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MALAISIE
CAS N° MAL/15 - ANWAR IBRAHIM

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 188ème session (Panama, 20 avril 2011)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Anwar Ibrahim, membre en exercice du Parlement de Malaisie, exposé dans le rapport du Comité des droits de l’homme des parlementaires (CL/188/13b)‑R.1), et à la résolution qu’il a adoptée à sa 187ème session (octobre 2010),

se référant aussi au premier rapport de Mark Trowell (CL/187/12b)‑R.2), avocat de la Couronne britannique, qui a assisté en observateur au procès en août 2010, ainsi qu'à son second rapport soumis en mars 2011 et aux observations y relatives de la délégation malaisienne à la 124ème Assemblée du l'UIP (CL/188/13)-R.3),

rappelant que Dato Seri Anwar Ibrahim est poursuivi pour la deuxième fois pour sodomie en vertu de l’article 377.b) du Code pénal malaisien; rappelant aussi les préoccupations qu’il a exprimées au sujet des irrégularités de la procédure et la conclusion de l’observateur du procès mandaté par l’UIP qui, dans son rapport d’août 2010, a recommandé, dans l’intérêt public, le classement de l’affaire, le dossier du ministère public étant totalement compromis; notant que, dans son second rapport, l'observateur est tout aussi critique, en particulier pour ce qui est de la question de la communication des preuves de l'accusation, d'une ingérence possible du Gouvernement et du traitement des échantillons d'ADN; notant que la délégation malaisienne considère que Mark Trowell, dont elle a mis en doute le statut en tant qu'observateur du procès pour l'UIP, a présenté un rapport biaisé favorable aux arguments de la défense; notant aussi que la délégation a affirmé que le premier procès d'Anwar Ibrahim en 1998 se fondait, non pas sur une accusation de sodomie, mais sur une accusation de corruption (actes de corruption consistant en une tentative d'ingérence dans une enquête policière),

considérant que le dossier de l'accusation sera clos, selon la délégation, le 25 avril 2011 et que le juge décidera alors, soit d'acquitter Anwar Ibrahim, soit de lui demander de présenter sa défense,

considérant que le 16 décembre 2010, la Chambre des représentants a suspendu Anwar Ibrahim pour six mois et notant à ce propos ce qui suit :

  • la décision de suspension a pour origine une séance de la Chambre du 17 mars 2010 où Anwar Ibrahim a établi un lien entre le slogan du Premier Ministre Najib Razak « Une Malaisie une » et la campagne pour « Un Israël un » lancée à l’époque où Ehud Barak était Premier Ministre, par l’intermédiaire d’une société internationale de consultants, Apco Worldwide, qui aurait travaillé pour les deux gouvernements; le 22 avril 2010, il a été décidé de déférer Anwar Ibrahim devant la Commission des droits et privilèges pour comportement ayant induit la Chambre en erreur, afin qu’elle prenne des sanctions disciplinaires contre lui; selon la source, cette décision a été prise alors que, le 30 mars 2010, Anwar Ibrahim avait apporté à la Chambre des preuves abondantes pour étayer ses dires et que le Premier Ministre, défié de démentir catégoriquement toute implication d’Apco dans le lancement du slogan « Une Malaisie une », ne l’avait pas fait; la délégation malaisienne a affirmé qu'il s'agissait d'une question extrêmement délicate et qu'il fallait prendre ce fait en considération;

  • selon la délégation malaisienne, M. Ibrahim s'est vu octroyer tout le temps voulu pour s'expliquer, lors d'une séance plénière présidée par M. Roland Kiandee le 30 mars 2010, mais il a préféré utiliser le temps qui lui était imparti pour lancer de nouvelles allégations;

  • selon la source, bien que le Président ait promis, lors d’une séance de la Chambre le 22 avril 2010 et ensuite lors de la première réunion de la Commission des droits et privilèges qu’il préside, que tous les témoignages et documents pertinents seraient examinés, Anwar Ibrahim s’est vu refuser le droit de se défendre en personne ou de confier sa défense à un représentant légal et n’a pas pu présenter sa défense; la source affirme qu’à la quatrième et dernière réunion de la Commission, le 3 décembre 2010, les deux représentants de l’opposition siégeant dans cette Commission de sept membres, MM. Karpal Singh et R. Sivarasa, ont quitté la salle pour protester contre la décision de la Commission de fonder sa décision définitive sur la seule lettre du directeur d’Apco, Brad Staples, et sur les réponses données par les ministres à la Chambre et contre le refus de la Commission de laisser Anwar Ibrahim présenter sa défense ou citer des témoins, dont Brad Staples; la Commission a décidé de suspendre Anwar pour six mois et de donner un avertissement à Karpal Singh pour conduite inacceptable pendant les séances de la Commission; ces recommandations devaient être présentées à la Chambre dans une résolution lors de sa dernière séance, le 16 décembre 2010;

  • la délégation malaisienne a souligné qu'en application du Règlement intérieur, la représentation légale n'est pas obligatoire, car la Commission « peut » autoriser une telle représentation, mais n'y est pas obligée; si elle a pris la décision de ne pas le faire, c'est qu'elle ne voulait pas transformer ces séances en procès; en outre, le Président ne pouvait en rien influencer la décision de rejeter ou d'admettre des preuves; à la quatrième séance de la Commission (3 décembre 2010), Brad Staples a été convoqué, mais n'a pu être interrogé car, en raison d'un débat houleux et d'une confrontation entre les quatre membres de la majorité et les deux membres de l'opposition siégeant à la Commission, la séance a dû être levée; Brad Staples a ensuite adressé une lettre dans laquelle il affirmait que la société Apco n’avait pas prodigué de conseils pour la campagne « Une Malaisie une » et s'était contentée de conseiller le Parlement sur des questions de communication; la délégation a souligné que toutes les décisions avaient été prises par quatre voix contre deux;

  • lorsque la motion de suspension a été mise au vote en plénière, selon la source, le Président a ordonné un vote sans débat, après avoir reçu une note du Ministre, M. Nazri Aziz, auteur des deux motions; lorsque Anwar Ibrahim a exigé de pouvoir répondre aux accusations, le Président aurait répondu qu'il avait eu une semaine pour répondre, ce qui, selon la source, est faux; lorsque Karpal Singh lui a demandé de se récuser en tant que président de la séance, en raison d'un conflit d'intérêts, puisqu'il avait également présidé les séances de la Commission des droits et privilèges, le Président aurait répondu qu'il n'avait pas pris part aux délibérations de la Commission; toutefois, selon la source, les notes de la réunion font apparaître que c'est le Président qui a justifié par des précédents la décision de ne pas convoquer Anwar Ibrahim;

  • la délégation malaisienne a déclaré que, lorsque le Ministre avait voulu déposer la motion, cela avait suscité un tollé général au Parlement et que l’opposition avait fait délibérément obstruction à la procédure, ce qu’a confirmé un membre de la délégation qui, alors qu’il était encore dans l’opposition – il l’avait quittée en février 2011 –, avait reçu d’Anwar Ibrahim l’instruction d’appliquer cette stratégie; après deux heures de chaos, la motion a été finalement déposée, Anwar Ibrahim a été invité à s’exprimer mais il s’en est désintéressé; le Président de la Chambre a alors invité la majorité à débattre de la motion dans l’agitation qui se poursuivait; finalement, l’opposition a quitté la salle et la motion a été adoptée;

  • de plus, selon la source, à la suite d’une autre motion déposée par le Ministre Aziz Nazri, trois parlementaires de l’opposition, Karpal Singh, Azimin Ali et R. Sivarasa, ont été eux aussi suspendus pour six mois, apparemment pour atteinte à l’autorité du Parlement pour avoir révélé la procédure suivie dans le cas de la suspension d’Anwar Ibrahim et en avoir discuté; le dépôt de la motion aurait été motivé par un rapport de la minorité parlementaire sur la procédure de suspension dont Karpal Singh et R. Sivarasa étaient les auteurs, et que le Président aurait refusé de déclarer recevable; la délégation malaisienne a indiqué à ce sujet que le rapport de la minorité aurait dû être présenté d’abord à la Commission des privilèges et que, lors de la conférence de presse qu’ils ont tenue après avoir quitté la Commission des privilèges, Karpal Singh et R. Sivarasa avaient divulgué des informations à circulation restreinte; quant à M. Ali, il avait révélé au public la lettre d’Apco,
sachant que, selon la délégation malaisienne, des élections législatives se dérouleront en 2012,
  1. remercie la délégation malaisienne de sa coopération et des informations qu’elle a communiquées; remercie par ailleurs M. Mark Trowell de son rapport;

  2. souhaite préciser que M. Mark Trowell, avocat de la Couronne, a été dûment chargé par le Comité des droits de l’homme des parlementaires d’observer les audiences du procès pour le compte de l’UIP et que le tribunal en a été dûment informé; fait également observer qu’accuser l’observateur d’un procès de parti pris, au motif qu’après examen juridique des questions en jeu son point de vue concorde avec les arguments de la défense, est un argument fallacieux qu’il ne peut accepter;

  3. fait observer en outre que, contrairement à l’affirmation de la délégation, M. Anwar Ibrahim a bien été accusé de sodomie en 1998 et que le chef de corruption avait trait précisément à la tentative qu’aurait faite Anwar Ibrahim de peser sur l’enquête de police relative à l’acte présumé de sodomie; signale que l’UIP avait envoyé un observateur au procès devant la Cour fédérale et a reçu des rapports de l’observateur sur le procès de 1998 pour sodomie;

  4. est vivement préoccupé d’apprendre qu’Anwar Ibrahim a été suspendu du Parlement pour six mois pour avoir soulevé au Parlement une question extrêmement sensible et considère que cela entrait dans ses prérogatives de parlementaire; affirme que le fait de punir des parlementaires pour avoir soulevé à la Chambre une question qu’ils jugent importante, même si elle est extrêmement délicate, non seulement porte gravement atteinte à leur liberté d’expression mais risque d’avoir aussi un effet paralysant sur la liberté d’expression au Parlement en tant que tel, et donc d’en compromettre la fonction d’espace de débat;

  5. souligne que, si des parlementaires peuvent être punis pour avoir délibérément tenu des propos induisant en erreur, il est une convention dans les parlements fidèles à la tradition du Commonwealth que, si des propos sont punis, ce sont ceux des ministres du Gouvernement, afin d’éviter qu’ils n’induisent en erreur le Parlement; considère donc qu’en l’occurrence l’application de cette règle était déplacée;

  6. note qu’il n’est pas contesté que la Commission des privilèges n’a pas autorisé Anwar Ibrahim à confier sa défense à un avocat, qu’il n’a pas pu citer de témoin ni soumettre de témoin à un contre-interrogatoire, et regrette donc vivement que la Commission n’ait pas observé le principe fondamental audiatur et altera pars, qui s’applique à toute procéduresusceptible de se conclure par des sanctions; juge cela d’autant plus regrettable et même contreproductif dans le cas du chef de l’opposition que ce traitement ne peut que confirmer l’impression qu’il est la cible de harcèlement et de persécution pour des raisons politiques;

  7. prie le Secrétaire général de porter cette résolution à l’attention des autorités parlementaires, d’Anwar Ibrahim et de son équipe d’avocats;

  8. charge le Comité de poursuivre l’examen de ce cas, de suivre le procès pour sodomie et de lui faire rapport à sa prochaine session qui se tiendra à l’occasion de la 125ème Assemblée de l’UIP (octobre 2011).
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 124ème Assemblée de l'UIP et réunions connexes" au format PDF (taille du fichier environ 746 Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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