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TCHAD
CAS N° CHD/01 - NGARLEJI YORONGAR

Résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 192ème session (Quito, 27 mars 2013)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant au cas de M. Ngarleji Yorongar, membre de l’Assemblée nationale du Tchad, et à la résolution qu’il a adoptée à sa 191ème session (Québec, octobre 2012),

considérant les informations fournies par les autorités et les sources rencontrées par le Président du Comité des droits de l’homme des parlementaires lors de sa visite au Tchad du 28 février au 2 mars 2013,

rappelant les éléments ci-après versés au dossier :

  • M. Yorongar et d’autres opposants politiques ont été enlevés au cours de l’attaque de la capitale tchadienne par les rebelles entre le 28 janvier et le 8 février 2008;

  • la Commission nationale d’enquête mise en place par les autorités tchadiennes sur ces événements a établi dans son rapport, publié début septembre 2008, que M. Yorongar "a[vait] été arrêté à son domicile le dimanche 3 février 2008, vers 17 h 45, par huit à dix éléments des Forces de défense et de sécurité portant un armement évoquant pour certains la garde présidentielle, dirigés par un homme de grande taille (1,80 m), élancé et costaud et circulant dans un pick-up Toyota de couleur armée, neuf et sans plaque d'immatriculation";

  • la Commission a conclu que "des enlèvements et des arrestations, ainsi que des actes d’intimidation à l’encontre des opposants politiques [avaient] eu lieu après le retrait des rebelles de N’Djamena, [ce qui] met clairement en cause la responsabilité des Forces de défense et de sécurité"et a précisé que, dans la mesure où "à partir du dimanche 3 février 2008, la sécurité publique était principalement assurée par les éléments de la garde présidentielle, on peut également en inférer la responsabilité de l’État tchadien";

  • la Commission a recommandé au gouvernement "de poursuivre les investigations policières et judiciaires en vue de déterminer le lieu de détention et la réapparition de M. Yorongar au Cameroun [...], d’indemniser les victimes ou leurs familles de manière équitable et non symbolique [...]" et de créer un comité spécialisé de suivi chargé de veiller à la mise en œuvre effective de ses recommandations;

  • ce comité a été créé fin septembre 2008 et est présidé par le Premier Ministre; il était initialement composé exclusivement d’une dizaine de ministres à sa création et a été élargi en janvier 2011 à deux experts internationaux de l’Union européenne et de l’Organisation internationale de la Francophonie; un sous-comité technique chargé du secrétariat du comité de suivi et un pool judiciaire, composé de procureurs de la République, de magistrats, de juges, de greffiers, et chargé de la gestion des procédures judiciaires en cours, ont été mis en place sous la coordination du Procureur général;

  • le Procureur général, saisi des conclusions de la Commission d’enquête, a ouvert des dossiers judiciaires et, en raison du délai de 12 mois prévu pour l’instruction, il avait été indiqué que les premiers procès débuteraient courant 2010; cependant, les enquêtes n’ont pas progressé et aucune inculpation n’a encore été prononcée dans les procédures judiciaires relatives aux centaines de disparitions forcées ayant eu lieu durant les attaques de février 2008, ni dans le cas de M. Yorongar; à ce jour, seule une trentaine de femmes victimes de viols ont été indemnisées à titre humanitaire par le gouvernement dans l’attente des conclusions judiciaires concernant les auteurs des crimes;

  • le Ministre de la justice a indiqué dans une communication du 9 octobre 2012 qu’il serait prématuré de tirer des conclusions sur les responsables à ce stade, que seule la complexité de l’enquête liée au contexte dans lequel ces infractions ont été commises explique la lenteur de l’instruction qui porte sur des milliers de cas et que le Tchad reste fermement résolu à laisser la justice enquêter en toute transparence et indépendance, et à mettre à sa disposition tous les moyens nécessaires pour lui permettre d’établir la vérité sur les crimes et délits commis au cours des événements de 2008,
considérant ce qui suit : les mauvais traitements infligés à M. Yorongar lors de son arrestation en février 2008 ont fragilisé sa santé qui s’est dégradée depuis cette date; M. Yorongar est encore aujourd'hui sous traitement médical et continue à subir régulièrement des interventions médicales à l’étranger; ila introduit un certain nombre de revendications financières auprès de l’Assemblée nationale relativement au remboursement de frais médicaux et au paiement d’indemnités parlementaires dont l’Assemblée lui serait redevable; tenant compte du faitquele Président de l’Assemblée nationale, entendu par le Comité au cours de sa 137ème session (mars-avril 2012), avait indiqué qu’au niveau du parlement, toutes les réclamations financières de M. Yorongar avaient été réglées,

considérant que le Président du Comité s’est rendu au Tchad afin de rencontrer l’ensemble des autorités compétentes sur le dossier, M. Yorongar, ainsi que plusieurs représentants de la communauté internationale; qu'il s'est notamment entretenu avec le Président de l’Assemblée nationale, le Ministre de la justice, le Procureur général et le Président du sous-comité technique; et qu'il ressort de cette visite que :

  • compte tenu de l’absence de progrès dans les enquêtes, un nouveau juge d’instruction a été nommé fin 2011; un seul et unique juge d’instruction est actuellement affecté au pool judiciaire chargé de l’instruction des quelque 1 050 dossiers liés aux événements de février 2008, dont celui de M. Yorongar; le pool judiciaire rencontre de nombreuses difficultés logistiques et financières qui continuent à entraver son efficacité; les enquêtes n’ont pas progressé et aucun suspect n’a été identifié jusqu’à présent;

  • le sous-comité technique s’attelle quant à lui essentiellement à la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête relatives au cadre législatif et règlementaire, en particulier en vue de conférer aux autorités judiciaires le pouvoir de contrôler l’ensemble des lieux de détention;

  • en ce qui concerne le cas de M. Yorongar, le Ministre de la justice et le Procureur général ont indiqué que la procédure judiciaire était bloquée car M. Yorongar refusait d’être entendu par le juge d’instruction et avait signifié qu’il s’opposait à ce que les autorités judiciaires s’appuient sur le procès-verbal de son audition par la Commission nationale d’enquête, qui serait le seul élément dont disposerait le juge d’instruction dans son dossier; le Ministre de la justice a donné l’assurance que les enquêtes démarreraient si M. Yorongar acceptait de se présenter devant le juge d’instruction ou consentait par écrit à ce que les enquêtes se poursuivent sur la base du procès-verbal d’audition établi par la Commission nationale d’enquête;

  • M. Yorongar a confirmé son refus de coopérer avec les autorités judiciaires; il a relevé l’absence notoire d’indépendance et d’impartialité de la justice tchadienne et indiqué qu’il n’avait plus aucune confiance en cette dernière et privilégiait désormais la voie d’une indemnisation plutôt que celle d’une procédure pénale; il a indiqué qu’en tant qu’opposant politique de longue date, il avait été victime à de multiples reprises par le passé de violations de ses droits fondamentaux, avait introduit de nombreuses plaintes en justice, qui n’avaient jamais été suivies d’effet, les auteurs étant toujours impunis; en conséquence, et au regard du temps écoulé depuis les faits et de l’absence de la moindre mesure d’instruction des dossiers liés aux événements de 2008, il ne croyait pas que la procédure pénale puisse aboutir et ne souhaitait pas cautionner la procédure en y participant;

  • s’agissant des revendications financières de M. Yorongar auprès de l’Assemblée nationale, le Président de l’Assemblée nationale a indiqué à nouveau que l’Assemblée nationale était totalement en règle vis-à-vis de M. Yorongar s’agissant des remboursements et indemnités dus pour la législature en cours et que M. Yorongar avait bénéficié de la prise en charge d’une évacuation médicale à l’étranger en 2012; les réclamations relatives aux précédentes législatures ne semblaient pas étayées par des justificatifs; le Secrétaire général de l’Assemblée a mis en avant la difficulté de vérifier le bien-fondé de ces réclamations, les archives de l’Assemblée nationale ayant disparu lors des événements de février 2008, mais il s’est engagé à faire procéder par les services de la questure à toutes les vérifications utiles et à transmettre le dossier au Bureau de l’Assemblée pour que ce dernier statue définitivement sur la question; M. Yorongar a été invité à fournir dès que possible à l’Assemblée les justificatifs de ses réclamations,
considérant que le Président de l’Assemblée nationale a confirmé que l’Assemblée nationale était en mesure de s’impliquer dans le suivi de la procédure judiciaire dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale, et dans le strict respect du principe de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice,
  1. remercie vivement le Président de l’Assemblée nationale pour sa coopération et l'assistance prêtée au Président du Comité pendant sa visite au Tchad et le prie d’adresser ses remerciements au Ministre de la justice, au Procureur général et à toutes les autorités rencontrées au cours de cette visite; remercie également M. Yorongar, les membres de la communauté internationale et les ONG de défense des droits de l’homme pour les informations transmises;

  2. demeure profondément préoccupé que, plus de cinq ans après les graves violations des droits de l’homme commises en février 2008,l’identification des auteurs des crimes commis contre M. Yorongar en soit toujours au point mort, malgré les pistes significatives mises en évidence dans le rapport de la Commission d’enquête, en particulier en ce qui concerne l’implication des forces de sécurité loyalistes et la responsabilité de l’Etat tchadien à cet égard; ne peut que s’étonner qu’un seul et unique juge d’instruction ait été chargé à lui seul de 1 050 dossiers; voit mal comment des enquêtes sérieuses pourraient aboutir dans ces circonstances; s’étonne également du fait que les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés dans le cadre du sous-comité technique de suivi, s’agissant en particulier du contrôle judiciaire des lieux de détention civils et militaires, n’aient toujours pas été adoptés; prie instamment les autorités compétentes d’aller de l’avant dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission nationale d’enquête sur ces points et les engage à nouveau à faire tout leur possible pour s’assurer que les enquêtes se poursuivent effectivement et aboutissent à des résultats concrets dans les meilleurs délais, s’agissant en particulier du dossier de M. Yorongar; accueille avec satisfaction l’engagement pris par le Président de l’Assemblée nationalede s’investir pleinement dans le suivi de la procédure judiciaire concernant M. Yorongar dans l’exercice de sa fonction de contrôle;

  3. prend note que M. Yorongar a refusé de coopérer avec les autorités judiciaires et que, selon le Ministre de la justice et le Procureur général, son refus fait obstacle au démarrage des enquêtes; prie néanmoins les autorités compétentes de bien vouloir l’informer des possibilités de poursuivre l’instruction malgré le refus de participation de M. Yorongar; souhaite notamment savoir si le juge d’instruction a entendu les personnes qui, au moment des événements de février 2008, étaient responsables des Forces de défense et de sécurité, en particulier de la garde présidentielle, ainsi que les militaires qui sont intervenus pour contrer l’attaque des rebelles, compte tenu des conclusions du rapport de la Commission nationale d’enquête sur leur responsabilité dans les actes commis contre des membres de l’opposition;

  4. comprend que M. Yorongar ait le sentiment qu’aucun progrès n’a été accompli dans les enquêtes le concernant au cours des cinq dernières années; s’étonne néanmoins de son refus, qu’il comprend difficilement, d’autoriser le juge d’instruction à exploiter son procès-verbal d’audition devant la Commission nationale d’enquête; prie M. Yorongar de clarifier les raisons de ce refus; tient à relever que cette attitude ne paraît pas propice à l’établissement de la vérité et invite M. Yorongar à reconsidérer la question, notamment à la lumière de l’engagement pris par le Ministre de la justice et le Procureur général de démarrer les enquêtes dès que M. Yorongar aura confirmé son accord par écrit;

  5. note que M. Yorongar a indiqué qu’il privilégiait désormais la voie d’une indemnisation et prie M. Yorongar et les autorités compétentes de bien vouloir indiquer si la législation tchadienne prévoit d’autres procédures que la procédure pénale qui permettraient à M. Yorongar d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi;

  6. invite M. Yorongar à fournir tous les justificatifs de ses réclamations financières et prie le Président de l’Assemblée nationale de s’assurer qu’elles seront examinées dans les meilleurs délais par la questure et le Bureau en vue d’un règlement définitif de la situation;

  7. prie le Secrétaire général de communiquer la présente résolution au Président de l’Assemblée nationale, au Ministre de la justice et aux sources, ainsi qu’aux membres de la communauté internationale impliqués dans le suivi des recommandations de la Commission d’enquête sur les événements de février 2008;

  8. prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
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