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IPU Logo-bottomPlace du Petit-Saconnex, Case postale 438, 1211 Genève 19, Suisse  

CAMBODGE
CAS N° CMBD/18 - CHHANG SONG
CAS N° CMBD/19 - SIPHAN PHAY
CAS N° CMBD/20 - POU SAVATH
Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil interparlementaire
à sa 171ème session (Genève, le 27 septembre 2002)


Le Conseil de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de MM. Chhang Song, Siphan Phay et Pou Savath, membres du Sénat cambodgien, exposé dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/171/12a)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à ce propos à sa 170ème session (mars 2002),

tenant compte d'une lettre du Président du Sénat du 20 août 2002 et d'une communication de la source datée du 27 août 2002,

rappelant que, le 6 décembre 2001, les sénateurs en question ont été exclus de leur parti, le Parti populaire cambodgien (PPC), pour " écart de conduite ", et que, par la suite, sans avertissement ni procédure, ils ont été aussi exclus du Sénat et que leurs successeurs ont prêté serment le 12 décembre 2001; considérant que, selon la source, le sénateur Siphan Phay a appris son exclusion du Sénat lorsque les gardes lui en ont interdit l'accès et lui ont fait savoir qu'il n'y était plus le bienvenu; quant au sénateur Chhang, il était dans l'enceinte du Sénat lorsque les gardes l'ont informé qu'il n'y était plus autorisé,

considérant que, dans sa lettre de mai 2002, le Président du Sénat a réaffirmé sa position, à savoir que " nos pratiques et lois prévoient que tout membre du Sénat exclu de son parti perd son siège ", ajoutant : " La démocratie se développe au Cambodge, mais c'est une démocratie encore balbutiante fondée sur la réconciliation et le compromis entre les partis politiques, qui ont de ce fait un pouvoir sur les individus. Notre système électoral est proportionnel, on y vote pour des partis, non des individus. C'est la raison pour laquelle la position du membre est liée à son appartenance au parti. En dépit des imperfections ou ambiguïtés que comportent nos lois en l'espèce, les pratiques en vigueur reposent sur cette formule : 'Par la même voie pour l'entrée et la sortie' … A moins d'une modification de ces pratiques et lois, nous ne pouvons faire autrement... ", position qu'il a réitérée dans sa lettre du 20 août 2002, ajoutant que " dans le fonctionnement du Sénat cambodgien, la liberté d'expression et les principes démocratiques sont parfaitement garantis. Les sénateurs, ceux de l'opposition en particulier, peuvent exprimer librement des opinions divergentes ",

considérant également qu'en réponse au Conseil qui recommandait au Sénat (para. 7 de la résolution adoptée lors de sa 170ème session) de reconsidérer sa décision d'exclure les sénateurs, le Président du Sénat a indiqué que, si l'on s'en tenait aux pratiques et au règlement intérieur du Sénat, il n'existait au Sénat aucune procédure permettant de réexaminer pareil cas et qu'en outre les sénateurs n'avaient jamais porté plainte; considérant en outre que, selon la source, le sénateur Chhang Song a cependant porté plainte le 5 janvier 2002 devant la Commission des droits de l'homme et des plaintes du Sénat en priant ce dernier de réexaminer ce cas, d'appliquer les procédures légales et de l'indemniser, lui et sa famille, pour le préjudice causé par la décision illégale du Sénat; que le Président de la Commission, M. Kem Sokha, aurait adressé copie de la plainte aux neuf commissions sénatoriales et que le sénateur Chhang Song lui-même aurait adressé copie de sa plainte au Secrétaire général du Sénat, M. Oum Sarith, à la Présidente de la Commission sénatoriale des affaires étrangères, de l'information et des médias, Mme Ty Borasy, et au Président de la Commission sénatoriale des finances et du budget, M. Chea Peng Chheang; que, toutefois, le sénateur Chhang Song n'aurait reçu aucune réponse à ce jour; notant à ce propos que le sénateur Chhang Song s'est également adressé au Roi qui lui a répondu en indiquant que " en tant que monarque constitutionnel, je règne mais ne gouverne pas et ne saurais donc pas faire ingérence dans la vie des partis politiques ",

considérant en outre que, selon le Président du Sénat, ainsi que le prévoit l'article 136, seul le Conseil constitutionnel peut interpréter la Constitution et, partant, seule cette juridiction " peut déterminer si les mesures prises par le Sénat sont ou non conformes à la Constitution cambodgienne ", précisant que " à ce jour, aucun individu ni institution n'a déposé de plainte auprès du Conseil constitutionnel contre l'exclusion de MM. Chhang Song, Phay Siphan et Pou Savath "; considérant enfin que, selon la source, un particulier ne peut le faire que lorsque la Cour suprême a déjà statué en l'espèce; que, dans tous les autres cas, seul un groupe de sénateurs peut soumettre pareil cas au Conseil; notant à ce propos que les articles 140 et 141 de la Constitution autorisent le Roi, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée nationale, un dixième des membres de l'Assemblée, le Président du Sénat et un quart des sénateurs à soumettre des projets de loi au Conseil et à solliciter l'examen de la constitutionnalité de lois adoptées,

rappelant que, selon le Président du Sénat, les sénateurs en question ont accepté la décision du PPC de les exclure sans se plaindre et se sont vu conseiller de porter leur plainte devant les tribunaux cambodgiens; considérant que, selon la source, le sénateur Chhang Song entendait porter plainte mais n'avait pas réussi à ce jour à trouver un avocat compétent acceptant de travailler avec lui sur ce dossier,

rappelant en outre que, pour la source, les motifs d'exclusion des sénateurs en question sont liés aux critiques qu'ils ont formulées au Parlement sur le projet de code pénal, critiques qui ont puissamment contribué au rejet de ce projet, ce qui leur a valu des reproches cinglants des dirigeants du PPC qui auraient considéré leur intervention comme un effort concerté pour faire échouer la politique décidée par le parti; considérant à ce propos que, selon le Président du Sénat, d'autres sénateurs et membres du PPC ont également critiqué le projet de loi, ce qui montre bien que cette expulsion n'a rien à voir avec ce que les sénateurs en cause avaient dit au Parlement,

rappelant par ailleurs que ni la Constitution ni le Règlement intérieur du Sénat ne prévoient l'expulsion du Sénat et n'énoncent de motifs ou de procédures dans ce sens; notant plus précisément que ni la Constitution ni le Règlement intérieur du Sénat ne prévoient l'exclusion du Sénat à la suite de l'exclusion d'un parti; notant enfin que le Règlement intérieur du Sénat se borne à énoncer une procédure d'ordre disciplinaire exigeant, pour un blâme écrit avec expulsion temporaire, un vote du Sénat à la majorité des deux tiers; qu'il n'autorise en aucune manière le remplacement d'un sénateur par suite de la perte de la qualité de membre de son parti,

sachant qu'aux termes de l'article 51 de la Constitution : " le Royaume du Cambodge adopte une politique de démocratie libérale et de pluralisme. Le peuple cambodgien est le maître de son pays. Tout le pouvoir émane de lui "; que l'article 31 de la Constitution stipule que : " le Royaume du Cambodge reconnaît et respecte les droits de l'homme tels qu'ils sont énoncés dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes et conventions relatifs aux droits de l'homme, aux droits des femmes et aux droits des enfants "; que l'un des droits de l'homme fondamentaux reconnus à l'échelle internationale est la liberté d'expression, consacrée par l'article 41 de la Constitution et que, en vertu de ce droit, l'article 104 de la Constitution garantit l'irresponsabilité parlementaire aux membres du Parlement cambodgien et prévoit une procédure pour protéger les sénateurs contre toute atteinte en la matière,

  1. remercie le Président du Sénat de ses observations et de sa coopération suivie;

  2. constate néanmoins qu'aucune des observations et informations dont celui-ci a fait part n'infirme les conclusions du Comité, à savoir qu'en l'absence de toute disposition constitutionnelle ou réglementaire concernant l'exclusion ou la révocation de membres du Sénat au motif que leur parti politique les a exclus, la révocation de MM. Chhang Song, Siphan Phay et Pou Savath est illégale;

  3. entend souligner en particulier ce qui suit : selon une règle commune et propre aux démocraties pluralistes libérales, comme celle du Cambodge, quel que soit le système électoral qu'elles appliquent, proportionnel ou autre, les partis politiques ne peuvent révoquer le mandat parlementaire, sauf dispositions légales expresses assorties d'une procédure précise;

  4. souligne avec force qu'une " pratique " ne saurait être invoquée pour justifier une procédure qui n'est pas prévue par la loi, en particulier lorsqu'une question grave comme la révocation d'un mandat parlementaire est en jeu;

  5. désapprouve sévèrement une " pratique " qui ne permet pas aux intéressés d'exercer leur droit à se défendre et ne prévoit pas non plus la notification en bonne et due forme d'une décision grave comme l'exclusion d'une instance législative;

  6. estime qu'il est indispensable pour toute démocratie naissante de respecter strictement la légalité et les droits de l'homme et d'éviter tout recours à des " pratiques " car elles ouvrent la voie à l'arbitraire;

  7. note que, aux côtés des plus hautes autorités de l'Etat, le Président du Sénat ou un quart des membres du Sénat peut solliciter une interprétation de la Constitution, y compris de l'expression " abandon de la qualité de sénateur " employée à l'article 115; invite les autorités à user de cette faculté;

  8. note que le sénateur Chhang Song a déposé plainte auprès de la Commission sénatoriale des droits de l'homme et de l'instruction des plaintes et en a informé d'autres commissions sénatoriales; aimerait savoir quelles mesures ont été prises pour y donner suite;

  9. réaffirme qu'en s'exprimant sur le projet de code pénal, ainsi que cela a été porté à l'attention du Comité, les sénateurs en question défendaient les droits de l'homme et les principes démocratiques et s'acquittaient de leur rôle de gardien des droits de l'homme;

  10. en conséquence, prie instamment le Sénat de prendre sans plus tarder des dispositions pour remédier à cette situation, éviter qu'elle ne se reproduise à l'avenir et garantir ainsi que tous les membres du Parlement pourront exercer, sans crainte de représailles, leur droit à la liberté d'expression qui est essentiel à l'exercice de leur mandat de représentants du peuple;

  11. charge le Secrétaire général de faire part de la présente résolution au Roi, au Président du Sénat et au Premier Ministre du Cambodge, en les priant de bien vouloir considérer ces questions en urgence; le charge en outre de la porter à la connaissance des instances de l'ONU compétentes en matière de droits de l'homme et d'autres organisations compétentes;

  12. prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session (avril 2003).


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