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DISCOURS DU PRESIDENT DE LA CINQUANTE-HUITIEME SESSION
DE L‘ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES
A L’OUVERTURE DE L’AUDITION DE l’UNION INTERPARLEMENTAIRE AUX NATIONS UNIES *


27 OCTOBRE 2003


Monsieur le Président,

Chers collègues parlementaires,

Je suis particulièrement heureux de la possibilité qui m’est offerte, à ce stade initial de mon mandat de président de l'Assemblée générale, de m’adresser à un groupe aussi éminent. J'ai longtemps suivi les activités de l'Union interparlementaire et j’en ai soutenu les buts et objectifs. Je n’ignore rien non plus, M. le Président, du rôle que vous jouez pour que l'UIP conserve son dynamisme et sa pertinence. Parlementaire moi-même pendant plus de 13 années et aactif en politique pendant quelque 35 années, j'ai une sympathie naturelle pour votre action tout en demeurant réaliste quant à la possibilité qu’ont les parlementaires individuellement de faire évoluer les choses. Néanmoins, l'UIP démontre avec éclat que le changement est possible lorsque les individus agissent ensemble pour atteindre des buts communs.

Je me réjouis en outre de l'approfondissement récent des relations institutionnelles entre les Nations Unies et l'UIP. Les Nations Unies ont tout à gagner de l’élargissement de leurs contacts avec diverses organisations internationales et non gouvernementales. Toutefois, il faut souligner, dans ce contexte, que pareils arrangements doivent être mutuellement bénéfiques. Je compte donc sur les Nations Unies pour profiter de la richesse du savoir et de l'expérience que l'UIP apporte à ces relations.

Vous m'avez demandé aujourd'hui d’intervenir sur le thème « Réformer l’ONU en préalable à une plus grande sécurité ». C'est un thème stimulant, notamment parce que le sujet est présenté comme une affirmation plutôt que sous la forme d'une interrogation. Au sens strict, bien sûr, ce n’est pas une affirmation à laquelle tout le monde souscrit - le processus de réforme, après tout, doit être au service du projet et ne pas occuper toute la place. Mais je préfère interpréter le sujet dans un autre sens afin de s’interroger sur le point de savoir si un changement d’attitude de la part des Etats membres ne serait pas un préalable qui permettrait aux Nations Unies d’exercer leurs responsabilités conformément à la Charte.

Reconnaissons d’abord que les Nations Unies traversent une crise de grande ampleur. Les événements ayant conduit à l'invasion de l'Iraq et l'incapacité apparente de l'Organisation à jouer un rôle de premier plan dans la crise submergeant le Moyen-Orient, ont conduit à de vives interrogations sur la situation et le statut de l'ONU. Ces interrogations se sont accentuées récemment mais les doutes sur la capacité de l'ONU à accomplir les fonctions que lui impartit la Charte s’expriment depuis plusieurs d'années. Ces doutes ont conduit à la création, il y a une dizaine d’années, de deux mécanismes onusiens chargés de réfléchir à la réforme du fonctionnement des deux principaux organes de l'Organisation - l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité.

Après plus d’une décennie de débats et d'analyses, des progrès utiles, quoique de portée limitée, ont été accomplis en matière de réforme et de revitalisation de l'Assemblée générale. Par contre, bien peu de progrès, au-delà de la prise de conscience de l’ampleur du problème, ont été enregistrés sur la réforme du Conseil de sécurité. Lorsque j’ai pris mes fonctions de président de l'Assemblée générale, je n’ignorais pas que je devrais prendre l'initiative de faire avancer ces processus à la présidence de ces deux groupes de travail. J’assume ces responsabilités avec le plus grand soin. J'ai décidé lors de mon élection en juin que la réforme de l'ONU constituerait l’une des priorités de ma présidence. Cette pertinence de la réforme a été confirmée durant le débat général qui vient de s’achever. Les uns après les autres, les orateurs ont répété que l'ONU était un outil indispensable. Les Nations Unies et moi-même, en tant que président de l'Assemblée générale, avons été clairement invités à agir. Les Etats membres ont réaffirmé leur attachement à l'Organisation tout en exigeant qu'elle s'adapte à la réalité contemporaine. La première tâche à accomplir est celle de la réforme de l'Assemblée générale.

A l’instar des parlements nationaux, l'Assemblée générale a une multitude de rôles fixés par la Charte et par la pratique des 58 dernières années. Ces rôles de l'Assemblée générale sont interprétés par les pays de diverses manières : un forum pour faire connaître dans le monde entier des enjeux intérieurs ou régionaux; une assemblée démocratique où le faible peut faire face au fort en employant l’arme de l’égale souveraineté que lui confère la Charte; une instance chargée de formuler des politiques sur la multitude des enjeux mondiaux; enfin, une assemblée chargée de prendre des décisions pratiques propres à améliorer le travail de l'Organisation.

Ces perceptions différentes font de la réforme un difficile exercice de conciliation. Il va de soi que les Etats membres mettent plus volontiers et plus rapidement en oeuvre les résolutions lorsque celles-ci tiennent compte des préoccupations qui sont les leurs. Mais tout parlement national, même lorsqu’il prend les décisions les plus controversées, compte sur l’Exécutif pour les faire appliquer. Or l'Assemblée générale est dépourvue d’un Exécutif. Ses décisions n'ont pas force de loi. Leur mise en oeuvre dépend du poids politique et moral que l’on y attache.

Pour ma part, je crois que le moment est venu de relancer avec détermination le débat sur la réforme. Immédiatement après notre réunion, j’irai présider le débat plénier sur le thème de la « revitalisation des travaux de l'Assemblée générale ». J'annoncerai un plus tard dans la journée mon choix des « facilitateurs », des représentants permanents que je chargerai d'assumer la responsabilité concrète de négocier certains aspects clefs d'un ensemble négocié de conclusions. Je demanderai à tous les Etats membres de faire preuve à la fois d'imagination, en proposant des solutions, et de souplesse pendant le processus de négociation.

La réforme attendue de ce processus complexe ne changera pas la nature fondamentale des relations internationales mais, si elle aboutit, elle pourrait transformer l'Assemblée générale en un instrument plus à même de garantir le consensus et d’assurer la mise en oeuvre de ses décisions. Nous cherchons à faciliter l’édification d'un « parlement mondial » plus efficace dans son processus décisionnel et plus apte à prendre des décisions concrètes. Avant tout, nous voulons une Assemblée générale des Nations Unies dont les décisions sont respectées et ont une influence décisive sur les actions des Etats membres.

L'élargissement du Conseil de sécurité et une démocratisation plus poussée de son mode de fonctionnement constituent le deuxième grand défi de la réforme. La réforme du Conseil de sécurité diffère de la réforme de l'Assemblée générale de façon singulière. Globalement, les Etats membres sont conscients de la nécessité de réformer l'Assemblée générale mais ils ne se sont pas mis d’accord sur le cadre où elle devra s’inscrire. Par contre, si la plupart des Etats membres souscrivent à la nécessité de réformer le Conseil de sécurité et admettent généralement que cette réforme doit aboutir à un élargissement du Conseil dont les membres passeraient de 15 à un nombre compris entre 20 et 25, et que la composition du Conseil doit être plus représentative géographiquement, ils ne savent pas comment y parvenir car il y a de grandes divergences de vues quant à l’effectif exact d’un futur Conseil, à l’ajout de nouveaux membres permanents et au maintien du rôle du veto.

Je lancerai le processus de négociations sur la réforme du Conseil de sécurité à la mi-novembre. Je reconnais bien volontiers que c'est une tâche complexe et que les positions, dans bien des cas, sont difficilement conciliables. Mais je crois percevoir que la majorité des Membres est en faveur de la réforme du Conseil de sécurité et souhaite qu’elle intervienne le plus tôt possible. Je nommerai des facilitateurs pour m'aider dans cette tâche.

J'entends tester les marges de manœuvre sur ce dossier à ce stade. Comme pour la réforme de l'Assemblée générale, j’inviterai les Etats membres à faire preuve de souplesse dans la négociation et à être attentifs à la nécessité d’agir au service de la communauté internationale tout entière.

Une Organisation des Nations Unies restructurée ne résoudra pas les problèmes du monde entier, mais elle pourra susciter un soutien plus résolu à des propositions crédibles et voir ses actions investies d’un plus grand poids politique.

Le résultat du processus de réforme pourrait être une modification de la Charte des Nations Unies. En pareil cas, les parlements nationaux devront jouer leur rôle car un amendement à la Charte doit être ratifié par les deux-tiers des Membres soit, aujourd’hui, 128 pays dont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité.

Etant moi-même issu de la vie parlementaire, je peux imaginer les obstacles inhérents à ce processus. Mais je ne doute pas qu'une fois un accord sur les réformes atteint ici à New York, il sera considéré comme un résultat légitime et valable dans le monde entier et qu’il sera approuvé par les pays que vous représentez ici aujourd'hui.

Je vous remercie de l’occasion qui m’a été offerte de m’exprimer devant vous et je souhaite un franc succès à vos travaux.

* Traduction UIP



Discours
Président
58ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies