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IRAQ
CAS N° IQ/59 - MOHAMMED AL-DAINY

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 187ème session (Genève, 6 octobre 2010)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Mohammed Al-Dainy, membre du Conseil des représentants de l’Iraq au moment du dépôt de la plainte, exposé dans le rapport du Comité des droits de l’homme des parlementaires (CL/187/12b)‑R.1), et à la résolution qu’il a adoptée à sa 185ème session (octobre 2009),

considérant les éléments suivants versés au dossier :

  • M. Al-Dainy, membre du Front de dialogue national, a été élu au Conseil des représentants iraquien en mars 2006 (législature 2006-2010); en tant que membre du parlement, il a axé son travail sur les droits de l’homme, enquêtant en particulier sur les conditions de détention en Iraq et l’existence de lieux de détention secrets; en octobre 2008, il a remis aux organes de l’ONU compétents pour les droits de l’homme à Genève les informations qu’il avait recueillies;

  • le 22 février 2009, le porte-parole du commandement central des services de sécurité de Bagdad a accusé M. Al-Dainy d’avoir été l’instigateur de l’attentat suicide à la bombe qui a été perpétré au parlement le 12 avril 2007 et qui a tué un parlementaire; le 25 février 2009, le Parlement a levé l’immunité de M. Al-Dainy; plus tôt dans la journée (le 25 février), un avion à destination de la Jordanie, à bord duquel se trouvaient M. Al-Dainy et d’autres parlementaires, avait dû faire demi-tour après le décollage et l’on avait tenté d’arrêter M. Al‑Dainy; cependant, faute de mandat d’arrêt et de levée de l’immunité, il n’y avait pas eu d’arrestation; M. Al-Dainy a quitté l’aéroport en compagnie d’un autre parlementaire et a disparu; on craignait qu’il ait été victime d’une disparition forcée, mais ces craintes se sont dissipées lorsque M. Al-Dainy lui‑même a déclaré, dans un entretien accordé à une chaîne de télévision privée, qu’il était parti pour l’étranger par crainte pour sa vie;

  • dix membres de la famille de M. Al-Dainy et neuf de ses employés (principalement attachés à sa sécurité) ont été arrêtés à différents moments en février 2009; la source a fourni des informations détaillées quant aux circonstances de leur arrestation, qui a eu lieu sans mandat, à leur mauvais traitement et à la mise à sac de leur domicile,

  • M. Al-Dainy a été accusé des crimes suivants : a) attentat à la bombe contre le Parlement; b) tirs de mortier contre la zone internationale pendant la visite du Président iranien et meurtre d’un des habitants du quartier d’où les tirs sont partis; c) attentats à la voiture piégée; d) utilisation de ses véhicules de fonction pour le transport d’armes utilisées à des fins criminelles; e) meurtre de deux propriétaires de bijouterie dans le quartier d’Al-Mansour; f) mort de 115 personnes du village d’Al-Tahweela qui ont été enterrées vivantes; g) établissement de faux mandats d’arrêt; h) meurtre de sept personnes dans le quartier d’Al Yarmuk; i) meurtre du capitaine Ismail Haqi Al-Shamary; le 24 janvier 2010, M. Al-Dainy a été condamné à mort par contumace; le verdict, dont copie a été remise au Comité, tient en un peu plus d’une page (traduction française), contient deux paragraphes portant sur l’attentat à la bombe au Parlement, un sur le bombardement de la Zone Verte et six lignes sur le stockage d’armes et la création d’une organisation terroriste liée au parti Baas et se fonde essentiellement sur le témoignage de Riadh Ibrahim, Alaa Kherallah, Haydar Abdallah et d’un informateur secret pour prouver que M. Al-Dainy a commis tous ces crimes; il ne mentionne aucune des autres accusations,
considérant à cet égard ce qui suit :
  • le 22 février 2009, le neveu et secrétaire de M. Al-Dainy, Riadh Ibrahim Jasem, et le chef de son service de sécurité, M. Alaa Khayr Allah Maliki, ont fait une apparition sur la chaîne de télévision publique Al Iraquia et avoué faire partie d’une organisation terroriste montée par M. Al-Dainy; ils paraissaient très fatigués, drogués et semblaient visiblement agir sous la contrainte; le 14 septembre 2009, ils auraient été condamnés à perpétuité, à l’issue d’une audience qui n’aurait duré que quelques minutes; un appel serait encore en instance;

  • M. Mahmoud Karim Farhan, membre de la famille de M. Al-Dainy arrêté le 22 février 2009, a été libéré le 22 juin 2009; il avait été détenu au secret à la prison de la Brigade de Bagdad, dans la Zone Verte de la ville; en juillet 2009, il a témoigné publiquement des circonstances de son arrestation et de celle d’autres gardes du corps et des tortures qui leur ont été infligées pour qu’ils témoignent contre M. Al-Dainy;

  • M. Omar Ibrahim Jasem a été libéré le 10 mai 2010 par le Tribunal pour mineurs de Bagdad pour manque de preuves; à sa libération, il a témoigné des tortures qui leur avaient été infligées à lui-même et à d’autres en détention, pour leur soutirer des témoignages contre M. Al-Dainy; il impute la responsabilité de son arrestation, de sa détention et de ses tortures au Premier Ministre, M. Al-Maliki; un certificat médical atteste de la torture qu’il a subie;

  • le 4 août 2009, le maire et des notables du district de Kanaan ont certifié que le capitaine Ismail Haqi Al-Shamary, que M. Al-Dainy est accusé d’avoir tué, était en vie et travaillait normalement,
considérant que les rapports publiés en avril 2010 par le Ministère iraquien des droits de l’homme révèlent l’existence de lieux de détention secrets, dont certains étaient alors sous l’autorité directe du Premier Ministre Al-Maliki, et montrent que la torture était une pratique courante dans ces prisons secrètes,

considérant que l’Etude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (A/HRC/13/42) du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Groupe de travail sur la détention arbitraire et du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, présentée au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à sa 13ème session, comporte un chapitre sur les lieux de détention secrets d’Iraq et mentionne explicitement les personnes arrêtées en relation avec les accusations portées contre M. Al-Dainy et maintenues en détention secrète dans différents lieux, en particulier dans une prison de la Zone Verte tenue par la Brigade de Bagdad; cette étude décrit les tortures qui leur ont été infligées (on les a notamment frappées à coups de câbles et suspendues au plafond par les pieds ou les mains jusqu’à deux jours d’affilée, ou on leur a administré des chocs électriques; certaines ont eu la tête recouverte d’un sac noir jusqu’à ce qu’elles suffoquent; on leur a introduit un bâton en plastique dans le rectum et on a menacé de violer des membres de leur famille) et indique qu’elles ont été contraintes de signer des aveux préparés à l’avance et d’y apposer leurs empreintes digitales,

sachant que la Constitution de l’Iraq de 2005 contient de nombreuses dispositions garantissant les droits fondamentaux suivants : l’Article 15 garantit le droit à la vie, à la sécurité et à la liberté; l’Article 17 (para. 2) garantit l’inviolabilité du domicile et interdit de pénétrer au domicile de quelqu’un, de le fouiller ou de le mettre en danger, si ce n’est dans le cadre d’une décision judiciaire et dans le respect de la loi; l’Article 19 (para. 12), quant à lui, interdit toute détention illégale ou mise en détention dans des lieux non prévus à cet effet,

sachant aussi que l’Iraq est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qu’il a ratifié en 1971; que le Pacte garantit le droit à la vie et à la sécurité, interdit la torture, l’arrestation et la détention arbitraires et énonce les garanties d’un procès équitable; notant à ce sujet les préoccupations que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats a exprimées à maintes occasions concernant l’observation de ces droits en Iraq,

  1. considère, à la lumière de ce qui précède, qu’il ne fait aucun doute que M. Al-Dainy a été condamné à mort à l’issue d’une procédure qui ne peut être qualifiée que de simulacre de justice; invite les autorités à casser immédiatement ce jugement inique et à réhabiliter pleinement M. Al-Dainy;

  2. rappelle que les autorités iraquiennes ont le devoir d’abolir les lieux de détention secrets, d’enquêter sur les allégations graves de torture et de traduire les coupables en justice;

  3. engage les autorités récemment élues, en particulier le Parlement, à veiller à la réhabilitation de leur ancien collègue qui a été puni pour avoir révélé l’existence de ces lieux de détention secrets, et de tout mettre en œuvre pour éliminer la pratique de la torture en Iraq;

  4. charge le Secrétaire général de communiquer cette résolution aux autorités parlementaires et aux autorités gouvernementales compétentes;

  5. charge le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra pendant la 124ème Assemblée de l’UIP (avril 2011).
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 123ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 648 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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