSCM, à La Valette en 1995, restent valables dans leur quasi intégralité, en témoigne. A vrai dire, en quelque sept ans, la situation en matière d'armements en Méditerranée est loin de s'être améliorée. Plusieurs pays Méditerranéens n'ont pas encore ratifié le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et la mise en uvre de cet important instrument international n'est nullement satisfaisante. Il en va de même de la Convention de 1980 sur les armes classiques; de la Convention sur les armes biologiques et bactériologiques et de la Convention sur les armes chimiques. La récente entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel a, par contre, été saluée comme un pas positif; reste maintenant à la mettre pleinement en uvre : nous avons un rôle déterminant à jouer à cet égard et devons nous engager à le jouer. Notamment, nous devons allouer ou susciter les crédits nécessaires au déminage et à la réhabilitation des victimes des mines antipersonnel, dont la présence massive en Méditerranée fait peser une menace constante sur nos populations civiles et entrave notre développement. A cet égard, nous tenons à témoigner notre reconnaissance au Parlement hôte qui nous a offert de visiter le Centre de protection civile et de secours en cas de catastrophe établi à Ig, en Slovénie. Faire de la Méditerranée une région libre d'armes de destruction massive est une nécessité. Cela implique non seulement la destruction de stocks mais aussi un gel sur la production de ces armements. Certains d'entre nous ont réclamé la vérification internationale, voire le démantèlement, des unités de production. En tout état de cause, en tant que parlementaires, nous sommes à même de limiter les ressources allouées à l'acquisition d'armements et d'allouer les sommes ainsi libérées au développement économique et social auquel nos peuples aspirent. Quant à la transparence dans le transfert des armements, elle est loin d'être atteinte. Elle est pourtant déterminante : il ne saurait y avoir d'action efficace dans le domaine des armements tant qu'un état des lieux n'aura pas été fait. Dans notre fonction de contrôle de l'action de l'Exécutif et dans notre optique de développer la dimension parlementaire des Nations Unies, nous devons donc veiller tout spécialement à ce que le registre des armes classiques ouvert par les Nations Unies soit tenu à jour. Plusieurs d'entre nous ont aussi insisté sur l'importance de mesures de vérification mutuelle, soulignant qu'elles sont de nature à renforcer la confiance. Nombre d'intervenants ont aussi appelé à une réduction de l'activité militaire en Méditerranée par l'interdiction des bases et flottes étrangères dans la région. Nous avons aussi appelé à une plus grande transparence s'agissant des activités militaires de routine. A l'instance de l'expert, M. Fisas, nous avons accordé une attention toute spéciale à la question des armes légères. Ces armes auraient fait quelque 26 millions de victimes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et, aujourd'hui, quelque 40 pour cent de leur commerce serait clandestin, ce qui est de nature à nous alarmer. Ces armes sont très aisément accessibles. Une forte proportion d'entre elles, provenant de divers marchés (démobilisation, transformations résultant de la fin de la guerre froide, etc.), échouent en Méditerranée où elles alimentent l'insécurité et l'instabilité. Leur faible coût allié à un maniement relativement aisé et à un transfert facile en font l'outil favori des combattants irréguliers : groupes terroristes, guérillas et mercenaires. Elles sont aussi aux mains des mafias et groupes criminels, de corps de sécurité privés illégaux et de millions de particuliers. Mises à part celles dont disposent les armées et les forces de l'ordre, ces armes échappent ainsi en grande partie à tout contrôle. Elles ont en outre permis l'éclosion chez de nombreux jeunes de la "culture de la Kalashnikov", ce qui montre une fois encore que nous devons accorder une priorité à l'éducation en Méditerranée, y compris l'éducation pour la paix. A cet égard, le rôle des femmes et, d'une autre manière, celui des médias est déterminant. Alors que la plupart des conflits aujourd'hui sont internes et civils, la prolifération croissante des armes automatiques légères a contribué à multiplier les zones de violence en Méditerranée et a rendu ces conflits non seulement plus meurtriers mais aussi plus longs et difficiles à résoudre. Les conséquences humanitaires de cette situation sont incalculables. La disponibilité massive de ces armes et la difficulté de les récupérer après la fin d'un conflit rend en outre la reconstruction politique et économique très difficile. La question des armes légères doit donc retenir tout spécialement notre attention de parlementaires méditerranéens. Il est important que nous veillons à la transparence pour tout ce qui a trait à la production et au commerce de ces armes. C'est là une condition essentielle pour que nos législations en la matière - si elles sont adéquates - soient respectées. Nous sommes convenus de ce que des registres nationaux et régionaux, voire un registre méditerranéen de la production et des exportations des armes légères faciliteraient considérablement le contrôle de ces armements. Conscients de ce que cela aiderait aussi à créer un climat de confiance, nous en recommandons la mise en place. Il est prioritaire que nous adoptions des législations restrictives rendant obligatoire l'obtention d'une autorisation officielle pour l'achat de toute arme à feu. Si nous voulons éviter les détournements et les usages illégaux, il est de même important que nous prévoyons des mécanismes efficaces de vérification de la livraison d'armes légères aux destinataires autorisés de celles-ci. Nous devons aussi agir pour renforcer la capacité de contrôle sur les flux d'armes et aider ceux de nos Etats qui ne disposent pas des moyens économiques et techniques suffisants de le faire, même s'ils ont pris l'engagement de le faire. L'idée d'oeuvrer à l'adoption d'une convention sur les armes légères a retenu toute notre attention. Nous avons noté qu'une campagne mondiale pour l'élimination de ces armes, inspirée de celle qui a abouti à l'adoption de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, sera lancée en mai prochain à La Haye. Il est important que nous nous joignons à cet effort de mobilisation et qu'en notre qualité de représentants des peuples, nous le relayons auprès des institutions politiques nationales et internationales. Dans cette perspective, nous avons salué comme un pas important la mise en place par l'UNESCO à l'Université de Barcelone d'un Bureau de liaison sur les armes légères et recommandons que l'Union interparlementaire assure la diffusion des bulletins réguliers de ce Bureau aux Parlements nationaux. Nous ne pouvons ignorer que les armes légères sont particulièrement utilisées à des fins d'activité terroriste. Ce fléau est une source majeure de préoccupation en Méditerranée et nous avons préconisé de renforcer la coopération interétatique pour y mettre fin. Nous croyons que la mise en place d'un centre-euroméditerranéen de données sur le terrorisme soutiendrait efficacement notre lutte pour contrôler les sources de financement et d'approvisionnement en armes du terrorisme. Nous croyons aussi que l'entraide judiciaire et policière doit être renforcée en Méditerranée s'agissant des activités terroristes. Enfin, nous appelons de nos voeux la tenue d'un sommet mondial sur le terrorisme. Sur le plan parlementaire, nous croyons qu'il serait opportun et utile d'instaurer des mécanismes d'échange et de coopération entre les commissions parlementaires de la défense. Notre objectif commun est de transformer la Méditerranée en une zone de stabilité et de paix. A n'en pas douter, le développement durable et équilibré de tous les pays de la Méditerranée est la clé de cette stabilité, mais elle n'est pas la seule. Il s'agit aussi de renforcer la confiance, la compréhension et le respect entre Etats Méditerranéens et entre peuples Méditerranéens. Nous devons être les bâtisseurs de cette dynamique positive qui est l'objet même de la CSCM. Dans cet esprit, nous souhaitons retenir comme thème d'une prochaine session spécialisée de la CSCM la question du dialogue des civilisations et des religions. L'absence ou les déficiences d'un tel dialogue sont en effet une source constante d'incompréhension et de tension, voire de conflit. Par-delà la Méditerranée, nous recommandons aux organes directeurs de l'Union interparlementaire qu'ils inscrivent la question de la maîtrise des armements, et plus spécialement celle des armes légères, à l'ordre du jour d'une prochaine Conférence statutaire de l'Union interparlementaire, et nous souhaitons qu'ils permettent la mise à disposition à cette occasion de l'excellent rapport à ce sujet présenté par l'expert. La question des armes légères devient en effet l'une des menaces les plus sérieuses sur la paix dans le monde et sur la reconstruction des sociétés récemment sorties d'un conflit. Dans l'esprit des appels que nous a lancés le Président du Conseil interparlementaire, nous nous engageons à présenter le présent rapport de synthèse de nos travaux à nos Parlements et à nos Gouvernements. Dans un esprit de coordination et de complémentarité, nous entendons le porter aussi à l'attention des autres initiatives pour la sécurité et coopération en Méditerranée, notamment celle des Présidents de nos Parlements, dont nous avons noté la Déclaration euroméditerranéenne de Mallorca avec intérêt. Enfin, nous nous engageons à prendre des dispositions pour que nos Gouvernements veillent à en relayer les résultats auprès de la prochaine session de l'Assemblée générale des Nations Unies dans le cadre du point qu'elle examinera à nouveau à ce sujet en 1999. Nous lançons un appel pour que le processus de paix au Moyen-Orient reprenne dynamique dans l'esprit qui a présidé à son instauration. Nous soutenons par ailleurs le Projet Bethléem 2000 de l'Autorité palestinienne, parrainé par l'ONU et qui devrait permettre la rénovation et le développement de cette zone importante de la Méditerranée et contribuer ainsi à la paix. Toutes nos recommandations, qui sont ici résumées de manière non exhaustive, seront présentées à la XIVe session des Représentants des Parties au Processus de la CSCM, qui aura lieu à Bruxelles le 13 avril prochain. Elles alimenteront les travaux de notre IIIe Conférence interparlementaire sur la sécurité et coopération en Méditerranée dont nous espérons qu'elle marquera un pas décisif pour la paix et la stabilité et pour la compréhension mutuelle en Méditerranée.
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