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PHILIPPINES
CAS N° PHI/01 - CRISPIN BELTRÁN
CAS N° PHI/02 - SATURNINO OCAMPO
CAS N° PHI/03 - JOEL VIRADOR
CAS N° PHI/04 - TEODORO CASIÑO
CAS N° PHI/05 - LIZA MAZA
CAS N° PHI/06 - RAFAEL MARIANO

Résolution adoptée par consensus par le Conseil directeur
à sa 179ème session (Genève, 18 octobre 2006)


Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

saisi du cas de Mme Liza Maza et de MM. Saturnino Ocampo, Joel Virador, Teodoro Casiño et Rafael Mariano, membres en exercice de la Chambre des représentants des Philippines, qui a fait l'objet d'une étude et d'un rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires, conformément à la « Procédure d'examen et de traitement, par l'Union interparlementaire, de communications relatives à des violations des droits de l'homme dont sont victimes des parlementaires »,

prenant note du rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires, qui contient un exposé détaillé du cas (CL/179/11a)-R.1),

se référant à la résolution adoptée à sa 178ème session (mai 2006) sur le cas de M. Crispin Beltran,

tenant compte des actes d'accusation du 27 février, du 21 avril, du 11 mai et du 7 juin 2006, dont copie a été transmise au Comité, et des déclarations de MM. Ocampo et Casiño, entendus par le Comité pendant la 115ème Assemblée de l'UIP (octobre 2006),

considérant que les parlementaires concernés ont été élus lors des élections de 2001 et de 2004, en qualité de personnes désignées par les partis Bayan Muna, Anakpawis et Gabriela, respectivement, en application du système électoral philippin mis en place pour garantir la représentation des catégories défavorisées et des minorités au sein de la Chambre des représentants; qu'ils sont tous connus pour avoir dénoncé publiquement la politique de la Présidente Gloria Macapagal Arroyo,

considérant que le cas des parlementaires concernés doit être replacé dans le contexte suivant : en janvier 2006, la Présidente Arroyo a ordonné au Groupe interinstitutions d'action légale de monter des affaires de rébellion et de sédition contre des individus soupçonnés d'agir en ennemis de l'Etat; que, tôt dans la matinée du 24 février 2006, l'armée a annoncé qu'elle avait déjoué un complot visant à renverser la Présidente Arroyo; que, avant midi le même jour, la Présidente Arroyo a proclamé l'état d'urgence dans le pays par la Proclamation présidentielle 1017 et pris le Décret N° 5 intitulé « Ordre aux forces armées des Philippines de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publics et de prévenir et de réprimer les violences illicites dans la situation d'urgence nationale »; que, en conséquence, toutes les autorisations de rassemblement délivrées à divers groupes par le maire de Manille pour célébrer le 20ème anniversaire du renversement du régime Marcos ont été retirées et diverses manifestations ont été dispersées; que, le 3 mars 2006, l'état d'urgence, largement décrié, a été levé; que, depuis, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel le Décret N° 5,

considérant les éléments suivants versés au dossier :

  • le 25 février 2006, M. Crispin Beltran a été « invité » par des agents du Groupe d'enquête et de recherche en matière criminelle (CIDG) pour interrogatoire; au CIDG, on lui a présenté un mandat d'arrêt décerné contre lui pour rébellion en 1985; bien que l'avocat ait dit à la police que le mandat, qui remontait à une accusation d'incitation à sédition portée par le régime Marcos, avait été depuis longtemps annulé, la police a refusé de le libérer; plus tard, le même jour, M. Beltran a été inculpé au motif qu'il aurait incité à rébellion lors d'un rassemblement tenu le 24 février 2006 pour commémorer la chute du régime Marcos; des témoins ont déclaré sous la foi du serment que l'accusation était mensongère et que M. Beltran n'avait pas prononcé de discours à cette occasion; les 27 février et 4 mars 2006, deux nouvelles accusations de rébellion ont été portées contre lui, l'une de conspiration avec un officier de l'armée impliqué dans une tentative de coup d'Etat en 2003 et l'autre de liens avec le Parti communiste des Philippines; le 23 mars 2006, le tribunal métropolitain de Quezon, chargé de l'affaire d'incitation à sédition, a ordonné sa libération; il a cependant été maintenu en détention au motif que la rébellion était un délit continu; un acte d'accusation modifié a été établi contre lui le 7 juin 2006; M. Beltran a 71 ans et son état de santé s'est détérioré en détention; il est actuellement sous surveillance policière au Centre philippin des maladies cardiaques;

  • le 25 février 2006, une équipe de policiers a tenté d'arrêter M. Ocampo du parti Bayan Muna après une conférence de presse tenue par l'opposition à laquelle il avait pris la parole; les policiers n'avaient pas de mandat d'arrêt et n'avaient pu lui indiquer le motif de son arrestation; le 27 février 2006, des accusations de rébellion ont été portées contre lui et les autres parlementaires concernés – Mme Maza et MM. Virador, Casiño et Mariana – pour avoir prétendument participé avec des soldats de droite à une conspiration tendant à renverser la Présidente Arroyo; sachant qu'ils risquaient d'être arrêtés, les cinq parlementaires ont demandé, le 27 février 2006, la protection de la Chambre des représentants; le 28 février, la Chambre a adopté à l'unanimité une résolution dans laquelle elle énonce le droit des personnes concernées aux garanties d'une procédure régulière et les place « sous sa garde et sa protection », puisqu'ils n'avaient pas été inculpés et qu'aucun mandat d'arrêt n'avait été décerné par un juge après instruction préliminaire du dossier; le 1er mars 2006, le Sénat a adopté la résolution 69, qui souligne la nécessité de faire respecter les droits des parlementaires en question, garantis par la Constitution et la législation nationales, et le devoir du Congrès philippin de continuer à leur accorder sa protection,
considérant que, le 21 avril 2006, le ministère public a requalifié les charges pour le délit de rébellion contre un grand nombre de personnes, notamment contre les parlementaires concernés; que le 4 mai 2006, le juge du tribunal régional d'instance de Makati, Mme Delorino, a prononcé un non-lieu; que les parlementaires concernés ont quitté la Chambre des représentants, mais que le Ministre de la justice a indiqué qu'ils pourraient faire l'objet d'autres poursuites,

considérant qu'effectivement de nouvelles poursuites ont été engagées contre eux le 11 mai 2006; qu'elles reposaient dans une large mesure sur le cas précédent soldé par un non-lieu; que les intéressés et d'autres personnes font l'objet de trois accusations de rébellion, dont l'une n'aurait pas été précisée, au motif qu'en leur qualité de membres du Parti communiste clandestin (CPP) ou d'organisations connexes créées pour donner une vitrine légale à ce parti, ils s'étaient rendus coupables de rébellion par conspiration, association et coopération en vue de renverser le Gouvernement et d'utilisation de leur statut de parlementaires pour assurer la victoire de la lutte armée, notamment en mettant leurs indemnités parlementaires au service de la rébellion armée et en organisant des manifestations qui devaient se terminer le 24 février 2006 par la jonction des organisations de la vitrine légale du CPP, dirigées par les parlementaires concernés, et des forces militaires en vue d'une tentative de renversement du gouvernement le 1er mai 2006,

notant à cet égard ce qui suit : les différents actes d'accusation contiennent essentiellement des allégations très générales et non étayées, notamment de meurtre et d'affrontements armés entre la Nouvelle armée du peuple (NPA) et les troupes gouvernementales; le CPP, dont les parlementaires concernés sont accusés d'être membres, n'est plus considéré comme une organisation illicite depuis 1992; selon la motion déposée collectivement par les accusés pour obtenir la suppression de l'acte d'accusation amendé le 21 avril 2006, les preuves produites pour étayer les allégations portées dans les actes d'accusation consistent en déclarations faites sous serment qui ne sont pas enregistrées dans les formes et, à une exception - celle de Jaime Beltran Fuentes, qui a comparu encapuchonné le 13 mars 2006 devant l'accusation -, aucun des témoins qui ont fait ce genre de déclarations, qui seraient pour la plupart d'anciens membres du CPP ou de la NPA qui se sont rendus ou ont été capturés et travaillent pour la campagne contre l'insurrection, n'a comparu en personne devant l'accusation pour confirmer sous serment leurs déclarations; les autres éléments de preuve seraient étrangers à l'affaire, des preuves indirectes et des documents non authentifiés tels que du matériel d'éducation et de propagande du CPP ou de la NPA, des documents de la police et des services militaires de renseignement, des communiqués de presse, des documents d'organisations légalement constituées, des extraits de documents de provenance inconnue, des bulletins et des certificats de décès; notant aussi que M. Casiño avait deux ans lorsque les crimes dont il est accusé auraient été commis et que, lorsque cette question a été portée à l'attention du Ministre de la justice, il aurait répondu que c'était à la défense de relever ce point,

considérant que, à la suite d'un recours en certiorari et prohibition, la Cour suprême a rendu le 5 juin 2006 une ordonnance suspensive, qui ordonne au Ministère de la justice, au ministère public et à la police de maintenir le statu quo et leur interdit jusqu'à nouvel ordre de poursuivre l'instruction préliminaire de la plainte déposée contre les députés,

notant que, le juge Delorino ayant prononcé un non-lieu sur l'acte d'accusation requalifié du 21 avril 2006, le Ministère de la justice a déposé une motion tendant à ce que le juge Delorino se récuse pour partialité dans le traitement de l'affaire, ce qu'elle a fait; un autre juge auquel le dossier a été alors transféré s'est récusé de son propre chef et l'affaire est maintenant en instance devant le juge Alameda qui fait partie d'une autre section du tribunal régional de Makati; considérant que, le 22 août 2006, le juge Alameda a suspendu la procédure contre Mme Maza, MM. Ocampo, Virador, Casiño et Mariano, « par égard pour la Cour suprême qui se prononcera sur le recours en certiorari en instance »; que cette décision cependant ne concerne pas M. Beltran en raison d'une décision antérieure de justice qui avait conclu que des motifs raisonnables et suffisants justifiaient la procédure; une motion tendant à ce que cette décision soit reconsidérée a été rejetée le 29 août 2006 au motif que la rébellion est un délit continu et passible d'une arrestation sans mandat; notant aussi que l'on tente actuellement de placer M. Beltran sous la garde de la Chambre des représentants,

considérant encore qu'en octobre 2006 une nouvelle action en rébellion a été intentée à 50 personnes en relation avec les manifestations de février 2006; que, bien que les parlementaires concernés ne soient pas mentionnés dans cette affaire, le Ministre de la justice aurait déclaré qu'elle pouvait être jointe à l'affaire actuellement en instance contre eux,

considérant aussi que le Ministre de la justice, dans des entretiens accordés à des médias locaux et nationaux, a déclaré que les députés en cause étaient coupables; que, lors d'un entretien accordé à la chaîne de télévision ABS-CBN le 31 mars 2006, il a dit : « nous nous bornerons à déclarer que les motifs sont raisonnables et suffisants [pour penser que la procédure est justifiée], puis ce sera au tribunal de trancher »; que la Présidente Arroyo a déclaré dans une interview accordée au Philippine Star le 12 mars 2006 que les députés en question « ont commis un délit et, en l'occurrence, un délit continu. Et nous avons des lois pour faire face à ce genre de situation. De fait, ils entravent l'activité du Congrès en se comportant de la sorte »,

considérant en outre que, le 26 mai 2006, le Ministre de la justice et la Commission de contrôle gouvernementale pour la sécurité intérieure ont empêché M. Ocampo de se rendre à Djakarta alors que le Président de la Chambre des représentants l'y avait officiellement autorisé; que, le 12 juin 2006, M. Ocampo a été à nouveau empêché de se rendre à l'étranger pour assister à la 95ème Conférence internationale du Travail; que, le 20 juin, le tribunal régional d'instance de Makati l'a autorisé à quitter le territoire; que, cependant, le Ministère de la justice semble avoir maintenu son nom sur la liste des personnes frappées d'une interdiction de quitter le territoire car il a eu des difficultés à sortir du pays pour se rendre à Genève; notant que la Constitution des Philippines reconnaît aux citoyens le droit à la liberté de mouvement qui, de ce fait, ne peut être restreint que par décision d'un tribunal compétent,

considérant qu'en réponse à ses demandes d'information et à ses préoccupations, le Ministre de la justice, dans ses lettres du 26 avril et du 28 juin 2006, a affirmé que M. Beltran et les autres parlementaires avaient été officiellement inculpés pour violation de certaines lois sur la sécurité nationale et qu'ils étaient traités conformément aux règles de procédure; que, s'agissant de M. Beltran, il était maintenu en détention, la rébellion étant un délit incompatible avec une libération provisoire,

notant que des élections auront lieu aux Philippines en 2007 et que le Conseiller à la sécurité nationale aurait déclaré publiquement qu'il mettrait tout en œuvre pour que les partis politiques auxquels appartiennent les parlementaires concernés soient écartés des élections,

sachant enfin que les Philippines sont partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et tenues, à ce titre, de respecter la liberté d'expression, de réunion et d'association, le droit à la liberté et le droit à un procès équitable,

  1. exprime sa vive préoccupation devant les accusations portées contre les parlementaires concernés et note à ce sujet : i) une nouvelle action est intentée à Mme Maza et MM. Ocampo, Virador, Casiño et Mariano sur la base d'accusations sur lesquelles le tribunal a prononcé un non-lieu le 14 mars 2006; ii) le ministère public n'a cessé de produire des actes d'accusation amendés, qui reposent tous sur les mêmes allégations générales; iii) M. Beltran a été arrêté et mis en détention pour des motifs extrêmement contestables; iv) deux juges se sont dessaisis ou ont été récusés et la Présidente Arroyo et leMinistre de la justice ont tenu en public des propos qui manifestement préjugent de la culpabilité des intéressés, en violation du principe fondamental de la présomption d'innocence;

  2. craint que tout cela n'indique que les parlementaires en question sont poursuivis pour des motivations étrangères au droit;

  3. exprime sa perplexité devant la notion de délit continu qui a de graves conséquences telles que l'arrestation sans mandat et souhaite savoir sur quelles bases et quelle procédure légale elle repose; rappelle que le droit à la liberté de la personne sous-entend que nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à une procédure prévus par la loi, qui doivent être conformes aux normes internationales;

  4. est en outre vivement préoccupé de ce que le ministère public tente de faire passer pour illégaux des partis politiques dûment autorisés, qui ont participé aux élections de 2001 et de 2004, et de présenter comme répréhensible le travail de leurs représentants au Parlement, et souligne que les libertés d'expression et de réunion sont les pierres angulaires de la démocratie; considère que cette attitude porte gravement atteinte au Parlement lui-même et doit donc inquiéter les autorités parlementaires; les engage à suivre de près l'enquête et souhaiterait qu'elles lui fassent part de leurs observations à ce sujet;

  5. est de plus très préoccupé par le fait que M. Ocampo a été empêché de se rendre à l'étranger malgré l'absence de décision de justice à cet effet et que, même lorsque le tribunal l'a expressément autorisé à quitter le territoire, il a eu des difficultés à le faire;

  6. note que l'affaire est actuellement en instance devant la Cour suprême et que toute la procédure est suspendue, alors que celle engagée contre M. Beltran suit son cours;

  7. demeure vivement préoccupé, à la lumière de ce qui précède, par le maintien de M. Beltran en détention dont il craint qu'elle soit arbitraire; engage de nouveau les autorités à le libérer immédiatement ou tout au moins à le placer sous la garde de la Chambre des représentants;

  8. charge le Secrétaire général de communiquer cette résolution aux autorités et aux parlementaires concernés;

  9. charge le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra lors de la 116ème Assemblée (avril-mai 2007).

Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 115ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 499k). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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