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PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE
 
BURUNDI

CASE N° BDI/01 - S. Mfayokurera
CASE N° BDI/02 - N. Ndihokubwayo
CASE N° BDI/03 - L. Ntibayazi
CASE N° BDI/05 - I. Ndikumana
CASE N° BDI/06 - G. Gahungu
CASE N° BDI/07 - B. Ntamutumba
CASE N° BDI/26 - N. Ndikumana
CASE N° BDI/29 - P. Sirahenda
CASE N° BDI/35 - G. Gisabwamana

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 168ème session (La Havane, 7 avril 2001)


Le Conseil interparlementaire,

se référant au cas des parlementaires susmentionnés du Burundi, qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/168/13c)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à ce sujet à sa 167ème session (octobre 2000),

rappelant que MM. Mfayokurera, Ndikumana, Gahungu, Mme Ntamutumba et M. Gisabwamana ont été assassinés le 20 août 1994, le 16 décembre 1995, en avril et mai 1996 et le 20 décembre 1999, respectivement; rappelant également les attentats manqués contre MM. Ndihokubwayo et Ntibayazi en septembre 1994 et février 1995, respectivement; rappelant en outre que M. Sirahenda a "disparu" le 1er août 1997 et aurait été victime d'une exécution extrajudiciaire dans le camp militaire de Makamba; rappelant enfin que M. L. Ndikumana a fait l'objet de poursuites judiciaires et se trouve en exil actuellement,

tenant compte de la communication du Président de l'Assemblée nationale en date du 6 février 2001, qui signale qu'aucun progrès n'a été enregistré dans les affaires en question, précisant à ce sujet que "la plupart des assassinats de parlementaires n'ont pas fait l'objet d'enquêtes judiciaires. La conjoncture politique et sécuritaire de l'époque de ces assassinats ne permettait pas à proprement parler aux services de police de fonctionner efficacement. Elle-même affaiblie et entravée par la crise à plusieurs égards, la machine judiciaire ne pouvait faire face avec succès à cette criminalité dirigée contre les parlementaires et beaucoup d'autres hautes personnalités. Actuellement, ces cas ont très peu de chances d'être instruits avec succès compte tenu de l'ancienneté des faits et de la conjoncture "; selon sa lettre, les assassinats de Mme Ntamutumba et de M. Sirahenda n'ont fait l'objet d'aucune enquête,

tenant compte en outre de la communication du Ministre des droits de la personne humaine, des réformes institutionnelles et des relations avec l'Assemblée nationale en date du 19 janvier 2001 qui permet, au vu des éléments versés au dossier, de déterminer comme suit le stade actuel des enquêtes sur les assassinats et attentats dont ont été victimes les parlementaires concernés :

  • l'assassinat de M. Mfayokurera en août 1994 : un dossier a été ouvert sous la cote RMPG N° 1427/NA; un certain Parfait Havyarimana était soupçonné, son nom ayant été mentionné dans un rapport établi par un officier de la police judiciaire en relation avec des massacres commis à Bwiza et plusieurs autres endroits; toutefois, le suspect Havyarimana ayant nié toute implication dans ce crime et, en l'absence de témoin, le magistrat instructeur " a provisoirement classé sans suite l'affaire en attendant de nouveaux éléments ";
  • les attentats contre M. Ndihokubwayo (septembre 1994 et décembre 1995) : s'agissant du premier attentat, les assaillants, selon les sources, ont été arrêtés et emprisonnés, mais le magistrat instructeur les aurait relâchés; en avril 1997, les autorités ont également désigné Parfait  Havyarimana comme suspect dans cette affaire; en janvier 2001, le Ministre des droits de la personne humaine a indiqué que son nom figurait aussi dans le rapport précité comme suspect dans l'attentat en question, mais qu'il avait nié toute responsabilité; toutefois, il y a d'autres suspects dans ce cas qui " n'ont pas encore été trouvés mais l'enquête reste toujours ouverte "; aucune information n'a été fournie au sujet de l'attentat de décembre 1995 qui a contraint M. Ndihokubwayo et sa famille à l'exil;
  • l'assassinat de Mme Ntamutumba en mai 1996 : selon le Ministre des droits de la personne humaine, la crise battait son plein dans la province de Cibitoke, au moment de l'assassinat de Mme Ntamutumba en mai 1996, et " ni le Parquet, ni le tribunal de grande instance ne fonctionnait; le Procureur et son substitut n'étaient pas là, les juges avaient fui et aucune institution ne fonctionnait "; la police a eu des difficultés à orienter ses investigations " mais l'enquête reste toujours ouverte ";
  • l'assassinat de M. Innocent Ndikumana en décembre 1995 : le dossier des assassins présumés était enregistré sous le numéro RMPG 1548/S.I. au Parquet général près la Cour d'appel; il a ensuite été porté devant la Chambre criminelle de Bujumbura le 25 juin 1997 sous le numéro RCC 801; les prévenus étaient au nombre de trois; à la dernière audience du 18 mai 1999, les juges ont décidé de renvoyer le dossier au Parquet général pour complément d'enquête; les prévenus sont en fuite et " la justice n'a pas encore pu mettre la main sur eux ";
  • l'attentat dirigé contre M. L. Ntibayazi début février 1995 : les autorités gouvernementales ont rapporté à plusieurs reprises qu'aucune enquête n'était en cours faute de plainte;
  • l'assassinat de M. Gahungu en avril 1996 : selon les informations communiquées par les autorités en mai 2000, l'affaire est provisoirement classée sine diepar manque d'éléments infractionnels "; en janvier 2001, le Ministre des droits de la personne humaine s'est engagé à envoyer " très prochainement " des informations concernant ce dossier;
  • la disparition, en août 1997, de M. Sirahenda : selon les sources, des témoins oculaires ont déclaré qu'il avait été enlevé dans une Jeep de l'armée; selon les autorités, le Procureur général avait créé une commission spéciale d'enquête pour établir la vérité; selon les informations fournies par le Ministre des droits de la personne humaine en janvier 2001, M. Sirahenda a été assassiné à Makamba; l'enquête a été ouverte par le Parquet de Makamba en janvier 1998; "  le Parquet éprouve des difficultés à identifier les coupables, étant donné que l'infraction a été commise dans une région toujours troublée par des actions des groupes génocidaires "; deux témoins de l'enlèvement de M. Sirahenda qui avaient été convoqués " n'ont jamais été retrouvés pour venir donner des informations ";
  • l'assassinat de M. Gisabwamana en décembre 1999 : une commission d'enquête a établi qu'il avait été tué par un membre des forces armées; un dossier à charge du coupable présumé a été ouvert à l'auditorat militaire qui l'a porté devant le Conseil de guerre le 21 mai 2000,

rappelant que, selon des informations fournies par le Président de l'Assemblée nationale en septembre 1998, l'Assemblée avait transmis des informations au Procureur général sur les assassinats de M. Gahungu et de Mme Ntamutumba et avait également coopéré avec les services judiciaires pour faire la lumière sur la disparition et l'assassinat de M. Sirahenda,

considérant que, selon l'une des sources, un militaire du camp de Makamba qui a déserté aurait confirmé qu'il pourrait témoigner un jour de la façon atroce dont M. Sirahenda avait été tué dans ce camp militaire, sous le regard complaisant du Commandant du camp,

considérant en outre que, selon l'une des sources, une des personnes qui a tiré sur M. Ndihokubwayo en septembre 1994 a obtenu un passeport délivré par les services d'immigration du gouvernement actuel sous un faux nom et se trouve actuellement aux Pays-Bas où il serait demandeur d'asile; qu'aucune enquête n'aurait été ouverte sur l'attentat auquel M. Ndihokubwayo a échappé en décembre 1995 et qui l'a obligé à fuir le Burundi avec sa famille; que, alors qu'il se cachait pour préparer son départ, son domestique aurait été arrêté et détenu par le Bureau spécial de recherche (B.S.R) et torturé pendant une semaine afin qu'il révèle la cachette de M. Ndihokubwayo; qu'il aurait été relâché lorsque le Bureau a appris que M. Ndihokubwayo avait déjà quitté le pays,

considérant aussi que, s'agissant des perspectives d'une amnistie en faveur de M. Nephtali Ndikumana, le Ministre des droits de la personne humaine indique dans sa lettre de janvier 2001 que " si demain l'autorité politique décidait d'accorder une amnistie dans le cadre de la mise en application des accords d'Arusha, cette mesure serait la bienvenue et profiterait aussi bien à l'honorable Nephtali Ndikumana qu'à tous les Burundais se trouvant dans la même situation que lui ",

considérant enfin que, s'agissant des possibilités d'indemnisation des familles des parlementaires concernés, le Ministre a fait savoir dans la lettre précitée que " l'Etat burundais a l'obligation d'indemniser toute victime lorsque celle-ci prouve la responsabilité de l'Etat ou celle de ses agents…. or, dans les cas [en question], on n'a trouvé aucun élément prouvant la responsabilité de l'Etat ou de ses agents, même dans le cas de Sirahenda Paul… ",

sachant que, selon l'Accord sur la plate-forme politique du régime de transition et l'Acte constitutionnel de transition du 6 juin 1998, les institutions transitoires ont particulièrement pour mission de lutter contre l'impunité et de promouvoir une justice équitable et réconciliatrice; ayant à l'esprit la résolution adoptée par la Commission des droits de l'homme de l'ONU à sa 56ème session (mars-avril 2000) au sujet de la situation des droits de l'homme au Burundi, dans laquelle elle demande au Gouvernement du Burundi de mettre fin à l'impunité,

  1. remercie le Président de l'Assemblée nationale et le Ministre des droits de la personne humaine, des réformes institutionnelles et des relations avec l'Assemblée nationale des informations qu'ils ont communiquées et de leur coopération;

  2. note que les informations fournies par les autorités confirment les éléments versés au dossier, à savoir que les enquêtes sur les crimes en question sont restées au point mort ou n'ont pas été ouvertes et que les autorités ont réussi dans un seul cas, celui de M. Gisabwamana, à identifier le coupable présumé et à le traduire en justice;

  3. est conscient que la situation politique prévalant dans le pays depuis plusieurs années n'est pas favorable à une bonne administration de la justice; souligne toutefois avec force que cette situation ne dispense pas les autorités de s'acquitter de leur devoir de rendre justice au mieux de leurs possibilités; craint, au vu des éléments versés au dossier, notamment des graves allégations de torture, de complicité des autorités avec l'un des criminels, et de la responsabilité directe des militaires du camp de Makamba dans l'assassinat de M. Sirahenda, que les autorités judiciaires n'aient pas fait le nécessaire pour identifier et traduire en justice les auteurs des crimes en question;

  4. prie instamment les autorités d'ouvrir immédiatement des enquêtes sur ces graves allégations;

  5. aimerait savoir dans quelle mesure les autorités judiciaires ont tenu compte des informations qui leur ont été fournies par l'Assemblée nationale de transition au sujet des assassinats de MM. Sirahenda et Gahungu et de Mme Ntamutumba; espère en outre recevoir sous peu les informations annoncées au sujet de l'enquête sur l'assassinat de M. Gahungu;

  6. souhaiterait recevoir des précisions sur la procédure appliquée par le Conseil de guerre et les chances qu'un jugement soit rendu rapidement dans le cas de M. Gisabwamana;

  7. rappelle avec force que, s'il manque à son devoir de rendre la justice, l'Etat se rend responsable, par omission, des crimes commis; prie dès lors instamment, une fois de plus, les autorités de tout mettre en œuvre pour que l'impunité ne l'emporte pas, et réaffirme que la lutte contre l'impunité, dont le régime de transition a fait une priorité, est une condition préalable au plein rétablissement de l'Etat de droit et au respect des droits de l'homme dans le pays;

  8. réaffirme qu'en dénonçant, au nom de son parti, des exactions des Forces armées M. Ndikumana n'a fait qu'exercer son droit à la liberté d'expression et remplir son mandat parlementaire; rappelle à ce sujet une fois de plus que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les disparitions et exécutions extrajudiciaires avait alors formulé des critiques similaires aux siennes;

  9. souhaite savoir si l'Assemblée nationale de transition compte adopter, dans le cadre de la mise en application des Accords d'Arusha, une loi d'amnistie pour des cas comme celui de M. Nephtali Ndikumana; souhaite également savoir si, toujours dans le cadre de la mise en application des Accords d'Arusha, elle pourra accorder réparation aux parlementaires victimes des violences politiques ou à leurs familles;

  10. charge le Secrétaire général de porter cette résolution à la connaissance des autorités compétentes ainsi que, dans la mesure du possible, des anciens parlementaires concernés et des organes compétents des Nations Unies en matière de droits de l'homme;

  11. charge également le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 2001).

Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 105ème Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 478K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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