DECLARATION
adoptée par consensus à la clôture de la Réunion
- Nous, parlementaires élus par nos peuples pour les représenter, sommes réunis à São Paulo à la faveur de la CNUCED XI, célébrant quarante années de coopération internationale en matière de commerce et de développement. Les défis à relever sont considérables et pressants. Pauvreté et sous-développement, affectant des millions de personnes dans le monde en développement, engendrent souffrances et dénuement. Certains pays en développement se sont rapprochés des Objectifs de développement du Millénaire fixés par les Nations Unies à l’horizon 2015, mais de nombreux autres en sont encore bien éloignés.
- Certes les intérêts des pays en développement sont de plus en plus pris en considération dans les négociations commerciales internationales et leur part dans le commerce international a progressé, mais la majorité d'entre eux fait face dans bien des domaines à des problèmes qui assombrissent leurs perspectives de développement. Il est clair que s'ils veulent promouvoir croissance et développement, les pays en développement doivent, dans leur propre intérêt, accepter une plus grande responsabilité et compter davantage sur leurs propres ressources, notamment en adoptant des politiques publiques appropriées, pour ne pas être les victimes de la mondialisation et être les acteurs de leur croissance et de leur développement.
- Les Etats ont accompli de nets progrès dans la mise en œuvre de politiques publiques appropriées, même lorsque les conditions économiques étaient difficiles, en consacrant la bonne gouvernance par la règle de droit, grâce à des élections libres et régulières, à l'égalité des sexes, à des systèmes judiciaires impartiaux et à des mesures de lutte contre la corruption. Mais le travail ne s'arrête pas là.
Stratégies de développement dans une économie mondialisée
- Il y a quatre ans, la CNUCED X a adopté le Plan d’action de Bangkok, généralement considéré comme une feuille de route pour la gestion de la mondialisation. Des buts et objectifs ambitieux ont aussi été fixés dans la Déclaration du Millénaire de l’Organisation des Nations Unies. Plusieurs autres grandes conférences internationales sur le développement durable (financement inclus) ont pris l’engagement de surmonter pauvreté et sous-développement. Les promesses faites doivent être tenues. Mais, aujourd'hui, ces objectifs paraissent plus inaccessibles que jamais, et le problème est encore accentué par un climat mondial d’incertitude et d’insécurité croissante.
- La CNUCED jouit de la confiance des pays en développement du fait de son indépendance et de son engagement résolu au service du développement, raison pour laquelle elle est particulièrement bien placée pour dispenser des analyses macro-économiques et des conseils sur les grandes orientations, ainsi qu’en qualité d’instance d'exécution de programmes d'assistance technique. Aussi l’encourageons-nous à axer son travail futur sur les domaines où elle a des atouts majeurs et possède un avantage comparé et à leur donner la priorité. Nous invitons les pays donateurs à lui apporter les ressources extrabudgétaires dont elle a besoin à cette fin.
- Les pays en développement ont des contraintes spéciales et manquent de mécanismes pour procéder à des ajustements et transformations. La plupart d’entre eux ont des dotations, des infrastructures, des compétences et des technologies qui leur sont propres. Individuellement et conjointement, ces facteurs influent sur la structure de leur économie, la structure de leurs échanges, leur accès au capital, etc. En outre, l’intégration des pays en développement à l’économie mondiale se fait à des degrés, à des vitesses et à des niveaux différents sous l’effet d’une combinaison de facteurs sous-régionaux, régionaux, interrégionaux et internationaux.
- Cohérence des politiques et espace politique sont les grands thèmes structurants de la CNUCED XI. Nous pensons qu’il est indispensable d’assurer une concordance entre le Plan d’action de Bangkok et le programme de travail futur de la machinerie intergouvernementale de la CNUCED. Mais il importe bien plus encore d’assurer la cohérence des politiques et programmes du secteur public menés par les institutions économiques bilatérales, régionales et multilatérales.
- La mondialisation implique une intégration poussée des économies nationales. L'adoption de règles internationales introduit des limitations à la liberté de formulation des politiques publiques par chaque pays. Il faut que les gouvernements, agissant au plan national et international, trouvent d’urgence un juste équilibre entre ces deux pôles pour que les pays fassent leurs les stratégies de développement et que ces dernières et les règles internationales convergent pour créer des emplois, de la croissance et du développement. La question de l'espace politique national pour les pays en développement exige un examen encore plus poussé.
Renforcer les capacités de production et la compétitivité internationale
- Les capacités de production de tout pays résident dans la possibilité offerte à ses citoyens de travailler sur la base d’une régulation clairement définie et d’institutions fortes appliquant des politiques publiques nationales adéquates et propres à assurer un développement durable endogène. Nous sommes convaincus que le chômage et une protection sociale insuffisante sont bel et bien à la fois les causes et les effets majeurs du hiatus qui se creuse entre les catégories de citoyens, tant à l’intérieur des Etats-nations qu’entre eux. L’engagement pour le plein emploi dans des conditions de travail décentes doit être la pièce maîtresse de toutes les politiques et de tous les programmes sociaux. Ce sont là des éléments essentiels du combat contre la pauvreté.
- Les capacités de production des pays en développement sont affaiblies notamment par le manque de technologies, de financement et d’institutions de soutien. La mise en oeuvre des technologies de l’information et de la communication dans les processus de production a accru la productivité et joue un rôle central dans la transition vers une économie fondée sur la connaissance plutôt que sur la transformation de matières premières. Les programmes qui développent les capacités, axés sur les compétences, l'éducation de base et le renforcement des institutions, sont essentiels pour surmonter les contraintes pesant sur l’offre et lutter contre le sous-développement.
- Il faut impérativement que les femmes et les jeunes soient pleinement impliqués dans la vie sociale par l’instruction formelle et des activités civiques et communautaires. Il ne faut pas non plus sous-estimer la nécessité de médias nationaux forts, diversifiés et pluralistes, accessibles aux pauvres dans chaque pays. La mise en œuvre de pareilles mesures doit tenir compte des différentes sensibilités nationales et régionales et être fondée sur la reconnaissance du fait que les réformes ne peuvent s’accommoder d’une micro-gestion à distance par des institutions n’ayant aucun compte à rendre.
- Les capacités de production nationales sont trop facilement mises en péril quand les dispositifs régionaux et internationaux de financement de soutien font défaut, en temps normal comme en période de crise. Dans sa configuration actuelle, le système financier et monétaire international n’a pas été à la hauteur de sa tâche de financement des crises de liquidités à court terme, de recyclage des excédents, d’amortissement des fluctuations des cours des matières premières, de résolution de la crise endémique de l’endettement, et de financement des biens d’équipement et des services du secteur public dont il est pourtant désespérément besoin dans les pays en développement.
- Le secteur privé a une contribution essentielle à apporter au développement. Nous recommandons à tous les pays de renforcer les conditions économiques et légales propices à l'investissement privé. Toutes les entreprises privées doivent souscrire aux lois nationales et assumer leurs responsabilités sociales.
Garantir les bienfaits du développement issus du système commercial international et des négociations commerciales
- Le système commercial international ne peut engendrer aucun bienfait si les conditions du commerce des matières premières agricoles ne sont pas équitables. Il est donc urgent de faire avancer les négociations multilatérales actuelles. Les Etats doivent s’engager à mettre fin à toutes les politiques agricoles contribuant à l’appauvrissement et au sous-développement. Ils doivent réaffirmer leur adhésion à la Déclaration ministérielle de Doha, arrêter un calendrier précis de suppression progressive de toutes les formes de subventions aux exportations et de subventions à la production faussant le commerce et s’accorder sur des améliorations substantielles de l'accès au marché où le traitement spécial et différencié, par exemple la sécurité alimentaire, est un élément essentiel. Nous invitons les Membres de l'OMC à s’engager à traiter ces questions par des moyens ne faussant pas les échanges commerciaux, et nous demandons à la CNUCED XI de répondre dans son document final aux préoccupations soulevées ici.
- Vu le rôle de soutien que la CNUCED joue dans le fonctionnement du système commercial multilatéral ouvert, nous appelons à ce que ses ressources soient utilisées au mieux pour associer commerce, financement, environnement, transport et technologie dans leur dimension internationale aux besoins globaux de développement, en particulier ceux des pays les moins avancés, des petits Etats insulaires et des pays sans littoral. La CNUCED peut être une tribune ouverte pour débattre des questions sur lesquelles il n’existe actuellement aucune base de négociation d’accords ayant force obligatoire dans le cadre de l’OMC.
- Nous sommes convaincus que des engagements obligatoires servent les intérêts de tous les partenaires en négociation. Des ensembles communs et partagés de principes, normes et règles servent les intérêts de tous les pays. Dans le même temps, nous croyons que les accords de l’OMC doivent être négociés ouvertement et être librement consentis. Les exceptions et mesures spéciales qui sont parties intégrantes des accords doivent être clairement définies et pleinement honorées, en particulier celles qui sont primordiales pour les pays en développement, dont certains allèguent que le calendrier actuel et le fonctionnement de l’OMC vont à contre-sens de leurs perspectives de croissance et, partant, de leur développement.
- Pour pouvoir mesurer tout progrès, il faut avant tout disposer de données fiables et d’une méthodologie valable permettant d’effectuer des observations qualitatives et de formuler une politique rationnelle. Les besoins massifs d’aide sociale résultant de la libéralisation suite aux cycles de négociations multilatérales, tels que mesurés par la Banque mondiale et l’OMC, devraient être ventilés de sorte que chaque pays en développement puisse mieux mesurer les gains nets acquis au plan social en regard des emplois décents créés. Les quarante années d’expérience de la CNUCED dans le domaine du commerce et du développement devraient permettre de trouver réponse à ces attentes. La proposition visant des indicateurs de développement pourrait aller dans ce sens.
- Du fait de l’extension des règles et des disciplines commerciales à de nouveaux secteurs, l’aune à laquelle les pays mesurent le bénéfice net qu’ils tirent d’un échange des marchandises, dit "termes de l’échange", a disparu de toute analyse sérieuse du commerce et du développement. Nous invitons la CNUCED à coordonner une étude à la fois conceptuelle et empirique sur ce thème pour donner sens aux conclusions divergentes sur la mondialisation et à son impact sur les pauvres.
- Nous appuyons les efforts que fait la CNUCED pour aider les pays en développement à mieux se préparer aux négociations à l’OMC. Dans le même temps, nous insistons sur le fait que la même force obligatoire devrait être donnée aux engagements d’assistance technique et de renforcement des capacités qu’aux autres engagements relatifs aux mesures tarifaires, non-tarifaires et aux règles du commerce. Les pays en développement qui doivent adhérer aux règles et disciplines obligatoires de l’OMC devraient être assurés de bénéficier effectivement de ce "service après-vente avec assistance technique", y compris par le biais du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Ce n’est qu’ainsi que pourra résulter de "l’engagement unique" de l’OMC un authentique équilibrage des avantages.
Régionalisme ouvert et coopération Sud-Sud
- Les appels à une "mondialisation équitable" n’ont guère de sens si le tempérament créatif de la grande majorité des êtres humains reste coupé de l’interaction directe entre individus, si ce n’est en grande partie par le truchement de tiers. Convaincus que les mesures prises en faveur de la coopération Sud-Sud sont autant de ballons d’essai et sont en grande partie insuffisantes, nous invitons les pays en développement à prendre des mesures volontaristes pour ouvrir une voie complémentaire aux itinéraires bien balisés du dialogue et des mécanismes Nord-Sud. Nous appelons également la CNUCED à concevoir et à mettre en œuvre des politiques et des programmes de coopération économique et technique appropriés entre pays en développement.
- A mesure que l’intégration dans des cercles de plus en plus larges de production et de consommation s’accélère, l’importance des facteurs externes au marché intérieur s’accroît. Une politique régionaliste basé sur l'ouverture des marchés renforce la compétitivité internationale, accroît le bien-être national et consolide l'intégration. L’analyse opportune des tendances internationales et la prudence dans les réponses politiques aideront les processus d’intégration et d’ajustement à fonctionner en tandem. Nous sommes convaincus à cet égard que la machinerie intergouvernementale de la CNUCED doit continuer de constituer une tribune de qualité pour comparer les expériences, et que la CNUCED doit travailler en collaboration plus étroite avec d’autres institutions internationales, en particulier avec les mécanismes régionaux d’intégration économique et les zones de libre échange.
Partenariats et rôle des parlements
- Le renforcement de la cohérence entre stratégies nationales de développement et processus économiques mondiaux - thème central de la CNUCED XI - peut grandement bénéficier de l’engagement parlementaire. Le Parlement a des responsabilités étatiques importantes en matière d’élaboration et de mise en oeuvre des politiques et stratégies de développement. Les parlements et leurs membres traitent aussi des enjeux mondiaux et peuvent contribuer à leur donner une cohérence. De plus, ils ont, de par leur fonction, une connaissance approfondie des liens entre la vie, la sécurité et le bien-être des gens, d’une part, et le commerce et le développement, de l’autre. Il y a donc tout lieu de renforcer la coopération entre la CNUCED et les parlements nationaux par l’intermédiaire de l'Union interparlementaire comme le prescrit la Déclaration du Millénaire.
- Aussi nous félicitons-nous de ce que le projet de document final de la CNUCED XI salue l'importance du rôle des parlements en faveur de la coopération internationale pour le développement. Nous invitons l'Union interparlementaire, aux côtés d'autres assemblées parlementaires internationales et régionales appropriées, à mobiliser la participation parlementaire aux activités de suivi. Nous recommandons vivement à l'Union interparlementaire de continuer à être l’interface entre les parlements et la CNUCED par l'échange d'informations et par des mesures de renforcement des capacités, s’agissant de l’espace politique et de la cohérence des politiques au plan national et international.
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