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PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE
 

COLOMBIE

CAS N° CO/01 - PEDRO NEL JIMÉNEZ OBANDO
CAS N° CO/02 - LEONARDO POSADA PEDRAZA
CAS N° CO/03 - OCTAVIO VARGAS CUÉLLAR
CAS N° CO/04 - PEDRO LUIS VALENCIA GIRALDO
CAS N° CO/06 - BERNARDO JARAMILLO OSSA
CAS N° CO/08 - MANUEL CEPEDA VARGAS

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 166ème session (Amman, 6 mai 2000)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas de MM. Pedro Nel Jiménez Obando, Leonardo Posada Pedraza, Octavio Vargas Cuéllar, Pedro Luis Valencia Giraldo, Bernardo Jaramillo Ossa et Manuel Cepeda Vargas (Colombie), qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/166/16c)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à sa 165ème session (octobre 1999),

tenant compte des informations communiquées par la Vice-Présidence de la République les 10 février et 28 avril 2000, ainsi que des renseignements fournis par l'une des sources le 26 avril 2000,

rappelant que les parlementaires concernés, membres de l'Union patriotique, ont tous été assassinés entre 1986 et 1994 et que l'enquête a abouti uniquement dans le cas de M. Cepeda Vargas, sénateur assassiné le 9 août 1994,

rappelant à ce sujet que, le 28 juin 1999, la Chambre disciplinaire (Procuraduría) a conclu que le général Herrera Luna (décédé en 1997) était l'instigateur du meurtre de M. Cepeda, que deux sous-officiers, MM. Justo Gil Zúñiga Labrador et Hernando Medina Camacho, avaient commis le crime avec la complicité d'agents paramilitaires placés sous les ordres de Carlos Castaño Gil, et qu'en application du Code disciplinaire les deux militaires ont reçu une " sévère réprimande ", peine que la Chambre disciplinaire a confirmée en appel le 3 août 1999; rappelant aussi qu'à sa 165ème session il a jugé cette sanction beaucoup trop douce pour ce crime,

considérant à ce sujet que, dans sa lettre du 10 février 2000, le Bureau des droits de l'homme de la Vice-Présidence de la République a fait savoir que le document de politique sur " la promotion, le respect et la garantie des droits de l'homme et du droit international humanitaire ", adopté le 12 août 1999, prévoit des mesures législatives pour hâter la réforme du Code disciplinaire unique; selon le projet de réforme du Code, présenté au Congrès par le Bureau du Procureur de la République, les violations graves des droits de l'homme, y compris les différentes formes d'homicide, sont considérées comme des manquements suffisamment graves pour justifier la révocation ou l'interdiction d'exercer une fonction publique,

considérant les nouveaux éléments suivants versés au dossier concernant le cas de Manuel Cepeda :

  • le 1er octobre 1999, le tribunal administratif de première instance de Cundinamarca a statué en faveur de la famille du sénateur Cepeda en ordonnant à l'Etat de l'indemniser pour le préjudice subi en raison de la négligence dont il a fait preuve, en n'ayant pas su assurer la protection du sénateur;
  • le 21 décembre 1999, la troisième Chambre spéciale de Santa Fe a reconnu les deux sous-officiers, Justo Gil Zúñiga Labrador et Hernando Medina Camacho, coupables du meurtre du sénateur Cepeda et les a condamnés chacun à 43 ans d'emprisonnement; de plus, les sous-officiers ont été radiés du service actif par les résolutions N° 871 du 8 septembre 1999 et N° 1051 du 4 novembre 1999; Carlos Castaño a cependant été exonéré de toute charge malgré les preuves accablantes contre lui, lesquelles, comme l'a fait remarquer le Procureur général devant la Commission sénatoriale des droits de l'homme, attestent sa responsabilité en tant qu'instigateur du crime; la famille du sénateur Cepeda a fait appel de ce point du jugement, alors que les deux sous-officiers ont recouru pour en contester la totalité;
  • ceux-ci sont incarcérés à la prison militaire " Cuatro Bolas ";

considérant également que le fils et la belle-fille du sénateur ont reçu des menaces de mort le 5 novembre 1999; rappelant à cet égard l'allégation persistante selon laquelle les deux sous-officiers ont souvent bénéficié d'autorisations de sortie et exécutent des missions de renseignement au profit de l'armée, ce qui leur a permis d'organiser des opérations de harcèlement; considérant à cet égard notamment ce qui suit :

  • l'épouse et l'une des filles du témoin principal dans cette affaire ont disparu et la deuxième fille de ce témoin a été, en décembre 1999, victime d'une tentative d'enlèvement;
  • lors de la première audience du procès en appel, les deux sous-officiers seraient arrivés, escortés de dizaines de soldats qui se sont placés aux alentours de la salle d'audience; ils n'avaient pas de menottes aux poignets, ce qui, selon l'une des sources, est inhabituel, et M. Medina Camacho avait un téléphone portable dont il s'est servi dans l'enceinte du tribunal; dans leur témoignage, ils ont déclaré que la famille de M. Cepeda mentait et essayait seulement de discréditer l'armée colombienne, en particulier aux yeux des Etats-Unis qui sont l'un des principaux fournisseurs d'armes de Colombie;
  • le Procureur général, dans une lettre au commandant des forces armées colombiennes, le général Tapia, s'est inquiété du nombre croissant d'évasions des casernes et des prisons;

rappelant que M. Carlos Castaño Gil est également recherché pour l'assassinat du sénateur Jaramillo et que, selon les informations fournies par les autorités en avril 1999 et confirmées en février 2000, le Bureau des droits de l'homme des services du Procureur général a accusé Carlos et Fidel Castaño et Gustavo Meneses, le 9 décembre 1998, d'association de malfaiteurs et d'homicide à des fins terroristes,

considérant que, selon l'une des sources, Carlos Castaño a, en mars 2000, accordé une interview à la chaîne de télévision privée " Caracol ", au cours de laquelle il a nié avoir ordonné l'assassinat du sénateur Jaramillo mais a admis avoir décidé personnellement qui devait être " exécuté " par les Unités d'autodéfense (organisation nationale de groupes paramilitaires), et avoir été l'instigateur d'autres crimes tels que assassinats, enlèvements, extorsions et association avec le trafic de drogue; fort de telles déclarations, le Procureur a introduit une nouvelle action contre lui pour un assassinat perpétré récemment dans le nord de la Colombie,

rappelant à cet égard que, dans son troisième rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie (février 1999), la Commission interaméricaine des droits de l'homme conclut que " L'Etat a largement contribué à la prolifération des groupes paramilitaires, faute de les avoir combattus résolument. L'Etat est ainsi responsable, d'un point de vue général, de l'existence des paramilitaires et assume dès lors la responsabilité des actes commis par ces groupes. "; considérant aussi que, dans son rapport à la 56ème session de la Commission des droits de l'homme (ONU), le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie (E/CN.4/2000/11) a conclu que " l'Etat porte une responsabilité face à l'ampleur et à la complexité actuelles du phénomène paramilitaire. A une attitude constante d'omission et de permissivité, de complicité ou de soutien direct aux groupes paramilitaires vient s'ajouter l'absence d'une politique active pour combattre ces derniers ",

notant aussi que, dans le rapport susmentionné, la Commission interaméricaine des droits de l'homme recommande à l'Etat colombien de " prendre immédiatement des mesures concrètes pour combattre l'impunité à large échelle qui s'étend à tous les types d'infraction pénale, notamment aux cas typiques de violation des droits de l'homme. Ces mesures devraient nécessairement comprendre des enquêtes fouillées et impartiales sur les auteurs présumés de crimes et les sanctions légales qui s'imposent ", et que le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l'homme en Colombie, dans le rapport précité, relève " l'obligation de l'Etat colombien de lutter contre l'impunité " notamment par " l'application de sanctions effectives contre les responsables de violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire ",

notant enfin que, selon les autorités, des mesures spéciales ont été prises pour combattre l'impunité et qu'elles visent les affaires en cause, à savoir la création, par le décret présidentiel 2895 de décembre 1997, d'une " unité de recherche des groupes de justice parallèle " ayant notamment pour mission d'aider les services du Procureur général à exécuter les mandats d'arrêt, et l'établissement, en 1999, par ces services de 26 unités dans 26 directions de section chargées d'instruire les crimes commis contre les membres de l'Union patriotique,

  1. remercie la Vice-Présidence de la République des informations communiquées et de sa coopération;
  2. note avec satisfaction que la justice s'est finalement prononcée dans le cas du sénateur Cepeda et a reconnu les droits de sa famille à une indemnisation; se félicite également de ce que l'amendement proposé au Code disciplinaire unique prévoie une meilleure proportionnalité entre délit et sanction;
  3. est alarmé par la disparition de l'épouse et de la fille de l'un des principaux témoins dans cette affaire, par la tentative d'enlèvement dont sa deuxième fille a été la victime, par les menaces de mort reçues par le fils et la belle-fille du sénateur Cepeda, et par les informations relatives à la présence de militaires lors de l'audience du procès en appel, en mars 2000;
  4. souhaite savoir :
         i) si une enquête a été ouverte pour retrouver l'épouse et la fille de ce témoin et élucider la tentative d'enlèvement dont sa deuxième fille a été victime, et quelle en a été éventuellement l'issue;
         ii) si une enquête a été ouverte pour identifier les auteurs des menaces de mort à l'encontre de M. Ivan Cepeda et de son épouse, et dans l'affirmative, si elle a donné des résultats;
  5. ne peut qu'engager de nouveau les autorités, et en particulier le Congrès national, à mettre tout en œuvre pour que les mandats d'arrêt lancés contre M. Carlos Castaño Gil, qui a été récemment interviewé à la télévision, soient exécutés, ce qui constituerait un pas décisif dans la lutte contre l'impunité;
  6. note avec regret que l'enquête sur les autres affaires n'a pas progressé, et espère sincèrement que les services spéciaux créés en 1999 pour instruire les crimes commis contre les membres de l'Union patriotique obtiendront enfin des résultats;
  7. invite instamment une fois de plus le Congrès national de Colombie à faire tout son possible pour que l'Etat prenne sans délai des mesures concrètes afin de combattre l'impunité, condition sine qua non du rétablissement de l'Etat de droit, du respect des droits de l'homme et de la paix, comme l'a recommandé la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie;
  8. prie le Secrétaire général de porter la présente décision à la connaissance des autorités parlementaires colombiennes, des autorités gouvernementales compétentes et de la Vice­Présidence de la République, en les invitant à fournir les informations demandées;
  9. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (octobre 2000).


Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 103ème Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 430K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader


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