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CAS N° MAL/15 - ANWAR IBRAHIM - MALAISIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 166ème session (Amman, 6 mai 2000)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à l'exposé du cas de M. Anwar Ibrahim, membre de la Chambre des Représentants (Malaisie), qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/166/16c)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à sa 165ème session (octobre 1999),

tenant compte des renseignements fournis par la délégation malaisienne à la 103ème Conférence de l'Union interparlementaire (avril-mai 2000),

tenant compte également des communications des sources datées des 21 janvier, 19 et 29 avril 2000,

rappelant les éléments ci­après, versés au dossier :

  • M. Anwar Ibrahim, ancien Vice-Premier Ministre, a été arrêté le 20 septembre 1998; lorsqu'il a comparu pour la première fois devant le tribunal, après neuf jours de détention au secret, il portait des marques visibles de coups que, au dire du Premier ministre Mahathir, il aurait pu " s'infliger lui-même "; en janvier 1999, l'inspecteur général de police Abdul Rahim Noor a démissionné, admettant être responsable des blessures causées à Anwar Ibrahim mais affirmant par la suite que, s'il s'était livré à ces voies de fait, c'est qu'il y avait eu provocation; Anwar Ibrahim a déclaré devant la Commission royale d'enquête qu'il avait été cruellement frappé au cou, au visage et à la tête alors qu'il portait un bandeau sur les yeux et des menottes aux poignets; la Commission a recommandé d'inculper Abdul Rahim Noor pour tentative de blessures graves;
  • le 14 avril 1999, M. Ibrahim a été déclaré coupable de pratiques répréhensibles (abus de pouvoir), et condamné à six ans d'emprisonnement;
  • en juillet 1999 s'est ouvert le second procès de M. Ibrahim qui est maintenant accusé de sodomie, ainsi que M. Sukma Darmawan, lequel a été arrêté le 6 septembre 1998 et détenu au secret pendant 13 jours avant d'être déféré devant un tribunal le 19 septembre 1998; il a alors reconnu s'être fait sodomiser par M. Anwar Ibrahim et a été condamné à six mois de prison; il a fait appel de ce jugement au motif que son aveu de culpabilité lui avait été arraché par de graves brutalités policières; toutefois, sans ordonner d'enquête indépendante, le juge a accepté les dénégations de la police concernant ces brutalités et a conclu que M. Darmawan avait avoué spontanément puisqu'il n'y avait eu ni incitation, ni menace, ni promesse de la part de la police;
  • le 10 septembre 1999, le juge chargé du procès intenté à M. Anwar Ibrahim pour sodomie a ordonné son hospitalisation lorsque le principal avocat de la défense, Me Karpal Singh, a fait savoir que des analyses d'urine d'Anwar Ibrahim avaient révélé la présence de taux excessifs d'arsenic; le centre hospitalier universitaire de Kuala Lumpur (HUKM) est parvenu, après examen, à la conclusion qu'Anwar Ibrahim ne présentait aucun des signes cliniques classiques de l'empoisonnement aigu ou chronique à l'arsenic, indiquant que l'intéressé souffrait de " nombreux problèmes médicaux et recommandant que le centre hospitalier continue d'observer le patient et de suivre son état de santé ";

considérant que, le 14 janvier 2000, Me Karpal Singh a été accusé de sédition pour avoir tenu, le 10 septembre 1999, les propos suivants devant le tribunal au sujet des allégations d'empoisonnement à l'arsenic de M. Anwar Ibrahim : " Il se peut bien que quelqu'un cherche à s'en débarrasser et n'hésite pas pour cela à recourir même au meurtre. Je soupçonne des gens haut placés d'être responsables de cette situation "; qu'il a été libéré sous caution et attend son procès qui doit s'ouvrir le 18 juillet 2000; que, selon les sources, il s'agit de charges sans précédent puisque c'est la première fois en Malaisie qu'un avocat est poursuivi pour des propos émis devant un tribunal ès qualité; rappelant à ce propos ses préoccupations concernant les atteintes aux droits de la défense,

considérant que, le 14 mars 2000, Abdul Rahim Noor a été condamné à deux mois d'emprisonnement et libéré sous caution en attendant son procès en appel; il a plaidé non coupable de l'accusation initiale, puis coupable lorsque le chef d'inculpation a été réduit à celui de " blessures "; notant que, selon la délégation malaisienne, le chef d'inculpation a été modifié car les blessures causées à M. Ibrahim ne correspondaient pas à la définition pertinente du Code pénal,

considérant par ailleurs que, le 29 avril 2000, la Cour d'appel a débouté M. Ibrahim qui contestait le jugement dans l'affaire des " pratiques répréhensibles ", concluant qu'elle avait " l'intime conviction " qu'Anwar Ibrahim avait abusé de son autorité en ordonnant à la police en 1997 d'obtenir par intimidation la rétractation de deux témoins qui avaient porté des accusations d'ordre sexuel contre lui,

rappelant en outre les préoccupations qu'il a exprimées dans sa précédente résolution (octobre 1999) concernant les allégations concordantes de dépositions obtenues sous la contrainte, la culpabilité présumée de hauts fonctionnaires, la conduite du premier procès, notamment la requalification des charges initiales retenues par le juge, les mauvais traitements infligés à M. Anwar Ibrahim en détention et son mauvais état de santé,

  1. remercie la délégation malaisienne des renseignements communiqués;
  2. ne peut que réitérer sa crainte, au vu des éléments de preuve versés au dossier, que les poursuites contre M. Anwar Ibrahim ne soient motivées par des considérations étrangères au droit et basées sur une présomption de culpabilité;
  3. note une fois de plus que le fait de tenter d'obtenir la dénégation d'allégations diffamatoires peut constituer un délit pénal passible de six ans d'emprisonnement, peine qu'il juge tout à fait disproportionnée, réitère sa conviction que M. Ibrahim devrait au contraire avoir le droit d'obtenir réparation pour l'atteinte à son honneur causée par ces accusations sans fondement;
  4. demeure profondément troublé par les allégations concordantes de dépositions de témoins à charge obtenues sous la contrainte; rappelle avec force que, selon les normes internationales relatives aux droits de l'homme, les allégations de dépositions obtenues sous la contrainte doivent faire promptement l'objet d'une enquête indépendante et les informations obtenues sous la contrainte ne peuvent être retenues comme preuves; s'inquiète donc à l'idée que le premier " aveu " de Sukma Darmawan, qu'il affirme avoir fait sous la contrainte, ait été retenu comme preuve;
  5. réaffirme que les mauvais traitements infligés à M. Ibrahim alors qu'il était détenu par la police étayent les allégations faisant état de dépositions de témoins obtenues sous la contrainte;
  6. ne comprend pas, vu les conclusions de la Commission royale d'enquête, pourquoi le chef d'inculpation retenu contre Abdul Rahim Noor a été modifié, et souhaiterait recevoir des éclaircissements à ce sujet;
  7. est d'autant plus consterné par les accusations de sédition portées contre l'avocat principal de M. Anwar Ibrahim pour des propos émis devant un tribunal qu'il s'est déjà inquiété dans le passé des atteintes aux droits de la défense, et rappelle que ces droits sont un élément constitutif essentiel de tout procès équitable;
  8. demeure préoccupé par les conclusions du centre hospitalier universitaire de Kuala Lumpur concernant l'état de santé d'Anwar Ibrahim, qui montrent que son état s'est considérablement aggravé en détention, et engage de nouveau les autorités à le libérer sous caution;
  9. réitère son souhait de recevoir copie du nouvel acte d'accusation établi à l'encontre de M. Ibrahim concernant les charges de sodomie;
  10. prie le Secrétaire général de communiquer la présente décision aux autorités malaisiennes compétentes en les invitant à lui faire part des informations souhaitées;
  11. charge le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (octobre 2000).


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