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CAS N° GMB/01 - LAMIN WAA JUWARA - GAMBIE

Résolution adoptée sans vote par le Conseil interparlementaire
à sa 169ème session (Ouagadougou, le 14 septembre 2001)


Le Conseil interparlementaire,

se référant à la résolution qu'il a adoptée à sa 168ème session (avril 2001) sur le cas de M. Lamin Waa Juwara, ancien membre de la Chambre des représentants de la Gambie, ainsi qu'au rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires y afférent,

tenant compte d'une communication du Président de l'Assemblée nationale datée du 15 juin 2001,

rappelant les éléments suivants, versés au dossier :

  • M. Juwara a été arbitrairement arrêté et détenu au secret à de nombreuses reprises lorsque le Conseil provisoire de gouvernement militaire (AFPRC) était au pouvoir, soit entre 1994 et 1996; le 30 juin 1997, il a intenté un procès aux autorités compétentes pour obtenir réparation de ce que lui avaient fait subir des agents de l'Etat en violation de ses droits; le 29 juillet 1998, le juge a classé l'affaire, considérant qu'elle n'était pas du ressort des tribunaux, l'article 13 de l'annexe 2 à la Constitution de 1997 garantissant aux officiers de l'AFPRC l'immunité de poursuites pour tous les actes commis ou omis dans l'exercice de leurs fonctions officielles; M. Juwara a fait appel de cette décision mais s'est ravisé à la suite de la réforme du système judiciaire qui fait de la Cour suprême de la Gambie, et non plus du Privy Council, la plus haute juridiction d'appel du pays;

  • de nouveau arrêté le 17 mai 1998, M. Juwara s'est vu infliger de graves sévices par des membres du " mouvement du 22 juillet ", aujourd'hui interdit, et de son chef, M. Baba Jobe, alors qu'il était sous la garde de l'Etat; M. Juwara a été détenu au secret jusqu'au 8 juin 1998, date à laquelle il a été libéré sous caution sur ordre de la Cour suprême; les autorités compétentes n'ont tenu aucun compte de la décision de justice ordonnant de lui assurer le traitement médical requis, ni de celle qui exigeait qu'il soit inculpé ou libéré, après expiration du délai légal de 72 heures;

  • à ce jour, les autorités n'ont pris aucune disposition pour instruire la plainte déposée par M. Juwara pour les sévices graves subis le 17 mai 1998, alors que, dans les deux semaines qui ont suivi sa libération, il avait adressé au Procureur général un certificat médical attestant les graves blessures entraînées par les mauvais traitements, et qu'il avait donné une large publicité à ces faits;

  • le 22 février 1999, le tribunal de première instance de Brikama a exonéré M. Juwara et ses coïnculpés de l'accusation qui avait motivé son arrestation, à savoir des actes de vandalisme sur le chantier de construction de la mosquée de Brikama, et prononcé un non-lieu; l'Etat a toutefois fait appel de ce jugement;

rappelant que l'une de ses principales préoccupations dans ce cas a trait à l'article 13 de l'annexe 2 à la Constitution de 1997 qui a pour effet de garantir l'immunité de poursuites à tous les membres de l'ex-Conseil provisoire de gouvernement militaire (AFPRC), ce qui a empêché M. Juwara d'obtenir réparation pour les arrestations, détentions arbitraires et mauvais traitements dont il avait été victime sous le gouvernement de l'AFPRC; notant à ce propos que l'Assemblée nationale aurait récemment adopté une loi avec effet rétroactif à janvier 2000, accordant l'immunité générale à tous les agents de sécurité et agents de la force publique qui, par leurs actes, tuent, blessent ou portent préjudice à une personne ou des personnes,

considérant que, dans sa lettre du 15 juin 2001, le Président de l'Assemblée nationale a estimé que celle-ci ne pouvait pas intervenir dans le cas de M. Juwara car elle n'avait ni pouvoirs, ni responsabilités juridiques,

sachant que la Gambie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui tous deux garantissent le droit de ne pas être soumis à la torture ou à de mauvais traitements et de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires; que ces droits sont également consacrés par la Constitution gambienne,

notant que le 11 juin 1998, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture a adressé un appel urgent aux autorités gambiennes en faveur de M. Juwara (voir le document E/CN.4/1999/61) qui est resté sans réponse à ce jour (voir le document E/CN.4/2001/66),

notant que dans la résolution 2001/62 qu'elle a adoptée le 25 avril 2001, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, "prie instamment tous les gouvernements d'encourager l'application rapide et intégrale de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne et, en particulier, … d'abroger les lois qui assurent l'impunité aux responsables de violations graves des droits de l'homme telles que les actes de torture et de poursuivre les auteurs de ces violations, conférant ainsi à l'Etat de droit une base solide" et "souligne en particulier que toutes les allégations faisant état d'actes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doivent être examinées sans délai et en toute impartialité par l'autorité nationale compétente, que ceux qui encouragent, ordonnent, tolèrent ou commettent de tels actes doivent être tenus pour responsables et sévèrement punis, … et que le système juridique interne des Etats doit prévoir, en faveur des victimes, une réparation, une indemnisation équitable et suffisante et une réadaptation socio-médicale appropriée",

tenant compte du décret N° 31 (décret de 1995 sur les buts et objectifs nationaux) selon lequel " l'adhésion aux principes et objectifs des Nations Unies… demeure la pierre angulaire de la politique étrangère de la Gambie ",

  1. remercie le Président de l'Assemblée nationale de sa communication; regrette néanmoins le silence des autorités judiciaires et gouvernementales;

  2. reste vivement préoccupé par l'impunité de fait dont jouissent les auteurs des sévices infligés à M. Juwara en mai 1998 alors qu'il était sous la garde de l'Etat; déplore que les autorités n'aient toujours pas enquêté sur la plainte de M. Juwara concernant ces sévices; déplore en outre qu'elles n'aient pas donné suite à ce jour à l'appel qui leur a été adressé à ce propos par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture;

  3. réitère ses vives préoccupations devant l'article 13 de l'annexe 2 à la Constitution de 1997, qui a pour effet de garantir l'impunité aux membres et officiers de l'ex-Conseil provisoire de gouvernement militaire et prive M. Juwara de son droit, consacré par l'article 9, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, d'être indemnisé pour les nombreuses arrestations et détentions arbitraires qu'il a subies sous le gouvernement de l'AFPRC;

  4. prie instamment une fois de plus les autorités d'honorer les obligations découlant du droit international et, suivant leur volonté déclarée d'observer les principes et objectifs des Nations Unies, de traduire en justice les responsables des mauvais traitements subis par M. Juwara et de réparer de manière appropriée les violations de son droit à la liberté;

  5. affirme que l'Assemblée nationale, en tant qu'instance compétente pour légiférer et contrôler l'action du Pouvoir exécutif, a un rôle à jouer en l'espèce : en tant que législateur, elle est compétente pour veiller à ce que les lois de la Gambie, y compris la Constitution, soient conformes aux obligations internationales du pays; en tant qu'instance contrôlant l'action du Pouvoir exécutif, dont celle de la police, elle est compétente pour veiller à ce que les autorités, y compris la police, respectent les droits de l'homme et à ce que des recours soient possibles en cas de violation de ces droits;

  6. en conséquence, prie instamment une fois de plus l'Assemblée nationale de prendre des dispositions législatives pour s'assurer que les lois sont conformes aux obligations internationales de la Gambie, que les violations des droits de l'homme sont sanctionnées et que les victimes de pareilles violations obtiennent réparation; la prie également instamment d'user de sa fonction de contrôle pour enquêter sur les allégations de violations des droits de l'homme par la police, et insiste pour que les auteurs de ces violations soient traduits en justice;

  7. réitère son souhait d'être tenu informé de l'état d'avancement de la procédure dans l'affaire de la mosquée de Brikama;

  8. charge le Secrétaire général de communiquer cette résolution aux autorités parlementaires et gouvernementales ainsi qu'à M. Juwara; charge également le Secrétaire général de la transmettre aux instances de l'ONU compétentes en matière de droits de l'homme et aux autorités du Commonwealth;

  9. prie le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (mars 2002).

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