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PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE
 

ARGENTINE

CAS N° ARG/20 - Ramón Eduardo Saadi
CAS N° ARG/21 - Carlos Angel Pavicich
CAS N° ARG/22 - Olinda Montenegro
CAS N° ARG/23 - Carlos Lorenzo Tomasella
CAS N° ARG/24 - Nicolás Alfredo Garay

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 165ème session (Berlin, 16 octobre 1999)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas de M. Ramón Eduardo Saadi, de l'Argentine, qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/165/12b)-R.1) et à la résolution qu'il a adoptée à sa 163ème session (septembre 1998),

saisi en outre du cas de M. Carlos Angel Pavicich et de Mme Olinda Montenegro, ainsi que de MM. Carlos Lorenzo Tomasella et Nicolás Alfredo Garay, de l'Argentine, qui a été examiné par le Comité des droits de l'homme des parlementaires en accord avec la " Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme de parlementaires " et que le Comité a décidé de joindre au précédent,

prenant acte du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/165/12b)-R.1) qui contient un exposé détaillé des cas tenant compte des observations et des remarques orales et écrites du Président pro tempore du Sénat et du Président du groupe parlementaire justicialiste au Sénat, ainsi que des observations et des remarques orales et écrites des sources,

notant que, en vertu de l'article 54 de la Constitution de l'Argentine, amendée en 1994, chaque province est représentée au Sénat national par trois membres et que " deux des sièges reviennent au parti politique qui a obtenu le plus grand nombre de voix et le troisième au parti politique arrivé second "; notant en outre que, pour la période allant de 1995 à 2001, la clause transitoire N° 4 prévoit un régime d'élection indirecte, ses paragraphes 2, 3 et 6 stipulant notamment que :

  • " Deux des sièges reviennent au parti politique ou à la coalition électorale disposant du plus grand nombre de membres au sein de l'Assemblée et le siège restant échoit au parti ou à la coalition arrivée en deuxième position pour le nombre de sièges obtenus. En cas d'égalité des voix, la priorité va au parti politique ou à la coalition électorale ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages lors des élections législatives immédiatement antérieures ";
  • " Le parti politique ou la coalition électorale qui dispose du plus grand nombre de membres au sein de l'Assemblée au moment de l'élection des sénateurs a le droit de faire élire son candidat, à condition que cela n'aboutisse pas à l'élection de trois sénateurs du même parti ou de la même coalition électorale ";
  • " En tout état de cause, les candidats au Sénat sont désignés par les partis politiques ou les coalitions électorales. L'instance judiciaire compétente en matière électorale certifie que le candidat désigné satisfait aux conditions légales et réglementaires pertinentes et confirme la validité de la candidature à l'Assemblée législative ",

considérant que l'article 64 de la Constitution, qui stipule que " chaque Chambre est juge de la validité de l'élection, des droits et des titres de ses membres ", a fait l'objet d'interprétations divergentes, la source affirmant que cette disposition autorise le Sénat uniquement à s'assurer que l'élection et les titres du candidat sénateur sont conformes aux termes de la Constitution fédérale mais qu'elle ne l'autorise pas à se comporter en électeur, et la majorité au Sénat affirmant au contraire que ce texte donne au Sénat " la responsabilité de veiller à ce que sa composition réponde aux critères quantitatif et qualitatif, ce qui implique de la sauvegarder du point de vue de la quantité - tous les sièges devant être pourvus - et du point de vue de la qualité - la majorité et la minorité de chaque province devant être représentées ",

considérant aussi la loi N° 24.444 adoptée le 23 décembre 1994 pour régir l'application de la clause transitoire N° 4, en particulier son article 166, alinéa 1, qui stipule que " pour appliquer la clause transitoire N° 4 de la Constitution nationale en ce qui concerne l'élection des représentants des provinces au Sénat national dans le cas précis de l'élection partielle triennale de 1995, les assemblées législatives de chaque province devront se fonder sur les dispositions de la Constitution... " et finalement l'alinéa 4 de cet article qui dispose que " dans le cadre de cet article... on entend par alliance ou parti politique les alliances ou partis qui ont pris part aux dernières élections provinciales destinées à renouveler les assemblées législatives provinciales, à l'exception du processus électoral de 1995 ",

notant que, s'agissant de l'application de cette disposition dans les cas considérés en l'espèce, il ressort du dossier :

i) Le 20 août 1995, M. Ramón Eduardo Saadi a été désigné par son parti, le Partido Justicialista, comme candidat au siège réservé au Sénat national à la minorité de Catamarca; cette décision a été dûment certifiée et notifiée à l'Assemblée législative qui avait été informée par la résoluti on DR 597/95 du Sénat qu'elle devait désigner les sénateurs de la majorité et de la minorité et leurs suppléants au cours d'une seule et même séance; le 9 septembre 1996, l'Assemblée législative a élu ses candidats aux sièges de sénateur titulaire et de sénateur suppléant de la majorité en la personne de MM. Aníbal Castillo et Amado David Quintar et a rejeté la candidature de M. Ramón Saadi et de son suppléant pour la minorité; le 19 septembre 1996, sur décision prise à la majorité de ses membres (Dictamen de Mayoría, O.D. 1136/96), la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles a recommandé l'admission de MM. Castillo et Saadi au Sénat, qui, cependant, n'a pas suivi cet avis; le 19 mars 1997, la Commission a demandé que l'Assemblée législative de Catamarca siège à nouveau pour désigner ses sénateurs, faisant valoir que le vote du 9 septembre 1996 n'était pas valide; le 16 juillet 1997, l'Assemblée législative a notifié au Sénat sa résolution du 10 juillet 1997 dans laquelle elle proclamait sa volonté de confirmer les résultats de sa séance du 9 septembre 1996; le 11 juin 1998 (O.D. 469), la majorité de la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles a recommandé l'admission au Sénat de M. Saadi et de son suppléant, mais non de M. Castillo, tandis qu'une minorité de cette Commission recommandait l'admission de M. Castillo et rejetait les titres de M. Saadi; le Sénat n'étant pas parvenu à s'accorder sur la question de savoir s'il fallait placer à l'ordre du jour du Sénat le problème de la représentation de la province de Catamarca en son sein, ni M. Saadi ni M. Castillo n'ont encore été admis au Sénat.

ii) La candidature de M. Carlos Angel Pavicich et de Mme Olinda Montenegro aux sièges de sénateurs (titulaire et suppléant, respectivement) de la majorité pour représenter la province du Chaco a été présentée par l'Alianza Frente de Todos, coalition électorale regroupant plusieurs partis dont l'Unión Cívica Radical (UCR) et reconnue comme telle par les autorités électorales aux niveaux provincial et national lors des élections de 1997; cette alliance s'est présentée aux élections provinciales de 1997, cumulant un total de 16 sièges sur les 32 que compte l'Assemblée provinciale, contre 13 sièges pour le Partido Justicialista; la candidature de M. Pavicich et de Mme Montenegro a reçu l'agrément de l'instance judiciaire compétente en matière électorale et cette décision a été dûment communiquée à la Chambre des députés du Chaco; le 25 septembre 1998, cette Chambre a élu M. Pavicich et Mme Montenegro a une majorité de 17 voix sur 30 en qualité de sénateurs titulaire et suppléant respectivement pour la majorité; le 2 octobre 1998, le Partido Justicialista de la province du Chaco a contesté l'admission de M. Pavicich et Mme Montenegro au sein du Sénat national, en affirmant qu'il était le parti majoritaire à l'Assemblée provinciale avec ses 13 sièges; dans la résolution DR 1083/98 du 21 octobre 1998 (Dictamen de Mayoría), le Sénat a décidé : i) de faire droit à l'objection formulée par le Partido Justicialista et de rejeter les titres de M. Pavicich et de Mme Montenegro, et ii) d'admettre à leur place M. Hugo Abel Sager et Mme Lidia Beatriz Ayala, du Partido Justicialista, en qualité de sénateurs titulaire et suppléant représentant la province du Chaco pour la période 1998­2001; la province du Chaco a fait appel devant la Cour suprême de justice, lui demandant de déclarer inconstitutionnelle la résolution sénatoriale DR 1083/98 et d'adopter une mesure de " non­innovation " destinée à empêcher la prestation de serment de M. Sager et de Mme Ayala; le 24 novembre 1998, la Cour suprême a rejeté le recours de la province du Chaco, au motif que " le Sénat national a agi dans le cadre de ses pouvoirs constitutionnels exclusifs "; M. Sager et Mme Ayala ont prêté serment le 25 novembre 1998.

iii) L'alliance Pacto Autonomista Liberal - Democracia Progresista, qui détenait la majorité des sièges dans la province de Corrientes au moment de l'élection, a désigné MM. Carlos Lorenzo Tomasella et Nicolás Alfredo Garay pour occuper à titre de sénateurs titulaire et suppléant, respectivement, l'un des deux sièges réservés à la majorité de la province au Sénat, le siège réservé à la minorité de la province revenant à un membre du Partido Justicialista; la validité de ces deux candidatures a été certifiée par le juge fédéral compétent en matière électorale qui, néanmoins, a aussi donné son aval aux candidats proposés par le Partido Justicialista et le Partido Nuevo; le 6 octobre 1998, l'Assemblée législative de la province était convoquée par son Président pour procéder à l'élection du sénateur mais, le quorum n'étant pas réuni à cause de l'absence des parlementaires du Partido Justicialista et du Partido Nuevo, la séance n'a pas pu avoir lieu; le Président de l'Assemblée a depuis lors refusé de convoquer l'Assemblée en faisant valoir que le quorum nécessaire ne pourrait pas être réuni puisque les membres de ces partis l'avaient informé par écrit de leur décision de ne pas assister à une telle séance; le 2 novembre 1998, la Chambre électorale nationale a révoqué et annulé les certificats de conformité délivrés par le juge fédéral compétent en matière électorale aux candidats du Partido Nuevo et du Partido Justicialista, M. Pruyás et M. Sanabría, titulaire et suppléant, respectivement; cependant, le 5 novembre 1998, le Sénat, se fondant sur une résolution adoptée par sa majorité (Dictamen de Mayoría), a élu les candidats proposés par le Partido Justicialista au rang de sénateur national représentant la province de Corrientes au motif que le Partido Justicialista détenait la majorité des sièges à l'Assemblée législative et que l'on pouvait passer outre à la décision de l'instance électorale parce que a) il avait été fait appel de cette décision et que b) elle aurait été politiquement motivée, cette instance étant " asservie au parti radical "; M. Tomasella a formé un recours auprès de la Cour suprême de justice pour qu'elle annule la résolution du Sénat du 5 novembre 1998; le 24 novembre 1998, la Cour a décidé de rejeter l'appel en avançant les mêmes arguments que dans le cas de la province du Chaco et M. Pruyás a prêté serment le 25 novembre 1998,

notant que, dans le calcul des sièges revenant au Partido Justicialista de la province du Chaco, les autorités sénatoriales ont pris en considération les résultats des élections provinciales de 1995 où ce parti avait obtenu huit sièges, et ceux des élections de 1997, où il avait remporté cinq sièges, les chiffres correspondants pour l'UCR étant de cinq sièges obtenus aux élections de 1995 et de huit pour celles de 1997; que, cependant, dans le calcul des sièges revenant à l'alliance, elles font valoir que l'article 166, alinéa 4, de la loi N° 24.444 interdit de prendre en considération les élections de 1995,

considérant que, dans " l'exposé des faits " transmis par le Président du groupe parlementaire justicialiste au Sénat national à l'occasion de la 101ème Conférence d'avril 1999, le Comité des droits de l'homme des parlementaires a été informé que " le Sénat argentin a fondé l'exercice de ses pouvoirs sur l'article 64 de la Constitution nationale et sur la responsabilité qui lui incombe de veiller à ce que sa composition réponde à la fois au critère quantitatif ­ tous les sièges devant être pourvus ­ et au critère qualitatif ­ la majorité et la minorité de chaque province devant être représentées ",

sachant que, dans l'arrêt rendu dans l'affaire 10956 du 7 octobre 1993, la Commission interaméricaine des droits de l'homme, a estimé qu'" il est bon de se souvenir également ... lorsqu'on analyse la portée de l'article 23 de la Constitution, que, pour être pleinement légitimes, les élections doivent être authentiques, universelles, organisées à intervalles réguliers et s'effectuer au scrutin secret ou selon toute autre méthode garantissant à l'électeur la libre expression de sa volonté. En conséquence, les règlements ne suffisent pas, il faut aussi un comportement favorable à leur application, en accord avec les principes généralement admis qui doivent prévaloir dans une démocratie représentative. Il est demandé en outre à la Commission interaméricaine d'examiner si les citoyens qui ont pris part au processus politique l'ont fait dans des conditions d'égalité, si ces processus garantissaient aux électeurs un suffrage libre et authentique et, partant, s'il y a eu ou non violation des droits politiques ",

notant enfin que la Commission interaméricaine des droits de l'homme a été saisie de l'affaire de M. Pavicich et de Mme Montenegro et qu'elle a décidé de la traiter,

  1. note que, s'agissant de l'application de la clause transitoire N° 4 de la Constitution, les compétences et procédures du Sénat et des assemblées provinciales font l'objet d'interprétations divergentes;
  2. note que :

    i) dans le cas de M. Pavicich et de Mme Montenegro, le Sénat n'a pas tenu compte des résultats de l'élection conduite par l'Assemblée provinciale et a choisi, pour représenter la province au Sénat, des personnes qui n'avaient pas été élues par l'Assemblée, arguant pour ce faire que la coalition électorale qui avait proposé leur candidature ne disposait pas de la majorité des sièges à l'Assemblée provinciale;

    ii) dans le cas de MM. Tomasella et Garay, le Sénat a joué le rôle de l'Assemblée provinciale, qui n'avait pas été convoquée, et a coopté des candidats dont les certificats de conformité avaient été rejetés par l'instance électorale compétente;

    iii) dans le cas de M. Saadi, le Sénat a décidé de ne prendre aucune disposition alors que l'admission de M. Saadi en son sein avait été recommandée par sa Commission des affaires constitutionnelles, dont il avait pourtant suivi les avis dans d'autres cas; pourtant, il n'a pas reconnu l'élection incontestée de M. Castillo au siège de sénateur pour la majorité de la province et a ainsi privé l'électorat de la province d'un représentant dûment élu;

  3. note avec préoccupation que, dans les cas précités, le Sénat n'a pas appliqué systématiquement le même critère dans l'exercice de ses pouvoirs, définis à l'article 64 de la Constitution;
  4. note également avec préoccupation que, dans le cas de la province du Chaco, le Sénat ne semble pas avoir appliqué le même critère au Partido Justicialista et à l'alliance dans l'établissement du décompte de leurs sièges dans la mesure où il a pris en compte les élections de 1995 dans un cas mais pas dans l'autre;
  5. rappelle qu'en vertu à la fois du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention interaméricaine relative aux droits de l'homme, auxquels l'Argentine est partie, les Etats ont l'obligation de veiller au respect des droits consacrés par ces instruments, dont les droits visés à leurs articles 25 et 23 respectivement, et d'en garantir l'application impartiale, de sorte que l'Etat agisse toujours de manière prévisible;
  6. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires d'inviter le Président de la Commission sénatoriale des affaires constitutionnelles à une audition à sa prochaine session, comme celui­ci en a exprimé le désir, afin de s'entretenir avec lui du cas en question;
  7. prie le Secrétaire général de transmettre sa décision au Président du Sénat et au Président du Groupe national argentin, Président pro tempore du Sénat, ainsi qu'aux sources;
  8. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen du cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril-mai 2000).


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