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CAS N° GMB/01 - LAMIN WAA JUWARA - GAMBIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 168ème session (La Havane, 7 avril 2001)


Le Conseil interparlementaire,

se référant au cas de M. Lamin Waa Juwara, membre de la Chambre des représentants de la Gambie, qui figure dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/168/13c)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à ce sujet à sa 167ème session (octobre 2000),

tenant compte d'une communication de l'une des sources datée du 15 mars 2001,

rappelant les éléments suivants, versés au dossier :

  • en vertu de l'article 13 de l'annexe 2 de la Constitution de 1997 garantissant l'immunité de poursuites à tous les membres de l'ancien Conseil provisoire de gouvernement militaire (AFPRC) et à ses officiers et agents, M. Juwara a été débouté de la demande en réparation qu'il avait déposée pour les nombreuses arrestations et détentions arbitraires dont il avait été victime de la part d'agents de l'AFPRC;
  • à ce jour, les autorités n'ont pris aucune disposition pour instruire la plainte de M. Juwara pour sévices graves que lui ont infligés, le 17 mai 1998, des membres du " mouvement du 22 juillet ", désormais interdit, et son chef, M. Baba Jobe, pendant sa détention administrative; le Procureur général fait valoir que M. Juwara n'a jamais porté plainte, alors que, selon les sources, l'intéressé lui a adressé, dans les deux semaines qui ont suivi sa libération, un certificat médical attestant que ces mauvais traitements lui avaient causé de graves blessures, puis a donné une large publicité à ces faits;
  • M. Juwara a été détenu au secret du 17 mai au 8 juin 1998, date à laquelle il a été libéré sous caution sur ordre de la Cour suprême; les autorités compétentes n'ont tenu aucun compte de la décision de justice ordonnant de lui assurer le traitement médical requis, ni de celle qui exigeait qu'il soit inculpé ou libéré, après l'expiration du délai légal de 72 heures;
  • le 22 février 1999, le tribunal de première instance de Brikama a exonéré M. Juwara et ses coïnculpés de l'accusation qui avait motivé son arrestation, à savoir des actes de vandalisme sur le chantier de construction de la mosquée de Brikama, et prononcé un non-lieu; l'Etat a toutefois fait appel de ce jugement,

considérant que, selon l'une des sources, le Gouvernement a annoncé son intention de retirer son appel et que ce retrait devrait être effectif à la reprise des audiences le 21 mars 2001,

sachant que la Gambie est signataire de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui interdit la torture et les mauvais traitements et exige des Etats qu'ils veillent à ce que leurs autorités compétentes procèdent promptement à une enquête impartiale en cas d'allégations sérieuses de torture; sachant aussi que la Gambie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui garantissent tous deux le droit de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires et de ne pas être soumis à la torture ou à de mauvais traitements, que ces droits sont également consacrés par la Constitution gambienne qui, en son article 4, dispose que " toute autre loi incompatible avec une disposition de la présente Constitution est entachée de nullité à la mesure de son incompatibilité ",

notant que, dans sa résolution 2000/43 adoptée le 20 avril 2000, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a engagé les gouvernements à appliquer pleinement les dispositions interdisant la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants et a souligné en particulier la nécessité de veiller à ce que toutes les allégations faisant état d'actes de torture ou de traitements inhumains soient " examinées sans délai et en toute impartialité par l'autorité nationale compétente, que ceux qui encouragent, ordonnent, tolèrent ou commettent de tels actes soient tenus pour responsables et sévèrement punis ", et qu'il soit prévu " en faveur des victimes, une réparation, une indemnisation équitable et suffisante… ",

  1. regrette vivement que les autorités n'aient pas donné suite aux communications qui leur ont été adressées;

  2. note que l'Etat a l'intention de retirer son appel dans l'"affaire de la mosquée de Brikama" et a bon espoir que celle-ci sera réglée sous peu;

  3. demeure, cependant, vivement préoccupé à l'idée que les sévices infligés à M. Juwara lorsqu'il a été arrêté à cause de cette affaire restent impunis et que les autorités n'ont pris aucune mesure pour enquêter sur ces sévices dont la matérialité a été médicalement prouvée, d'autant plus que le nom de l'un des agresseurs a largement circulé dans la presse;

  4. rappelle une fois de plus qu'en vertu des articles 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la Gambie est partie, les autorités gambiennes ont le devoir d'enquêter sur les sévices dénoncés par M. Juwara et d'en traduire en justice les auteurs et que M. Juwara a droit à réparation; prie donc instamment une fois de plus les autorités de remplir les engagements découlant de ces dispositions et attire leur attention sur le document de l'ONU intitulé "Principes relatifs aux moyens d'enquêter efficacement et d'obtenir les renseignements nécessaires sur les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants";

  5. demeure vivement préoccupé par l'article 13 de l'annexe 2 de la Constitution de 1997 qui a pour effet de garantir l'immunité de poursuites aux membres de l'AFPRC et à ses officiers et agents pour tous les actes criminels qu'ils ont pu commettre et empêche M. Juwara d'obtenir réparation pour les arrestations et les détentions arbitraires dont il a été victime; souligne que l'impunité garantie aux titulaires de charges publiques contrevient aux engagements que la Gambie a pris en signant et en ratifiant les instruments internationaux susmentionnés relatifs aux droits de l'homme;

  6. rappelle qu'aux termes de l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale a droit à réparation ", et invite de nouveau le Parlement à envisager d'adopter une loi prévoyant une réparation pour les victimes d'arrestation et de détention arbitraires;

  7. demande instamment une fois encore à l'Assemblée nationale de la Gambie, en tant que garante des droits fondamentaux du peuple qu'elle représente, de veiller à ce que l'Exécutif s'acquitte des obligations découlant des normes nationales et internationales relatives aux droits de l'homme;

  8. souligne avec force à ce sujet que le droit international prime sur le droit interne, de même que la Constitution nationale prime sur toute autre loi, y compris les décrets présidentiels;

  9. charge le Secrétaire général de communiquer cette résolution aux autorités parlementaires et gouvernementales ainsi qu'à M. Juwara; charge également le Secrétaire général de saisir de ce cas les organes de l'ONU et les autorités du Commonwealth compétents en matière de droits de l'homme;

  10. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (septembre 2001).

Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 105ème Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 478K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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