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COMBODGE
CAS N° CMBD/47 - MU SOCHUA

Résolution adoptée par consensus par le Conseil directeur1
à sa 187ème session (Genève, 6 octobre 2010)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de Mme Mu Sochua, membre de l’Assemblée nationale du Cambodge, exposé dans le rapport du Comité des droits de l’homme des parlementaires (CL/187/12b)‑R.1), et à la résolution qu’il a adoptée à sa 186ème session (avril 2010),

notant qu’à la session qu’il a tenue pendant la 123ème Assemblée (octobre 2010), le Comité a entendu le chef de la délégation cambodgienne, 

rappelant ce qui suit :

  • le Premier Ministre Hun Sen, dans un discours très médiatisé prononcé le 4 avril 2009 dans la province de Kampot, où Mme Sochua a été élue en 2008 et qu’elle représente à l’Assemblée nationale, a fait allusion à une femme - qui ne pouvait être que Mu Sochua – en utilisant des termes méprisants à connotation sexuelle;

  • le 23 avril 2009, Mme Sochua a annoncé lors d’une conférence de presse qu’elle allait intenter un procès en diffamation en application de l’article 63 du Code de l'Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC), déclarant qu’elle respectait le Premier Ministre en tant que Chef du gouvernement, mais qu’elle souhaitait qu’il ait à répondre de ses propos insultants; le 27 avril 2009, Mme Mu Sochua a assigné en justice M. Hun Sen qui, à son tour, lui a intenté un procès en diffamation, déclarant qu’il "serait simple comme bonjour" de faire lever l’immunité parlementaire de Mme Mu Sochua; M. Hun Sen a aussi intenté un procès en diffamation à l’avocat de Mme Mu Sochua, Me Kong Sam Onn, pour avoir dit lors de la conférence de presse que M. Hun Sen avait tenu des propos diffamatoires à l’égard de Mme Mu Sochua;

  • le 10 juin 2009, le tribunal municipal de Phnom Penh a rejeté la plainte de Mme Mu Sochua contre le Premier Ministre, sans avoir mené d’enquête, au motif qu’elle était dénuée de fondement; il a cependant fait droit à l’action engagée contre elle par le Premier Ministre, demandant à ce que soit levée l’immunité parlementaire de Mme Mu Sochua;

  • le 22 juin 2009, l’Assemblée nationale, siégeant à huis clos, a levé l’immunité de Mme Mu Sochua par un vote à main levée, sans lui donner la possibilité de se défendre et sans qu’il y ait eu de débat;

  • le 4 août 2009, le tribunal municipal de Phnom Penh a déclaré Mme Mu Sochua coupable, en vertu de l’article 63 du Code de l’Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge, de diffamation envers le Premier Ministre Hun Sen pour avoir : 1) tenu une conférence de presse pour annoncer qu’elle allait lui intenter un procès en diffamation, 2) informé de l’affaire l’UIP et le Fonds mondial pour les femmes, 3) affirmé que les propos du Premier Ministre sur son compte "touchaient toutes les Cambodgiennes et toutes les femmes à travers le monde", ce qui montrait qu’elle avait agi de mauvaise foi dans l’intention de diffamer le Premier Ministre dans le monde entier, de salir sa réputation et de porter atteinte à sa dignité; le tribunal l’a condamnée à payer une amende de 8,5 millions de riels et à verser 8 millions de riels au Premier Ministre à titre de dommages-intérêts (soit un total de près de 4 000 dollars E.-U.); le 28 octobre 2010, la Cour d’appel a confirmé cette décision; quant à son avocat, le Barreau du Cambodge a engagé des poursuites disciplinaires contre lui, suite à quoi il a renoncé à assurer la défense de Mme Mu Sochua et a rejoint les rangs du Parti populaire cambodgien (CPP); le Premier Ministre a retiré sa plainte et les poursuites disciplinaires contre lui ont été abandonnées,
considérant qu’après le report de la première audience, qui devait se tenir le 7 avril 2010, en raison de l’absence de M. Hun Sen et de Mme Mu Sochua, la Cour suprême a confirmé, le 2 juin 2010, la décision de la Cour d’appel sur le jugement du tribunal de Phnom Penh,

rappelant que les autorités parlementaires cambodgiennes ont rejeté les allégations d’irrégularité, ont soutenu que l’Assemblée nationale et les tribunaux avaient agi conformément à la loi et ont fait valoir que Mme Mu Sochua aurait dû payer l’amende, comme des collègues le lui conseillaient, au lieu de faire appel,

considérant que Mme Mu Sochua a déclaré qu’elle ne paierait pas l’amende et que, au lieu de l’envoyer en prison, ce qui aurait été la procédure normale dans un tel cas, la Commission permanente de l’Assemblée nationale a siégé le 29 juillet 2010 et, donnant suite à une ordonnance de justice, a décidé que le montant de l’amende et des dommages-intérêts dus à M. Hun Sen serait déduit de son traitement parlementaire; notant que, si les autorités parlementaires ont indiqué que Mme Mu Sochua avait donné son assentiment à cette procédure, ou ne s’y était pas opposée, comme le dit le Président dans sa lettre de septembre 2010, la source affirme que la Commission permanente avait déclaré précédemment qu’il serait contraire au règlement intérieur de déduire le montant de l’amende du traitement de Mme Mu Sochua et que la Commission permanente n’avait jamais consulté l’intéressée sur ce point; qu’en conséquence, elle ne pouvait guère donner son assentiment à cette procédure,

considérant en outre que, selon la source, Mme Mu Sochua est suivie par des policiers en civil partout où elle va et qu’une fois, en juillet 2010, ils étaient plus de 20 autour du lieu où elle a pris la parole; que de plus, les médias d’obédience gouvernementale continuent de l’éreinter, la qualifiant de parlementaire ignorante et de diffamatrice du Premier Ministre,

sachant enfin que les organes et mécanismes des Nations Unies compétents pour les droits de l’homme ont "relevé avec inquiétude le manque […] d’indépendance et d’efficacité de la justice" au Cambodge, ainsi que son incapacité "de limiter le pouvoir exécutif de manière effective2" et que, dans son rapport du 16 septembre 2010 3, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge a dit que la liberté d’expression était l’un des principaux domaines de préoccupation, de même que "les nombreux défis auxquels est confronté le système judiciaire", s’est inquiété de la réduction de l’espace politique laissé à l’opposition et a recommandé que la diffamation et la désinformation soient dépénalisées,

sachant  que l’Article 31 de la Constitution cambodgienne dispose que les droits et libertés des citoyens comprennent les "droits de l’homme tels qu’énoncés dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, les pactes relatifs aux droits de l’homme et les conventions relatives aux droits des femmes et des enfants"; qu’en outre, les Articles 41, 39, 31 et 45 de la Constitution garantissent respectivement, la liberté d’expression, le droit pour les citoyens cambodgiens de dénoncer les violations du droit commises par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, l’égalité devant la loi et interdisent la discrimination à l’égard des femmes, et que l’Article 46 interdit explicitement les actes obscènes à l’égard des femmes,

  1. remercie le Président de l’Assemblée nationale et le chef de la délégation cambodgienne à la 123ème Assemblée de l’UIP des informations et observations dont ils ont fait part;

  2. regrette vivement toutefois qu’ils n’aient pas tenu compte des sérieuses préoccupations qu’il a soulevées dans ce cas et qui concernent le respect de la liberté d’expression et la levée de l’immunité parlementaire;

  3. demeure particulièrement consterné et indigné de constater que le tribunal s’est servi d’une lettre adressée par Mme Mu Sochua à l’UIP pour la juger coupable de diffamation, ce qui fait que la procédure mise en place par l’UIP pour défendre les droits de l’homme des parlementaires a servi à violer les droits d’une parlementaire, ce qu’il juge intolérable;

  4. déplore qu’en raison d’un procès entaché de vices de fond, puisque le juge a totalement omis d’établir l’existence des éléments constitutifs de l’infraction de diffamation, Mme Mu Sochua ait dû payer une amende et verser des dommages-intérêts au Premier Ministre, alors qu’en fait le tribunal n’a jamais examiné en quoi les propos de Mme Mu Sochua avaient pu porter atteinte à la réputation du Premier Ministre; estime qu’il aurait été correct que ce dernier renonce à exiger le paiement des dommages-intérêts qui lui ont été accordés;

  5. est profondément préoccupé de ce que les mouvements de Mme Mu Sochua soient surveillés par la police, car une telle surveillance ne peut qu’affecter sa capacité à exercer sans crainte son mandat parlementaire; engage l’Assemblée nationale à examiner cette question et, plus généralement, à protéger ses membres de l’exécutif en se prévalant de sa fonction de contrôle, plutôt que d’en cautionner ou d’en ratifier les décisions et les actes; réitère à ce sujet son souhait de savoir pourquoi, lors de la levée de l’immunité de Mme Mu Sochua, l’Assemblée a interdit la séance au public, n’a pas donné à Mme Mu Sochua le droit de se défendre, a procédé au vote sur la question sans débat et pourquoi le vote a eu lieu à main levée;

  6. engage les autorités cambodgiennes à suivre les recommandations du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme au Cambodge; invite le Parlement du Cambodge à débattre de son rapport au Parlement et à prendre les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre des recommandations du Rapporteur;

  7. charge le Secrétaire général de communiquer la présente résolution aux autorités parlementaires, à Mme Mu Sochua, aux sources de l’information et aux parties intéressées; le charge également d’informer les pays donateurs des préoccupations que lui inspire ce cas;

  8. charge le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session qui se tiendra durant la 124ème Assemblée de l’UIP (avril 2011).

  1. La délégation du Cambodge a émis des réserves sur la résolution.
  2. A/HRC/WG.6/6/KHM/2
  3. A/HRC/15/46

Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 123ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 648 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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