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DJIBOUTI

CAS N° DJI/09 - AHMED BOULALEH BARREH
CAS N° DJI/10 - ALI MAHAMADE HOUMED
CAS N° DJI/11 - MOUMIN BAHDON FARAH

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 164ème session (Bruxelles, 16 avril 1999)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/164/13b)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 163ème session (septembre 1998) concernant MM. Ahmed Boulaleh Barreh, Ali Mahamade Houmed et Moumin Bahdon Farah (Djibouti),

tenant compte des communications de l'une des sources en date du 24 septembre 1998 et du 17 janvier 1999,

rappelant que le Bureau de l'Assemblée nationale s'est réuni les 12 et 15 juin 1996 pour statuer sur une demande de levée de l'immunité parlementaire de MM. Ahmed Boulaleh Barreh, Ali Mahamade Houmed et Moumin Bahdon Farah, visant à permettre l'engagement de poursuites contre eux pour outrage au chef de l'Etat qu'ils avaient accusé de " régner par la terreur et la force tout en bafouant notre constitution et les institutions républicaines "; que le Bureau a décidé d'autoriser leur inculpation et a adopté une résolution à cet effet; que, le 15 juin 1996, le Président de l'Assemblée nationale a notifié cette décision au Ministre de la Justice par lettre N°141/AN/FW,

rappelant également que, saisi d'un recours formé contre cette décision, le Conseil constitutionnel a conclu le 31 juillet 1996 que le fait de ne pas avoir entendu les députés concernés constituait de la part du Bureau de l'Assemblée nationale une violation du droit à la défense garanti par la législation nationale et que la lettre adressée par le Président de l'Assemblée au Ministre de la Justice pour l'informer de la décision du Bureau ne constituait pas une résolution, condition exigée par le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale,

rappelant en outre que, nonobstant l'article 81 de la Constitution de Djibouti, qui stipule que les décisions du Conseil constitutionnel sont revêtues de l'autorité de la chose jugée et sont contraignantes pour tous les pouvoirs publics, y compris les instances judiciaires, le procès s'est poursuivi et MM. Bahdon Farah, Boulaleh Barreh et Mahamade Houmed ont été condamnés le 7 août 1996 à six mois d'emprisonnement, à une lourde amende et à la perte de leurs droits civiques pendant cinq ans,

notant que l'article 175, alinéa 2, du Code de procédure pénale prévoit la nullité de l'enquête en cas de " violation des règles propres à assurer le respect des principes fondamentaux de la procédure d'enquête et des droits de la défense "; notant en outre que l'article 472, alinéa 5, du Code prévoit la possibilité de révision d'un procès lorsqu'un arrêt comporte une erreur de fait ou de droit manifeste, de nature à influer sur la décision de condamnation; que cependant, selon les autorités, ces dispositions ne permettent pas la révision du procès des trois parlementaires,

rappelant qu'en janvier 1997 le Président a réduit les peines et que les intéressés ont été libérés mais sont restés privés de leurs droits politiques de sorte qu'ils n'ont pas pu participer aux élections législatives de décembre 1997 ni se présenter aux élections présidentielles du 9 avril 1999,

rappelant en outre que, le 26 juin 1996, M. Bahdon Farah a été accusé d'avoir détenu illégalement, à l'époque où il était Ministre de la Justice, deux petites pièces d'ivoire qui avaient été saisies par la gendarmerie et que, deux ans plus tard, le 16 juin 1998, il a été reconnu coupable de ce délit et condamné à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis; qu'en outre M. Bahdon Farah est actuellement poursuivi pour recel, sa fille ayant acheté dans un magasin d'import-export un générateur qui, selon les autorités, aurait été volé mais dont la facture a été transmise au Comité,

considérant que, selon les sources, MM. Bahdon Farah et Boulaleh Barreh ont été arrêtés le 1er septembre 1998 et détenus pendant plusieurs heures aux fins d'interrogatoire dans le cadre d'une enquête sur une affaire de complot contre la sûreté de l'Etat; que, lors de la première audience devant le tribunal, le 5 septembre 1998, l'affaire a été renvoyée au 12 du même mois afin de permettre à l'avocat venant de France de préparer la défense; que, toutefois, ce dernier n'ayant pu obtenir de visa, un avocat djiboutien a été commis d'office le 9 septembre; que, lors de l'audience du 12 septembre 1998, sa demande d'un nouveau report de l'affaire pour lui permettre de préparer la défense a été rejetée et que le juge, après délibération, a reconnu MM. Bahdon Farah et Boulaleh Barreh coupables d'incitation " de militaires à la désobéissance, en vue de nuire à la défense nationale " (art. 157 du Code pénal) et les a condamnés à un an d'emprisonnement avec sursis, deux ans de mise à l'épreuve et une amende ferme d'un million de francs djiboutiens,

notant que, selon les sources, le passeport de M. Bahdon Farah a été à nouveau confisqué le 1er octobre 1998, ce qui l'a empêché de se rendre en Arabie saoudite pour y recevoir des soins médicaux,

conscient que l'avocat des trois anciens députés, M. Aref, défenseur bien connu des droits de l'homme, a été accusé de fraude le 23 janvier 1997 et qu'il lui a été interdit d'exercer sa profession d'avocat et que, le 15 février 1999, il a été condamné à deux ans d'emprisonnement dont six mois sans sursis; que, selon de nombreux rapports, il est détenu à la prison de Gabode dans des conditions inhumaines, qu'il serait enfermé dans les toilettes du quartier de haute sécurité de la prison, soit dans un espace d'un mètre carré sans toit; que les avocats français qui devaient l'assister lors de son procès n'ont pas été autorisés à se rendre à Djibouti, malgré l'existence d'une convention d'assistance juridique franco-djiboutienne,

  1. regrette que les autorités de Djibouti n'aient pas répondu aux demandes d'information qui leur ont été adressées;

  2. réaffirme qu'en publiant le communiqué de presse qui leur est reproché les anciens députés concernés n'ont fait qu'exercer leur droit fondamental à la liberté d'expression qui n'aurait aucun sens s'il ne permettait pas de critiquer l'exécutif, et considère que le Parlement devrait mettre son point d'honneur à veiller à ce que ses membres exercent aussi pleinement que possible ce droit essentiel à leur fonction, et surtout sans craindre d'être poursuivis et mis en prison;

  3. demeure préoccupé par le fait que la justice djiboutienne n'a pas tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel du 31 juillet 1996 qui s'impose à tous les autres organes de l'Etat, y compris au pouvoir judiciaire; ne peut en conséquence que considérer que le procès des anciens parlementaires concernés, du fait de ce seul vice, est entaché d'irrégularités;

  4. se déclare particulièrement préoccupé par les poursuites répétées engagées contre M. Bahdon Farah, ses condamnations, la confiscation de son passeport, ainsi que la condamnation et l'emprisonnement de l'avocat des anciens députés concernés;

  5. invite le nouveau Chef de l'Etat à faire bénéficier d'une mesure d'amnistie les trois anciens parlementaires concernés et leur avocat et à les rétablir pleinement dans leurs droits;

  6. prie le Secrétaire général de porter ces considérations à la connaissance du Président de la République nouvellement élu et aux autorités compétentes;

  7. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (octobre 1999).


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