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RAPPORT ET RECOMMANDATIONS DU COMITE
1. Le Comité chargé de suivre la situation à Chypre a tenu sa XIVème session à Windhoek du 7 au 9 avril 1998. Ont pris part à la session : M. H. Kemppainen (Finlande), Président, M. J. Baumel (France), Vice-Président, Sir Peter Lloyd (Royaume-Uni), Mme Y. Loza (Egypte), M. L. McLeay (Australie) et M. S. Pattison (Irlande). 2. Le Comité a analysé l'évolution de la situation concernant Chypre et sur l'île depuis septembre 1997, date de son dernier rapport sur la question au Conseil interparlementaire. A cet effet, selon sa pratique constante, il a examiné des informations reçues par écrit et procédé à trois auditions. 3. Le Comité a entendu séparément le mardi 7 avril 1998 :
4. Selon sa pratique, le Comité a entendu conjointement, également le mardi 7 avril 1998, les représentants ci-après des Parlements des trois Puissances garantes établies par le Traité de garantie de 1960 :
5. Le Comité était saisi de mémoires et de
communications soumis par les représentants des deux communautés
sur l'évolution de la situation concernant Chypre et sur
l'île depuis septembre 1997, de mémoires soumis par
les représentants des trois Puissances garantes sur les
événements survenus à Chypre et concernant
l'île depuis septembre 1997 et d'informations sur la mission
de bons offices du Secrétaire général de
l'ONU concernant Chypre ainsi que sur l'état d'avancement
de la demande d'adhésion de la République de Chypre
à l'Union européenne. Le Comité a aussi tiré
profit d'une réception généreusement offerte
le 7 avril par Mme Loza, et à laquelle ont pris
part tous les interlocuteurs du Comité ainsi que le Secrétaire
général adjoint aux affaires politiques de l'ONU.
II. PRINCIPAUX ASPECTS DE L'EVOLUTION DE LA SITUATION DEPUIS SEPTEMBRE 1997 6. Les faits les plus marquants survenus au cours des six derniers mois sont la décision prise par le Conseil européen en décembre 1997 d'entreprendre avec la République de Chypre des négociations relatives à son adhésion sur la base de la demande d'admission déposée le 4 juillet 1990, ainsi que la mise en route effective du processus le 30 mars 1998. Le Conseil a décidé de convoquer une conférence intergouvernementale bilatérale au printemps de 1998 pour commencer les négociations avec Chypre sur les conditions de son entrée dans l'UE et les ajustements statutaires correspondants. 7. En décembre 1997, l'Union européenne a une nouvelle fois rappelé son point de vue* : " L'adhésion de Chypre devrait se faire au bénéfice de toutes les communautés et contribuer à la paix civile et la réconciliation. Les négociations d'adhésion faciliteront la recherche d'une solution politique au problème de Chypre dans le cadre des pourparlers qui doivent se poursuivre sous l'égide de l'ONU en vue de créer une fédération bicommunale et bizonale ". Le Comité est toutefois contraint de constater que la décision de l'UE a fait monter la tension à Chypre ainsi qu'entre la Turquie et la Grèce. 8. La partie Chypriote turque - soutenant que le Gouvernement de la République de Chypre n'est pas représentatif de l'ensemble de la population de l'île et qu'il n'a aucune légitimité pour parler au nom des Chypriotes turcs dès lors que, depuis 35 ans, ceux-ci ne participent pas aux institutions de la République - boycotte le processus d'adhésion à l'UE et refuse toute participation, aux conditions proposées, de Chypriotes turcs aux travaux de l'équipe Chypriote qui négocie avec l'UE. Selon elle, la décision de l'UE n'a fait que réduire à néant le cadre d'un règlement fédéral mis au point grâce au processus de négociations intercommunautaires et, " en allant à l'encontre des paramètres de l'ONU, a vidé de son sens la mission de bons offices du Secrétaire général de l'ONU ". 9. La partie Chypriote turque réitère que Chypre ne peut pas devenir membre d'une organisation internationale dont la Turquie et la Grèce ne font pas partie et " s'élève contre l'adhésion à l'UE avant le règlement du problème de Chypre ". Dénonçant toute mesure tendant à " ramener le statut du peuple Chypriote turc à celui d'une minorité ", elle exige que les négociations concernant le problème de Chypre se déroulent désormais " entre deux Etats ". Il convient cependant de rappeler avec force que la communauté internationale ne reconnaît pas l'Etat autoproclamé de la " République turque de Chypre-Nord (RTCN) " et que le seul cadre pour le règlement du problème de Chypre est celui défini par l'ONU, à savoir : un Etat de Chypre doté d'une souveraineté, d'une personnalité internationale et d'une citoyenneté uniques, son indépendance et son intégrité territoriale étant garanties, et composé de deux communautés politiquement égales, telles qu'elles sont décrites dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, au sein d'une fédération bicommunautaire et bizonale, et un tel règlement doit exclure l'union, en totalité ou en partie, avec un pays, ou toute forme de partition ou de sécession. 10. Dans ce contexte, des menaces d'union de la partie nord de Chypre à la Turquie ont été répétées, et des mesures tendant à donner suite à la Déclaration commune du 6 août 1997 établissant un Conseil d'association entre la Turquie et la " RTCN " non reconnue ainsi qu'au Protocole de coopération qui a suivi en date du 12 janvier 1998, ont été engagées. Ce serait manifestement contraire au Traité de garantie de 1960 et au cadre de règlement établi par l'ONU. 11. A l'opposé, la Grèce déclare qu'elle " ne considère pas la solution du problème chypriote comme une condition préalable à l'adhésion de Chypre à l'UE, même si [elle] espère vivement que Chypre rejoindra l'Union en tant que fédération unie, bizonale et bicommunautaire. A défaut, Chypre dans sa totalité deviendra officiellement membre de l'Union européenne ". Elle maintient que l'adhésion de Chypre à l'UE s'inscrit intégralement dans le cadre de l'élargissement général européen et s'oppose " à toute tentative qui viserait à établir une distinction, pour des raisons politiques, entre Chypre et son gouvernement et les autres pays candidats à l'élargissement ". Elle soutient que " la perspective de l'adhésion à l'UE offre une occasion unique de résoudre le problème politique de l'île ". Elle affirme que " l'adhésion de Chypre va bénéficier avant tout aux Chypriotes turcs ", et que " protégés par de solides garanties institutionnelles, les Chypriotes turcs prospéreraient dans une République fédérale démilitarisée qui serait membre de l'UE. Un vaste réseau d'institutions européennes régies par les principes de l'UE favoriserait la sécurité, protégerait le patrimoine national, culturel et religieux de l'ensemble des Chypriotes et susciterait un intérêt commun pour la viabilité de la fédération ". Ces vues sont pleinement partagées par la délégation de la République de Chypre. 12. En décembre 1997, le Conseil européen a établi les principes et critères ci-après pour d'éventuels nouveaux membres : " un engagement commun en faveur de la paix, de la sécurité et du bon voisinage, du respect de la souveraineté des autres pays et des principes fondateurs de l'Union européenne, de l'intégrité et de l'inviolabilité des frontières extérieures et des principes du droit international, ainsi qu'en faveur du règlement des différends territoriaux par des moyens pacifiques, en particulier en les portant devant la Cour internationale de justice de la Haye. Les pays qui souscrivent à ces principes et respectent le droit de tout pays européen satisfaisant aux critères fixés pour adhérer à l'Union européenne, et partagent l'engagement de l'Union d'édifier une Europe exempte des divisions et des difficultés du passé seront invités à prendre part à la Conférence ". Le Conseil a en outre considéré qu'alors que " les critères politiques et économiques permettant d'accéder aux négociations [n'étaient] pas satisfaits " en ce qui concerne la Turquie, " le renforcement du lien entre la Turquie et l'Union européenne dépend aussi du ... soutien de ce pays aux négociations sur un règlement politique de la question chypriote conduites sous l'égide de l'ONU, relatives à un règlement politique à Chypre sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies ". 13. En décembre 1997, le Conseil européen a demandé que le " Gouvernement de Chypre comprenne des représentants de la communauté Chypriote turque dans la délégation chargée de négocier l'adhésion, comme il s'y était montré disposé. Les contacts nécessaires seront pris par la Présidence et la Commission à cet effet "*. Les réponses des deux parties ont été les suivantes :
14. Le Comité prie instamment l'UE de poursuivre ses efforts pour associer la communauté Chypriote turque aux négociations d'adhésion sur la base du cadre de règlement convenu établi par l'ONU, qui reconnaît l'existence de deux communautés politiquement égales.
15. Par ailleurs, la livraison par la Fédération
de Russie du système de défense anti-aérienne
S300 acheté en 1996 par la République
de Chypre n'a pas été annulée. Ce fait est
extrêmement préoccupant car, comme l'expliquent les
rapports antérieurs du Comité, cet achat a suscité
des tensions considérables entre Chypriotes grecs et Chypriotes
turcs et entre la Grèce et la Turquie, et la Turquie a
menacé de recourir à la force pour prévenir
le déploiement de cet armement. A plusieurs reprises, l'Union
interparlementaire a exhorté le Gouvernement de la République
de Chypre à " revenir sur sa décision
concernant l'achat et le déploiement de missiles anti-aériens
16. Aucun progrès n'a été enregistré en ce qui concerne le retrait des troupes turques de la partie nord de Chypre. En outre, le dialogue sur les questions militaires mené au dernier trimestre de 1997 entre les deux dirigeants chypriotes sous les auspices de l'UNFICYP n'a produit aucun résultat, chacune des parties rejetant sur l'autre la responsabilité de cet échec. A l'évidence, ces faits sont extrêmement préoccupants étant donné que la démilitarisation progressive de l'île - qui est probablement la région du monde la plus militarisée actuellement - devrait être une priorité, comme le Conseil de sécurité de l'ONU et le Conseil interparlementaire l'ont indiqué à maintes reprises, parce qu'ils sont convaincus que le progrès vers un règlement politiquement négocié passe par un progrès dans ce domaine aussi. 17. En fait, depuis septembre 1997, divers incidents et faits nouveaux se sont produits qui ont contribué à une nouvelle escalade de la tension politique et militaire et exaspéré les Chypriotes dans les deux parties de l'île.
18. En septembre 1997, le Conseil interparlementaire avait eu la satisfaction de noter quelque progrès dans les contacts au niveau de la société civile, en particulier entre les chambres de commerce, les organisations professionnelles et les syndicats et les organisations non gouvernementales, et il en avait fortement encouragé la poursuite comme moyen d'apaiser la tension et d'instaurer la confiance indispensable au progrès vers un règlement négocié. Le Comité a cependant noté avec une vive préoccupation des allégations que " M. Denktash était revenu à une attitude d'obstruction totale " et avait suspendu les contacts intercommunaux, et que les autorités Chypriotes turques exigeaient de toutes les personnes se rendant au nord qu'elles présentent un passeport ou une carte d'identité et acquittent des frais de visa. 19. En septembre 1997, le Conseil interparlementaire avait une fois de plus encouragé tous les partis politiques de Chypre à poursuivre et développer leur pratique de tenir des réunions conjointes. Il n'a pu que constater cependant que, dans le contexte actuel, aucun progrès n'avait été réalisé, ce qui est d'autant plus regrettable que de tels contacts politiques seraient particulièrement bienvenus et décisifs pour aider à combler le fossé actuel. 20. Les représentants de la République de Chypre ont dénoncé la " destruction systématique du patrimoine culturel et religieux " dans le nord de Chypre, notamment les plans visant à transformer en hôtel le monastère arménien de Saint Makar. Les représentants Chypriotes turcs ont donné au Comité l'assurance que la question était attentivement examinée. Le Comité demande instamment l'abandon de ce projet qui, pour des raisons religieuses ou pour d'autres raisons, heurte les sentiments des Chypriotes. 21. Un point positif toutefois : la question des personnes disparues puisque, le 23 janvier 1998, un échange d'informations a eu lieu entre les représentants des deux parties en présence du Représentant spécial adjoint du Secrétaire général de l'ONU à Chypre et que des mesures ont ensuite été prises pour nommer le troisième membre du Comité des personnes disparues à Chypre. Le Comité ne peut qu'espérer que cette douloureuse question sera finalement élucidée. 22. Enfin, il convient de mentionner qu'une intense activité diplomatique a été déployée au cours des derniers mois pour sortir de la dangereuse impasse actuelle : le Conseiller spécial pour Chypre du Secrétaire général de l'ONU, M. D. Cordovez, s'est rendu à Athènes, Ankara et Nicosie en novembre 1997 et de nouveau au mois de mars 1998; une nouvelle visite est prévue en mai. Le Représentant pour Chypre de la Présidence de l'Union européenne, Sir David Hannay, le Représentant de la Fédération de Russie, M. Chisov, et les Représentants des Etats-Unis d'Amérique, MM. Holbrooke et Miller, se sont également rendus à Chypre.
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