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Extraits d'une étude publiée par l'Union interparlementaire:

"Les Femmes dans les Parlements :
1945-1995"

LE SUFFRAGE FEMININ ET L'ACCES DES FEMMES
AU PARLEMENT ET A LA PRESIDENCE DE CELUI-CI

Le Tableau N° I (...) permet d'embrasser d'un seul regard plusieurs informations clés. Pour la quasi-totalité des 186 pays mentionnés dans l'étude, il fournit la date à laquelle l'institution parlementaire a été fondée, et pour les 123 pays ayant accédé à la souveraineté après 1945, on y trouvera en outre la date de leur accession à la souveraineté, que celle-ci résulte d'un processus de décolonisation, ou de la dissolution de la fédération dont ils faisaient partie. Ces dates pourront être examinées au regard de celles auxquelles le droit des femmes de voter et d'être élues a été consacré par la législation nationale ainsi que de la date à laquelle les femmes ont fait leur entrée au Parlement, par élection ou nomination, et d'une information quant à l'exercice éventuel de la présidence de l'assemblée par une femme. En complément de ces informations, on trouvera dans le Tableau N° II (pp. 21 à 25) le calendrier mondial et régional de la reconnaissance aux femmes des droits de voter et d'être élues, entre 1788 et 1995.

Le Tableau N° I pourra être consulté aussi bien horizontalement, pour analyser l'évolution qui s'est produite dans un seul et même pays, que verticalement, pour procéder à des comparaisons entre les pays. Quant au Tableau N° II, il pourra être consulté en prenant pour référence aussi bien les dates que les régions. Il devrait ainsi être possible de faire une lecture assez originale de l'évolution du mouvement en faveur du suffrage féminin et de la trajectoire électorale et parlementaire des femmes, dont les notes ci-après ne constituent qu'un aperçu qui est loin d'être exhaustif.

* * *

I. BREF HISTORIQUE DE LA RECONNAISSANCE AUX FEMMES DES DROITS DE VOTER ET D'ETRE ELUES

Exprimer librement ses options politiques personnelles au moyen du bulletin de vote ou briguer un mandat populaire sont deux actes qui, à la veille du XXIe siècle, figurent parmi les expressions les plus symboliques de la liberté démocratique. Depuis 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme qu'il s'agit de deux droits fondamentaux de la personne humaine, sans distinction de sexe, de race ou de condition. Il n'en a pourtant pas été toujours ainsi.


1. Une longue course d'obstacles encore inachevée

Historiquement, il ne fait aucun doute que l'accès au suffrage est lié à une vision élitiste de la société. La meilleure des preuves en est que, pour la grande majorité des habitants de la planète, hommes ou femmes, l'obtention des droits électoraux est le résultat d'une âpre lutte signifiant une victoire sur les préjugés sociaux ou raciaux et, dans bien des cas, une victoire sur l'oppression coloniale. Quant aux femmes, si elles ont subi les mêmes vicissitudes que les hommes, il leur a fallu surmonter un obstacle supplémentaire : les préjugés sexuels des hommes. Dans bien des pays, les droits de voter et d'être élues leur ont dès lors été concédés bien plus tard qu'aux hommes - d'ailleurs seuls arbitres en la matière - et souvent par étapes.

Il n'est pas rare que, dans un premier temps, seules aient été admises à exercer les droits électoraux les femmes pouvant faire état d'un certain niveau de revenus et/ou d'instruction, voire les femmes ayant un certain statut marital et social (épouse, veuve ou fille de militaire, par exemple), ou les femmes de race blanche. Parfois, les femmes ont d'abord été autorisées à exercer les droits électoraux au niveau local mais pas au niveau national. En feuilletant les fiches par pays, on constatera que des préliminaires ont ainsi été imposés par loi au moins dans les pays suivants : Afrique du Sud, Argentine, Australie, Bahamas, Belgique, Bolivie, Canada, Chili, Equateur, Grèce, Irlande, Japon, Kenya, Norvège, Panama, Portugal, République arabe syrienne, Roumanie, Royaume-Uni, Samoa, Suède, Tunisie, Turquie et Zimbabwe.

Dans certains pays, il continue d'être impossible aux femmes de participer aux élections, aussi bien en tant que simples électrices qu'en qualité de candidates. Ainsi, les Constitutions du Koweït et des Emirats arabes unis (deux pays dotés d'une institution législative au moment de la présente étude) prévoient l'égalité de tous les citoyens mais réservent aux hommes le droit de devenir membres de cette institution. De même, lorsqu'en décembre 1973 le Bahreïn s'est doté d'un pouvoir législatif (suspendu par décision de l'Emir depuis le 26 août 1975), seuls les hommes ont été autorisés à exercer les droits de voter et d'être élus alors que la Constitution de décembre 1973 prévoit l'égalité en droit de tous les citoyens.

D'autres Etats qui ne se sont encore jamais dotés d'une institution ayant des pouvoirs législatifs et de contrôle sur l'Exécutif, mais qui ont fait un pas encourageant dans cette voie en créant un organe consultatif nommé, donnent malheureusement des signaux qui le sont bien moins puisqu'il semblerait qu'aucun de ces organes consultatifs ne comprenne des femmes.

2. Le XXe siècle, siècle du suffrage féminin

Comme on vient de le voir, en cette fin de XXe siècle, la législation de la quasi-totalité des pays de la planète consacre sans restriction le droit des femmes de voter et d'être élues et le Tableau N° II montre que, à de rares exceptions près, l'histoire du suffrage féminin se confond avec le XXe siècle. Il met aussi en évidence que, pour les pays ayant connu le joug colonial, l'accès au suffrage des populations autochtones est bien souvent contemporain de la décolonisation et, lorsqu'il a précédé celle-ci, il n'est pas rare que cela ait répondu à une nécessité politique conjoncturelle de la puissance coloniale.

Les deux pays à avoir, les premiers, reconnu aux femmes les droits de voter et d'être élues sont la Nouvelle-Zélande en 1893 et l'Australie en 1902, mais il s'agissait alors d'une catégorie bien précise et minoritaire de femmes : celles de souche européenne. A des milliers de kilomètres de là, en Suède, un mouvement pour l'octroi aux femmes du droit de voter au niveau local avait déjà été amorcé en 1862, mais ce n'est qu'en 1918 qu'il a véritablement abouti, avec la reconnaissance du droit des femmes de participer à tous les scrutins, aussi bien locaux que nationaux, et c'est finalement en 1921 qu'il a trouvé sa consécration dans la Constitution.

On peut affirmer que, bien auparavant, en 1788, la Constitution des Etats-Unis d'Amérique avait reconnu aux femmes le droit d'être élues au Congrès, mais cette reconnaissance était en fait plus implicite qu'explicite puisque le texte consacrait le droit de "toute personne" de se porter candidate. Si l'on admet que, dans l'esprit du législateur, le mot "personne" englobait les femmes autant que les hommes, qui oserait affirmer que, dans les Etats-Unis d'Amérique de 1788, le mot "toute" visait (non seulement de jure mais aussi de facto) les personnes de toutes les races ? En tout état de cause, ce n'est que bien plus tard, le 26 août 1920, que la loi a reconnu explicitement aux femmes le droit de voter et celui d'être élues au Congrès.

Entre-temps, l'ensemble des pays nordiques avaient su faire fi des préjugés sexuels et reconnaître aux femmes la maturité politique qui leur était déniée partout ailleurs dans le monde.

Dès le 20 juillet 1906, en Finlande (alors partie de l'Empire russe), les femmes de toutes conditions se voient reconnaître sans restriction le droit de voter et d'être élues. Entre 1907 et 1915, les Norvégiennes, les Danoises et les Islandaises leur emboîtent le pas. Sans doute sous cette impulsion, s'amorce alors dans toute l'Europe (interprétée dans cette étude de 1995 comme étant formée des pays membres de l'OSCE) un mouvement de fond conduisant à la concession aux femmes des droits électoraux. Comme signalé précédemment, malgré l'ingrate lutte menée jusque dans la rue par les "suffragettes", les droits électoraux ne sont parfois concédés que partiellement, sous condition et avec des restrictions, mais un premier pas est au moins franchi, menant tôt ou tard à la reconnaissance pleine et entière de la capacité des femmes de toutes conditions et origines de voter et de briguer un mandat électif.

Le Liechtenstein est, en 1984, le dernier pays européen à permettre aux femmes de participer aux consultations nationales aussi bien comme électrices que comme candidates. En tout, il aura fallu quelque 80 ans pour que la législation de l'ensemble de l'Europe concède les pleins droits électoraux aux femmes. Restait désormais aux femmes à surmonter les préjugés culturels et des pratiques politiques fortement enracinés dans les mentalités et parfois tenacement hostiles à leur entrée sur le terrain de la politique.

Dans les Amériques, le processus d'accès des femmes aux droits électoraux est quasiment parallèle à celui engagé en Europe, même s'il marque des accélérations et des répits à des moments différents et se conclut plus tôt. Ainsi, au Canada, le processus de reconnaissance aux femmes des droits électoraux s'amorce dès 1917 : dans un premier temps, seules sont autorisées à exercer ces droits les femmes membres des Forces armées canadiennes ou ayant un proche dans leurs rangs, mais dès 1920 ils sont étendus aux femmes de toutes conditions... mais pas de toutes races cependant : la population autochtone indienne devra attendre 1950 pour que soit levée la restriction faisant obstacle à sa participation aux consultations nationales. Entre-temps, c'est à Sainte-Lucie que s'amorce, en 1924, le mouvement d'octroi des droits électoraux aux femmes des Caraïbes. Il ne tarde pas à gagner le Sud du continent et on peut affirmer que, à la fin des années 1960 (soit quelque 35 ans plus tard et près d'un quart de siècle avant l'Europe), la législation de tous les pays latino-américains et caribéens reconnaît aux femmes de toutes origines ethniques et de toutes conditions le droit de voter et d'être élues. Comme en Europe, le processus n'aura pas toujours été facile et, on le verra en consultant les fiches par pays, il aura parfois fallu passer par plusieurs étapes avant que la loi ne concède les pleins droits électoraux à toutes les femmes. Restait aussi, comme en Europe, à assurer la pleine information de toutes les femmes sur l'existence de ces droits et les modalités de leur exercice, et restait en outre à surmonter les résistances culturelles ainsi que des pratiques politiques établies de longue date sans qu'elles aient été consultées.

Dans les autres régions du monde, le processus d'accès des femmes aux droits électoraux a été généralement engagé plus tard qu'en Europe et dans les Amériques, mais il s'est parfois conclu plus rapidement.

En Afrique subsaharienne, le processus de reconnaissance aux femmes des droits électoraux a le plus souvent accompagné celui de la décolonisation et en a été l'une des expressions mais, dans certains cas, il a été contemporain de la même démarche en métropole. C'est avec le Sénégal et le Togo en 1945, puis le Libéria et le Cameroun en 1946, et enfin le Niger et les Seychelles en 1948 que commence l'histoire des droits électoraux des femmes africaines. Suivent, entre 1952 et 1989 (année de l'accession de la Namibie à la souveraineté), la quarantaine des autres Etats actuels du continent. L'Afrique du Sud fait figure de pays à part puisque trois dates, symboliques de son évolution sociale et raciale, marquent l'accès des femmes aux droits électoraux : le 21 mai 1930 pour les femmes de race blanche, le 30 mars 1984 pour les métisses et les indiennes, et enfin le 14 janvier 1993 pour les femmes (mais aussi les hommes) de race noire. Au total, il aura fallu près d'un demi-siècle à la fois pour achever le processus de décolonisation et parvenir à la reconnaissance légale des droits électoraux des femmes de tout le continent. Du droit à la pratique, et du droit à la conscience électorale, il peut néanmoins y avoir un certain décalage. Il va sans dire qu'aujourd'hui encore, en Afrique comme d'ailleurs dans la plupart des autres régions du monde, la citadine est généralement mieux informée de ses droits que la femme rurale, surtout si elle a reçu une formation scolaire, et qu'au-delà de l'information, elle est souvent plus affranchie que la paysanne de la brousse des préjugés culturels ou des tabous tribaux qui font obstacle au libre exercice des droits de voter et de se présenter comme candidate au Parlement.

En Asie, c'est la Mongolie qui, en reconnaissant les droits électoraux des femmes dès le 1er novembre 1924, fait figure de pionnière. Il faut ensuite attendre la décennie 1930-1940 pour que les choses changent à Sri Lanka (1931), en Thaïlande et aux Maldives (1932), en Birmanie (actuel Myanmar - 1935) et aux Philippines (1937). C'est seulement après la fin de la deuxième guerre mondiale que les femmes de la plupart des autres pays asiatiques accèdent aux droits de voter et d'être élues; ainsi, le géant de la région, la Chine, concède ces droits aux femmes le 1er octobre 1949, suivie quelques mois plus tard par l'Inde. De ce fait, le continent asiatique avec le Bangladesh, dernier-né des Etats indépendants de la région, parachève le processus le 4 novembre 1972, soit près de 50 ans plus tard, et 12 ans avant l'Europe.

Dans le Pacifique, mis à part les deux pionniers mondiaux mentionnés précédemment, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, c'est seulement durant la décennie 1960 que les divers Etats de la région commencent, non seulement à accéder à l'indépendance mais aussi à reconnaître, parfois en plusieurs étapes, le droit des femmes de voter et d'être élues. Le processus se conclut en 1990, avec la reconnaissance des droits électoraux aux femmes de Samoa, presque 30 ans après l'accession de l'archipel à la souveraineté. Entre-temps, le dernier-né des Etats souverains de la région, Palaos, avait déjà reconnu les droits électoraux aux femmes en 1979.

Durant la même période, un processus s'amorce dans les pays arabes. Dès 1946, les femmes ont le droit de voter à Djibouti; en 1953, la Syrie leur reconnaît les droits de voter et d'être élues, puis, en 1956, l'Egypte, la Somalie et les Comores inscrivent à leur tour ces deux droits dans leur loi, suivis en 1959 par la Tunisie, en 1961 par la Mauritanie et, à dater de l'indépendance, par l'Algérie (1962). Suivent le Maroc (1963), la Libye et le Soudan (1964), le Yémen (1967 au Sud et 1970 au Nord), la Jordanie (1974) et l'Iraq (1980). Enfin, en 1986, les femmes de Djibouti obtiennent aussi le droit d'être élues. Par contre, comme signalé précédemment, le Koweït et les Emirats arabes unis continuent de nier aux femmes la capacité de participer, directement ou par l'entremise des représentants de leur choix, à la gestion de la chose publique.

3. Les facteurs sous-jacents

Le Tableau N° I et les quelques informations qui précèdent montrent à quel point il est difficile de dissocier les dates du suffrage féminin des événements historiques et politiques qui ont affecté la vie des nations et marqué leur évolution.

D'autre part, l'analyse de l'octroi aux femmes des droits électoraux serait sans doute plus complète et nuancée s'il était possible de prendre en compte une série de facteurs non quantifiables en dates et chiffres mais néanmoins décisifs, tels que les moeurs correspondant aux diverses cultures et leurs pratiques et traditions eu égard à la hiérarchie sexuelle et à la division des tâches entre l'homme et la femme. Les sociétés des Iles du Pacifique Sud ont, on le sait, des traditions bien différentes de celles des pays du Moyen-Orient et la tradition de ceux-ci n'est guère comparable à celle des pays nordiques qui, à son tour, n'a rien à voir avec celle de la Chine ou de l'Amérique latine. Comment douter que ces facteurs aient été présents au moment d'inscrire dans la législation les droits des femmes de voter et d'être élues et qu'ils demeurent vivaces au moment de se présenter aux urnes.

II. L'ACCES DES FEMMES AU PARLEMENT

Si les résistances à l'octroi aux femmes des droits électoraux ont été fortes, que dire des obstacles qu'elles ont rencontré pour accéder à l'institution parlementaire et ensuite pour y exercer des responsabilités ?

En examinant le Tableau N° I, on constatera qu'il n'est pas rare que plusieurs années ou décennies, voire même plusieurs siècles, se soient écoulés entre la date de la fondation du Parlement national et celle à laquelle une femme est devenue membre de cette institution.

C'est dans les pays qui ont une longue tradition parlementaire en Europe et dans les Amériques (abstraction faite ici des vicissitudes que l'institution parlementaire a pu connaître dans certains d'entre eux, comme on le verra en consultant les fiches par pays ), que le déphasage est le plus remarquable. Quelques exemples permettront d'illustrer cette affirmation.

Les archives électorales et parlementaires montrent qu'il a fallu 486 ans pour qu'une femme devienne membre du Parlement de la Suède dont les historiens situent la fondation en 1435. En Pologne, pays doté d'un Parlement depuis 1593, la voix d'une femme n'a été entendue au sein de la Diète que 326 ans plus tard. L'Islande est dotée d'une institution représentative depuis le Moyen-Age et d'un Parlement au sens moderne du terme depuis 1845, mais ce n'est qu'en 1922 que le peuple a élu une femme pour l'y représenter. Il a de même fallu 156 ans pour qu'une femme devienne membre du Parlement français, pourtant fondé en 1789 au cri révolutionnaire de "Liberté, Egalité, Fraternité". Au Nicaragua, 146 ans ont été nécessaires. En Bolivie et au Chili, 140 ans se sont écoulés entre la création du Parlement et l'élection d'une femme, six ans de plus qu'au Pérou; et aux Etats-Unis d'Amérique, au Costa Rica, au Honduras, en Equateur, en Colombie, au Mexique, en Suisse et en Espagne, ce délai va de 130 à 120 ans. Au Venezuela, il est de 118 ans, au Portugal et en Uruguay, de 112 ans et en Grèce, de 108 ans. La Hongrie a depuis le XIIIe siècle une institution représentant le peuple qui est devenue un Parlement au sens actuel du terme en 1845 mais, comme en Argentine, en Italie, aux Pays-Bas et au Liechtenstein, également dotés d'une institution représentative depuis le siècle passé, c'est seulement près de 100 ans plus tard qu'une femme y a été élue. En Belgique, le décalage dans le temps est de 73 ans; il est de 69 ans au Danemark, de 66 ans en Bulgarie, de 54 ans au Canada, de 48 ans en Allemagne, et de 37 ans en Norvège.

Il a ensuite fallu consolider et élargir la présence des femmes dans ces Parlements et, en lisant le chapitre II, on verra que cela n'a pas toujours été sans aléas.

Par contre, dans la plupart des pays de tradition parlementaire plus récente, l'entrée des femmes au Parlement a bien souvent été contemporaine ou en tout cas proche dans le temps, non seulement de l'inscription dans la législation nationale de leur droit d'être élues, mais aussi de la création de l'institution parlementaire.

Ainsi, en Afghanistan, quatre femmes ont fait leur entrée au Conseil des représentants élu en juillet 1965, l'année au cours de laquelle les droits électoraux leur ont été reconnus. Dès la première législature, instaurée trois mois après la reconnaissance des droits électoraux des femmes, en 1963, le Parlement de Monaco a inclus une femme. L'Assemblée de Singapour a de même compris une femme dès la première législature, en 1963. Malheureusement, dans tous ces pays, l'avenir a montré à quel point il restait difficile pour les femmes de se faire élire.

Comme indiqué plus haut, dans la plupart des pays anciennement coloniaux, c'est dans la période précédant immédiatement l'indépendance ou au moment même de l'indépendance que les citoyens adultes et en tout cas les femmes ont acquis les pleins droits électoraux. En outre, l'accession à la souveraineté a souvent été marquée par l'institution d'un Parlement destiné à représenter le peuple nouvellement souverain. A cet égard, on note trois cas de figure : (i) un Parlement avait été élu peu avant l'indépendance et, soit dans sa composition antérieure à la date de l'indépendance soit dans une composition modifiée, cette institution est devenue le Pouvoir législatif du nouvel Etat indépendant; (ii) un Parlement a été institué au moment même de l'indépendance, et enfin (iii) un Parlement a été établi dans les premières années qui ont suivi l'accession à la souveraineté.

Même si certaines de ces assemblées ont ensuite pu connaître des vicissitudes, notamment par suite de coups d'Etat militaires, il est remarquable qu'elles aient presque toujours inclus quelques femmes. Parfois, au fil des élections législatives, la présence des femmes a diminué ou ne s'est pas confirmée, mais le plus souvent la proportion de députés du sexe féminin s'est maintenue ou a augmenté.

Ainsi, lorsque l'Algérie, le Cameroun, le Cap-Vert, le Congo, la Dominique, Fidji, le Gabon, la Grenade, la Guinée-Bissau, la Guinée équatoriale, le Malawi, le Mozambique, la Namibie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-Grenadine, Sao Tomé-et-Principe, Singapour, le Suriname, le Tchad, le Togo, Trinité-et-Tobago, la Zambie et le Zimbabwe ont accédé à la souveraineté, ils se sont dotés d'une institution représentative au sein de laquelle quelques femmes ont d'entrée été élues. En Algérie, au Cap-Vert, au Congo, en Namibie et à Sao Tomé-et-Principe, cette élection a eu lieu l'année même où les droits électoraux avaient été concédés aux femmes et, pour les autres pays, cette élection a coïncidé avec la première occasion pour les femmes d'exercer ces droits ou de les exercer pour une assemblée nationale souveraine.

Au Belize et au Mali, un Parlement a été institué trois ans après l'accession à la souveraineté et une femme y a été élue d'emblée. L'Angola et la Guinée ont institué leur Parlement quelque cinq ans après leur accession à l'indépendance et cinq ans après l'octroi aux femmes des droits électoraux : dès cette première élection, des femmes ont fait leur entrée à l'Assemblée nationale, qui n'a cessé d'en comprendre depuis lors. La Jamaïque s'est, de même, dotée d'un Parlement cinq ans après son accession à la souveraineté, y élisant d'entrée deux femmes. A Maurice et aux Maldives, l'instauration du Parlement n'a eu lieu, respectivement, que quelque 10 ans et 15 ans après l'accession à l'indépendance mais l'assemblée a inclus des femmes dès cette première législature.

A la Barbade, en Côte d'Ivoire, au Kenya, à Madagascar, au Sénégal, aux Seychelles, au Soudan et en Tunisie, c'est lors des deuxièmes élections législatives nationales, soit entre deux et cinq ans après l'instauration du Parlement, que des femmes ont remporté un siège à l'Assemblée.

En revanche, à Antigua-et-Barbuda, au Botswana, à Samoa, à Tuvalu et à Vanuatu, il a fallu attendre de sept à dix ans pour voir des femmes siéger parmi les membres de l'Assemblée. Aux Iles Salomon, 13 ans se sont écoulés entre la création du pouvoir législatif indépendant et l'élection à celui-ci d'une femme. A Tonga, une femme n'a été élue au Parlement que 15 ans après son institution et quelque 30 ans après la reconnaissance aux femmes des droits électoraux. A Nauru, ce n'est que lors des huitièmes élections législatives, soit près de 20 ans après l'accession à la souveraineté et l'octroi aux femmes des droits électoraux, qu'une femme a enfin pu remporter un siège.

Pour permettre l'entrée des femmes au Parlement en dépit d'un contexte peu favorable à leur élection, certains pays ont d'emblée imaginé de leur réserver quelques sièges. C'est notamment le cas du Bangladesh et de l'Erythrée. Au Bangladesh, il aura fallu attendre la quatrième législature, soit quelque 15 ans, pour qu'aux côtés des femmes occupant les sièges réservés, qui sont pourvus par cooptation, viennent prendre place quatre femmes ayant affronté directement le suffrage populaire.

Dans la grande majorité des pays mentionnés ci-dessus, on verra au chapitre II que les élections suivantes ont souvent montré à quel point il était difficile pour les femmes de consolider, voire simplement de maintenir, le premier acquis. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, les femmes ont même fini par perdre tout siège à l'assemblée, qui aujourd'hui est exclusivement formée d'hommes.

III. L'ACCES DES FEMMES A LA PRESIDENCE DU PARLEMENT

En consultant le Tableau N° I, on constatera que rares sont les femmes à exercer actuellement, ou à avoir occupé dans le passé, les fonctions de Présidente du Parlement ou d'une Chambre de celui-ci.

Sur les 186 pays faisant l'objet de l'étude, 33 à peine ont porté une femme à la présidence du Parlement ou de l'une de ses Chambres à un moment ou l'autre de leur histoire parlementaire.

L'Autriche fait figure de pionnière, avec l'élection d'une femme à la présidence du Bundesrat dès 1927, soit quelque huit ans après la reconnaissance aux Autrichiennes du droit d'être élues; la même femme, Mme O. Rudel-Zeynek, a ensuite été réélue à la présidence de cette Chambre du Parlement autrichien en 1932.

Dans les 32 autres pays concernés, l'élection d'une femme à la présidence du Parlement ou d'une chambre de celui-ci est postérieure à la deuxième guerre mondiale. Le Landsting danois est, en 1950, le premier à être présidé (d'ailleurs très brièvement) par une femme; en Autriche une femme est à nouveau élue Présidente du Bundesrat en 1953, mais pour quelques mois seulement. Ailleurs, il faut attendre les années 1960 pour voir une femme diriger les débats parlementaires.

L'élection d'une femme à la présidence de l'assemblée a pu être un phénomène isolé, voire conjoncturel, qui ne s'est pas encore répété; c'est le cas de l'Argentine, de la Bolivie et du Danemark. Par contre, on note une répétition de l'élection d'une femme à la présidence de l'assemblée ou d'une chambre de celle-ci en Allemagne, en Autriche, au Canada, en Dominique, en Finlande, au Guatemala, en Irlande, en Islande, en Italie, au Luxembourg, en Suède et en Suisse ainsi que dans l'ancienne RFS de Yougoslavie. Pour certains de ces pays, comme l'Allemagne, l'Autriche ou l'Islande, voire la Suisse, il ne serait pas exagéré de parler de l'instauration d'une certaine tradition en la matière.

Après avoir été un phénomène rare et isolé, l'élection d'une femme à la direction des travaux parlementaires est devenue plus courante durant la présente décennie et, au 30 juin 1995, on trouve une femme à la présidence du Parlement ou d'une Chambre de Parlement dans les 16 pays suivants : Afrique du Sud, Allemagne, Antigua-et-Barbuda, Croatie, Dominique, El Salvador, Finlande, Grenade, Italie, Japon, Mexique, Norvège, Panama, Royaume-Uni, Suède, et Trinité-et-Tobago. Pour 11 de ces pays, dont six sur le continent américain, cette présidence féminine constitue une première et marque un remarquable changement de la tradition parlementaire : Afrique du Sud, Antigua-et-Barbuda, Croatie, El Salvador, Grenade, Japon, Mexique, Norvège, Panama, Royaume-Uni et Trinité-et-Tobago.


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