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PALESTINE
CAS N° PAL/04 - HUSSAM KHADER

Résolution adoptée par consensus par le Conseil directeur
à sa 179ème session (Genève, 18 octobre 2006)


Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Hussam Khader, ancien membre du Conseil législatif palestinien, exposé dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/179/11a)-R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à sa 178ème session (mai 2006),

se référant aussi au rapport de Me Simon Foreman, qui a observé le procès pour le compte de l'UIP et à la conclusion à laquelle il a abouti, à savoir que M. Khader « n'a pas bénéficié depuis son arrestation [en mars 2003] du respect des règles internationales relatives au procès équitable » et que « ces manquements donnent le sentiment qu'Israël a renoncé, au nom de la lutte contre le terrorisme, à assurer le respect absolu et en toutes circonstances de l'intégrité physique et psychique des prisonniers, qui est pourtant une obligation impérative à laquelle aucune circonstance exceptionnelle ne permet de déroger »,

rappelant que le Conseiller diplomatique du Président de la Knesset a formulé dans sa lettre du 27 avril 2006 des observations sur ce rapport,

notant les remarques suivantes, dont le Comité des droits de l'homme des parlementaires a fait part pour commentaire aux autorités parlementaires israéliennes en juillet 2006 :

  1. M. Khader a été jugé et condamné sur la base de sa reconnaissance d'une implication dans des activités terroristes.

    • Il est vrai que M. Khader a été condamné parce qu'il a plaidé coupable, mais il convient de rappeler que l'accusation n'a pas été en mesure d'étayer les allégations portées initialement à son encontre, ce qui explique que les charges aient été modifiées au cours d'un procès qui a duré deux ans et demi et qu'il a été proposé à M. Khader de plaider coupable contre une réduction de peine après l'audition de tous les témoins1. En réalité, au moment où il a été arrêté, les déclarations impliquant M. Khader, sur lesquelles ont reposé les charges retenues contre lui, n'existaient pas, puisque le principal témoin à charge n'avait pas encore été arrêté. Selon son avocat, M. Khader a contesté avec énergie tout au long de la procédure les charges retenues contre lui et a décidé de plaider coupable contre des charges requalifiées, et ce pour deux raisons. Tout d'abord parce qu'avant sa condamnation, des preuves fournies par le principal témoin à charge avaient déjà été considérées comme recevables dans une autre affaire, avec laquelle il n'avait aucun lien, mais dont le même juge avait été saisi. Sachant que sa condamnation était inévitable étant donné la pratique des tribunaux militaires israéliens en la matière, M. Khader a cherché à réduire la durée de sa peine. Deuxièmement, la requalification des chefs d'accusation excluait toute responsabilité de sa part dans des actes de violence, si bien que M. Khader a accepté de plaider coupable contre une négociation de sa peine.

  2. En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle la famille de M. Khader a été dans l'impossibilité d'obtenir des informations sur le sort de ce dernier, on notera que les Forces armées israéliennes (FDI) ont mis en place une centrale d'informations sur les mises en détention pour toute personne cherchant à localiser des détenus. L'existence de cette centrale est parfaitement connue et on aurait pu la consulter pour obtenir des informations sur le sort de M. Khader.

    • L'avocat de M. Khader a donné les informations suivantes à ce propos : les FDI sont dotées en effet d'une telle centrale, mais celle-ci ne fournit pas d'informations précises et immédiates aux avocats ni aux familles des prisonniers, et son personnel ne parle pas arabe. Les familles et les avocats savent qu'en réalité, cette centrale n'est pas autorisée à fournir d'informations sur le lieu de détention des détenus, et qu'elle respecte cette consigne. Selon le droit israélien, les autorités sont tenues d'informer par téléphone la famille de la personne arrêtée de son lieu de détention, mais elles ne s'exécutent pas dans les faits. De même, la personne arrêtée a le droit d'appeler sa famille et de lui dire où elle se trouve mais ne peut exercer ce droit en pratique. En règle générale, les avocats s'adressent à une organisation israélienne de défense des droits de l'homme, l'organisation Ha'moked, qui s'assure pour le compte des familles et des avocats du lieu de détention des personnes arrêtées. Ha'moked obtient généralement ce type d'information dans les 48 heures qui suivent l'arrestation parce que, selon Ha'moked, c'est le temps qu'il faut à la centrale des FDI pour disposer de renseignements sur le cas des personnes arrêtées. Il ressort du rapport de Me Foreman (para. 9, 11 et 34), que l'avocat de M. Khader s'est trouvé à diverses reprises dans l'impossibilité de retrouver la trace de son client, qui avait bel et bien « disparu ».

  3. En ce qui concerne la période de détention intervenue avant que M. Khader ne soit déféré devant un juge, il est juste de dire que cette période était plus longue que la période de huit jours normalement autorisée. Toutefois, au moment précis de l'arrestation de M. Khader, en raison de la situation sécuritaire particulièrement grave, on a autorisé – à titre temporaire – qu'un suspect soit déféré devant un juge dans un délai de 12 jours après son arrestation. M. Khader a été présenté au juge dix jours après avoir été arrêté, soit dans le délai légal.

    • En application des normes internationales en matière de droits de l'homme, il n'est pas acceptable d'autoriser le maintien en garde à vue pendant 10 jours, même à titre temporaire2. Au paragraphe 4 de son observation générale N° 8, le Comité des droits de l'homme créé en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel Israël est partie, indique que les personnes détenues pour des raisons de sécurité publique et accusées d'atteinte à la sécurité publique doivent bénéficier de l'entière protection de l'article 9, paragraphe 3, et de l'article 14 du Pacte. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a donc dénoncé les dispositions de la loi 5767/2006 adoptée récemment, loi intitulée Procédure pénale (application, détention) (détenus soupçonnés d'atteinte à la sécurité) (dispositions temporaires), qui prévoient qu'un individu détenu pour des questions de sécurité peut être retenu jusqu'à 96 heures sans être présenté à un juge.

  4. En ce qui concerne le maintien au secret de M. Khader, on notera que la plupart des Etats qui luttent contre le terrorisme prévoient des dispositions permettant d'empêcher que des suspects ne rencontrent leur avocat pendant un délai limité afin de pouvoir interroger les suspects et conduire des investigations. Toutes les mesures de ce type dans le cas de M. Khader ont été appliquées conformément aux directives énoncées dans le droit israélien.

    • Le droit du détenu de s'entretenir avec son avocat est garanti à l'article 14, paragraphe 3 b), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel Israël est partie et qui l'emporte sur toute disposition contraire du droit national. En Israël, certaines dispositions relatives aux atteintes à la sécurité permettent aux autorités de priver de ce droit les détenus soupçonnés d'atteinte à la sécurité pendant 21 jours au maximum. Dans ses observations sur la loi susmentionnée, qui maintient cette durée de 21 jours, le Rapporteur spécial a déclaré la mesure incompatible avec le droit international en matière de droits de l'homme. Il a rappelé que le droit à la liberté de la personne tel qu'il est consacré par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques suppose que toute personne doit pouvoir s'entretenir avec un avocat dès son arrestation3. Si la législation nationale ne respecte pas cette règle, elle doit donc être modifiée en conséquence.

  5. A aucun moment de la procédure, M. Khader ne s'est plaint d'avoir subi un « traitement cruel, inhumain ou dégradant ». Des allégations de cette nature ont été faites par des témoins mais la condamnation de M. Khader reposant sur ses aveux, le système juridique ne pouvait se saisir de ces allégations indirectes.

    • A l'audience du 29 juin 2005, à laquelle assistait Me Foreman, M. Khader a pris la parole devant le tribunal et, selon son avocat, il a parlé alors du traitement subi en détention. Il a dit ainsi qu'il avait été tenu éveillé pendant plusieurs jours d'affilée et que, souvent, il ne savait plus si c'était le jour ou la nuit. A un certain moment, il a été détenu dans une prison secrète, connue sous le nom de Facility 1391, où il était constamment maintenu dans l'obscurité. A de nombreuses occasions, des agents des services de renseignement sont venus dans sa cellule alors qu'il dormait; ils l'ont forcé à se lever, à se mettre face au mur et lui ont mis un sac sur la tête. Ils lui ont attaché les mains et les jambes (dans une position connue sous le nom de shabeh) et il a été souvent maintenu dans cette position jusqu'à deux jours d'affilée. On lui donnait très peu à manger et à boire, de sorte qu'il se sentait très faible. Souvent aussi, il n'était pas autorisé à aller aux toilettes. Dans une déclaration parue le 16 juin 2006, un membre de la Knesset, M. Jamal Zahalka, a indiqué avoir assisté à un certain nombre d'audiences du procès et avoir entendu M. Khader décrire au tribunal le traitement inhumain qu'il avait subi.

    • En outre, l'avocat de M. Khader affirme avoir soulevé durant le procès la question des actes de torture et des traitements inhumains illégaux dont son client avait été victime.

    • Selon l'avocat de M. Khader, le principal témoin à charge, M. Amir Suwalma, a déclaré au tribunal qu'il avait été torturé et qu'il avait subi des traitements inhumains, que des « aveux » lui avaient été extorqués sous la torture lors d'interrogatoires pendant lesquels la police l'avait poussé à faire de fausses déclarations contre M. Khader. A ce propos, l'avocat de M. Khader précise que, pendant le procès, il n'a pas été autorisé à interroger M. Amir Suwalma sur les circonstances de son interrogatoire pour établir si ses aveux avaient été obtenus sous la contrainte, comme il l'avait déclaré devant le tribunal. Le tribunal a préféré accorder foi à la déposition faite par M. Suwalma durant un interrogatoire de police plutôt qu'à ses déclarations pendant l'audience.

    • Aux termes de l'article 12 de la Convention des Nations Unies contre la torture (ratifiée par Israël en 1991), « Tout Etat partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction ». Cela n'a pas été fait.

  6. L'idée suggérée dans le rapport que la « justice militaire israélienne est difficilement compatible avec le droit israélien » n'est guère acceptable. Le modèle de justice militaire mis en place par Israël dans les territoires est précisément celui que prévoient les dispositions de l'article 66 de la Quatrième Convention de Genève. On notera en outre que le maintien du système judiciaire actuel est conforme aux arrangements figurant à l'annexe sur les aspects juridiques à l'accord intérimaire entre Israël et la Palestine.

    • Dans ses observations, le Conseiller diplomatique ne cite pas fidèlement le rapport de Me Foreman, où il est dit non pas que la justice militaire israélienne est « difficilement compatible avec le droit israélien » mais qu'elle est « difficilement compatible avec l'évolution du droit international en la matière » (para. 57). Aux paragraphes 42 à 47 de son rapport, Me Foreman reconnaît que la Quatrième Convention de Genève envisage en son article 66 l'institution de tribunaux militaires et il en examine la finalité et la conformité à l'évolution du droit international depuis l'adoption de la Convention en 1949.

  7. Enfin, en ce qui concerne l'allégation selon laquelle des éléments de preuve auraient été dissimulés, il convient de noter que dans tout système juridique il est possible, dans les limites fixées par la loi, d'empêcher la présentation et l'utilisation de certaines informations confidentielles. Le tribunal a été invité par les avocats de l'accusé à lever le secret mais cette requête a été rejetée. Toutefois, si ces informations avaient comporté des éléments disculpant l'accusé, en droit israélien, le ministère public aurait été tenu de communiquer ces éléments à M. Khader.

    • Le Comité partage l'avis de Me Foreman, exprimé au paragraphe 49 de son rapport, et estime qu'il appartient non pas à l'accusation mais à la défense d'apprécier si un élément est utile ou non à la défense. De toute façon, des garanties d'équité doivent être mises en place pour s'assurer qu'il est fait bon usage de telles dispositions. Il ne semble pas que tel ait été le cas en l'espèce. La défense a déposé des motions pour demander la divulgation des preuves secrètes qui auraient été recueillies contre M. Khader puisque ces preuves pouvaient aussi l'innocenter, mais la Cour d'appel militaire les a rejetées. Comme indiqué dans le rapport de Me Foreman, certaines des informations confidentielles et des preuves secrètes qui étaient censées incriminer M. Khader se sont révélées mensongères et des agents des Services généraux de sécurité israéliens ont reconnu au tribunal que certaines des preuves et des déclarations de témoins avaient été fabriquées,

notant ce qui suit : selon les sources, les conditions de détention de M. Khader se sont dégradées depuis avril 2006, en particulier en ce qui concerne son droit de recevoir des visites, du courrier et des soins médicaux (M. Khader continuerait à souffrir cruellement de son dos, affection pour laquelle il ne recevrait pas les soins médicaux nécessaires); les comptes des prisonniers, qui leur permettent de recevoir de modestes sommes d'argent, auraient été clos et M. Khader risque ainsi de ne pas avoir les moyens de s'acheter de la nourriture et d'autres produits de base; en septembre 2006, M. Khader aurait contracté au contact d'un autre prisonnier une infection cutanée aiguë, qui, malgré une injection faite par le médecin de la prison qu'il a consulté, continue à le faire beaucoup souffrir; son avocat a demandé qu'il soit autorisé à consulter un médecin spécialiste ou transféré à l'hôpital de la prison pour recevoir le traitement approprié, ce que les autorités ont refusé; il serait détenu au secret pour trois semaines car on l'a pris en train de passer un billet qu'il avait écrit; à ce sujet, la source a indiqué qu'il écrivait régulièrement de sa prison; sa mère et ses enfants ont réussi à lui rendre visite environ toutes les quatre à six semaines, bien qu'ils soient obligés de demander chaque fois une autorisation, qui n'est pas toujours accordée; selon le règlement pénitentiaire, ses enfants ne peuvent lui rendre visite que s'ils sont accompagnés d'un adulte de la famille; ses proches n'auraient reçu aucun message ni lettre de lui pendant des mois et, de son côté, il n'aurait reçu aucune des lettres que lui ont envoyé ses enfants et ses proches; son frère est décédé il y a deux mois et, contrairement à la pratique habituelle, il n'a été autorisé que deux semaines plus tard à s'entretenir avec sa mère et les enfants de son frère,
  1. continue à estimer, au vu du rapport de Me Foreman, qui a observé le procès, et des remarques du Comitésur les observations faites par le Conseiller diplomatique du Président de la Knesset sur ce rapport, que M. Khader n'a pas bénéficié d'un procès équitable;

  2. engage une fois de plus les autorités israéliennes à remettre sans tarder M. Khader aux autorités palestiniennes compétentes;

  3. note avec préoccupation que les autorités israéliennes ne se sont pas acquittées de l'obligation qui leur incombe en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture d'enquêter sur les témoignages rendus en justice par M. Khader et par le principal témoin à charge concernant la torture et les mauvais traitements qu'ils avaient subis;

  4. s'inquiète de l'état de santé de M. Khader et compte que les autorités israéliennes s'acquitteront de leur obligation de lui assurer le traitement médical nécessaire; s'inquiète aussi des restrictions dont feraient l'objet les visites de ses proches et souhaiterait connaître les vues des autorités à ce sujet;

  5. réitère son souhait qu'un membre du Comité s'entretienne avec M. Barghouti en prison en l'absence de témoins et charge le Secrétaire général de poursuivre à cette fin ses démarches auprès des autorités parlementaires israéliennes;

  6. charge le Comité de poursuivre l'examen du cas et de lui faire rapport à sa prochaine session,qui se tiendra lors de la 116ème Assemblée (avril-mai 2007).


1 - D'après l'ouvrage de Lisa Hajjar « Courting Conflict : The Israeli Military Court System in the West Bank and Gaza », publié aux Presses de l'Université de Californie en 2005, dans la plupart des affaires entendues par les tribunaux militaires, une négociation de la peine est proposée à l'accusé en cas de reconnaissance préalable de culpabilité, et ce avant l'audition des témoins, de sorte que le procès garde très peu de liens avec la réalité de l'affaire. Ainsi, 90 à 95 pour cent des Palestiniens qui comparaissent devant la justice militaire sont reconnus coupables, et 97 pour cent des affaires se soldent par des arrangements de ce type.

2 - Comité des droits de l'homme, affaires Fillastre et Bizouarn c. Bolivie (N° 336/1988), Mc.Lawrence c. Jamaïque (N° 702/1996) et Kurbanov c. Tadjikistan (N° 1096/2002).

3 - Nations Unies, communiqué de presse, 4 juillet 2006.


Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 115ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 499k). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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