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COMBODGE
CAS N° CMBD/47 - MU SOCHUA

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 188ème session (Panama, 20 avril 2011)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de Mme Mu Sochua, députée de l'opposition à l'Assemblée nationale du Cambodge, exposé dans le rapport du Comité des droits de l'homme des parlementaires (CL/188/13b)‑R.1), et à la résolution qu'il a adoptée à sa 187ème session (octobre 2010),

tenant compte des informations et observations dont a fait part la délégation cambodgienne à la 124ème  Assemblée lors de la session du Comité; tenant également compte des informations fournies par les sources les 27 janvier et 12 avril 2011,

rappelant ce qui suit : Mme Sochua ayant annoncé publiquement qu'elle allait poursuivre le Premier Ministre Hun Sen en diffamation pour avoir tenu des propos désobligeants et insultants à son égard dans un discours prononcé en avril 2009, ce dernier a lui-même engagé des poursuites contre Mme Sochua pour diffamation; si la plainte de Mme Sochua pour diffamation a été rapidement rejetée, en revanche, celle du Premier Ministre a donné lieu à des poursuites; en juin 2009, l'Assemblée nationale siégeant à huis clos a décidé de lever l'immunité parlementaire de Mme Sochua, par un vote à main levée, sans lui donner la possibilité de faire entendre sa cause; en août 2009, le tribunal municipal de Phnom Penh l'a jugée coupable, principalement en raison d'une lettre qu'elle avait adressée sur ce sujet à l'UIP et au Fonds mondial pour les femmes, et condamnée à une lourde amende, décision qui a été confirmée en dernière instance par la Cour suprême en juin 2010; le jugement n'a pas établi l'existence d'éléments constitutifs d'un délit de diffamation et, en particulier, n'a pas examiné en quoi les actes de Mme Sochua pouvaient avoir porté atteinte à la réputation du Premier Ministre; Mme Sochua a fait savoir qu'elle ne paierait pas l'amende, auquel cas, conformément à la législation cambodgienne, elle encourrait une peine de prison; toutefois, il a été décidé que le montant de l'amende serait déduit de son traitement de parlementaire,

considérant qu'en novembre 2010, Mme Sochua avait fini de payer son amende, mais n'avait toujours pas recouvré son immunité parlementaire; notant que les informations suivantes ont été fournies au Comité à ce propos :

  • selon un article paru dans le Phnom Penh Post du 12 janvier 2011, le Président de la Commission des affaires bancaires et financières de l'Assemblée nationale disait que le Parlement était prêt à rétablir l'immunité de Mme Sochua mais que, selon la procédure, il devait être préalablement saisi d'une demande du tribunal; selon l'article, il aurait dit que, dès que le tribunal aurait déposé sa demande au Parlement, l'Assemblée siégerait pour rétablir l'immunité de l'intéressée et qu'un vote ne serait même pas nécessaire; cependant, selon un autre article (Phnom Penh Post, 26 janvier 2011), le Ministre de la justice a expliqué que le Parlement devait d'abord envoyer une lettre au Ministère de la justice; le directeur d'une ONG cambodgienne, le Cambodian Defenders Project, a affirmé que le Ministère de la justice devait écrire à l'Assemblée nationale puisque c'était lui qui initialement avait demandé la levée de l'immunité de Mme Mu Sochua; quant à Mme Mu Sochua elle-même, elle a évoqué les propos du Premier Ministre qui aurait dit : « Si vous sortez par une porte, vous devez rentrer par la même. »;

  • en réponse à une requête du Parti Sam Rainsy (SRP) à l'Assemblée nationale tendant à rétablir l'immunité de Mme Mu Sochua, l'Assemblée nationale, dans une lettre du 12 avril 2011, a déclaré qu'en vertu de l'article 535 du Code pénal Mme Mu Sochua devait attendre un an avant de soumettre une demande de réhabilitation à la Cour d'appel; si elle ne le faisait pas, son immunité serait automatiquement rétablie après un délai de cinq ans,
considérant que, lors de l'audience devant le Comité, le chef de la délégation cambodgienne a confirmé ce fait et a déclaré ce qui suit : Mme Mu Sochua doit effectivement attendre un an avant de demander sa réhabilitation; si elle ne le fait pas, son immunité sera rétablie automatiquement après cinq ans; l'article 535 est applicable à tous les citoyens cambodgiens, et donc aussi aux membres du Parlement; Mme Mu Sochua ne sera pas éligible tant qu'elle n'aura pas été rétablie dans ses droits; l'Assemblée nationale respecte la Constitution, le Règlement intérieur et le Statut des députés, de même que le Code pénal; il est certes correct de dire que l'Assemblée lève l'immunité parlementaire, mais elle est tenue d'appliquer la loi; la réhabilitation est régie par le Code pénal et, durant le délai en question, Mme Mu Sochua ne doit pas commettre d'autres infractions; toutefois, elle exerce pleinement son mandat parlementaire, participe aux débats et critique le Gouvernement, et aucun parlementaire n'a jamais été puni pour avoir exprimé ses opinions au sein du Parlement; en outre, l'affaire de Mme Mu Sochua est la première de ce genre dans l'histoire de l'Assemblée nationale,

considérant ce qui suit : l'article 14 du Statut des membres de l'Assemblée nationale dispose qu'un membre déclaré coupable d'une infraction et condamné à une peine de prison perd sa qualité de membre de l'Assemblée nationale, ainsi que les droits et privilèges qui y sont attachés; l'article 16 prévoit le rétablissement automatique de l'immunité et des privilèges d'un membre en cas d'acquittement; l'article 15 dispose qu'une personne déclarée coupable recouvre son immunité si le roi du Cambodge lui accorde sa grâce; l'article 34 de la Loi électorale énonce les catégories de personnes ne pouvant être candidates à l'Assemblée nationale, notamment les personnes ayant été condamnées à une peine d'emprisonnement et n'ayant pas été réhabilitées,

sachant que les organes et mécanismes des Nations Unies compétents pour les droits de l'homme ont relevé avec inquiétude le manque d'indépendance de la justice au Cambodge, et que, dans son rapport du 16 septembre 2010* au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Cambodge a dit que la liberté d'expression était l'un des principaux domaines de préoccupation, de même que les nombreux défis auxquels est confronté le système judiciaire, s'est inquiété de la réduction de l'espace politique laissé à l'opposition et a recommandé que la diffamation et la désinformation soient dépénalisées,

sachant que l'Article 31 de la Constitution cambodgienne dispose que les droits et libertés des citoyens comprennent les « droits de l'homme tels qu'énoncés dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes relatifs aux droits de l'homme et les conventions relatives aux droits des femmes et des enfants »; qu'en outre les Articles 41, 39, 31 et 45 de la Constitution garantissent respectivement la liberté d'expression, le droit pour les citoyens cambodgiens de dénoncer les violations du droit commises par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions et l'égalité devant la loi et interdisent la discrimination à l'égard des femmes, et que l'Article 46 interdit explicitement les actes et propos obscènes à l'égard des femmes,

  1. remercie la délégation cambodgienne pour sa coopération et pour les informations fournies;

  2. note que la question du mode de rétablissement de l'immunité parlementaire de Mme Mu Sochua a suscité des avis divergents, jusqu'à ce qu'enfin on s'accorde sur une disposition du Code pénal relative à la réhabilitation, ce qui a eu pour résultat non seulement d'attribuer à la justice le pouvoir de rétablir l'immunité, mais aussi d'interdire à Mme Mu Sochua de se présenter aux élections, peut-être pendant une période de cinq ans;

  3. constate donc avec consternation que Mme Mu Sochua non seulement a été condamnée pour avoir exercé sa liberté d'expression et avoir défendu son honneur et sa réputation, mais subit maintenant une peine additionnelle, car elle doit attendre au moins un an avant que son immunité ne soit rétablie et restera inéligible pendant une période d'au moins un an, bien qu'elle n'ait commis aucun crime ou délit passible d'emprisonnement et que, ayant payé son amende, elle n'ait plus de comptes à rendre à la justice;

  4. ne comprend pas comment une disposition du Code pénal relative à la réhabilitation peut être invoquée pour régler la question du rétablissement de l'immunité parlementaire, car il n'est pas question de réhabilitation en l'espèce; souligne en outre qu'en application de l'article 34 de la Loi électorale, Mme Mu Sochua n'a pas à être réhabilitée pour se présenter aux élections et ne peut donc pas en être empêchée;

  5. rappelle que, selon les traditions parlementaires fondées sur le modèle français d'immunité, ce qui est le cas au Cambodge, les parlementaires recouvrent automatiquement leur immunité une fois qu'ils ont payé leur amende ou purgé leur peine et que, en l'absence de toute disposition contraire, l'Assemblée nationale devrait rétablir sans délai l'immunité de Mme Mu Sochua;

  6. réaffirme les graves préoccupations qu'elle a déjà exprimées en ce qui concerne la procédure de diffamation entamée contre elle par le Premier Ministre et espère vivement que les autorités parlementaires prendront des mesures pour que ne se reproduisent pas des cas tels que celui-ci, où une lettre adressée à l'UIP a été utilisée pour condamner un parlementaire ayant simplement exercé son droit à la liberté d'expression;

  7. prie instamment les autorités parlementaires de prendre également des mesures pour modifier la procédure de levée de l'immunité parlementaire, afin de veiller à ce que le droit des parlementaires d'être entendus en séance publique soit respecté et la décision prise par un vote à bulletins secrets, de manière que l'immunité atteigne son objectif principal, qui est de préserver l'indépendance du Parlement en protégeant ses membres de toute poursuite qui serait politiquement motivée;

  8. réitère son appel aux autorités cambodgiennes pour qu'elles suivent les recommandations du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme au Cambodge; invite une nouvelle fois le Parlement cambodgien à débattre de son rapport au Parlement et à prendre les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre des recommandations du Rapporteur;

  9. charge le Secrétaire général de communiquer la présente décision aux autorités et à la source;

  10. charge le Comité de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à sa prochaine session, qui se tiendra durant la 125ème Assemblée de l'UIP (octobre 2011).

* A/HRC/15/46
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 124ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 746 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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