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CAS N° GUI/04 - ALPHA CONDÉ - GUINÉE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 166ème session (Amman, 6 mai 2000)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas de M. Alpha Condé, membre de l'Assemblée nationale de la Guinée et Président d'un parti d'opposition, le Rassemblement du peuple de Guinée, qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/166/16c)­R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à sa 165ème session (octobre 1999),

se référant aussi au rapport sur la mission in situ du Comité, effectuée du 10 au 14 janvier 2000, aux observations du Gouvernement et aux commentaires des avocats sur ces observations ainsi qu'à l'acte d'accusation visant M. Condé et ses co-accusés,

rappelant que M. Condé, candidat aux élections présidentielles de 1998, a été arrêté le 15 décembre 1998, avant l'annonce des résultats provisoires des élections, sans que son immunité parlementaire ait été préalablement levée; qu'il a été accusé en janvier 1999 de " tentative de franchissement des frontières, d'exportations frauduleuses de devises étrangères, de tentative de recrutement de mercenaires et d'atteinte à la sûreté de l'Etat ",

relevant en particulier que l'accusation d'atteinte à la sûreté de l'Etat portée contre M. Condé repose sur une page d'un bloc-notes qu'il ne reconnaît pas avoir écrite; le bloc-notes a été trouvé dans le sac de voyage de M. Condé, saisi dix jours après l'arrestation de ce dernier au domicile de M. Morifing Sagno, en l'absence de M. Condé et de M. Sagno, bien que tous deux aient été alors détenus et donc à la disposition des autorités; qu'en conséquence la défense affirme que le dossier d'accusation est le résultat d'une violation de domicile et d'une manipulation du contenu du sac,

considérant que, selon la délégation guinéenne à la 103ème Conférence, les éléments suivants sont survenus après la mission :

  • le procès de M. Condé s'est ouvert le 12 avril 2000 devant la Cour de sûreté de l'Etat; le juge a admis, pour le défendre, des avocats venus de l'étranger qui ont plaidé en faveur de l'illégalité de toute la procédure;
  • le 25 avril 2000, le juge a rejeté les recours en annulation des exceptions soulevées par la défense, les estimant mal fondées;
  • le 26 avril, à la reprise du procès, les avocats de la défense ont décidé de se retirer du procès et le juge a commis d'office des avocats pour se substituer à eux, avocats que les accusés ont récusés;
  • à la reprise du procès, le 2 mai 2000, les accusés ont déclaré qu'ils n'avaient plus rien à dire, le juge a donc suspendu le procès sine die après avoir déclaré qu'il était prêt à les juger lorsqu'ils le souhaiteraient,

considérant qu'une délégation d'Amnesty International, qui s'est rendue en Guinée en avril 2000, a rencontré quelques-uns des coaccusés de M. Condé et a appris que l'on avait torturé certains d'entre eux pour en obtenir des déclarations; ces tortures auraient même entraîné la mort d'un militaire; la délégation guinéenne à la 103ème Conférence a confirmé cette information, ajoutant que les coïnculpés de M. Condé avaient été illégalement arrêtés ces derniers mois par l'armée et détenus en isolement dans des camps militaires tenus secrets et relevant de la garde personnelle du Président (Koundara et Kassa), autrement dit, dans des centres de détention non agréés,

notant que le Président de l'Assemblée nationale, par lettre N° 011/PAN/geb/2000 en date du 9 février 2000, a saisi le Président de la République d'une demande de suspension des poursuites conformément à l'article 52.4 de la Loi fondamentale guinéenne,

sachant que la République de Guinée est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui garantissent le droit à la liberté de réunion, le droit de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires, et de ne pas être soumis à des tortures ou mauvais traitements, ainsi que le droit à un procès équitable,

  1. remercie les autorités guinéennes, en particulier le Premier Ministre et le Ministre de la Justice, de leur coopération, qui a permis à la délégation du Comité de s'acquitter pleinement de sa mission et notamment de rencontrer M. Alpha Condé en prison, dans les conditions voulues;
  2. exprime particulièrement sa gratitude à l'Assemblée nationale et à son Président pour l'accueil qu'ils ont réservé à la mission et les efforts qu'ils ont déployés afin que celle­ci puisse accomplir sa tâche; remercie aussi la délégation de la Guinée à la 103ème Conférence, conduite par le Président de l'Assemblée nationale, des informations et observations communiquées au Comité;
  3. félicite les membres de la mission de leur travail et de leur rapport et appuie pleinement leurs conclusions;
  4. note avec une vive préoccupation que les conclusions de la mission révèlent de graves violations des dispositions du Code de procédure pénale et portent à croire que M. Alpha Condé n'a commis ni infraction ni délit, ce que corroborent les allégations alarmantes relatives aux aveux des coïnculpés de M. Condé obtenus sous la contrainte et l'ajournement du procès sine die, qui n'a aucun fondement dans le droit national ni dans le droit international;
  5. incline donc à estimer que les poursuites engagées contre M. Condé ne reposent sur aucun motif légal valable mais ont été motivées par des considérations politiques;
  6. prie instamment les autorités de respecter la légalité et d'honorer les engagements découlant des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels la Guinée a adhéré;
  7. en conséquence, prie instamment les autorités de libérer immédiatement M. Alpha Condé et ses coïnculpés et d'ouvrir sans délai des enquêtes sur les graves allégations d'" aveux " obtenus sous la contrainte;
  8. exprime sa vive préoccupation, en tant qu'organisation mondiale des parlements nationaux, devant le manque de respect manifeste du Gouvernement de la Guinée envers l'Assemblée nationale et ses membres, qui ressort du rapport de la mission, et engage le Gouvernement à respecter les prérogatives et attributions des autres pouvoirs de l'Etat car il ne saurait y avoir de légalité sans ce respect;
  9. encourage ses parlements membres à soutenir l'Assemblée nationale de Guinée par tous les moyens qu'ils jugeront appropriés;
  10. charge le Secrétaire général de porter cette résolution à la connaissance des autorités en les invitant à lui faire part de leurs observations;
  11. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (octobre 2000).


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