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RWANDA
CAS N° RW/06 - LEONARD HITIMANA

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 186ème session (Bangkok, 1er avril 2010)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Léonard Hitimana, membre de l’Assemblée nationale de transition du Rwanda, dissoute le 22 août 2003, qui a disparu en avril 2003, exposé dans le rapport du Comité des droits de l’homme des parlementaires (CL/186/12b)‑R.1), et à la résolution qu’il a adoptée à sa 185ème session (octobre 2009),

tenant compte de la lettre de la Présidente de la Chambre des députés du Rwanda datée du 15 janvier 2010 et des informations fournies par l’une des sources,

rappelant que M. Hitimana a disparu dans la nuit du 7 avril 2003, la veille du jour où il aurait dû réfuter au Parlement les accusations selon lesquelles son parti, le Mouvement démocratique républicain (MDR), diffusait une idéologie de division ethnique; les autorités se sont longtemps déclarées convaincues que M. Hitimana avait fui dans un pays voisin et qu’il serait prochainement localisé, ce qui n’a pas été le cas,

considérant que les sources ont toujours cru que M. Hitimana avait été enlevé par la Division des renseignements rwandais (DMI) et qu’elles ont récemment fourni au Comité des explications sur les circonstances de sa disparition,

  • la source affirme que, de 2001 à 2003, le MDR était victime de nombreux actes de harcèlement et d’une diabolisation des autorités rwandaises, le Front patriotique du Rwanda craignant, à l’approche des élections présidentielles et parlementaires, d’affronter cette formation politique; le 31 mars 2003, le Président Kagame a prononcé un discours à Bwisige, dans lequel il disait son intention de limoger les dirigeants opposés à sa politique et d’écraser ceux qui pensaient que les élections n’aboutiraient pas aux résultats escomptés et que ses opposants, « une fois blessés », comprendraient ce qu’ils font; le 6 avril 2003, les services de radio et de télévision rwandais ont diffusé un communiqué annonçant que le Président Kagame avait demandé au président du MDR de démissionner du Gouvernement;

  • selon la source, les autorités ont institué une commission parlementaire dans le but d’accélérer la dissolution du MDR sous prétexte que ce parti aurait poursuivi une politique de division ethnique; dans l’après-midi du 7 avril 2003, M. Hitimana, avec deux autres dirigeants du MDR, a rédigé la réponse du parti au rapport de la commission parlementaire, qui devait être discuté le lendemain au Parlement et qui proposait la dissolution du MDR; selon une des sources, M. Hitimana et ses collègues étaient alors étroitement surveillés par la DMI; les dirigeants du MDR étaient convenus que M. Hitimana, qui avait sauvé la vie de plusieurs Tutsis en exerçant sa profession de médecin au moment du génocide et avait été décoré pour ces faits, prendrait la parole au Parlement pour réfuter les allégations portées dans le rapport; M. Hitimana était censé rencontrer son collègue du MDR à son domicile, M. Isaie Mpayimana, pour discuter du document révisé. Or, M. Hitimana n’est jamais arrivé jusque-là; ne le voyant pas arriver, M. Mpayimana a essayé de l’atteindre sur son portable et, se rendant compte que celui-ci ne répondait plus, a craint le pire et a fui le pays; le lendemain, en l’absence de MM. Mpayimana et Hitimana, qui avait un exemplaire du document de réponse du parti et avait été chargé de le défendre, les autres parlementaires du MDR auraient été humiliés ou contraints d’approuver les recommandations de la commission parlementaire, qui ont été adoptées;

  • selon la source, des témoins ont vu, à la fin de l’après-midi du 7 avril 2003, des responsables de la DMI intercepter la voiture de M. Hitimana dans une rue qui avait été fermée à la circulation; M. Hitimana aurait été conduit dans le camp militaire de Kami, où il aurait été torturé et tué en mai 2003 par un responsable de la DMI nommé John Karangwa; sa dépouille a été ensuite transférée en un lieu inconnu; des personnes faisant la ronde au poste frontalier de Kaniga auraient vu le véhicule de M. Hitimana et celui des militaires; la police a ramené la voiture de M. Hitimana au poste de Byumba où elle a été gardée pendant un mois; les représentants de M. Hitimana l’ont ensuite récupérée et la police leur a dit l’avoir trouvée telle quelle près de la frontière avec l’Ouganda; selon les représentants, les câbles électriques de la voiture avaient été sectionnés, il n’y avait plus de clef de contact et il y avait des traces de sang sur le siège avant; la voiture a été ensuite vendue à une organisation de défense des droits de l’homme du nom de « Coforwa »,
considérant que les organisations de défense des droits de l’homme ont aussi accusé John Karangwa d’être responsable de l’enlèvement et de l’exécution de M. Augustin Cyiza, Vice‑Président de la Cour suprême, Président de la Cour de cassation du Rwanda et membre fondateur de deux organisations rwandaises de défense des droits de l’homme, qui a aussi disparu en avril 2003; considérant en outre que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la question de la torture a lancé plusieurs appels urgents en 2003 au Gouvernement rwandais au sujet des détentions arbitraires et des allégations de torture de détenus au camp militaire de Kami et dans d’autres camps militaires, et que l’utilisation de camps militaires comme lieux de détention secrets a fait l’objet de rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la question de la torture et d’organisations de défense des droits de l’homme, telles qu’Amnesty International; rappelant qu’à l’audition tenue par le Comité en octobre 2007, le Président du Sénat a indiqué qu’il n’existait aucun lieu de détention secret au Rwanda,

rappelant que, dans ses observations finales du 31 mars 2009 (CCPR/C/RWA/CO/3), le Comité des droits de l’homme de l’ONU « s’inquiète des rapports faisant état de cas de disparitions forcées et d’exécutions sommaires ou arbitraires au Rwanda, ainsi que de l’impunité dont semblent jouir les forces de l’ordre responsables de ces violations » et de « l’absence de renseignements de l’Etat partie sur la disparition de […] M. Leonard Hitimana »; qu’il a estimé que « l’Etat partie devrait garantir que toutes les allégations de telles violations font l’objet d’enquêtes menées par une autorité indépendante et que les responsables de tels actes sont poursuivis et sanctionnés de manière appropriée »,

considérant que,dans sa dernière communication, la Présidente de la Chambre des députés a indiqué que la Commission parlementaire de l’unité nationale, des droits de la personne et de la lutte contre le génocide avait contacté en octobre 2009 la Commission nationale des droits de la personne et la police nationale en vue de s’enquérir de l’évolution du dossier, mais qu’aucun élément nouveau n’avait été signalé; qu’elle a affirmé que la police nationale poursuivait ses investigations en collaboration avec les services d’Interpol dans les pays limitrophes,

rappelant les nombreuses allégations de harcèlement dont la famille de M. Hitimana serait l’objet, notamment son père très âgé, qui a été arrêté, placé en détention et finalement innocenté par un tribunal Gacaca, mais néanmoins maintenu en détention, et n’a été libéré que le 26 mars 2007 grâce à l’intervention de la Commission nationale des droits de la personne qui jugeait arbitraire son maintien en détention; qu’il aurait été à nouveau arrêté sur la foi « d’éléments nouveaux » portés à l’attention du tribunal Gacaca; considérant que, selon les dernières informations fournies par la Présidente de la Chambre des députés, le père de M. Hitimana a été reconnu coupable et condamné à une peine de 15 ans d’emprisonnement pour sa participation au génocide de 1994 et est actuellement détenu à la prison centrale de Muhanga,

  1. est profondément troublé de ce que, de plus en plus, M. Hitimana semble avoir été victime d’une disparition forcée et de ce qu’aucun effort sérieux n’ait été fait pour traduire le ou les coupable(s) en justice;

  2. considère que les nombreuses informations fournies par la source pour expliquer les circonstances de sa disparition et les motifs de son élimination physique contrastent vivement avec la faiblesse des rapports de police et de la thèse officielle selon laquelle, sept ans après sa disparition, M. Hitimana serait vivant et se trouverait à l’étranger; souligne, à cet égard, que M. Hitimana n’est pas la seule personnalité haut placée, qui, après avoir critiqué les autorités, a été portée disparue en 2003 et n’a jamais été retrouvée;

  3. est profondément préoccupé par le fait que les rapports de police dont les éléments ont été versés au dossiern’indiquent pas que les traces de sang signalées dans la voiture de M. Hitimana, qui corroborent la thèse de l’enlèvement, ont été analysées; considère que les renseignements concernant les circonstances de la disparition de M. Hitimana, le lieu présumé de sa détention et de son exécution, l’état de sa voiture et l’identité des présumés coupables doivent être pris très au sérieux;

  4. rappelle que les disparitions forcées constituent une violation grave des droits de l’homme; et que la disparition forcée d’un parlementaire, si elle n’est pas élucidée et réprimée, représente une menace pour le Parlement en tant que tel, pour tous ses membres et, in fine, pour les citoyens qu’il représente, car elle ne peut qu’encourager la répétition de pareils actes;

  5. prie instamment les autorités d’enquêter sans tarder sur ces pistes; exhorte le Parlement à faire usage de sa fonction de contrôle pour s’assurer que de véritables efforts sont déployés en ce sens; et souhaite savoir quelles mesures il compte prendre à cette fin;

  6. exprime le vif désir,au vu de l’acquittement de M. Hitimana père par un tribunal Gacaca en 2007, de sa détention arbitraire après cet acquittement et de sa deuxième arrestation, qui serait elle aussi arbitraire, de connaître les faits et les bases légales sur lesquels la justice s’est appuyée pour le reconnaître maintenant coupable; souhaiterait doncrecevoir copie du jugement rendu contre lui;

  7. charge le Secrétaire général de porter la présente résolution à la connaissance des autorités parlementaires, de la Présidente de la Commission nationale des droits de la personne et de la source;

  8. charge le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra durant la 123ème Assemblée de l’UIP (octobre 2010).
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 122ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 716 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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