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PARLEMENT ET DEMOCRATIE AU VINGT-ET-UNIEME SIECLE :
GUIDE DES BONNES PRATIQUES


6. Un parlement efficace (I) : L'échelon national

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Dans les deux chapitres qui vont suivre, nous examinerons la manière dont les parlements peuvent s'organiser pour s'acquitter efficacement de leurs tâches principales. Certes, "l'efficacité" n'est pas la première caractéristique qui vient à l'esprit lorsqu'on parle de valeurs proprement démocratiques, mais elle revêt la plus haute importance lorsqu'il s'agit de fonctions nécessaires au processus démocratique : travail législatif, contrôle de l'action de l'exécutif, contrôle financier, etc. Les intérêts des électeurs ne sont pas bien servis lorsque les parlements ne disposent pas de ressources suffisantes pour remplir leur rôle, lorsqu'ils gaspillent l'argent public ou sont inefficaces dans l'utilisation de leurs ressources. Des considérations qui, à première vue, pourraient passer pour simplement "techniques" ou "de procédure" ont, en fait, un impact sur les résultats, qu'il s'agisse des lois adoptées ou des dépenses effectuées pour le bien de la collectivité. Il en va de même d'un autre aspect de l'efficacité du Parlement : sa capacité à promouvoir et à maintenir la cohésion nationale, en particulier dans les cas où celle-ci semble menacée.

L'efficacité parlementaire ne peut être examinée de façon satisfaisante que si l'on pose la question du pouvoir. Le mot "pouvoir" a différentes significations, mais deux d'entre elles nous intéressent particulièrement ici. D'abord le pouvoir en tant que capacité : avoir les droits juridiques et les ressources – financières, humaines et en termes d'organisation – pour l'accomplissement des tâches nécessaires. Ensuite, le pouvoir en termes de relations : à savoir disposer de suffisamment de pouvoir et d'indépendance pour contrôler efficacement l'action de l'exécutif. Bien sûr, les parlements doivent trouver le bon équilibre entre la coopération avec l'exécutif élu et le contrôle de celui-ci ; l'obstructionnisme pur et simple va rarement dans le sens de l'intérêt général. Mais le principal danger dans notre monde d'aujourd'hui est celui d'une domination indue de l'exécutif, soit parce que les parlements n'ont pas les capacités nécessaires, soit parce qu'ils ne veulent pas exercer les pouvoirs dont ils disposent.

On constate bien évidemment des différences entre les systèmes présidentiel et parlementaire : dans le premier cas, la ligne de démarcation entre le législatif et l'exécutif est plus marquée. L'une des caractéristiques de certains systèmes présidentiels, en Amérique latine, par exemple, a été l'incapacité du président à disposer au Congrès d'une majorité autre que temporaire. Toutefois, même dans un tel cas, la faiblesse ou l'inefficacité d'une législature ne sert pas la démocratie. L'une des conclusions tirées d'une étude comparative des progrès de la démocratisation dans plusieurs Etats ex-communistes est que ce n'est point tant le type de système constitutionnel (présidentiel, "semi- présidentiel" ou parlementaire) qui détermine le niveau et la qualité du processus de démocratisation que le pouvoir et l'efficacité de son corps législatif. S'il en est ainsi, c'est qu'un pouvoir législatif fort contrôle mieux l'exécutif et stimule davantage la formation de partis politiques. L'étude conclut en affirmant que "la force du pouvoir législatif national est l'une des clés – peut-être même la clé institutionnelle – de la démocratisation... Dans les régimes caractérisés par un corps législatif faible, les démocrates devraient se donner pour première priorité de le renforcer (Steven Fish : "Stronger Legislatures, Stronger Democracy", Journal of Democracy, 17.1, janvier 2006, pp. 5-20).

Dans le présent chapitre, nous examinerons ce qui fait qu'un parlement se révèle fort ou efficace en ce qui concerne les équipements et l'organisation parlementaires, les moyens d'améliorer le processus législatif, le contrôle de l'action de l'exécutif, les procédures de contrôle budgétaire et financier. Dans une dernière section, nous examinerons son rôle dans la promotion de la cohésion nationale par des moyens démocratiques.

Les équipements et l'organisation parlementaires

Toutes les informations, y compris celles fournies par les parlements à l'occasion de la présente étude, font état d'écarts considérables entre les ressources et les équipements parlementaires des pays développés et ceux des pays en développement. Rien d'étonnant quand on connaît l'énorme pression exercée sur les budgets de ces derniers pays par les besoins du développement. Reste que cette question préoccupe au plus haut point les parlementaires eux-mêmes.

Lorsqu'un parlement dispose de ressources suffisantes, comme c'est le cas dans les pays développés, il est entre autres doté :

  • d'un personnel suffisamment qualifié pour apporter une assistance impartiale aux parlementaires, dans toutes sortes de domaine d'activité parlementaire.
  • d'une bibliothèque et d'un service de documentation efficaces.
  • de bureaux à l'usage des parlementaires, avec leur propre secrétariat et leurs moyens de documentation et d'analyse.
  • d'équipements destinés aux principaux partis de l'opposition.

Dans la plupart des pays en développement, ces équipements sont insuffisants quand ils ne font pas simplement défaut, en raison du manque de ressources et de personnel qualifié. Même dans un grand pays comme l'Afrique du Sud où les services parlementaires ont été considérablement développés depuis 1994 (par exemple l'effectif administratif des commissions est passé de dix à 169), les parlementaires disent toujours que le personnel administratif n'est pas suffisamment nombreux et que son savoir-faire limité "l'empêche d'être totalement efficace".

Lorsque les parlements ont peu de ressources, et donc, des capacités insuffisantes, cela a des répercussions négatives et inévitables sur l'équilibre du pouvoir avec l'exécutif. Le travail de contrôle parlementaire est moins rigoureux; les parlementaires doivent s'appuyer sur des experts du gouvernement qui font d'abord allégeance à l'exécutif; les gouvernements sont tentés de contourner purement et simplement le Parlement lorsqu'ils définissent leur politique ou rédigent des lois. En conséquence, le Parlement se trouve déprécié aux yeux des citoyens, son rôle n'est plus très bien compris et il n'a plus suffisamment d'autorité pour réclamer des ressources supplémentaires sur un budget national limité.

Nombre de parlements ont donc mis en place des stratégies visant à remédier à ce problème de ressources, notamment :

  • Une formation plus efficace pour les parlementaires eux-mêmes qui sont encouragés à se spécialiser.
  • Un recours plus systématique, dans divers domaines, aux experts issus de la société civile et des milieux universitaires, afin de soutenir le travail des commissions et groupes parlementaires.
  • Des programmes de stages visant à pallier l'insuffisance des ressources du parlement.
  • Des moyens en ligne pour accroître les capacités d'analyse et de documentation des parlements, en particulier dans la bibliothèque.

Les programmes de renforcement des capacités des parlementaires et du personnel administratif sont l'un des domaines où une assistance externe peut faire toute la différence dans les jeunes démocraties et c'est la raison pour laquelle ces programmes sont actuellement soutenus par des organisations telles que l'UIP et beaucoup d'organismes internationaux de développement (voir chapitre 8). Toutefois, il ne faut pas imaginer que ces types d'assistance externe puissent remplacer un financement adéquat et pérenne prélevé sur le budget national. Une enquête sur les coûts des parlements réalisée par l'UIP en 1999 a révélé que, sur les 52 pays étudiés, la portion du budget national affectée au parlement variait entre 0,01% (Danemark) et 1,6% (Grèce). Vu leur importance, les parlements ne sauraient être considérés comme dispendieux.

   L'autonomie du parlement

Quel que soit le niveau des ressources et l'effectif du personnel, nul ne conteste plus désormais la règle selon laquelle les parlements doivent être indépendants de l'exécutif dans leur mode d'organisation et surtout qu'ils doivent être maîtres de leur propre calendrier et pouvoir siéger en dehors des sessions ordinaires lorsque les circonstances l'exigent. C'est là un des domaines dans lesquels la différence constitutionnelle entre le système présidentiel et le système parlementaire est la plus marquée. Dans le premier de ces systèmes, la difficulté consiste souvent à instaurer une coopération efficace entre le législatif et l'exécutif ; dans le second, elle consiste à atteindre une véritable indépendance ou autonomie en termes d'organisation.

Qu'implique donc exactement cette "autonomie" du Parlement ? Un rapport de l'Association des Secrétaires généraux des Parlements (ASGP) paru en 1998 définit, dans ce contexte, l'autonomie comme "d'une part, la non-dépendance et la non-subordination des Assemblées à l'exécutif, et, de l'autre, la possibilité de voir l'Assemblée se libérer, au moins partiellement, des lois ordinaires pour suivre son propre règlement". Le rapport note que "dans la plupart des états, le principe de l'autonomie du parlement est officiellement admis dans les textes constitutionnels [...] traitant de la séparation des pouvoirs". Il conclut que, dans la pratique, la tendance générale est au renforcement de ce principe (Michel Couderc, "The principle of parliamentary autonomy", Constitutional and Parliamentary Information, No. 176, 1998).

Appliquer le principe d'autonomie dans la pratique touche à des aspects divers, comme en atteste la communication du Parlement slovène au titre de la présente étude, selon laquelle le Parlement :

  • se charge du recrutement de son personnel;
  • contrôle son propre budget;
  • organise ses travaux comme il l'entend.

En ce qui concerne la première de ces responsabilités, les parlements indien et canadien soulignent tous deux qu'il importe que le personnel parlementaire soit indépendant de l'Etat et de la fonction publique centrale :

Inde : Pour bien accomplir ses fonctions dans le respect de la séparation des pouvoirs, il est essentiel que le parlement dispose d'un secrétariat indépendant. Dans le but de faire appliquer l'obligation, pour l'exécutif et l'administration, de rendre compte au parlement, chacune des deux chambres a été dotée d'un secrétariat séparé et indépendant, conformément à l'article 98 de la Constitution indienne.

Canada : L'efficacité d'un parlement dépend, dans une grande mesure, des mécanismes et ressources qui lui assurent indépendance et autonomie. L'indépendance opérationnelle du Parlement canadien est prévue par la Constitution et par les lois qui stipulent que le Sénat, la Chambre des communes et la bibliothèque du parlement doivent être pourvus d'un personnel professionnel indépendant des partis et de la fonction publique……Si les fonctionnaires peuvent passer d'une administration ou d'un service à l'autre au cours de leur carrière, le personnel parlementaire a tendance à rester au parlement et dans le même service.

Cette exigence d'un personnel parlementaire professionnel ayant une structure et un déroulement de carrière propres est désormais largement acceptée, dans le système parlementaire comme dans le système présidentiel. Elle reconnaît que le service du Parlement constitue une activité à part, dans le cadre de laquelle, étant donné la nature de la concurrence entre les partis, l'impartialité et la discrétion sont particulièrement prisées. Dans ce cas, l'autonomie parlementaire implique la mise en place d'un service juridique indépendant chargé de conseiller le parlement sur les dimensions juridiques de l'action gouvernementale, ainsi que sur la rédaction des projets de loi. La Knesset israélienne, par exemple, a regroupé tous ses services juridiques en un seul département qui dessert toutes les activités parlementaires.

   Contrôle budgétaire

Pour un parlement, l'indépendance c'est aussi le contrôle de son propre budget. C'est même là un impératif comme le montre cette déclaration sur les relations entre Parlement et Exécutif, faite à la faveur d'un séminaire régional de l'UIP sur le thème "Parlement et budget" :

Conformément au principe fondamental de séparation des pouvoirs, le budget interne du parlement doit être établi sous la seule responsabilité de l'assemblée et transmis au gouvernement pour être intégré dans le budget de l'Etat. L'Exécutif ne doit pas être juge de l'opportunité des moyens dont le Parlement a besoin pour l'exercice de sa mission. (Rapport général présenté par M. Lahaou Touré (Mali), Rapporteur général, Bamako (Mali), 1er -3 novembre 2001)

Ce principe a des applications diverses dans la pratique. On a, d'une part, un parlement, celui de la France, par exemple, dont l'autonomie financière est qualifiée d'absolue, tant au niveau de l'élaboration que du vote et de l'exécution du budget, et d'autre part un certain nombre de nouveaux parlements, notamment en Afrique, décrits dans le rapport de l'ASGP comme mus par l'"aspiration légitime" à se libérer de la tutelle du gouvernement, de celle notamment du ministère des finances.

   Maîtrise de son propre calendrier de travail

Un parlement autonome doit aussi être maître de son ordre du jour, du temps affecté à chacun des points examinés et aux différents groupes parlementaires. Dans le système parlementaire traditionnel de type Westminster, l'ordre du jour était en général fixé par des accords informels entre le "Leader of the House" (chef de la majorité parlementaire - un ministre), les chefs de l'opposition et leurs chefs de groupes parlementaires. Désormais ces accords sont confiés à une commission parlementaire chargée de l'ordre du jour, dans laquelle tous les groupes politiques sont représentés sous la direction du Président de l'Assemblée, le Speaker. A titre d'exemple, la présidence de la Commission des entreprises du Parlement de Samoa est passée récemment du Premier Ministre au Speaker. Dans ce type de situation, le rôle de "Leader of the House", le cas échéant, est restreint puisqu'il ne s'agit plus que de "leader of government business in the chamber" (responsable de l'agenda du gouvernement au sein de la Chambre). Ce système remonte aux débuts du Lok Sabha indien, avec la création d'une commission consultative chargée de l'ordre du jour, dont les membres sont désignés par le Speaker, en sa qualité de président de droit de l'Assemblée.

Cette commission a pour objet de recommander le temps pouvant être affecté au débat concernant l'action du gouvernement, au travail législatif et autres questions, à la lumière des instructions données par le Président en consultation avec le Leader of the House. Une fois le rapport de la Commission approuvé par la Chambre, l'affectation du temps aux divers projets de loi et autres prend effet comme s'il s'agissait d'un ordre de la Chambre.

Au Parlement sud-africain il y a une commission des programmes pour chaque chambre, siégeant une fois par semaine, et une commission mixte des programmes pour les deux chambres, chargée de préparer le programme annuel du Parlement, notamment le programme législatif. C'est cette commission qui fixe le temps imparti au travail législatif de l'exécutif et aux autres activités, ainsi que les délais dans lesquels l'exécutif doit soumettre ses projets de lois au Parlement, sous réserve de procédures accélérées dans des circonstances exceptionnelles et d'après des critères prédéterminés. Dans le respect du calendrier ainsi établi, le responsable des activités touchant au gouvernement, "chargé des affaires de l'exécutif national au Parlement", établit un programme pour toutes les activités parlementaires lancées sur l'initiative de l'exécutif ainsi que les séances auxquelles la présence des ministres concernés est requise. Ces commissions chargées des programmes prennent, en général, leurs décisions par consensus.

Dans les systèmes présidentiels, le problème est moins de garantir une indépendance suffisante, par rapport à l'exécutif, dans la programmation de l'activité parlementaire, que d'instaurer une coordination adéquate entre les deux branches du gouvernement. A cette fin, il peut être indispensable de créer des organes ou des comités spéciaux de coordination, comme aux Philippines :

Le Legislative-Executive Development Advisory Council (LEDAC-Conseil exécutif de coordination entre le législatif et l'exécutif) a été créé pour faciliter la définition de politiques adéquates, l'un de ses membres étant le président de la Chambre. Le but était de coordonner le travail de l'exécutif et du législatif afin d'éviter les engorgements et les procédures législatives accélérées. Le LEDAC est donc un organe consultatif chargé de coordonner la planification du travail législatif et exécutif ainsi que le travail budgétaire du congrès. Il permet d'aplanir les difficultés lorsque les priorités du législatif et celles de l'exécutif divergent, lorsqu'il y a un débat sur des projets de loi de la plus haute importance ou lorsqu'il faut un consensus sur les projets de loi devant être considérés comme urgents.

D'autres questions, plus particulières, concernant la programmation du processus législatif seront examinées dans la section suivante.

Autres lectures en ligne sur l'organisation parlementaire :

Association des Secrétaires Généraux des Parlements (1991). The Parliamentary Budget, dans Informations constitutionnelles et parlementaires, N° 161. <http://www.asgp.co/Resources/Data/Documents/UUELRQYYICJCPTBSGBJTOTYJDIVHON.pdf> (document en anglais)

Association des Secrétaires Généraux des Parlements (1999). The administrative and financial autonomy of parliamentary assemblies, dans Informations constitutionnelles et parlementaires, N° 177. <http://www.asgp.co/Resources/Data/Documents/CVCNKQUEFMEUUCJWPENOSNADTHSKQJ.pdf> (document en anglais)

Commonwealth Parliamentary Association (2005). Administration and financing of parliament: a study group report. <http://www.cpahq.org/uploadedFiles/Information_Services/Publications/CPA_Electronic_Publications/AdministrationandFinancingofParliamentStudyGroupReport.pdf> (document en anglais)

Commonwealth Parliamentary Association (2005). Study group on the administration and financing of parliament: key recommendations. <http://www.cpahq.org/uploadedFiles/Information_Services/Publications/CPA_Electronic_Publications/TheadministrationandfinancingofParliaments%20recommendations.pdf> (document en anglais)

Reports from a seminar on parliamentary administrations and legislative cooperation, organised by ECPRD and the Italian Chamber of Deputies <http://de.camera.it/files/pdf/dossier.pdf> (site en anglais)

Améliorer le processus législatif

Beaucoup de parlements ont essayé diverses solutions en vue de mieux organiser le processus législatif de sorte que les contraintes de temps n'empêchent pas un bon examen des projets de loi et que la priorité soit donnée aux éléments qui, dans les projets de loi, sont considérés comme plus importants ou plus sensibles. Ainsi, la Chambre italienne des députés a récemment adopté un calendrier plus rigoureux pour son travail législatif car elle s'est aperçue que le processus s'enlisait dans les amendements et que les séances de travail devenaient interminables. Pour résoudre ce problème, elle a mis en place un calendrier-programme pour les projets de loi, demandant aux groupes parlementaires de sélectionner un nombre d'amendements devant être mis aux voix, en fonction de leur taille respective.

On conjugue ainsi les différentes exigences qui se présentent: d'une part les exigences de rapidité et de certitude des temps de délibération, en évitant le risque de dispersion de l'activité de l'Assemblée en des myriades de votes souvent à caractère répétitif, et d'autre part on permet à l'Assemblée de concentrer l'examen sur les points que l'on estime les plus importants des projets de loi ou sur les propositions d'amendements politiquement plus significatives. Cette réforme, ainsi que les réformes sur la programmation, ont permis à la Chambre des députés d'affronter et de résoudre les problèmes liés à la longueur des temps des délibérations, qui sont devenus au cours des années particulièrement pressants, en garantissant ainsi une réponse législative plus rapide aux nécessités du pays.

De même, la Chambre des communes du Royaume-Uni, sur proposition de sa commission de modernisation, a entrepris une programmation systématique de son travail législatif, assortie d'un calendrier pour les diverses dispositions de chaque projet de loi, ce qui assure une plus grande prévisibilité et évite de couper abruptement un débat parce que le temps imparti est écoulé.

La programmation, lorsqu'elle est bien faite, permet à maints égards de faciliter l'examen des projets de loi. Elle donne aux parlementaires une idée claire d'un texte de loi devant faire l'objet d'un débat, ce qui leur permet de se concentrer sur les dispositions qui les intéressent le plus……Cette visibilité est également profitable pour les groupes extérieurs. Sachant, au début de l'étape du travail en commission, la date à laquelle la partie du projet de loi qui les concerne sera débattue, ils peuvent prévoir les délais dans lesquels ils devront fournir des documents d'information aux membres d'une commission permanente. La programmation permet normalement à la Chambre et aux commissions de mieux planifier l'examen d'un projet de loi, de sorte qu'un temps suffisant soit consacré aux dispositions du texte qui intéressent l'opposition et les parlementaires sans portefeuille, une durée de débat moins importante étant consacrée aux éléments du projet de loi qui présentent moins de problèmes.

Le Comité a établi quatre critères fondamentaux auxquels un processus législatif amendé doit désormais répondre :

  • Le gouvernement doit être assuré que ses projets de loi seront examinés dans un délai raisonnable.
  • L'opposition en particulier et les parlementaires en général doivent avoir la possibilité de débattre pleinement et de demander la modification des dispositions les plus importantes à leurs yeux.
  • Tous les éléments d'un projet de loi doivent être examinés de façon adéquate.
  • Les projets de loi doivent être correctement préparés pour ne pas donner lieu à une masse d'amendements nouveaux de la part du gouvernement.

   Qualité des lois

Le dernier critère ci-dessus pose la question de la qualité des projets de loi, grande préoccupation s'il en est pour de très nombreux parlements écrasés par une multitude de textes, surtout dans les pays dont la législation doit être mise en conformité avec les exigences de la Communauté européenne. Pour résoudre le problème de l'insuffisance de la rédaction, le Parlement danois, par exemple, a créé une commission mixte de travail avec le gouvernement sur la "qualité des lois". En conséquence, le gouvernement a défini une série d'orientations détaillées à l'intention des fonctionnaires des ministères chargés de l'élaboration des textes de loi, précisant les conditions auxquelles ce travail doit répondre. En outre, "tout projet de loi doit indiquer les conséquences financières et administratives pouvant en découler pour le secteur public et le secteur privé, les conséquences sur l'environnement et au regard de la législation communautaire".

La constitutionalité des projets de loi est un autre aspect de la qualité dont il faut tenir compte. Au Parlement finlandais, cette responsabilité incombe au Président, avec l'assistance d'une commission juridique constitutionnelle.

La tâche de cette commission consiste à s'assurer que les projets de loi sont conformes à la Constitution et à repérer les écarts éventuels en la matière. Si des écarts sont constatés, la Commission indique la manière dont il convient de modifier le texte pour le rendre conforme à la Constitution …… La Commission exerce ce travail de vérification avec l'aide de professeurs d'université et de constitutionalistes qui sont auditionnés en tant qu'experts externes lors de séances de la Commission.

Le Parlement grec s'est doté d'un service scientifique constitué essentiellement de juristes professeurs d'université qui indiquent dans leurs rapports "toutes les contradictions éventuelles entre les projets de loi et la Constitution, les lois nationales, internationales ou européennes, ainsi que les écarts possibles".

Autre aspect de la qualité des lois : la clarté intrinsèque des textes. La Chambre des députés italienne a créé une commission législative spéciale, composée d'un nombre égal de membres de la majorité et de l'opposition, "qui évalue la qualité des textes législatifs en ce qui concerne leur homogénéité, leur simplicité, leur clarté et la justesse de leur énoncé, ainsi que l'efficacité de ces textes pour la simplification et la réorganisation de la législation en vigueur, et, sur la base de ces paramètres, donne des avis aux Commissions".

   Moyens électroniques en ligne

C'est dans ce domaine du travail législatif que la mise en place de moyens informatiques en ligne pour les parlementaires revêt, certainement, le plus d'importance. Beaucoup de parlements ne sont encore qu'au début de ce processus, mais quelques-uns sont sur le point de se passer entièrement du support papier dans l'élaboration et l'analyse des textes de loi, ce qui permet de leur donner une présentation électronique uniforme convenue. Voici, par exemple, une proposition soumise au Parlement autrichien :

Le projet E-RECHT ("Droit électronique") a pour objet de créer un cycle d'élaboration électronique continu, de l'invitation à soumettre des commentaires sur une loi à la promulgation de celle-ci (sur Internet). à cette fin, il suffira d'apporter les modifications au texte lors des étapes législatives (par exemple en commission, ou en séance plénière du Nationalrat). Les textes de loi sur papier seront ainsi remplacés par des textes électroniques. Les projets de loi du gouvernement, les rapports des commissions et tous les autres documents parlementaires imprimés n'auront donc plus lieu d'être. Grâce à cette technologie il deviendra possible d'élaborer des textes consultables électroniquement et dont toutes les étapes pourront être retracées de façon entièrement transparente.

Outre le gain de temps, on estime que ce nouveau système permettra d'économiser soixante tonnes de papier par an, soit plus d'un million d'euros. En République de Corée, pour prendre un autre exemple, la Chambre principale de l'Assemblée nationale est en train, elle aussi, de faire sa révolution numérique.

Avec cette chambre "numérique", l'essentiel du travail législatif sera numérisé, notamment les propositions et délibérations de projets de loi, les votes électroniques et leur transmission au gouvernement, ce qui représente des économies substantielles d'argent et de temps car le support papier aura été supprimé et le processus simplifié. En outre, les législateurs seront en mesure de rechercher des informations en temps réel sur divers projets de loi pendant les séances des commissions et ils pourront plus efficacement poser des questions aux ministres, débattre des textes de loi ou faire des interventions de cinq minutes en utilisant PowerPoint ou des images animées sur ordinateur.

Le Parlement hongrois prend lui aussi le même chemin, mettant le texte de chaque projet de loi soumis (ainsi que les amendements, les résolutions, les annonces de projets de politique, les rapports, interpellations, questions, etc.) sur support informatique en ligne. Cette révolution vise essentiellement à faciliter et améliorer le travail des parlementaires, mais elle permet aussi à tous les citoyens de consulter les textes qui les concernent grâce au site web du Parlement.

   Rôle d'une chambre haute

La plupart des mesures susmentionnées ont pour but d'améliorer non seulement le processus législatif, mais aussi la coordination entre les deux chambres du parlement lorsque celui-ci est bicaméral. Le but de la chambre haute est d'assurer un examen plus complet des projets de loi et de les soumettre à un plus large éventail d'opinions, qu'il s'agisse d'inscrire le texte dans une perspective nationale et régionale, comme dans le système fédéral, à des savoir-faire et à des expériences plus variées ou à l'ensemble des partis. Cette démarche facilite les compromis sur les projets de loi et, on peut l'espérer, l'acceptation par les citoyens. Sachant que la démocratie implique le consentement, l'acceptation des lois par les citoyens est un gage d'efficacité.

   Suivre l'état d'avancement des lois

Les réponses des parlements à l'occasion de la présente étude soulèvent deux questions qui méritent d'être posées ici. La première concerne, la prise de décisions par les gouvernements, sous couvert de délégation législative, décisions qui échappent au contrôle du parlement et qui, dans certains cas, peuvent aller au delà de ce qui était prévu dans la loi en cause. Pour le Parlement grec, par exemple, il s'agit là d'un "problème majeur", car "les textes normatifs ainsi élaborés par le gouvernement outrepassent souvent les limites de délégation fixées par la loi", d'où des remises en cause fréquentes. Pour résoudre ce problème, plusieurs parlements exigent que la délégation du travail législatif ou l'action normative de l'exécutif soient assorties d'une date limite précise ("clause d'extinction ou de caducité automatique"), de manière que l'on puisse systématiquement réexaminer les règlements, et que tout décret adopté hors de ce cadre soit entériné par le Parlement dans les plus brefs délais.

Le second problème est celui du contrôle de l'application des lois. Il est important, en effet, que le Parlement sache si les lois sont appliquées comme il convient et, dans le cas contraire, quelles en sont les conséquences en pratique. Le Parlement sud-africain indique, dans sa réponse, "que le travail législatif ne s'arrête pas avec l'adoption d'un projet de loi et c'est seulement par le contrôle de l'application des textes que les parlementaires repèrent les éventuelles imperfections et qu'ils sont en mesure de corriger les mauvaises interprétations d'une loi ou sa mauvaise application par une administration". La raison la plus courante qui fait qu'une loi n'est qu'imparfaitement appliquée tient à ce qu'aucune disposition financière n'a été prévue pour ce faire, d'où la nécessité, déjà soulignée, d'expliciter clairement l'impact fiscal de la loi proposée et de veiller à ce qu'il en soit tenu compte lors des affectation de crédits au titre du budget.

Ces deux questions sont étroitement liées à la fonction de contrôle parlementaire que nous nous proposons d'examiner dans la section suivante.

Autres lectures en ligne sur l'amélioration du processus législatif :

Global Centre for Information and Communication Technology in Parliament <http://www.ictparliament.org/> (site en anglais)

Inter-American Development Bank (2006). Political Parties, Legislatures, and Presidents, dans Economic and social progress in Latin America, 2006 Report (Chapter 3). <http://www.iadb.org/res/ipes/2006/chapter3.cfm> (document en anglais)

Programme des Nations Unies pour le développement (2003). Développement parlementaire. Note d'orientation. <http://www.undp.org/governance/docs/ParlPN_FR.pdf>

Union interparlementaire, Programme des Nations Unies pour le développement (2003). Dix ans de renforcement des parlements en Afrique, 1991-2000. Enseignements et pistes de réflexion. <http://www.ipu.org/pdf/publications/africa2000_en.pdf>

U.S. Agency for International Development (2000). USAID Handbook on Legislative Strengthening. <http://www.usaid.gov/our_work/democracy_and_governance/publications/pdfs/pnacf632.pdf> (document en anglais)

Un contrôle efficace de l'action de l'exécutif

Outre le travail législatif qui leur incombe, les parlements sont tenus de contrôler l'action du gouvernement au nom des citoyens. L'examen du budget et le contrôle financier, deux domaines particuliers, font l'objet de la section suivante. Pour l'instant nous examinerons la tâche plus générale du contrôle de l'action du gouvernement et de l'administration. Cette activité représente l'autre dimension de l'obligation de rendre des comptes évoquée dans le chapitre précédent : la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et, à travers celui-ci, devant l'ensemble des électeurs.

Ce domaine du travail parlementaire, peut-être plus que tout autre, met en jeu des considérations de pouvoir et de relations. En effet, il ne s'agit pas seulement d'une délimitation des pouvoirs relatifs du parlement et de l'exécutif, mais aussi de l'équilibre des forces entre les partis et au sein de ceux-ci. D'ailleurs, c'est la configuration du pouvoir des partis qui détermine souvent les relations entre le Parlement et l'exécutif. Dans le système présidentiel, et lorsque le parlement est dominé par un parti autre que celui du président, non seulement le contrôle parlementaire devient pointilleux mais les rivalités entre partis risquent de dégénérer en obstructions et en blocages. Dans le système parlementaire ainsi que dans les systèmes présidentiels lorsque le même parti contrôle les deux branches du gouvernement, on observe la tendance inverse : le contrôle peut s'émousser en raison du jeu des forces au sein de la coalition ou du parti dominant, d'autant que la rivalité entre partis incite à taire les divisions internes et à ne pas les exposer sur la place publique. Ainsi, l'intérêt des partis d'opposition consiste à contrôler de la façon la plus rigoureuse l'action de l'exécutif, mais les membres du parti au pouvoir, s'appuyant sur leur majorité, peuvent veiller à ce que leurs ministres ne soient pas embarrassés par un scandale ou un rapport critique.

Les partis politiques ont beaucoup de moyens officieux de maintenir leurs parlementaires dans la droite ligne, par l'intermédiaire des présidents de groupes : en leur faisant miroiter une désignation au sein de commissions importantes, la perspective d'une promotion, d'une désignation à une délégation à l'étranger, etc. ; ou en les menaçant de leur retirer une place favorable sur une liste électorale, voire de les exclure de la formation parlementaire. Ces moyens de pression et de discipline finissent parfois par nuire au contrôle parlementaire comme le montre la réponse de l'Afrique du Sud :

Certes, tous les partis du Parlement sont représentés au sein des commissions, mais le jeu du pouvoir au sein des partis peut rendre une commission incapable de contrôler collectivement l'action d'une administration. En outre, les divergences d'intérêts au sein d'un parti ne sont pas nécessairement rendues publiques. La hiérarchie et la discipline de parti peuvent empêcher des hommes politiques de poser des questions susceptibles d'embarrasser le gouvernement ou de porter atteinte à l'unité du parti. La direction du parti peut obtenir sans difficulté la loyauté de ses membres et imposer une discipline de fer car les parlementaires ont besoin de leur parti pour obtenir une place sur les listes électorales et donc pour accéder au Parlement. Une situation qui peut aussi empêcher une commission d'exercer efficacement son travail de contrôle.

Ce jeu des pouvoirs entre les partis politiques et au sein de chacun d'entre eux devra être pris en compte dans l'analyse des différents modes de contrôle parlementaire, ci-dessous. Il n'existe pas, en effet, de contrôle parlementaire sur l'exécutif comme si le parlement n'était qu'un organisme uniforme et cohérent. Toutes les fonctions de contrôle sont affectées par les rivalités entre partis et par la réaction possible de l'opinion publique. En particulier, ce sont les partis de la minorité ou de l'opposition qui, dans une législature, confèrent aux différents modes de contrôle le "mordant" nécessaire; dans un système parlementaire, ces contrôles sont généralement coordonnés par l'intermédiaire d'un "cabinet fantôme", officiel ou officieux dans la tradition britannique.

   Contrôle par le système des commissions

La méthode la plus systématique de contrôle de l'action de l'exécutif est celle des commissions parlementaires qui vérifient le travail de chaque administration, chaque ministère et enquêtent sur les aspects les plus saillants de leur politique et de leur gestion. Beaucoup de parlements ont réformé leur système de commissions afin de permettre à ces dernières de se structurer de façon similaire aux administrations dont elles ont la charge et d'acquérir ainsi l'expérience nécessaire. Dans de nombreux pays ces commissions relèvent des deux chambres du Parlement. Certes, même les commissions spécialisées ne peuvent passer au crible la gestion de l'ensemble d'une administration, mais il suffit pour la transparence que ladite administration sache qu'une enquête rigoureuse sur n'importe quel aspect de son activité est toujours possible. Dans la pratique, ces commissions doivent demeurer sélectives.

Le Parlement sud africain décrit ainsi son système de commissions réformé :

Certaines tâches, notamment celles qui nécessitent un examen détaillé, ont intérêt à être confiées à un groupe plus restreint qu'une plénière de la Chambre. C'est la raison pour laquelle les commissions jouent un rôle de la plus haute importance pour le contrôle de l'action de l'exécutif. Depuis 1994 le système a connu de grandes modifications qui ont facilité le contrôle exercé par les commissions. L'ancien système des treize commissions qui se contentaient de siéger à huit clos et d'approuver l'action du Parti national au pouvoir a été remplacé par des commissions plus dynamiques et indépendantes du gouvernement. A l'Assemblée nationale une commission a été créée pour chaque administration, alors que chaque commission du Conseil national des provinces correspond, grosso modo, à un ensemble d'administrations. Ces commissions ont des pouvoirs étendus, y compris celui d'auditionner les personnes susceptibles de leur apporter des preuves ou des documents utiles…

Le Parlement suédois, dans sa réponse, observe que la fonction de contrôle parlementaire est en train de passer au premier plan. "La raison en est que les activités du gouvernement central ne sont plus régies par des lois et des dispositions budgétaires détaillées, mais par des objectifs généraux et des exigences de résultat. Aussi la tâche du Parlement consiste-t-elle à vérifier, a posteriori, que lesdits objectifs et exigences ont été respectés… A cet égard, le travail et les priorités des commissions du Riksdag occupent une place centrale".

Par définition, le contrôle n'est possible que si les commissions sont à même de décider des aspects de l'activité gouvernementale devant faire l'objet d'une enquête. A la Chambre des représentants des Philippines, ces décisions sont prises à la majorité des membres des commissions.

Outre la Commission permanente chargée du contrôle à la Chambre, d'autres commissions peuvent examiner, de leur propre chef, l'action d'une administration. Elles disposent, à cette fin, du pouvoir d'effectuer des auditions et des enquêtes sur les questions relevant de leur compétence, sur décision de la majorité de leurs membres. Ainsi, certaines administrations ont fait l'objet d'une enquête sur leur système de passation des marchés et d'adjudication des contrats, ce qui garantit la transparence et favorise les réformes.

Le Parlement norvégien, lui, a récemment décidé "qu'une minorité des membres de la Commission permanente chargée du contrôle et des affaires constitutionnelles (un tiers des membres) suffit à lancer une enquête. Cette règle est essentielle pour la protection des minorités au parlement".

Pour que leurs enquêtes soient efficaces, les commissions doivent avoir le pouvoir d'auditionner ministres et fonctionnaires et d'obtenir les documents nécessaires, et même des renseignements classés secrets, faute de quoi il ne peut y avoir de transparence véritable. Les lois sur la liberté de l'information qui comportent de larges exemptions ou permettent aux ministres de se réfugier derrière le secret d'état empêchent souvent le Parlement d'obtenir des informations sensibles. Les séances à huis clos pour certaines catégories d'informations permettent à de nombreux parlements de remédier à la situation.

C'est lorsqu'elles ont à mener des enquêtes approfondies que les commissions s'aperçoivent le plus de l'importance de leurs ressources financières. Même dans les parlements les mieux dotés, le personnel des commissions est insuffisant quand on le compare au gisement de savoir-faire auquel une administration peut recourir. Plusieurs solutions permettent aux commissions de surmonter cet obstacle, notamment en engageant des spécialistes extérieurs, appartenant à la société civile ou au milieu universitaire, de façon ponctuelle ou à titre de conseiller. La Chambre des communes britannique vient de créer une unité de contrôle chargée d'assister ponctuellement les commissions les plus sollicitées.

En général, les commissions font connaître les résultats de leurs enquêtes en publiant un rapport et des recommandations adressés au gouvernement, rapport soumis au parlement dans son ensemble. Il appartient dès lors à ce dernier de décider de l'ordre de priorité à donner à ce rapport et de la suite à réserver à la réponse du gouvernement. Le Parlement indien a récemment durci sa procédure de suivi des recommandations formulées par les Departmentally Related Standing Committees (DRSC - Commissions permanentes chargées des diverses administrations), car il s'est aperçu que le gouvernement ne mettait pas beaucoup d'empressement à appliquer les recommandations qu'il avait pourtant acceptées.

Aux termes de la procédure actuelle, dès lors que les DRSC soumettent à la Chambre un rapport sur une question, le gouvernement doit fournir des notes explicatives sur l'action entreprise dans les trois mois. En général le gouvernement ne parvient pas à appliquer un certain nombre de recommandations dans les délais. Afin de marquer le sérieux de la procédure et d'obtenir le respect des délais, le président du Lok Sabha et celui du Rajya Sabha ont émis des directives en septembre 2004 faisant obligation à chaque ministre concerné de présenter, une fois tous les six mois, une déclaration à la Chambre faisant le point sur la suite donnée aux recommandations du rapport des DRSC. Cette mesure permettra, on peut l'espérer, une application plus prompte des recommandations.

Autres lectures en ligne sur le contrôle par le système des comités :

Gay, O and Winetrobe, B (2003). Parliamentary audit: the audit committee in comparative context. A report to the Audit Committee of the Scottish Parliament. <http://www.scottish.parliament.uk/business/committees/historic/audit/reports-03/aur03-legacy-02.htm> (document en anglais)

Krafchik, W. and Wehner, J. (2004). Legislatures and budget oversight: best practices. <http://www.revenuewatch.org/reports/kazakhstan_parliament_budget_forum.pdf> (document en anglais)

National Democratic Institute (1996). Committees in legislatures: a division of labor. <http://www.accessdemocracy.org/library/030_ww_committees.pdf> (document en anglais)

   Contrôle par et sur les organismes publics indépendants

En matière de contrôle parlementaire, il faut distinguer en gros deux types d'organismes indépendants. Tout d'abord les institutions chargées de contribuer au contrôle de l'action du gouvernement, telles que le Médiateur, la Commission des droits de l'homme, la Commission anti-corruption, la Cour des comptes, etc. Nous reviendrons sur ces deux dernières sous la rubrique contrôle financier, un peu plus loin dans le présent chapitre. Contentons-nous, pour l'instant, de rappeler la règle énoncée au chapitre 4, à savoir que le contrôle ne peut être efficace que si les membres desdites institutions sont approuvés par le Parlement et s'ils sont responsables devant ce dernier et non devant le gouvernement. De par leur savoir-faire spécialisé et les contacts qu'elles ont avec les organisations de la société civile, ces institutions jouent un rôle précieux en complétant le travail de contrôle des commissions parlementaires. Ainsi, le Parlement norvégien cite quatre institutions indépendantes qu'il considère comme "essentielles pour les fonctions de contrôle du Storting" : l'Auditeur général, le Médiateur parlementaire pour l'administration publique, la Commission de contrôle des services de renseignement, de surveillance et de sécurité et le Médiateur pour les forces armées. A l'exception du dernier cité, dont les rapports sont soumis à la Commission de la Défense, les autres présentent leurs rapports à la Commission permanente de contrôle. Dans beaucoup de pays l'Office national des statistiques contribue lui aussi au contrôle parlementaire. La tentation "d'arranger" les statistiques afin de montrer la politique du gouvernement sous un jour favorable est telle qu'il vaut mieux un Office des statistiques indépendant responsable devant le parlement et non devant le gouvernement. D'ailleurs, une proposition a récemment été faite dans ce sens au Royaume-Uni.

Viennent ensuite les institutions indépendantes qui effectuent une partie des fonctions exécutives et de réglementation du gouvernement lui-même. Il ne s'agit pas d'organismes contribuant au système de contrôle parlementaire, comme ceux du premier type, et donc la question est plutôt de savoir comment les contrôler elles-mêmes alors qu'elles ne relèvent pas d'une structure administrative. Il faut savoir, en effet, que les gouvernements de beaucoup de pays délèguent des fonctions publiques, telles que les activités de régulation ou des prestations de service public, à des organismes indépendants. Ces derniers peuvent prendre la forme d'entreprises publiques comme la banque centrale ou le service public de diffusion, les autorités de régulation en matière de santé et de sécurité publique, les services des eaux, de l'électricité, etc., des organismes assurant, sur fonds publics, les services de transport, de logement, d'éducation, de réhabilitation de quartiers, le système pénitentiaire, etc., parfois dans le cadre de partenariats public-privé remplaçant tant pour le contrôle que pour les responsabilités les organismes publics locaux.

Les organismes indépendants de ce type ne sont pas sans poser quelques problèmes. Ainsi le Parlement grec, dans sa réponse, s'inquiète de ce "basculement du pouvoir décisionnaire normatif du Parlement vers des autorités indépendantes". Autre problème : l'affaiblissement de la chaîne de la responsabilité et de la transparence. En théorie, rien n'empêche qu'un organisme indépendant relève de la tutelle d'une administration, mais ce processus se veut égalitaire ce qui complique d'autant le contrôle parlementaire, même lorsqu'on y consacre d'importants fonds publics, avec les difficultés de répartition que cela implique.

Autres lectures en ligne sur le contrôle par les organismes publics non gouvernementaux :

Banque mondiale (2001). Features and functions of supreme audit institutions. <http://www1.worldbank.org/prem/PREMNotes/premnote59.pdf> (document en anglais)

Organisation for Economic Co-operation and Development (2002). Relations between supreme audit institutions and parliamentary committees. <http://appli1.oecd.org/olis/2002doc.nsf/linkto/ccnm-gov-sigma(2002)1> (document en anglais)

   Contrôle par les questions et interpellations au Parlement

Dans les systèmes parlementaires et d'autres où les ministres sont également parlementaires, les questions à intervalles réguliers tant orales qu'écrites constituent un élément important du mécanisme de contrôle. Les questions orales en séance plénière peuvent souvent dégénérer en un débat houleux qui n'apporte pas beaucoup de réponses, les parlementaires du parti au pouvoir posant des questions qui frisent la flagornerie, et les ministres cherchant davantage à marquer des points contre l'opposition qu'à éclairer le débat. De plus, les réponses écrites, quant elles sont ciselées par des fonctionnaires adroits, évitent de révéler le moindre élément compromettant. Il n'empêche, les questions parlementaires, quant elles sont efficacement posées, restent un moyen d'enquête et de contrôle précieux. Il ne peut être que salutaire d'obliger les ministres à expliquer et justifier leur action devant le parlement à intervalles réguliers et à répondre publiquement de tout manquement. La transparence y gagne comme l'indique la réponse du Parlement zambien :

Les questions au parlement ont d'abord pour objet de permettre aux parlementaires de demander des informations sur les affaires publiques. Ensuite, les questions obligent le gouvernement à agir. En effet, lors des séances de questions, le gouvernement est sommé de lancer ou d'achever un projet, d'assurer certaines prestations ou d'agir sur une affaire publique. Les séances des questions donnent, en outre, aux parlementaires la possibilité de faire connaître au gouvernement les points de vue des citoyens sur les questions de l'heure, et de juger ainsi les ministres et leurs responsables en fonction des suites qu'ils donnent aux questions posées. Ainsi les ministres restent vigilants de peur d'être pris à partie. Les questions contribuent, en général, à la bonne marche du gouvernement.

Plus le processus des questions est organisé, plus les chances sont grandes d'atteindre les objectifs énumérés ci-dessus. Voici, par exemple, la procédure en usage dans le Dail irlandais :

Le Taoiseach (Premier Ministre) répond aux questions notifiées à l'avance (ainsi qu'aux questions supplémentaires posées sans préavis) pendant 90 minutes chaque semaine. Il répond également aux questions des chefs des partis d'opposition, sans préavis, pendant 40 minutes supplémentaires de manière hebdomadaire. Les autres ministres doivent répondre à des questions, à tour de rôle, pendant 210 minutes chaque semaine. Il leur a ainsi fallu répondre à environ 1 900 questions, avec préavis en 2004. En outre, ils ont fourni des réponses écrites à 26 000 autres questions.

Au Parlement du Sénégal, les questions au ministre prennent la forme d'un débat, avec un programme relativement précis :

Le débat est organisé selon le code de conduite suivant :
  1. Lecture de la question par son auteur : 03 mn
  2. Réponse du Ministre: 15 mn
  3. Intervention de l'auteur de la question: 10 mn
  4. nterventions du Groupe majoritaire (à répartir): 10 mn
  5. Nouvelles réponses du Ministre 15 mn
  6. Interventions des groupes minoritaires et des non-inscrits selon un temps proportionnel à leur taille et au regard du temps accordé au groupe majoritaire
  7. Reprise de parole au besoin par l'auteur: 03 mn
  8. Dernière réponse du Ministre: 05 mn
Il s'agit d'une forme de contrôle rapide, sur un point précis, du gouvernement par l'Assemblée nationale.

D'autres parlements ont adopté diverses formes d'interventions en vue du contrôle des ministres, complétant les procédures des séances de questions formelles. Au Parlement zambien, les questions des non-inscrits sont considérées comme "le moyen le plus apprécié et le plus efficace de contrôle des activités de l'exécutif". Le Parlement indien met en œuvre, depuis longtemps, la procédure dite "d'interpellation", décrite ci-dessous :

Tout parlementaire, avec l'autorisation préalable du président du Parlement ou du président de séance, peut interpeller un ministre sur n'importe quelle question publique urgente et le ministre concerné peut, soit faire une déclaration brève, soit demander un délai en vue d'une déclaration ultérieure. Cette procédure ne peut aboutir à la censure par le gouvernement dans la mesure où il n'y a ni débat ni vote. Elle permet aux parlementaires de révéler les défaillances dans l'action du gouvernement dans un domaine donné.

Les systèmes présidentiels ne prévoient pas de procédure systématique de questions aux ministres comme les systèmes parlementaires, mais diverses solutions permettent d'obtenir des réponses des ministres d'état, en dehors des procédures normales des commissions. Ainsi, aux termes de la Constitution modifiée de 1980, le Congrès national chilien peut convoquer des ministres d'état aux sessions extraordinaires de l'une ou de l'autre Chambre afin qu'ils informent les parlementaires sur des questions relevant de leur compétence.

   Approbation parlementaire des nominations aux postes de responsabilité de l'exécutif

Dans les systèmes présidentiels, où les ministres ne sont pas parlementaires, l'un des moyens de contrôle les plus importants est la possibilité d'approuver les nominations à des postes de ministre ou de haute responsabilité dans l'exécutif, avec notamment une enquête approfondie visant à déterminer les aptitudes de la personne concernée. De telles enquêtes peuvent également être effectuées pour les nominations à des responsabilités dans l'appareil judiciaire ou à un poste d'ambassadeur. Certains systèmes parlementaires se sont également dotés de procédures de contrôle pour les nominations à des postes de haut niveau de la fonction publique, même si cette pratique est moins courante.

L'autre levier est, en quelque sorte, l'envers de la médaille puisqu'il s'agit du limogeage. Le droit du parlement de destituer un président, par une procédure spéciale dans les systèmes présidentiels constitue un ultime recours, faisant suite normalement à une violation grave de la loi ou de la Constitution. Dans les systèmes parlementaires, par contre, un vote de défiance à l'égard du Premier ministre est, en général, l'indication d'une perte de soutien politique mais qui n'entraîne pas les mêmes conséquences en termes de confrontation entre l'exécutif et le législatif, puisque le gouvernement émane du Parlement. Certains parlements prévoient également des votes de défiance envers des ministres mais sans que cela n'affecte la composition du gouvernement dans son ensemble

   Commissions d'enquête spéciales

Les commissions d'enquête spéciales sont un autre instrument de contrôle permettant au Parlement de faire la lumière sur des questions importantes d'intérêt public et qui, généralement, concernent les domaines d'activité de plusieurs administrations et relèvent de différentes commissions. Ces institutions doivent être distinguées des commissions d'enquêtes créées par les gouvernements eux-mêmes et dont les missions et le personnel sont également choisis par l'exécutif. En effet, de tels organes s'arrangent parfois pour étouffer un scandale ou faire taire des voix critiques du gouvernement. Dans ce cas, il ne s'agit en aucun cas d'instruments de contrôle.

La protection accordée aux témoins au titre de la loi sur les dénonciations est un élément capital, encore que la protection ne soit pas limitée à ce seul contexte. Dans son travail sur des normes internationales applicables aux parlements démocratiques, le National Democratic Institute fait le commentaire suivant :

C'est une prérogative du pouvoir législatif que de pouvoir constituer une commission d'enquête sur toute question d'intérêt public. Ce droit a pour corollaire la possibilité pour les informateurs et témoins - toute personne qui dénonce des abus - de donner des informations précises en ayant l'assurance que leur identité ne sera pas divulguée et que leur témoignage ne leur vaudra pas de représailles, à titre personnel ou professionnel.

De nombreux pays se sont dotés d'une loi de ce genre, encore que le degré de la protection accordée varie grandement. Quand la protection ne couvre que les seules divulgations effectuées par les voies légales, la procédure peut susciter des problèmes ou même être discrètement "enterrée". Aux Etats-Unis, par contre, une personne travaillant pour le gouvernement fédéral qui dénoncerait des abus n'est pas tenue d'apporter son témoignage par une voie officielle quelconque; de plus, elle est assurée d'une protection même quand les informations qu'elle a communiquées sont divulguées à la presse.

Autres lectures en ligne sur le contrôle parlementaire de l'exécutif :

National Democratic Institute (2000). Strengthening legislative capacity in legislative-executive relations. <http://www.accessdemocracy.org/library/980_gov_legcapacity.pdf> (document en anglais)

Pelizzo, R., Stapenhurst, R. (eds.) (2004). Legislatures and oversight. Institut de la Banque mondiale <http://siteresources.worldbank.org/EXTPARLIAMENTARIANS/Resources/Legislatures_and_Oversight.pdf> (document en anglais)

Pelizzo, R., Stapenhurst, R. and Olson, D. (eds.) (2004). Trends in parliamentary oversight. Institut de la Banque mondiale <http://siteresources.worldbank.org/WBI/Resources/TrendsinParliamentaryOversight-FINAL.pdf> (document en anglais)

Union interparlementaire (2006). Base de données Parline : module sur le contrôle parlementaire de l'exécutif. <http://www.ipu.org/parline-f/parlinesearch.asp>

   Une étude de cas en matière de contrôle : la politique de sécurité

L'un des domaines où la question du contrôle parlementaire suscite actuellement force débats est celui de la politique en matière de sécurité. Dans un Guide sur le contrôle parlementaire du secteur de la sécurité, publié conjointement par l'UIP et le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées - Genève (2003), trois problèmes particuliers ont été recensés concernant le contrôle parlementaire dans ce domaine :

  • Les lois sur le secret peuvent entraver la transparence dans le secteur de la sécurité […]
  • Le secteur de la sécurité est un champ éminemment complexe dans lequel les parlements sont censés contrôler des questions telles que les marchés d'armement, le contrôle des armements et l'état de préparation des unités militaires. Or, les parlementaires n'ont pas tous les connaissances et l'expérience qui leur permettraient de traiter correctement ces questions. […]
  • L'importance donnée à la coopération internationale en matière de sécurité peut avoir des effets sur la transparence et la légitimité démocratique de la politique sécuritaire d'un pays si elle aboutit à exclure le Parlement du processus (p.20.).

Pour illustrer les défis que cela représente, citons deux aspects préoccupants du contrôle qui doit être exercé dans ce secteur. Le premier a trait à l'accord donné au déploiement de forces armées nationales à l'extérieur du pays. Le Guide note que "Pour qu'il y ait bonne gouvernance…, il est souhaitable que le Parlement ait son mot à dire dans la décision d'engager des forces armées à l'étranger. (p. 119). Nous devrions ajouter les mots: "et dans une perspective démocratique". Le Guide note que les pratiques en la matière sont des plus diverses : si, dans certains pays, le déploiement de forces armées à l'étranger requiert l'accord préalable du parlement, ou, en cas d'urgence, son aval après les faits, dans d'autres, ce déploiement est du ressort exclusif de l'exécutif; le Parlement peut simplement en débattre, mais il n'exerce aucun contrôle sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'exécutif.

Appartiennent à la première catégorie des pays tels que la Suède et l'Allemagne. Dans la communication reçue du Bundestag allemand sur ce sujet, il est dit que "comparé à d'autres pays, le Bundestag jouit de droits très étendus en matière de prise de décisions de ce genre". L'obligation de solliciter son accord préalable avant de déployer des forces armées à l'extérieur a été consacrée dans un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale de 1994, et le mécanisme d'approbation, largement fondé sur la pratique existante, a été précisé dans la Loi sur la participation du Parlement de décembre 2004. La procédure d'approbation est explicitée comme suit :

Le Gouvernement fédéral doit envoyer au Bundestag sa demande d'approbation du déploiement de forces armées à l'étranger en temps opportun, donc avant que ce déploiement n'ait commencé. Cette requête doit donner certains détails sur la mission: mandat opérationnel, théâtre prévu des opérations, fondement légal de la mission, nombre maximum de personnels devant être déployés, moyens mis à la disposition des troupes, durée prévue de la mission, coûts escomptés et arrangements en matière de financement. En première lecture, la demande d'approbation est renvoyée – souvent sans débat – aux commissions pertinentes. Lors de leurs réunions, celles-ci élaborent une recommandation qui sera soumise à la réunion plénière pour décision. Les commissions ne peuvent recommander que l'acceptation ou le rejet de la requête, qui ne peut faire l'objet d'aucun amendement […].
Une exception importante s'applique à cette procédure dans le cas d'un danger imminent ne souffrant aucun délai; elle s'applique également aux opérations qui ont pour seul objectif le sauvetage de personnes exposées à un grave danger. Dans de tels cas, il suffit que le Bundestag donne son aval a posteriori. Le Gouvernement fédéral doit toutefois tenir le Bundestag dûment informé avant le déploiement et au cours des opérations. Le Gouvernement fédéral doit mettre un terme à l'opération si le Bundestag rejette la demande d'approbation a posteriori.

La loi dispose en outre que le Bundestag peut à tout moment retirer l'approbation donnée au déploiement de forces armées.

La communication du Parlement turc fournit un exemple particulier du contrôle parlementaire exercé sur la décision de déployer des troupes à l'extérieur; il concerne la pétition du gouvernement turc relative à l'envoi de troupes dans le nord de l'Iraq, qui fut débattue le 1er mars 2003 à la Grande Assemblée nationale :

L'article premier de la pétition avait trait à l'envoi de troupes turques à l'étranger; l'article 2 visait à autoriser le stationnement de troupes étrangères en Turquie […] En temps ordinaire, le Groupe parlementaire du parti au pouvoir appuie les propositions et rejette les amendements. En cette occasion, toutefois, de nombreux élus du parti au pouvoir votèrent contre la pétition. Il ne fait aucun doute que les manifestations contre la guerre organisées par les ONG avaient eu, en l'occurrence, un impact sérieux […] Le rejet de la pétition soumise par son propre gouvernement et le fait qu'un quart des membres du parti au pouvoir aient voté contre cette pétition montre bien l'influence du Parlement sur les décisions politiques.

   Lois antiterroristes

L'autre aspect épineux de la question tient à la législation antiterroriste, qui pose aux sociétés démocratiques un grave problème : comment trouver un juste équilibre entre sécurité et protection des libertés civiles et politiques quand ces deux exigences semblent inconciliables ? Dans une allocution de novembre 2001, Kofi Annan a fort bien montré qu'elles ne l'étaient pas forcément : le danger serait que dans notre quête de sécurité nous en venions à sacrifier des libertés essentielles, fragilisant par là même notre sécurité commune au lieu de la renforcer et corrodant, ce faisant, de l'intérieur, le vaisseau du gouvernement démocratique. Approfondissant ce point, le Guide sur Le contrôle parlementaire du secteur de la sécurité insiste sur le fait qu'il "est absolument indispensable que l'équilibre entre liberté et sécurité ne devienne pas du seul ressort de l'Exécutif et que, en sa qualité de représentant et de garant des droits des gens, le Parlement exerce un contrôle sourcilleux dans ce domaine". Le Guide fait un certain nombre de suggestions quant à l'action possible des parlementaires dans la lutte contre le terrorisme, dont celles-ci :

  • Adopter une approche large de la lutte contre le terrorisme, une approche qui ne se limite pas à la seule protection et à la sécurité, mais qui englobe également les causes premières, […]
  • Assurez-vous que votre état adhère aux conventions internationales et aux protocoles relatifs au terrorisme, […]
  • Œuvrez à l'adoption de mesures législatives visant à indemniser les victimes d'actes terroristes dans le cadre de la solidarité nationale.
  • Assurez-vous que les lois contre la terreur maintiennent le bon équilibre entre les impératifs sécuritaires et l'exercice des droits civils et politiques; […]

Parmi les dispositions des diverses conventions régionales et internationales qui ne sauraient être astreintes à un tel équilibre, ni faire l'objet de quelque dérogation que ce soit, figure l'interdiction absolue de l'usage de la torture, y compris la déportation des requérants d'asile ou d'autres ressortissants étrangers vers des pays où la torture est pratiquée, ou le survol à cette fin de l'espace aérien d'un pays. Les parlements ont, entre autres responsabilités spécifiques, celle d'enquêter sur de telles pratiques et de les combattre chaque fois qu'un cas de ce genre est avéré.

Autres lectures en ligne sur le contrôle parlementaire de la politique en matière de sécurité :

National Democratic Institute (2005). Democratic oversight of police forces, mechanisms for accountability and community policing. <http://www.accessdemocracy.org/library/1906_gov_policing_080105.pdf> (document en anglais)

Union interparlementaire & Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (2003). Le contrôle parlementaire du secteur de la sécurité. <http://www.dcaf.ch/oversight/proj_french.cfm?navsub1=12&navsub2=3&nav1=3>

Contrôle budgétaire et financier

Il incombe aussi, et depuis toujours, aux parlements de contrôler les recettes et les dépenses publiques. Le slogan bien connu "pas d'impôts sans représentation" implique que, seul le consentement exprès donné par des représentants élus, rend l'imposition obligatoire acceptable aux yeux des citoyens. Le contrôle parlementaire des finances publiques peut être subdivisé en deux phases : examen et approbation des plans du gouvernement pour les recettes et les dépenses ex ante (loi de finances) puis contrôle des dépenses ex post, pour s'assurer de leur conformité aux conditions approuvées par le Parlement. Bien entendu, la première phase a des conséquences sur la seconde ainsi que sur le cycle annuel suivant, de sorte qu'on obtient normalement un processus continu. Aux fins d'analyse, cependant, on peut séparer les deux phases.

   Contrôle budgétaire

Il appartient à l'exécutif de définir un projet de budget annuel détaillé portant sur les recettes et les dépenses publiques. Dans les systèmes de type Westminster, la tradition est de présenter le budget au parlement, un jour précis et en une seule fois, ce qui laisse peu de possibilités de modification au parlement. Le chancelier de l'échiquier ou un ministre équivalent reçoivent des propositions des divers secteurs socio-économiques pendant le processus de formulation budgétaire mais le parlement lui-même n'est consulté ou informé que lors de la présentation du budget le jour prévu à cet effet. Dès lors le rôle du parlement consiste à débattre des grandes lignes du projet de budget en séance plénière et à repérer d'éventuelles incohérences ou des économies possibles grâce à l'analyse détaillée effectuée par la Commission des finances. La mission de la Commission des estimations au Parlement indien s'inscrit parfaitement dans ce schéma : "elle consiste à examiner le projet de dépenses du gouvernement tel qu'il figure dans la déclaration de politique financière annuelle et à indiquer les possibles défauts de concordance, ainsi que les économies, améliorations d'organisation, gains d'efficacité ou réformes administratives pouvant être réalisées conformément à la politique sur laquelle s'appuient les estimations".

Cette conception plutôt étriquée du rôle du parlement dans l'élaboration du budget tend désormais à devenir l'exception, plutôt que la règle. Comme l'indique une étude de la Banque mondiale, dans la plupart des états membres de l'OCDE, le législateur reçoit le projet de budget entre deux et quatre mois avant le début du nouvel exercice fiscal (Results of the survey on Budget Practices and Procedures, OCDE/Banque mondiale, 2003). Ce délai permet au parlement de jouer un rôle beaucoup plus déterminant pour l'orientation du budget final, que ce soit lors des débats et des négociations pré-budgétaires, ou pendant la phase de contrôle des propositions du gouvernement. L'apport du parlement, à cet égard, est particulièrement important en Norvège, pays dans lequel les négociations sur les dépenses globales et la répartition du budget entre les différentes rubriques ont lieu au parlement lui-même. Cette procédure ayant tendance à gonfler les dépenses de manière à tenir compte des priorités des divers partis, il a fallu mettre en œuvre une réforme budgétaire en 1997 :

La nouvelle procédure budgétaire a été accueillie comme une amélioration. Dans cette procédure qui, au Storting, se déroule en automne, les partis politiques commencent par négocier un accord à la majorité sur l'enveloppe budgétaire totale et sur le montant global affecté aux diverses rubriques budgétaires relevant des commissions permanentes. Ce n'est qu'après cette étape que les commissions permanentes peuvent négocier les détails, sachant qu'elles doivent rester dans les limites de l'enveloppe totale accordée à leur domaine d'activité. Auparavant, le cadre budgétaire total ne faisait l'objet d'un accord qu'à la fin du processus, ce qui permettait aux partis politiques de formuler de nombreuses propositions d'augmentation budgétaires peu réalistes, car elles dépassaient manifestement les affectations totales.

La Suède a fait une réforme similaire l'année précédente, pour les mêmes raisons, à savoir : "empêcher des majorités instables d'augmenter les enveloppes budgétaires sans les financements nécessaires". La nouvelle procédure est décrite ci-dessous :

Depuis la réforme, un projet de budget global et unifié est présenté au Riksdag, par le gouvernement suédois au début de l'automne, lors de la session parlementaire et l'examen dure trois mois. Le projet de budget est assorti d'un plafond de dépenses pour le gouvernement central. Le budget est approuvé en deux étapes. Lors de la première étape, le Riksdag approuve le plafond des dépenses et des recettes pour 27 rubriques de dépenses, sur la base de la proposition soumise par la Commission des finances. Lors de la seconde, le Riksdag approuve l'objet de chaque rubrique de dépenses à la lumière des propositions soumises par diverses commissions spécialisées. La somme totale des affectations pour chaque poste de dépenses ne peut excéder les limites préalablement déterminées.

Au Sénégal, l'influence du parlement sur le budget du gouvernement a progressé en 1998 avec l'adoption du débat d'orientation budgétaire pendant lequel les parlementaires examinent les principales caractéristiques du projet de loi de finances avant sa présentation. L'exemple ci-dessous est fondé sur une innovation introduite au Parlement français deux ans plus tôt :

Le débat d'orientation budgétaire a lieu au cours de la session qui précède la session budgétaire. C'est l'occasion pour les parlementaires d'influer sur les choix opérés par le gouvernement. Il se déroule de la manière suivante:
  1. Le débat en Commission des Finances. Le Ministre des finances lit et soutient en Commission des finances un rapport introductif au débat d'orientation budgétaire. A l'issue du débat en Commission des finances, un rapport est rédigé par un député, à l'intention de la plénière de l'Assemblée nationale.
  2. Le débat en plénière. En plénière, lecture est faite du rapport et ensuite la discussion générale s'instaure autour des préoccupations des parlementaires quant à la mouture du projet de budget (répartition des crédits). Ils essaient de faire passer leurs priorités qui ne sont pas forcément celles du gouvernement.

Au Zimbabwe, le processus de contrôle parlementaire comporte une phase pré-budgétaire d'examen, par les commissions, des propositions de dépenses des divers ministères, et une phase faisant suite à la présentation officielle du budget et lors de laquelle, outre un nouvel examen par les commissions sectorielles, la Commission du budget, des finances et du développement économique rédige un rapport global sur les orientations macro-économiques et les priorités générales. Avant les réformes de 1998 qui ont abouti à cette procédure, "le parlement examinait le budget lors de séances ad hoc. Le budget était élaboré par l'exécutif et adopté par le parlement sans la participation des organisations de la société civile ou des citoyens". Désormais les unes et les autres pourront contribuer à la procédure de façon ouverte et transparente :

Lors de la phase pré-budgétaire, les commissions de portefeuille examinent les propositions ou les priorités sectorielles des ministères. Les commissions consultent les citoyens en sollicitant leur point de vue par écrit ou lors d'auditions publiques, puis font des recommandations aux ministères. Lors de la seconde phase, qui est la phase post-budgétaire, les commissions de portefeuille analysent les votes des ministères dont elles ont la charge. Elles consultent également les citoyens, les ministères et les organisations civiques sur les chiffres et programmes du projet de budget

Lorsque le parlement a un rôle plus important dans le débat pré-budgétaire, il est possible d'examiner l'impact des affectations sur les divers groupes sociaux et d'influer sur la forme du projet de budget qui sera finalement soumis au parlement. C'est ce que l'on a pu constater, par exemple, avec les initiatives budgétaires en faveur de l'égalité entre hommes et femmes, évoquées au chapitre 4. En Ouganda, ce fut une coalition de parlementaires et de groupes extra parlementaires autour de cette question qui a permis d'aboutir à une modification de la loi donnant au parlement un nouveau rôle dès les premières étapes du processus budgétaire.

L'un des aspects des budgets nationaux dans lesquels les parlements de nombreux pays en développement ont eu le plus grand mal à exercer leur influence est celui du montant et des conditions du remboursement des prêts accordés par des organismes internationaux tels que le FMI, sachant que ces conditions peuvent déterminer les budgets nationaux pendant une génération entière. Une lacune considérable qui fera l'objet du prochain chapitre.

Autres lectures en ligne sur le processus budgétaire au parlement :

Commonwealth Parliamentary Association (2001). Parliamentary oversight of finance and the budgetary process. The report of a Commonwealth Parliamentary Association workshop, Nairobi, Kenya, 10th -14th december, 2001. <http://www.cpahq.org/uploadedFiles/Information_Services/Publications/CPA_Electronic_Publications/parliamentary%20oversight%20of%20finance%20and%20the%20budgetary%20process.pdf> (document en anglais)

National Democratic Institute (2003). Legislatures and the budget process. An international survey. <http://www.accessdemocracy.org/library/1651_gov_budget_093103.pdf> (document en anglais)

Santiso, C (2005). Budget institutions and fiscal responsibility: parliaments and the political economy of the budget process in latin america. Institut de la Banque mondiale <http://siteresources.worldbank.org/WBI/Resources/Budget_Institutions_and_fiscal_responsibility_FINAL.pdf> (document en anglais)

Union interparlementaire, Programme des Nations Unies pour le développement, Institut de la Banque mondiale & Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (2004). Guide parlementaire : Parlement, budget et genre. <http://www.ipu.org/PDF/publications/budget_fr.pdf>

Wehner, J (2004). Back from the sidelines? Redefining the contribution of legislatures to the budget cycle. Institut de la Banque mondiale <http://siteresources.worldbank.org/EXTPARLIAMENTARIANS/Resources/Back_from_the_Sidelines_Joachim_Wehner.pdf> (document en anglais)

   Contrôle des dépenses publiques

Le contrôle des dépenses du gouvernement, a posteriori, est confié dans la plupart des parlements à une commission des comptes publics ou à un organisme équivalent, en général placé sous la direction d'un parlementaire appartenant à un parti autre que celui du gouvernement, de manière à garantir son indépendance. Pour effectuer un contrôle efficace, il convient de poser les questions suivantes :

  • L'argent public a-t-il été dépensé aux fins prescrites ?
  • A-t-il été dépensé efficacement et sans gaspillage ?
  • Les dépenses sont-elles restées dans les limites de l'affectation budgétaire ?
  • Y-a-t-il des preuves de fraude, de détournement ou d'autres irrégularités ?

Certains parlements ont abandonné le contrôle détaillé avec suivi des flux de dépenses pour une analyse des résultats par rapport aux objectifs de performance, dans le cadre de catégories budgétaires beaucoup plus larges. La réforme budgétaire française de 2001 illustre ce changement :

Cette nouvelle nomenclature vise à la fois à donner plus de latitude d'action aux gestionnaires, qui pourront plus librement utiliser les crédits à l'intérieur des programmes, et à permettre un contrôle de l'action du gouvernement axé sur les objectifs et les résultats des politiques financées par le budget de l'état. En effet, le fait d'associer aux programmes des objectifs et des résultats attendus doit permettre de passer d'une culture de moyens à une culture d'évaluation de la performance.

Dans leur tâche de contrôle financier, la plupart des parlements recourent à l'assistance d'un Auditeur général indépendant, chargé de vérifier tous les comptes du gouvernement, y compris, dans de nombreux pays, les comptes des entreprises publiques et des organismes autonomes qui dépensent des fonds publics. A Malte, par exemple, la mission de l'Auditeur général dont la nomination doit être approuvée par au moins deux tiers des parlementaires, consiste "à procéder à une vérification annuelle complète des finances et de la conformité de tous les ministères, administrations et autres services publics". La loi de 1997 a encore élargi ce mandat en y incluant :

Des pouvoirs de conseil et d'enquête indépendants ; l'examen de toutes questions concernant l'usage des deniers publics ; l'évaluation de la performance des ministères, administrations, services et entreprises publics dans lesquels l'état est actionnaire majoritaire. Ces audits sont effectués sur l'initiative de l'Auditeur général, sur demande de la Commission des comptes publics ou du Ministre des finances.

IEn République de Corée, l'Assemblée nationale ne disposait pas d'une institution indépendante chargée de l'aider à contrôler les comptes publics. Cette lacune a été comblée en 2003 avec la création du Service budgétaire de l'Assemblée nationale, placée directement sous l'autorité du Président.

Le Service budgétaire de l'Assemblée nationale regroupe environ 80 experts indépendants des partis, chargés non seulement d'analyser le budget et les comptes mais aussi de calculer les coûts découlant de la formulation ou de la modification des projets de loi, y compris ceux du parlement. Grâce à ce service, l'Assemblée nationale maintient les activités législatives dans des limites de dépenses raisonnables, empêchant la promulgation de lois ou la modification de projets de loi qui pourraient lourdement grever le budget national.

Les systèmes de lutte contre la corruption sont un élément important du contrôle des dépenses publiques dans de nombreux pays. Ainsi, la loi sud-africaine relative à la gestion des finances publiques de 1999 tient les hauts dirigeants des administrations responsables des éventuelles malversations sur fonds publics, les obligeant à "mettre en place, dans leurs administrations, des systèmes de contrôle qui empêchent les abus. Cette loi prescrit également à toutes les administrations de concevoir des stratégies de lutte contre la corruption et la fraude et de les soumettre au Trésor, dans des délais fixés". Plusieurs pays ont également institué des commissions anti-corruption indépendantes habilitées à enquêter et à faire respecter les lois et qui, par les rapports qu'elles adressent au parlement, soutiennent le travail de l'Auditeur général et des commissions des comptes publics.

Autres lectures en ligne sur le contrôle des dépenses publiques et les stratégies de lutte contre la corruption :

Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption (2005). Combattre la corruption : Manuel du parlementaire. <http://www.gopacnetwork.org/Docs/CCH%2005%20Final%20FR%20not%20booked.pdf>

Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption <http://www.gopacnetwork.org/>

Pelizzo, R., Sahgal, V., Stapenhurst, R., Woodley, W. (2005). Scrutinizing public expenditures: assessing the performance of public accounts committees. Banque mondiale <http://www-wds.worldbank.org/servlet/WDS_IBank_Servlet?pcont=details&eid=000090341_20050516071440> (document en anglais)

Union interparlementaire (2001). Le rôle des parlements dans la lutte contre la corruption. <http://www.ipu.org/splz-f/hague01-bkgr.htm>

Promotion de la cohésion nationale par des moyens démocratiques

Parmi les autres tâches importantes, encore que moins visibles, auxquelles le Parlement se consacre figure la promotion de l'intégration nationale; il s'y emploie en appuyant le processus et les institutions démocratiques sur l'ensemble du territoire national. Dans nombre de pays, et plus particulièrement dans les systèmes politiques fédéraux, cette fonction est dévolue à la Chambre haute. La communication du Parlement sud-africain décrit le rôle du Conseil national des provinces (NCOP) comme suit :

Seconde chambre du Parlement national de l'Afrique du Sud, le NCOP représente les intérêts des provinces (et, dans une certaine mesure, ceux des gouvernements locaux) à l'échelon national. Son rôle doit être conçu dans le contexte d'un gouvernement axé sur la coopération, ce qui signifie que la politique nationale doit être sensible aux préoccupations et aux besoins locaux et régionaux. Cela signifie également que les municipalités et, surtout, les provinces ne devraient pas agir isolément, mais faire partie intégrante du processus politique national.

En Inde, la Chambre haute ou Rajya Sabha (Conseil des états) est composée de représentants élus par les membres – eux-mêmes élus – de l'Assemblée législative de chaque état ou territoire de l'Union; à l'instar du NCOP d'Afrique du Sud, elle est spécialement chargée de coordonner la politique et la législation nationale sur tout le territoire de l'Union. Une conférence des présidents des organes législatifs, à l'échelon central et régional, se tient chaque année pour échanger des idées et des pratiques. "L'objet de cette conférence est de s'assurer que le système de gouvernement parlementaire se développe dans la bonne direction, que des conventions et autres réglementations sont adoptées en ce sens, et que, dans la mesure du possible, l'uniformité s'instaure dans la pratique et les procédures du Parlement et des législatures d'état."

Cette fonction de coordination n'est pas l'apanage de la seule seconde Chambre des systèmes fédéraux. En France, le Sénat joue un rôle analogue à l'égard des autres organes élus du pays :

Comme représentant des collectivités locales, c'est-à-dire des citoyens dans leurs communes, leurs départements, leurs régions, le Sénat organise des "états généraux des élus locaux" qui rassemblent autour du Président du Sénat l'ensemble des élus locaux pour traiter des problèmes qui se posent aux collectivités décentralisées dont la Haute assemblée est le porte-parole. La dernière de ces manifestations a porté sur le thème de l' intercommunalité.

De même, le Parlement ukrainien a créé un Comité consultatif sur le gouvernement autonome, placé sous l'autorité du Président du Parlement, chargé de "renforcer les autonomies locales, de favoriser l'avènement d'un ensemble de communautés autonomes, conformément à la Charte européenne de l'autonomie locale, et d'agir en qualité de médiateur entre les commissions parlementaires et les organes représentatifs locaux pour toutes questions relatives à la législation." On trouve des exemples d'une telle coopération dans de nombreux parlements.

   Résolution des différends ou conflits

L'une des particularités du rôle que joue le Parlement dans la promotion de la cohésion nationale tient à sa contribution potentielle à la résolution des différends. Les parlements se prêtent particulièrement bien à la résolution des différends d'ordre politique par les moyens démocratiques du dialogue et du compromis. Ils ont, à ce titre, un rôle précieux à jouer : aider à surmonter les graves divergences de vues et les conflits qui déchirent l'ensemble de la société. Bien évidemment, ces conflits peuvent se trouver reflétés – voire intensifiés – par la concurrence que se livrent les partis au sein du parlement, surtout quand cet antagonisme prend des allures résolument partisanes et adopte le principe du "tout au vainqueur". Dans un tel cas, le parlement est investi d'une responsabilité toute particulière : montrer la voie en prouvant qu'il est possible de traiter les tenants du point de vue opposé avec respect et d'entamer avec eux un dialogue sérieux.

Dans ses directives internationales sur le renforcement des capacités des parlements en matière de prévention des crises et de gestion des situations d'après conflit (2006), le PNUD reconnaît l'importante contribution des parlements dans ces domaines. Il observe que l'organisation d'élections dans une situation d'après conflit passe trop souvent pour la condition nécessaire et suffisante à la consolidation de la paix, mais que l'on néglige fréquemment le rôle potentiel à long terme des parlements dans ce domaine.

La gouvernance légitime et représentative – efficace, fondée sur la primauté du droit et le respect des libertés et des droits fondamentaux de l'être humain – est, en soi, le moyen le plus efficace que les sociétés aient trouvé pour prévenir les conflits, les gérer et s'en relever. C'est dans l'espace politique que les parlements gèrent le plus souvent les différends, évitant ainsi qu'ils ne dégénèrent en conflits violents; toutefois, dans nombre de sociétés démocratiques, on ne prend conscience de la contribution des parlements que lorsqu'ils échouent. Les débats parlementaires, les accords entre partis politiques, l'interaction entre le parlement, les administrés et la société civile, les échanges informels entre parlementaires concourent au maintien de la paix. [...] L'expérience tirée des récentes situations d'après conflit montre que l'assistance apportée par des acteurs extérieurs sous-estime fréquemment le rôle dynamique qui peut être celui des institutions parlementaires et des représentants élus.

Ce potentiel parlementaire se trouve fort bien illustré dans un document soumis par l'ancien président du Parlement du Zimbabwe et membre du groupe de travail de l'UIP, M. Cyril Ndebele, à l'occasion d'une conférence PNUD/UIP sur le renforcement du rôle des parlements dans les situations de conflit et d'après-conflit, tenue en juin 2005. "Depuis les élections générales de 2000, le paysage politique est dominé par les relations conflictuelles et souvent orageuses entre les deux principaux partis politiques et leurs partisans. [...] En un temps où les tensions augmentent au sein de la société zimbabwéenne, le rôle du Parlement comme lieu d'un dialogue national réunissant l'ensemble des partis et des citoyens prend de plus en plus d'importance." Pour s'acquitter de cette responsabilité, le Parlement a fait appel aux bons offices du PNUD et réuni toutes les parties prenantes, dont le Gouvernement, dans le cadre d'un Programme de résorption des conflits. Dans le cadre d'ateliers et d'autres initiatives liés au renforcement des capacités, ce programme vise à former des acteurs clefs, notamment des parlementaires, à la résolution des différends et aux techniques de médiation. Selon les responsables du Programme, "en leur qualité de représentants des divers groupes sociaux, les parlementaires ont un rôle particulièrement important à jouer dans la résorption des conflits". Le document susmentionné décrit comme suit les raisons d'être et l'impact du Programme :

Les parlementaires se voient inculquer, en matière de négociation, de médiation et de résolution des conflits, les compétences qui doivent leur permettre de faire face à l'extrême polarisation de la société, à la détérioration de l'économie et à la crise de l'agriculture, trois des grands problèmes qui, parmi bien d'autres, ont amené le pays au bord d'une flambée de violence. Acteur clef au plan national, le Parlement est le lieu privilégié du dialogue national sur la bonne gouvernance; ce rôle l'oblige à donner l'exemple en matière de gestion des différends et de restauration de la paix. Pour résoudre les conflits nationaux et rétablir la paix, il importe d'améliorer la visibilité et le profil du Parlement, institution représentative de la gouvernance, et de montrer qu'un dialogue pacifique et la résolution des différends peuvent permettre de prévenir les conflits et la violence. […]
L'étude d'impact portant sur le Programme de résorption des conflits cite l'exemple d'un parlementaire participant qui a su mettre à profit les compétences nouvellement acquises dans sa circonscription. Ce parlementaire ne tarit pas d'éloges sur le programme; il affirme que l'impartialité dont il fait preuve envers ceux des électeurs qui appartiennent à un autre parti que le sien a eu une incidence positive sur les comportements des militants, témoins l'ouverture d'esprit et le respect mutuel dont ils font désormais preuve. […] Mais il est un autre témoignage de l'impact profond du Programme de résorption des conflits sur les parlementaires participants : c'est l'ambiance de cordialité et l'esprit de collaboration qui règnent aujourd'hui au sein des commissions. […] Les preuves abondent de ce qu'un dialogue informel se noue désormais, qui transcende les divisions entre partis et porte parfois sur des questions d'une importance capitale, comme la réforme constitutionnelle ou la conduite des élections.

Le document reconnaît qu'il reste beaucoup à faire et que l'attitude des dirigeants de partis au sein du Parlement reste cruciale. Il n'en reste pas moins convaincu que le Parlement puisse jouer un grand rôle en diffusant largement les techniques de résorption des conflits dans le pays par le biais des agences parlementaires locales nouvellement créées.

Au Mali aussi, le Parlement a montré la voie en matière de résolution des conflits au sein du pays. La communication malienne reçue à ce sujet parle d'elle-même :

Dans les jeunes démocraties, comme celle du Mali, le maintien de la paix et de la stabilité sociale est une préoccupation majeure des autorités nationales. De ce fait, outre qu'elle promulgue des lois et supervise l'action du gouvernement, l'Assemblée nationale est désormais garante de la cohésion du tissu social et de l'affermissement de la conscience nationale.
Les effets préjudiciables de la mondialisation, l'avancée inexorable du désert et les bouleversements sociaux ont fréquemment débouché sur des crises existentielles entre les collectivités et nourri les conflits interethniques et communautaires, les rébellions et même les guerres civiles. Depuis 1992, on attache donc la plus grande importance au rôle d'intermédiaire dévolu au Parlement malien.

Chaque fois que la paix a été menacée ou que le consensus garant de l'unité nationale s'est trouvé en péril, des députés se sont proposés comme intermédiaires en vue de résoudre le conflit en question. Ainsi, lors de la troisième rébellion touareg qui éclata en 1990 et 1991, les députés de la première législature, qui siégèrent de 1992 à 1997, nommèrent une délégation conduite par le Président de l'Assemblée nationale; cette délégation était chargée de rencontrer toutes les parties au conflit (les factions rebelles, l'armée et la société civile), d'instaurer le dialogue et de favoriser les consultations. L'expérience a montré que cette décision avait eu un impact décisif sur le rétablissement de la paix dans la région septentrionale du Mali. Des méthodes analogues ont été employées avec plus ou moins de succès en vue de résoudre d'autres types de conflits (religieux, fonciers ou liés aux droits de pacage).

Il arrive aussi qu'un parlement soit en mesure d'ouvrir la voie à la résolution d'un conflit profondément ancré qui éclate à l'échelon constitutionnel. La communication de l'Ukraine met en relief le rôle capital joué par la Verkhovna Rada (le Parlement ukrainien) dans la résolution de la crise de novembre-décembre 2004, au cours de la "Révolution orange". Auparavant, la Verkhovna Rada avait participé à des débats nourris sur la réforme constitutionnelle censée déboucher sur une redistribution du pouvoir entre le Président et le Parlement, à l'avantage de ce dernier. Ces discussions reflétaient l'évolution d'une opinion publique désormais opposée au "super-pouvoir présidentiel" et à la politique "de la main forte" typique de la période qui suivit l'effondrement du communisme. Quand des manifestations populaires éclatèrent, suite aux élections entachées d'irrégularité de la fin octobre 2004, le Parlement sut être le catalyseur capable "de canaliser le flux tumultueux de la contestation, en vue d'une résolution légitime de la crise sociale" - qui comprenait notamment l'achèvement du programme de réforme constitutionnelle.

Les événements qui se produisirent au Parlement reflétèrent très adéquatement ce qui se passait à l'extérieur, dans la population. à l'heure où la situation se détériorait gravement, à l'issue du deuxième tour des élections présidentielles du 21 octobre 2004, quand les Ukrainiens descendirent dans la rue pour protester contre les violations systématiques de la Constitution, des lois en vigueur et du droit fondamental à la liberté d'expression, la Verkhovna Rada adopta la résolution aujourd'hui fameuse sur la crise politique qui agitait le pays. Le Parlement déclara le résultat de l'élection invalide et vota une motion de censure contre la Commission électorale centrale. […] Enfin, l'idée de réforme politique refit surface quand la situation parut s'enliser irrémédiablement dans l'impasse. Le 8 décembre 2004, le Parlement approuva par 402 voix (sur 450) la loi ukrainienne sur "l'amendement de la Constitution". En vertu de cette loi, le système de gouvernement parlementaire-présidentiel doit entrer en vigueur le 1er janvier 2006. Cette décision quasi unanime des représentants du peuple apaisa les tensions et ouvrit la voie à la résolution finale du conflit.

Ces différents exemples soulignent l'étroite articulation entre des éléments qui pourraient passer à première vue pour de simples détails techniques de l'organisation parlementaire (autonomie, organisation, supervision, contrôle budgétaire) et l'obtention de résultats en rapport avec les besoins de la société, qu'il s'agisse de lois, de priorités budgétaires ou de la capacité d'intervenir efficacement là où se produisent des crises nationales ou des situations d'urgence.

Autres lectures en ligne recommandées sur l'engagement des parlements dans la résolution des conflits :

Commonwealth Parliamentary Association (2004). Role of parliament in conflict-affected countries. <http://www.cpahq.org/default.aspx?id=7464> (document en anglais)

O'Brien, M (2005). Parliaments as peacebuilders: The role of parliaments in conflict-affected countries. Institut de la Banque mondiale, Commonwealth Parliamentary Association <http://siteresources.worldbank.org/WBI/Resources/PARLIAMENTS_AS_PEACEBUILDERS-FINAL.pdf> (document en anglais)

Union interparlementaire, International IDEA (2005). Le rôle des parlements dans les processus de réconciliation. <http://www.ipu.org/PDF/publications/reconciliation_fr.pdf>

United Nations Development Programme (2005). Initiative on strengthening the role of parliaments in crisis prevention and recovery. <http://www.parlcpr.undp.org/> (document en anglais)

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