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Union interparlementaire  
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CAMEROUN
CAS N° CM/01 - DIEUDONNE AMBASSA ZANG

Décision adoptée à l'unanimité par le Conseil directeur
à sa 195ème session (Genève, 16 octobre 2014)

Le Conseil directeur de l'Union interparlementaire,

se référant aucas de M. Dieudonné Ambassa Zang, ancien membre de l’Assemblée nationale camerounaise, et se référant à la résolution qu'il a adoptée à sa 194ème session (mars 2014),

tenant compte de la lettre du 14 mars 2014 du Ministre délégué à la Présidence en charge du Contrôle supérieur de l’Etat (CONSUPE), Président du Conseil de discipline budgétaire et financière (CDBF), ainsi que des informations régulièrement communiquées par le plaignant,

rappelant les éléments suivants versés au dossier :

  • M. Ambassa Zang, Ministre des travaux publics d’août 2002 à décembre 2004, et connu, selon le plaignant, pour avoir combattu la corruption dans ce ministère, a été élu en 2007 sous l’étiquette du Rassemblement démocratique du peuple camerounais;
  • le 7 août 2009, le Bureau de l’Assemblée nationale a levé l’immunité parlementaire de M. Ambassa Zang pour permettre l’ouverture d’une enquête sur des allégations de détournement de fonds publics que M. Ambassa Zang avait gérés lorsqu’il était Ministre des travaux publics; bien qu’il ait quitté le Cameroun le 12 juillet 2009, il a fait envoyer, le 3 août 2009, une note à tous les membres du Bureau pour présenter sa défense; rien n’indique que cette note ait été versée au dossier dont a été saisi le Bureau;
  • selon les autorités, les accusations portées contre M. Ambassa Zang découlent d’audits effectués à la suite d’une plainte de l’Agence française de développement (AFD) qui a financé la réhabilitation du pont sur le Wouri, travaux dont M. Ambassa Zang était responsable; selon le Procureur général, les comptes des sociétés publiques, des ministères et des autres structures de l’Etat qui gèrent des fonds publics sont soumis à la vérification annuelle du CONSUPE; selon le plaignant, M. Ambassa Zang n’a jamais été informé des audits, ni invité à y prendre part; il n’a pas non plus été informé de leurs conclusions ni invité à formuler des commentaires à leur sujet;
  • sur la base des audits, le Chef de l’Etat a d’abord opté pour une procédure pénale pour détournement de fonds publics; toutefois, sur ses instructions, a été signée le 12 octobre 2012 la décision de traduire M. Ambassa Zang devant le CDBF, auprès duquel les défendeurs sont autorisés, en leur absence, à se faire représenter par un conseil, contrairement à la pratique en vigueur dans les procédures pénales; il semblerait que cette décision ait été notifiée au conseil de M. Ambassa Zang en mai 2013, soit près de sept mois après avoir été signée, sans aucune explication; le 20 août 2013, M. Ambassa Zang a reçu une demande d’information partielle du Rapporteur du CDBF, à laquelle il a répondu par deux mémoires en défense; plus de deux mois plus tard, le Rapporteur du CDBF a envoyé, en violation des règles de procédure du CDBF, une deuxième demande de renseignements partielle à laquelle M. Ambassa Zang a répondu le 13 décembre 2013 par un autre mémoire en défense; d’après le plaignant, le Rapporteur du CDBF a également enfreint les règles de procédure en formulant des accusations autres que celles énoncées dans les conclusions de l’audit,

considérant que, dans sa lettre du 14 mars 2014, le Ministre délégué à la Présidence en charge du CONSUPE, Président du CBDF, déclare notamment que :

  • Les règles de procédure en vigueur au CDBF se veulent strictement respectueuses des principes généraux relatifs à la présomption d’innocence et aux droits de la défense, notamment le droit à l’information, le droit de se faire assister par un avocat ou un conseil, et la règle du contradictoire. Il ajoute que : « Toutefois, en vertu de l’étroite connexité entre un ou plusieurs faits nouveaux issus des investigations du Rapporteur, avec des irrégularités présumées ayant sous-tendu la traduction d’un Mis en cause devant le CDBF, le Rapporteur est habilité, conformément à la jurisprudence constante, à les prendre en compte dans le cadre de son instruction. Ce principe de connexité demeure, en tout état de cause, limité dans le cadre de la période de gestion ayant fait l’objet de contrôle »;
  • « Il y a lieu de rappeler que le Rapporteur, instruisant à charge et à décharge, est appelé à mener des investigations supplémentaires (article 15(2) du décret susvisé) qui peuvent aboutir aux suggestions ci-après : i) requalifier l’irrégularité; ii) réévaluer le préjudice financier (à la hausse ou à la baisse); iii) élaguer l’irrégularité. Par ailleurs, en vertu du lien de connexité tel que développé plus haut, le Rapporteur peut justifier de l’intégration de faits nouveaux dans le cadre de son instruction, bien que cela ne soit pas encore le cas en l’état actuel de l’avancement de la procédure. Ce critère de connexité, en général, constitue d’ailleurs la principale limite au principe de l’immutabilité du litige »;
  • « En ce qui concerne le calendrier fixé pour la clôture de la procédure relative à l’affaire Ambassa Zang, il n’est pas possible d’en fixer un dans la mesure où la durée de traitement d’une affaire est fonction non seulement de la complexité d’un dossier, mais également de la célérité ou non avec laquelle les différents interlocuteurs du Rapporteur (Mis en cause, témoins, tiers) répondent aux demandes de renseignements et d’information qui leur sont adressées. En l’espèce, les difficultés auxquelles le Rapporteur est confronté découlent principalement de l’éloignement du Mis en cause et, partant, de l’impossibilité de le joindre, ainsi que des prorogations de délais sollicitées par son mandataire pour répondre aux demandes de renseignements et du manque d’exhaustivité dans les réponses transmises au Rapporteur. Au demeurant, il serait convenable que la défense prenne l’attache du Secrétariat permanent du CDBF afin de consulter sur place, comme le prévoit la réglementation, tous documents se rapportant au dossier »,
rappelant que, d’après le plaignant, M. Ambassa Zang ne s’est rendu coupable d’aucune infraction, ni d’aucun détournement de quelque somme que ce soit à son profit, que les accusations ont trait à des faits objectifs et que les documents pertinents sont disponibles auprès du ministère des Travaux publics, du Cabinet du Premier Ministre, de l’Agence de régulation des marchés publics et de donateurs, tels que l’AFD; de plus, le 13 juillet 2010, la Chambre de commerce internationale a rendu une sentence arbitrale dans l'affaire UDECTO c/ Etat camerounais, différend portant sur l'exécution des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri; le plaignant affirme qu’étant donné que le Cameroun a eu gain de cause dans la mesure où UDECTO a été condamnée à lui verser des sommes importantes et qu’en vertu du principe de droit « non bis in idem », les accusations portées contre M. Ambassa Zang sur un prétendu préjudice qu’il aurait causé au Cameroun sont désormais sans objet; la Directrice générale de l’AFD a indiqué dans sa lettre du 7 janvier 2014 qu’au regard des poursuites engagées contre lui devant le CDBF, l’AFD tenait à préciser qu'elle n’avait déposé aucune plainte contre lui au sujet de ses activités et que, compte tenu de la « Loi de blocage », elle n’était pas en position de formuler des observations qui soient susceptibles de servir de preuve dans des procédures administratives ou judiciaires menées à l’étranger autrement que sur demande officielle présentée conformément aux procédures internationales d’entraide judiciaire,

considérant, en ce qui concerne la procédure pénale engagée contre M. Ambassa Zang, que le Procureur général du Tribunal criminel spécial l’a renvoyé, ainsi que quatre autres défendeurs, devant ce tribunal par une Ordonnance (Ordonnance de renvoi devant le Tribunal criminel spécial) en date du 9 juin 2014; rappelant à cet égard que le 11 juin 2013, soit plus de deux ans après la clôture de l’enquête de police, le Procureur général du Tribunal criminel spécial a renvoyé 15 personnes, y compris M. Ambassa Zang, devant le juge d’instruction de ce tribunal,

considérant que M. Simon Foreman, associé du cabinet d’avocats Courrégé Foreman et avocat au barreau de Paris, a été mandaté pour assister à l’audience concernant cette affaire qui a eu lieu devant le Tribunal criminel spécial le 17 septembre 2014 et pour faire rapport sur cette audience; qu’il indique dans son rapport : « qu’il importe de souligner que l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal émise par le juge d’instruction, qui présente les chefs d’inculpation retenus contre M. Ambassa Zang, ne fait nullement état d’une quelconque forme d’enrichissement personnel de ce dernier. Nombre des accusations portées contre lui s’expliquent par le fait que les vérificateurs de compte n’ont trouvé aucun justificatif de diverses dépenses budgétaires, pour lesquelles il n’a pas donné d’explication. Vu qu’en règle générale, les ministres n’emportent pas avec eux les documents comptables lorsqu’ils cessent leurs fonctions, les arguments présentés par M. Ambassa Zang pour sa défense reposent pour l’essentiel sur l’argument selon lequel les documents sont consultables aux archives du ministère des Travaux publics ou du ministère des Finances. Quoi qu’il en soit, son incapacité à fournir les justificatifs détaillés de dépenses engagées 10 à 12 ans plus tôt (2002-2004) ne suffit pas à établir l’infraction de détournement de fonds. En l’absence d’intention criminelle, on ne peut guère parler d’autre chose que d’irrégularités de gestion, lesquelles pourraient appeler une sanction disciplinaire. La lecture de l’ordonnance de jugement ne fait apparaître aucune mention d’une quelconque forme d’intention criminelle et, à plus forte raison, d’enrichissement personnel »,

rappelant l’affirmation du plaignant selon laquelle M. Ambassa Zang, qui bénéficie du statut de réfugié à l’étranger, ne peut à présent être renvoyé au Cameroun car il serait arrêté et ne bénéficierait pas d’un procès équitable,

rappelant que, d’après le plaignant, les poursuites engagées contre M. Ambassa Zang doivent être replacées dans le contexte de « l’Opération épervier » qui a été largement critiquée dans la mesure où elle était initialement destinée à combattre la corruption et les détournements de deniers publics mais a été utilisée pour écarter les personnalités faisant preuve d’un esprit critique et qui, comme M. Ambassa Zang, expriment des avis qui ne sont pas toujours conformes à la ligne du parti auquel ils appartiennent,

  1. remercie le Ministre délégué à la Présidence en charge du Contrôle supérieur de l’Etat (CONSUPE), Président du Conseil de discipline budgétaire et financière (CDBF), de sa réponse détaillée et des informations utiles qu’elle contient;

  2. remercie l’observateur du procès de ses efforts et de son rapport; remercie les autorités parlementaires de leur pleine coopération au bon déroulement de la mission; prie le Secrétaire général de transmettre des copies du rapport aux autorités compétentes et aux plaignants, ainsi qu’à toute autre partie concernée et à solliciter leurs observations;

  3. est préoccupé parle fait que la procédure pénale engagée contre M. Ambassa Zang a été réactivée, étant donné que l’intéressé n’est pas autorisé à se faire représenter par un avocat en cas d’absence et que les raisons pour lesquelles les faits qui lui sont reprochés constituent une infraction pénale sont obscures; est également préoccupé par le fait que les deux procédures menées en parallèle sur les mêmes faits risquent d’aboutir à des résultats contradictoires; est impatient de recevoir les observations des autorités sur chacun de ces points;

  4. compte, au vu des explications fournies et de l’engagement exprimé par le Ministre délégué à la Présidence en charge du contrôle supérieur de l’État, Président du CDBF, que les règles de procédure seront scrupuleusement suivies et que les droits de la défense de M. Ambassa Zang seront pleinement respectés dans le cadre de la procédure disciplinaire;

  5. compte également que le CDBF examinera l’affaire concernant M. Ambassa Zang de manière prioritaire vu que 10 ans se sont écoulés depuis les faits allégués et que M. Ambassa Zang et son avocat ont fourni des mémoires détaillés pour réfuter ces allégations; souhaite être informé des étapes suivantes de la procédure disciplinaire;

  6. compte aussi que le CDBF prendra dûment en considération les arguments présentés pour la défense de M. Ambassa Zang, notamment la sentence arbitrale rendue par la Chambre de commerce internationale dans l’affaire UDECTO c/ Etat camerounais, ainsi que tous documents des archives du ministère des Travaux publics et d’autres entités officielles qui pourraient aider à faire la lumière dans cette affaire; suggère que l’Etat camerounais étudie sérieusement la possibilité de solliciter, au moyen d’une demande d’entraide formelle, les informations dont dispose l’AFD, qui pourraient aussi contribuer à élucider l’affaire.

  7. prie le Secrétaire général de porter la présente décision à l’attention des autorités compétentes et du plaignant, afin d’obtenir les éclaircissements nécessaires sur les points susmentionnés; le prie également de communiquer la présente décision à toute tierce partie susceptible de fournir des informations pertinentes;

  8. prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 131ème Assemblée et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier 1057Ko). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement.Get Acrobat Reader

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