PARLEMENT ET DEMOCRATIE AU VINGT-ET-UNIEME SIECLE : GUIDE DES BONNES PRATIQUES
7. Un parlement efficace (II) : La participation du parlement aux affaires internationales
Au chapitre précédent, nous avons identifié deux dimensions différentes, encore que connexes, du pouvoir parlementaire - ses moyens d'action et son poids par rapport à l'exécutif - et montré que ces points étaient essentiels à son efficacité lorsqu'il demandait des comptes au gouvernement. Dans le présent chapitre, nous allons ajouter à cette équation une autre dimension du pouvoir : son périmètre d'action.
Par tradition, les parlements se sont jusqu'ici peu mêlés d'affaires internationales. Cela n'a rien de surprenant si l'on songe aux jours où l'on entendait simplement par "affaires internationales" les relations d'un pays avec tous les autres; celles-ci étaient conduites par l'exécutif et par des voies diplomatiques souvent secrètes. Bien entendu, de nombreux parlements jouaient un rôle important en ratifiant les accords issus de ces tractations diplomatiques, mais la plupart du temps, leur implication n'allait pas plus loin, à l'exception de quelques pays, comme les Etats-Unis d'Amérique et le Mexique, où le Sénat joue un rôle de premier plan dans les affaires étrangères. L'avènement du 20ème siècle apporta dans son sillage deux changements radicaux - et différents.
Signalons d'abord que ce siècle vit apparaître la coopération internationale ou multilatérale avec la création d'un grand nombre d'organisations internationales qui à la fois sont nées de la prise de conscience de l'interdépendance des nations et ont fortement renforcé ce phénomène. Les domaines de compétence de ces organisations touchent à la quasi-totalité des activités humaines : droits de l'homme et droits sociaux, politiques de l'emploi, libéralisation du commerce, transactions financières, normes environnementales, et bien d'autres encore. Ces institutions sont les forums de négociation internationaux où les représentants des gouvernements prennent des décisions et concluent des traités. Mais dans le cas de la plupart de ces accords, les parlements dans leur grande majorité, n'ont jamais été consultés au stade des négociations. Ils ont simplement été invités à ratifier l'accord conclu et à adopter (ou à amender) les lois nécessaires à leur mise en œuvre.
En second lieu, le 20ème siècle a vu l'émergence des processus d'intégration régionale, répondant à diverses motivations de la part des pays en cause dont une aspiration à l'unité pour surmonter des divisions historiques et assurer la stabilité et la paix régionales, la conviction que "l'union fait la force", la prise de conscience d'une communauté de destin ainsi que le désir de prendre ensemble les décisions essentielles pour les rendre meilleures et bâtir un cadre de vie harmonisé pour leurs sociétés. Des pays ont donc décidé d'intégrer progressivement leurs marchés, leurs économies et autres éléments constitutifs de l'Etat, tout en tenant compte du principe de subsidiarité qui veut que l'on ne traite pas au niveau de la communauté les questions qui peuvent faire l'objet de meilleures décisions au niveau national. Ce processus se traduit invariablement par un transfert de pouvoirs, dès lors que les décisions affectant la vie des citoyens sont désormais prises loin de la capitale et échappent au contrôle jusque là exercé par le parlement national. Cela pose des problèmes non négligeables qui, nous le verrons, diffèrent de ceux qui découlent de l'émergence de la coopération internationale.
Dans les deux premières sections du présent chapitre, nous examinerons à tour de rôle ces deux phénomènes et montrerons, à l'aide d'exemples, comment les parlements peuvent effectivement user de leurs pouvoirs pour légiférer et amener les gouvernements à rendre des comptes, à l'échelon tant régional que mondial.
La tâche se trouve encore compliquée du fait que nous vivons dans un monde de plus en plus interdépendant. Dans tous les pays, les actions de nombreux agents extérieurs concernent tant les gouvernements que les citoyens et ont un impact sur le bien-être des populations puisqu'elles touchent à l'environnement, à la sécurité physique des personnes et à la sécurité des échanges d'informations, à la santé publique, aux flux migratoires, à la criminalité, à l'évasion fiscale, etc. Ce phénomène, qui s'est considérablement accéléré ces 20 dernières années, rend l'interdépendance des pays plus forte encore
C'est aujourd'hui un lieu commun que de proclamer que, du fait du processus de mondialisation, l'Etat, dans toutes ses émanations, a perdu de son pouvoir vis-à-vis des forces et institutions mondiales, qui restreignent de bien des façons l'autonomie des gouvernements. Pour ceux d'entre eux qui s'efforcent d'attirer des investissements internationaux et de préserver - voire d'améliorer - les possibilités d'embauche de leurs citoyens, les forces économiques mondiales et les marchés internationaux représentent une entrave à la marge de manœuvre économique à l'échelon national.
Les implications d'un tel état de fait pour la démocratie sont évidentes. A quoi servent, au plan national, même les plus démocratiques des institutions quand tant de décisions qui comptent dans la vie des citoyens, y compris leur sécurité, sont prises en dehors des frontières nationales, ou par des institutions qui ne sont pas soumises à un contrôle démocratique ou à l'obligation de rendre des comptes ? Ce hiatus entre l'échelon national, siège traditionnel des institutions démocratiques, et l'échelon régional ou mondial, où tant de décisions se prennent aujourd'hui, est l'une des causes majeures de ce que l'on appelle le "déficit de démocratie" international. Le paragraphe ci-après, tiré du Rapport du Groupe Cardoso des Nations Unies (2004), l'exprime de façon éloquente :
Concernant la démocratie, un paradoxe manifeste se fait jour : la substance de la politique se mondialise rapidement (dans les domaines du commerce, de l'économie, de l'environnement, des pandémies ou du terrorisme), mais pas le processus politique; ses principales institutions (élections, partis politiques et parlements) restent fermement enracinées aux niveaux national ou local. La faible influence de la démocratie traditionnelle sur les questions de gouvernance mondiale est l'une des raisons pour lesquelles, dans de nombreuses régions du monde, les citoyens demandent instamment une plus grande responsabilisation démocratique des organisations internationales.
Les parlements et leurs membres en sont profondément conscients et, comme nous le montrerons dans le présent chapitre, s'efforcent de répondre à ce défi. A cette fin, ils s'engagent dans une coopération interparlementaire mondiale et régionale; nous aborderons ce sujet à la section trois.
Participation parlementaire aux affaires multilatérales
Nous l'avons vu, le principal obstacle à la participation des parlements aux affaires internationales ou multilatérales tient au fait que, dans la quasi-totalité des pays, la politique étrangère et internationale a de tout temps été considérée comme la chasse gardée de l'exécutif. Aujourd'hui, toutefois, la ligne de démarcation qui sépare la politique intérieure de la politique étrangère ou internationale apparaît de plus en plus floue. Les parlements doivent donc trouver le moyen de circonvenir ou de passer outre cette prérogative traditionnelle de l'exécutif en matière de politique internationale et de soumettre les gouvernements aux mêmes contrôles qu'en matière de politique intérieure.
Ce que cela implique a été clairement explicité dans la déclaration de la première Conférence des présidents des parlements nationaux, en 2000 :
La dimension parlementaire [de la coopération internationale] doit être concrétisée par les parlements eux-mêmes, tout d'abord au plan national, de quatre manières distinctes mais néanmoins liées :
- en influant sur la politique de leurs pays respectifs concernant les questions traitées à l'ONU et autres forums de négociations internationales;
- en se tenant informés du déroulement et de l'issue de ces négociations;
- en se prononçant sur la ratification, lorsque la Constitution le prévoit, des textes et traités signés par les gouvernements;
- en contribuant activement à la mise en œuvre des résultats de ces négociations.
Les présidents de parlement avaient soigneusement formulé leur déclaration, établissant clairement que leurs parlements respectifs ne sollicitaient ni ne revendiquaient nullement un mandat de négociation. Toutefois, si les négociations internationales restent du ressort de l'exécutif, les parlements n'en doivent pas moins pouvoir en suivre attentivement l'évolution et la teneur et exposer leur points de vues politiques à l'exécutif.
En d'autres termes, pour que le Parlement puisse jouer un rôle effectif dans les affaires internationales, il doit :
- disposer d'une base juridique claire sur laquelle fonder sa participation;
- être informé des politiques suivies par le gouvernement et de ses positions de négociation suffisamment à l'avance et se voir communiquer des informations précises sur la teneur et le contexte des politiques préconisées;
- isposer de l'organisation et des ressources nécessaires à l'étude de ces questions et, en particulier, compter dans ses rangs des parlementaires ayant acquis l'expertise voulue à l'occasion de leurs travaux au sein de commissions spécialisées;
- se voir accorder la possibilité de poser des questions aux ministres et aux négociateurs concernés et, de ce fait, être en mesure d'exprimer son point de vue politique au gouvernement, même si son avis n'est pas juridiquement contraignant.
- être intégré de plein droit aux délégations gouvernementales aux organisations internationales.
Nous allons maintenant illustrer ce qui précède, et ce dans quatre domaines bien précis : les droits de l'homme, la parité, le développement et les échanges commerciaux, étant bien entendu que ces exemples sont transposables à bien d'autres domaines.
Droits de l'homme
C'est un lieu commun que de dire que les parlements et leurs membres jouent un rôle clé dans la promotion et la protection des droits de l'homme. L'activité parlementaire dans son ensemble - légiférer, adopter le budget et superviser l'action du gouvernement - couvre le spectre tout entier des droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels; c'est dire qu'elle a un impact immédiat sur l'exercice des droits de l'homme. Les parlements sont bien les gardiens des droits de l'homme.
D'une manière générale, toutefois, les parlementaires ne sont pas directement impliqués dans les processus de rédaction et de prise de décisions qui sous-tendent la conclusion de traités internationaux ou régionaux. Mais cela n'a rien d'inéluctable et il est important qu'ils saisissent toutes les occasions de s'informer de l'état d'avancement des négociations, de poser aux ministres des questions - écrites et orales - sur les progrès accomplis, qu'ils en débattent en séance plénière et dans les commissions permanentes ou les comités restreints, voire qu'ils accompagnent le ministre aux séances de négociation et se fassent ainsi une idée plus précise des progrès réalisés.
Soucieux de remédier à cette situation, un certain nombre de parlements ont créé des commissions des droits de l'homme, ou ont confié à des commissions parlementaires existantes un mandat en matière de droits de l'homme. Aujourd'hui, on dénombre 164 instances parlementaires dotées d'un mandat exprès en matière de droits de l'homme. Un nombre croissant de parlements ont aussi mis en place des médiateurs qui coopèrent souvent avec les instances parlementaires chargées des droits de l'homme. Si ces instances travaillent régulièrement et étroitement avec les organisations non gouvernementales, par contre leur coopération avec les instances internationales et régionales chargées des droits de l'homme et avec les mécanismes onusiens mandatés pour défendre les droits de l'homme, comme les rapporteurs spéciaux, est l'exception et non la règle. L'UIP administre une base de données sur ces mécanismes parlementaires des droits de l'homme que l'on peut consulter sur son site web. De plus, l'UIP réunit des membres de ces instances lors d'une réunion annuelle, qui sert aussi à promouvoir la coopération avec les mécanismes onusiens chargés des droits de l'homme.
Pour entrer en vigueur, les traités internationaux, y compris ceux qui concernent les droits de l'homme, doivent être ratifiés, ce qui requiert généralement l'aval du Parlement. Un Guide récemment publié conjointement par l'UIP et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a énuméré les mesures que les parlementaires peuvent prendre à l'occasion du processus de ratification :
- vérifier si votre gouvernement a ratifié (au moins) les sept principaux instruments relatifs aux droits de l'homme;
- si tel n'est pas le cas, déterminer si le gouvernement a l'intention de les signer; dans la négative, user de la procédure parlementaire pour vous enquérir des raisons de cette inaction et encourager le gouvernement à entamer sans délai la procédure de signature et de ratification;
- si la procédure de signature est en cours, vérifier si le gouvernement entend formuler des réserves à l'instrument et, dans l'affirmative, vérifier si ces réserves sont nécessaires et compatibles avec l'objet et le but de l'instrument; si vous concluez qu'elles sont sans fondement, agir pour vous assurer que le gouvernement fait machine arrière;
- vérifier si les réserves apportées par votre pays aux instruments qui sont déjà en vigueur sont encore nécessaires; s'il vous apparaît que tel n'est pas le cas, agir pour qu'elles soient retirées; (Droits de l'homme : Guide à l'usage des parlementaires, 2005)
Outre que les parlements doivent participer aux négociations, en assurer le suivi et veiller à la ratification des traités, la gageure consistant à les faire appliquer à l'échelon national ne diffère pas sensiblement des difficultés auxquelles les parlementaires doivent faire face dans leur activité quotidienne. Comme nous l'avons vu au chapitre 6, se prononcer sur les allocations budgétaires, amender les lois et en adopter de nouvelles, ainsi que contrôler l'action du gouvernement est le lot quotidien des parlements.
Cependant, il leur faut encore entreprendre certaines tâches internationales, comme le montrent les exemples ci-après, qui se rapportent à la parité entre les sexes :
Egalité entre les sexes
De nombreux traités exigent des Etats qu'ils soumettent des rapports périodiques sur l'état d'avancement de leur mise en œuvre au plan national. C'est, par exemple, le cas de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et de son protocole facultatif. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes est l'organe (créé en vertu de cet instrument) chargé de veiller à sa mise en œuvre et de faire des commentaires et des recommandations qui sont ensuite transmis à l'Etat concerné en vue de faciliter son application. Jusqu'à tout récemment, bien des parlements ignoraient cette procédure; ce n'est plus le cas aujourd'hui.
En Afrique du Sud, par exemple, tous les rapports nationaux adressés au Comité (ainsi, d'ailleurs, qu'à toutes les instances internationales de contrôle) doivent être discutés au Parlement; celui-ci s'assure que le rapport reflète bien la diversité des vues exprimées, notamment celles de la société civile. A cette fin, le Parlement organise des débats et des auditions publiques, convoque des ministres et demande copie de rapports et de documents émanant d'un large éventail de services et de groupes de citoyens. En Afrique du Sud, les membres du Parlement font partie des délégations nationales qui prennent part aux délibérations du Comité, ce qui leur permet de mieux comprendre ses recommandations; et bien évidemment, le Parlement s'emploie activement à faire appliquer ces recommandations à l'échelon national.
Lors de l'adoption de la loi nationale relative à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le Parlement néerlandais y a ajouté une disposition priant le gouvernement de lui faire rapport tous les quatre ans sur l'application de la Convention, avant qu'il n'adresse au Comité le rapport qu'il doit soumettre en tant qu'Etat partie. Les observations finales du Comité sont également soumises au Parlement.
Certains parlements, celui de l'Uruguay, par exemple, organisent une séance consacrée au suivi des recommandations du Comité et invitent les membres du gouvernement à venir en discuter.
A Trinité-et-Tobago, où aucune commission parlementaire n'est expressément chargée des questions relatives à la parité entre les sexes, les rapports adressés au Comité des Nations Unies sont rédigés par le Service des droits de l'homme du Ministère de la Justice, à l'instar de tous les autres rapports requis au titre des traités internationaux. Ce service est appuyé par un comité des droits de l'homme composé de représentants des 13 ministères que compte le gouvernement et d'un représentant du Parlement. Le rapport achevé, le Ministre de la justice le présente au Parlement.
Une séance spéciale a été organisée par le Parlement suédois, en avril 2002, pour prendre connaissance des observations finales du Comité des Nations Unies. Elle a permis de réunir les parlementaires, les ONG et le Président du Comité.
A l'instar de ce qui s'est fait pour les droits de l'homme, un nombre croissant de parlements mettent en place des commissions spéciales ou autres instances chargées des questions d'égalité des sexes et/ou donnent à des commissions parlementaires existantes un mandat sur ces questions. Le Parlement français, par exemple, a créé des délégations aux droits de femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
La question de l'égalité entre les sexes est un autre exemple d'engagement parlementaire ayant des répercussions dans d'autres domaines. Tous les ans, l'UIP organise une réunion parlementaire au Siège de l'ONU, à New York, à l'occasion de la réunion de la Commission de la condition de la femme. Cette rencontre permet aux législateurs - hommes et femmes - qui s'occupent de questions liées à l'égalité entre les sexes d'échanger idées et expériences, de débattre de questions inscrites à l'ordre du jour des Nations Unies et de mettre au point des stratégies nationales d'application.
Le développement
La question de la participation parlementaire prend un relief tout particulier dans l'optique des Objectifs du Millénaire pour le développement. Il s'agit d'un programme ambitieux auquel la communauté internationale s'est vouée, et qui se propose d'atteindre, d'ici à 2015, une importante série d'objectifs : éliminer la faim et la plus extrême pauvreté, instaurer l'enseignement primaire universel, promouvoir la parité entre les sexes et donner plus d'autonomie aux femmes, faire baisser la mortalité infantile, mieux protéger la santé maternelle, combattre le VIH/SIDA, le paludisme et autres maladies, sauvegarder l'environnement et élaborer un partenariat mondial pour le développement comportant des objectifs précis en matière d'aide, d'échanges commerciaux et d'allègement de la dette.
Pour pouvoir traiter au Parlement des questions relatives au développement, les parlementaires doivent être familiarisés avec les droits de l'homme. En 2001, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme avait suggéré que les pays fondent leur approche du développement sur le respect des droits. Des lignes directrices furent alors ébauchées en ce sens; elles sont à la disposition des parlements pour les aider à élaborer leurs stratégies de développement et à combattre la pauvreté (Draft guidelines: A human rights approach to poverty reduction strategies, 2002. <http://www.unhchr.ch/development/povertyfinal.html>).
Cette approche a un double mérite : d'abord, elle s'écarte de la conception désuète de l'aide au développement considérée comme acte de charité; en second lieu, elle définit ses objectifs en termes de droits juridiquement exécutoires.
Les programmes nationaux de réduction de la pauvreté, connus sous le nom de cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP), sont le principal mécanisme devant permettre de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement dans les 70 pays les plus pauvres de la planète. Les CSLP représentent le plan de mise en œuvre négocié entre les gouvernements, la Banque mondiale et le FMI, qui jette les bases de l'allégement de la dette et de l'octroi de ressources financières à des conditions de faveur. Comme l'indique un manuel PNUD-NDI :
Les CSLP sont souvent le plan économique le plus ambitieux et le plus complet qu'un gouvernement ou un parlement ait à appliquer. Comme il est complet et qu'il requiert ordinairement l'adoption d'une loi d'habilitation, un processus de CSLP fructueux repose sur l'échange sans heurts d'informations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif (La communication entre l'exécutif et le législatif sur les stratégies de réduction de la pauvreté, 2004).
Toutefois, alors même que ce processus se traduit par un impact notable des mesures décidées à l'échelon international sur la politique intérieure, les parlements en ont été tenus à l'écart jusqu'ici. Bien que la Banque mondiale ait affirmé d'emblée que les pays seraient en charge de leurs stratégies de réduction de la pauvreté, les consultations internes comme les négociations avec les institutions financières internationales ont largement court-circuité les parlements, ainsi que la Banque mondiale l'a d'ailleurs elle-même reconnu. L'implication du Parlement s'est généralement limitée à la ratification formelle des CSLP et au contrôle des aspects financiers de leur mise en œuvre, dans le cadre du cycle budgétaire. Même là, le contrôle budgétaire des montants versés par les bailleurs de fonds est souvent pris en main par les donateurs eux-mêmes.
En réponse aux préoccupations relatives au rôle limité dévolu aux parlements lors de la première phase des CSLP, la Banque mondiale a publié son propre Guide de la Banque mondiale à l'usage des parlementaires (édition révisée 2005). Voici quelques exemples d'un engagement plus poussé :
- En Mauritanie, les parlementaires ont fait partie des groupes de travail CSLP et de la Commission chargée de suivre l'ensemble du processus. Avant d'approuver les CSLP, les parlementaires ont organisé un débat avec des ONG, des membres de la société civile et des partenaires des activités de développement.
- Au Honduras et au Nicaragua, plusieurs membres du parlement ont joué un rôle actif et important lors des consultations relatives aux CSLP.
- Au Niger, l'Assemblée nationale s'est engagée dès le début dans le processus des CSLP. Les élus ont fait partie de groupes thématiques couvrant les domaines clés du développement. Le document de stratégie final a été approuvé par le Conseil des ministres, puis soumis à l'Assemblée nationale pour discussion (p.48).
Les exemples ci-dessus montrent que deux modes de participation parlementaire au processus de CSLP se sont révélés utiles dans la pratique :
- La participation des parlementaires à l'élaboration de la politique nationale, grâce au travail accompli au sein de commissions parlementaires spéciales et à l'action menée au sein de groupes de travail sectoriels;
- Le contrôle sur le terrain de l'application de la politique retenue non seulement pour en vérifier l'aspect comptable mais aussi et surtout pour déterminer si elle parvient effectivement à réduire la pauvreté.
Les difficultés que rencontrent les parlements dans le contrôle des stratégies de réduction de la pauvreté sont bien connues du PNUD, qui est responsable de la coordination générale et de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement. Parmi les nombreuses initiatives qu'il a lancées, citons la publication avec le NDI de trois manuels sur le renforcement de la participation des parlements à la réduction de la pauvreté. Ces manuels recensent un certain nombre de stratégies pouvant utilement servir à la mise au courant des parlementaires, définissent les types d'informations nécessaires et précisent les sources auxquelles ils peuvent se les procurer, montrent la façon d'utiliser les CSLP pour renforcer les pouvoirs des parlements et établissent la nécessité de prévoir assez de temps pour que les questions cruciales puissent faire l'objet d'un véritable débat parlementaire. Ce dernier point est particulièrement important, vu que le législatif et l'exécutif ont des calendriers différents.
Le diagramme ci-après, tiré du manuel du PNUD indique les domaines dans lesquels des interventions parlementaires peuvent avoir un impact :
Figure 7.1 : Synchroniser la coordination entre le législatif et l'exécutif avec les étapes spécifiques du cycle CSLP
Source : Programme des Nations Unies pour le développement, National Democratic Institute (2004). La communication entre l'exécutif et le législatif sur les Stratégies de réduction de la pauvreté <http://www.undp.org/governance/docs/parl_other/handbooks/fr/frnlegexec.pdf>
Les Objectifs du Millénaire pour le développement font obligation aux gouvernements des pays développés d'honorer leurs engagements en matière d'aide et de veiller à ce que les montants de l'aide accordée ne soient pas largement contrebalancés par l'incidence négative de régimes commerciaux inéquitables et de l'amortissement de la dette, comme c'est le cas aujourd'hui. Cela confère aux parlements des pays développés une responsabilité toute particulière : faire pression sur le gouvernement pour qu'il tienne ses engagements, veiller à ce que l'aide octroyée soit utilisée à bon escient, et, en outre s'attacher à ne pas dissocier le contrôle de la politique d'aide de celui, plus général, de la politique commerciale et des financements internationaux.
Plusieurs communications reçues au titre du présent Guide signalent que l'on accorde une attention croissante au contrôle de la politique d'aide extérieure. Au Japon, par exemple, la Chambre des Conseillers a décidé d'envoyer régulièrement des missions parlementaires dans les pays qui reçoivent du Japon une aide publique au développement (APD). L'objet de ces missions est "de déterminer si l'APD du Japon parvient effectivement à ceux qui en ont réellement besoin, et si le budget alloué est utilisé de façon efficace, et d'évaluer la politique du gouvernement en matière d'aide publique au développement". Au cours de l'exercice budgétaire 2004, des missions se sont ainsi rendues en Chine et aux Philippines, en Thaïlande et en Indonésie, ainsi qu'au Mexique et au Brésil; chacune a duré une dizaine de jours. Les rapports de ces missions ont été largement diffusés, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Parlement.
La Commission des Affaires étrangères du Parlement suédois a élaboré une politique de développement mondial intégrée; celle-ci vise à améliorer la coordination des politiques du gouvernement dans des domaines tels que le commerce, l'agriculture, l'environnement, la sécurité et les migrations, de manière qu'elles puissent contribuer à un développement juste et durable. La Commission prie également le gouvernement de faire régulièrement rapport sur ses priorités en ce qui concerne la Banque mondiale, le FMI et les banques régionales de développement.
Autre exemple de tentative visant à élaborer une politique mieux intégrée dans ce domaine : la création au sein du Parlement belge d'une commission spéciale sur la mondialisation, qui organise sur différents thèmes des auditions auxquelles participent des spécialistes et des représentants de la société civile et s'efforce d'influer sur la politique du gouvernement par le biais de résolutions adoptées en séance plénière. Entre autres sujets traités par la Commission depuis sa création, en 2003, citons la taxe Tobin, la gouvernance mondiale, la problématique institutionnelle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les problèmes agricoles qui se posent lors des négociations à l'OMC, la problématique de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), la problématique des Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) dans le cadre de l'OMC, les Objectifs du Millénaire pour le développement, l'accès à l'eau pour tous, le commerce équitable et les paradis fiscaux.
A la suite de ces auditions, le Parlement belge a rédigé un projet de loi sur la perception d'une taxe - analogue à la taxe Tobin - sur les transactions financières internationales, et un autre qui prie le gouvernement de présenter un rapport annuel récapitulant les mesures prises en vue d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que les activités menées par les représentants de la Belgique au FMI, à la Banque mondiale et au PNUD.
Commerce
En dépit de son nom, l'OMC est aujourd'hui bien plus qu'une simple organisation vouée au commerce. Ses décisions ont une portée qui va bien au-delà des domaines traditionnels du commerce des marchandises et des tarifs douaniers; elles s'appliquent désormais aux affaires intérieures des Etats et touchent à des domaines aussi variés que la propriété intellectuelle, les services, la banque, les télécommunications et la passation de marchés d'Etat. L'OMC a un impact croissant sur le système national d'assurance santé, l'éducation, l'emploi, la sécurité alimentaire, l'environnement, ainsi que sur la gestion des ressources naturelles : forêts, pêcheries et cours d'eau.
Contrairement à la plupart des autres traités internationaux, non seulement les accords de l'OMC sont contraignants en ce qui concerne la définition des objectifs communs mais leur application est soumise à un régime efficace de règlement des différends. Cela ne manque pas d'avoir des incidences économiques directes, tant pour les nations que pour le secteur privé.
L'expansion continue de l'OMC dans de nouveaux domaines a de profondes implications pour les législatures, qui y voient une immixtion dans leurs affaires et réagissent en protégeant leur faculté de réglementer conformément au délicat équilibre des pouvoirs prévu par la constitution de chaque pays. Les effets d'un tel processus varient d'un système national à un autre, mais ils appartiennent, pour l'essentiel, à deux grandes catégories : effets régulateurs (quand la capacité du législateur de légiférer se trouve contrecarrée par l'introduction de nouvelles règles à l'échelon international) et effets constitutionnels (transfert de pouvoir du législateur à l'exécutif). Pour plus d'informations, voir le document de travail de Matthew Stillwell, juriste au Center for International Environmental Law, "Why legislators should care about the WTO" [Pourquoi le législateur doit-il se soucier de l'OMC ?]).
Dans de nombreux cas, les décisions l'OMC promeuvent le commerce international en précisant les lois que les législateurs peuvent adopter ou non et en fixant les normes qu'ils sont tenus de respecter. Il en résulte que les parlements n'ont souvent pas d'autre choix que d'avaliser les lois d'habilitation que leur présente le gouvernement sans pouvoir s'assurer qu'elles correspondent bien aux objectifs nationaux et aux aspirations de la population. L'opposition entre décisions de l'OMC et lois nationales se trouve exacerbée quand les gouvernements recourent au système de règlement des différends pour contester les lois nationales d'autres pays.
C'est là l'un des domaines où le contrôle parlementaire du processus de négociation prend toute son importance; de nombreux parlements ont déjà pris des mesures pour se tenir informés de la progression des négociations et s'efforcent d'amener le gouvernement à adopter les politiques idoines. Pour compléter ces efforts, ils participent avec l'UIP et le Parlement européen à une conférence parlementaire annuelle sur l'OMC, qui leur permet de suivre les activités de l'OMC, de poursuivre le dialogue entamé avec les négociateurs gouvernementaux et de faciliter les échanges d'informations et le renforcement des capacités des parlements nationaux en matière de commerce international.
Participation parlementaire aux processus d'intégration régionale
Plusieurs régions du monde vont dans le sens d'une intégration. Ce phénomène a pris naissance en Europe et se reproduit désormais en Afrique, en Amérique latine et, depuis peu, en Asie et dans le monde arabe. Encore que ces pays en soient à des stades très différents, on peut néanmoins déceler des traits communs.
Nous l'avons dit dans l'introduction à ce chapitre, pour des raisons qui varient selon les régions, les Etats ont décidé d'intégrer progressivement leurs marchés, leurs économies et d'autres éléments constitutifs de l'Etat. Cela sous-entend, ipso facto, un abandon de souveraineté, si minime soit-il, en faveur d'une structure régionale commune. C'est fondamentalement différent de la coopération qui s'instaure entre les Etats à l'échelon mondial, ceux-ci ne renonçant pas à la plus petite parcelle d'autorité et coopérant, en principe, sur un pied d'égalité..
Elément commun à tous les processus d'intégration régionale : l'établissement d'une structure de gouvernance qui s'inspire de l'Etat-nation. Cela amène à mettre en place un exécutif régional et à créer un parlement régional. Les parlements régionaux coexistent avec les parlements nationaux et se complètent, un peu comme les deux chambres d'un parlement bicaméral dans un Etat fédéral. Les uns représentent les vues et intérêts de la communauté, les autres les vues et les intérêts des nations.
Dans la présente section, nous allons nous pencher sur l'Union européenne (UE), qui représente à ce jour le processus d'intégration régionale le plus abouti dans le monde, et nous nous pencherons, en particulier, sur les défis que l'intégration régionale pose aux parlements nationaux.
Nombre de parlements de pays européens qui ont adressé des communications à l'UIP aux fins du présent Guide disent que la supervision de la politique européenne de leur gouvernement constitue une véritable gageure. Souhaitons que leur relation de la façon dont ils ont essayé d'y faire face trouvera un large écho, car ils sont révélateurs d'une tendance qui ira désormais s'amplifiant : pour s'attaquer à certains problèmes régionaux ou mondiaux, les gouvernements renoncent à leur compétence législative en faveur d'institutions supranationales. La question qui se pose aux parlements nationaux est donc de savoir comment superviser et influencer les positions prises par leurs propres ministres au sein de ces institutions. La question est fort bien explicitée dans cette communication du Sénat polonais :
Faire participer le Parlement national à la définition de la position officielle qui sera ultérieurement présentée à l'UE est un bon moyen de combattre le déficit de légitimité démocratique de l'Union européenne. En bref, ce déficit est fonction de la légitimité globale d'un exécutif représentant un Etat membre à l'Union européenne et de la marginalisation du rôle des organes représentatifs qui en découle. [...] De ce fait, les compétences des organes représentatifs à l'UE sont grandement réduites […] En conséquence, le transfert des droits du Parlement national à l'Union nécessite en retour une compensation, et c'est précisément ce que le renforcement des compétences du Parlement lorsqu'il coopère avec le gouvernement national au sujet des décisions européennes est censé garantir.
Les modalités de cette coopération varient grandement entre les Etats membres de l'UE. Plusieurs parlements s'y attellent par le biais d'une commission des Affaires européennes; celle-ci est habilitée à recevoir tous les documents pertinents de l'UE avant même que ne soient définies les positions de négociation qui seront ultérieurement prises par les ministres participant au Conseil. Le Sénat polonais note toutefois que "la plupart des organes législatifs nationaux ne sont pas investis du pouvoir de formuler leur position d'une façon impérative, liant leur gouvernement". Cette conclusion sous-estime peut-être le degré d'influence que les parlements exercent dans la pratique, comme en attestent nombre de communications reçues. Celle du Parlement allemand, par exemple, précise que "le Gouvernement fédéral doit donner au Bundestag l'occasion d'exposer sa position; il devra aussi la prendre pour base de ses négociations avec le Conseil". Voici maintenant la procédure en usage à la Commission des Affaires européennes du Parlement danois, lors de ses réunions hebdomadaires :
Les questions les plus importantes figurant à l'ordre du jour de la Commission des Affaires européennes sont les réunions du Conseil des ministres prévues pour la semaine suivante. Un débat à la Commission des Affaires européennes sur telle réunion particulière du Conseil requiert ordinairement la présence du ministre, qui explique son mandat de négociation. Un débat s'ensuit, au cours duquel le porte-parole du parti pose au ministre des questions appelant des réponses détaillées et l'informe de la position du parti vis-à-vis de certaines propositions. Une fois que le ministre a répondu, une nouvelle discussion peut s'engager, au cours de laquelle le ministre pourra donner des éclaircissements sur son mandat de négociation, voire le retoucher. Le ministre peut également réviser son mandat de négociation, par déférence envers le porte-parole du parti et pour s'assurer qu'une majorité d'élus ne s'y opposera pas […]
Il est rare que la Commission rejette le mandat confié par le Gouvernement à son ministre. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle n'a aucune influence sur la politique européenne du gouvernement. Tout d'abord, il n'est pas rare que le gouvernement retouche ou modifie son mandat de négociation originel au cours de ses discussions avec les membres de la Commission. En second lieu, les fonctionnaires danois qui prennent part aux négociations dès le début - souvent même avant que la Commission européenne n'ait fait sa proposition - tiennent compte du fait que le Gouvernement devra bien, à un moment donné, faire entériner le résultat par la Commission des Affaires européennes.
L'exposé danois note que la forte influence exercée par le Parlement tient notamment à la communication précoce des propositions de l'Union européenne au Conseil des ministres et à la réaction du gouvernement à ces propositions. Une innovation a récemment été introduite : le gouvernement est désormais tenu d'indiquer dans un mémoire à la Commission des Affaires européennes sa position générale face à toute proposition émanant de la Commission, et ce quatre semaines au plus après que cette dernière l'ait formulée.
La notification précoce des propositions de l'UE est également mise en exergue dans la communication du Parlement finlandais, qui s'efforce de faire connaître son propre point de vue sur les affaires européennes assez tôt pour qu'il soit connu des fonctionnaires qui font partie des groupes de travail du Conseil.
En règle générale, les questions soumises aux ministres lors des réunions du Conseil ont été retenues par les représentants des Etats membres, réunis en groupes de travail chargés de préparer le Conseil, les ministres n'ayant plus à régler, le moment venu, que certains détails litigieux. Il s'ensuit que d'écouter les ministres ne suffit pas à préserver l'influence de l'Eduskunta. […] Le système finlandais est fondé sur la conviction que les parlements nationaux n'ont de véritable influence que s'ils participent dès le début à la formulation des politiques. Une influence qui ne se ferait sentir qu'à la veille d'une réunion du Conseil serait largement illusoire.
Certains parlements ont choisi d'ouvrir des bureaux à Bruxelles où se trouve le Siège de la Commission européenne. C'est le cas du Parlement français, par exemple. Entre autres choses, ces bureaux servent à alerter le Parlement sur ce qui se décide à Bruxelles. Ils offrent en outre un moyen plus direct d'informer les institutions européennes des vues du Parlement.
Le Parlement finlandais établit une distinction entre les projets de lois, de conventions et autres, qui, s'ils n'étaient pas soumis au Conseil européen, seraient discutés au parlement finlandais, et les autres questions. Dans le premier cas, la procédure est plus approfondie; elle mobilise les commissions sectorielles pertinentes qui font part de leurs opinions solidement étayées à la Grande Commission. Le Parlement slovène établit une distinction analogue. Pour les questions qui relèveraient de la compétence du parlement "si la Slovénie n'avait pas transféré l'exercice d'une partie de ses droits souverains aux institutions de l'UE", la procédure est régie par une loi sur la coopération entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement pour tout ce qui concerne les affaires européennes. Cette loi confère à l'Assemblée le droit de prendre position sur les affaires qui doivent être prochainement traitées à l'UE, le Gouvernement étant prié d'en tenir compte lorsqu'il arrête sa position de négociation. Le Gouvernement est également tenu de fournir à l'Assemblée nationale une étude d'impact sur tout projet d'acte législatif soumis au Conseil des ministres, accompagnée d'un exposé détaillé de ses incidences sur le budget, l'économie, l'environnement, etc. Le Parlement français use d'une procédure similaire et procède à des études d'impact des actes législatifs adoptés par l'Union européenne.
La communication de la Lettonie explique que l'élaboration d'une position de négociation sur les projets de lois soumis au Conseil européen relève de la responsabilité conjointe du Gouvernement et de la Seima. Le ministère concerné "doit s'accorder avec la Commission des affaires européennes de la Seima sur la position nationale". La Commission ne dispose toutefois d'assez de personnels qualifiés que pour traiter des questions les plus importantes; elle a exprimé la même préoccupation en ce qui concerne la notification précoce des projets de lois émanant de l'Union européenne. La communication de la Lettonie fait état de deux mécanismes supplémentaires visant à renforcer le rôle dévolu au parlement. Le premier est le droit de tout représentant de la Commission des affaires européennes de bénéficier du statut d'observateur auprès du Comité européen des hauts fonctionnaires. Le second consiste en une coopération plus étroite avec les élus lettons du Parlement européen, via le bureau des deux représentants permanents de la Seima au Parlement européen. Cette coopération est également de mise à l'Assemblée nationale de Hongrie, où les élus hongrois du Parlement européen sont autorisés à s'exprimer en séance plénière chaque fois que l'ordre du jour porte sur des questions européennes.
Avant de conclure cette section, il convient de dire quelques mots du Parlement panafricain, institution clé de l'Union africaine (qui a récemment succédé à l'OUA). La communication reçue du Parlement panafricain aux fins du présent Guide énumère certaines des difficultés qu'il conviendra de surmonter - à commencer par la cessation des conflits régionaux - pour que cette assemblée parlementaire soit efficace :
Les conflits régionaux et les différends de frontières gaspillent les ressources, détournent un pays ou une région des tâches du développement, détruisent les infrastructures matérielles et sociales et accentuent la désintégration sociale et culturelle. La cessation d'un conflit régional est la condition première du dialogue parlementaire régional.
Le manque d'efficacité de certains parlements nationaux et la faiblesse de certaines structures parlementaires suscitent maintes difficultés lorsqu'il leur faut opérer à l'échelle régionale et continentale. Le renforcement des parlements à l'échelon national jetterait les bases d'une coopération interparlementaire régionale.
L'appartenance simultanée à plusieurs organisations régionales peut déboucher sur des chevauchements d'activités et confronter les intéressés à des politiques étrangères contradictoires.
L'incidence financière de l'intégration régionale et de la coopération interparlementaire doit être prise en compte, surtout dans les régions pauvres. Mais il faut également évaluer le coût d'une absence de promotion de la coopération régionale.
Il faut dissiper les craintes d'ordre politique relatives à une éventuelle perte de souveraineté au profit d'instances supranationales.
"Tous ces éléments", concluent les auteurs de la communication, "ont une incidence sur ce qui se passe en Afrique du Sud, car l'incapacité de surmonter ces obstacles ne peut que saper les efforts déployés pour l'édification de la nation".
Autres lectures en ligne recommandées sur le contrôle parlementaire des représentants nationaux au Conseil des Ministres de l'Union européenne :
Travers, D (2002). European Affairs Committees. The influence of national parliaments on European policies. European Centre for Parliamentary Research and Documentation <http://www.ecprd.org/ecprd/getfile.do?id=5087> (document en anglais)
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Coopération parlementaire
On peut dire que, de bien des façons, l'UIP a été le précurseur de la coopération internationale ou multilatérale. L'Organisation a été fondée en 1889, en un temps où il n'existait encore aucun forum politique où les représentants des Etats pussent s'assembler pour discuter de problèmes communs. L'idée vit donc le jour d'établir un point de rencontre permanent où les hommes politiques influents pourraient, par le dialogue, promouvoir la paix et la sécurité.
Si, donc, l'UIP est l'ancêtre des organisations vouées à la coopération interparlementaire, elle ne demeura pas seule longtemps. D'autres mécanismes de coopération interparlementaire apparurent rapidement, d'abord en Europe, puis dans les autres régions du monde, ainsi que divers modes de coopération parlementaire au niveau tant mondial que régional. Dans la présente section, nous allons passer en revue trois de ces modes de coopération : la diplomatie parlementaire, la coopération interparlementaire et la coopération technique.
Diplomatie parlementaire
Le diplomate est un envoyé de l'exécutif qui représente, à l'étranger, les points de vue de l'Etat. Les parlementaires, par contre, sont des hommes ou des femmes politiques ayant des opinions propres, qui ne coïncident pas forcément avec la position officielle de leur pays. Cela leur donne une marge de manœuvre refusée aux diplomates. Les parlementaires tendent à introduire dans la politique internationale une dimension morale qui transcende les définitions étroites de l'intérêt national, comme en atteste leur soutien de principe à la démocratie et aux droits de l'homme. Nous avons pu constater maintes et maintes fois que cette souplesse permet aux parlementaires de discuter plus librement avec leurs homologues d'autres pays et de suggérer des solutions novatrices à des problèmes qui semblaient jusque là insolubles.
C'est ainsi qu'est née la formule "diplomatie parlementaire". L'expression est certes imprécise mais elle englobe tous les types de coopération entre parlementaires. Aux fins de la présente étude, cependant, nous en userons dans son acception originelle.
La diplomatie parlementaire s'est révélée un outil des plus utiles au temps de la guerre froide. Au moment où les gouvernements s'engagèrent dans le "processus d'Helsinki", que l'on pourrait qualifier de mécanisme de dialogue sur la coopération et la sécurité en Europe, les parlementaires entamèrent un processus parallèle au sein de l'UIP. Celui-ci servit de banc d'essai et permit de tirer parti de toutes les ressources du dialogue Est/Ouest; en de nombreuses occasions.: Quand les négociateurs des gouvernements ne parvenaient plus à progresser, la diplomatie parlementaire permit souvent de sortir de l'impasse. Au début des années 90, des efforts similaires furent déployés dans la région de la Méditerranée, toujours sous l'égide de l'UIP.
La diplomatie parlementaire sert fréquemment à favoriser le dialogue politique à l'occasion de conflits entre pays voisins et dans la région concernée. L'étude de l'UIP Participation parlementaire aux affaires internationales (2005) cite des exemples d'initiatives de ce genre prises dans de nombreuses régions du monde :
- A l'invitation de l'UIP, les présidents de parlement des pays voisins de l'Iraq se sont réunis à Amman (Jordanie) en mai 2004 pour y débattre de la manière de contribuer à stabiliser la région;
- La Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Majlis iranien a eu des entretiens avec ses homologues d'autres parlements sur la crise en Iraq, en Afghanistan et en Palestine;
- Le Président de la Chambre des Représentants du Maroc a organisé une réunion des Présidents de parlement des pays de la Méditerranée à la suite des attentats à la bombe commis par des terroristes en 2001 pour formuler une réponse parlementaire;
- Les présidents des Parlements du Cap-Vert et du Mozambique ont effectué une mission en Guinée-Bissau au nom des présidents des parlements des pays lusophones et ont ainsi facilité l'établissement d'un dialogue politique dans ce pays début 2003;
- Les présidents de trois parlements du Caucase - l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie - se sont réunis à l'invitation du Président du Sénat français pour discuter du conflit dans la région du Haut-Karabakh;
- Les Parlements du Mali et de la Sierra Leone ont décidé d'institutionnaliser les rencontres entre les parlements de la sous-région (Libéria, Sierra Leone et Guinée); trois réunions se sont tenues jusqu'à présent;
- Le Parlement pakistanais note que les échanges de délégations parlementaires avec l'Inde ont eu l'avantage de réduire la tension entre les deux pays;
- Les présidents des parlements du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun et du Mali ont rencontré récemment leur homologue ivoirien, d'abord à Cotonou, puis à Abidjan, et ont concouru à l'établissement d'un dialogue politique en Côte d'Ivoire.
- Les présidents des parlements de la Communauté de développement de l'Afrique australe se sont rendus en République démocratique du Congo dans le cadre de l'action menée pour ramener la paix et la stabilité dans la région.
- L'instance interparlementaire irlando-britannique qui, en plus des représentants des parlements de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, compte des représentants du Parlement écossais, de l'Assemblée nationale du Pays de Galles, de l'Assemblée de l'Irlande du Nord, de la Haute Cour de Tynwald et des Etats de Guernesey et de Jersey, a appuyé le processus de paix en Irlande du Nord;
- L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a lancé récemment des initiatives sur les conflits en République tchétchène, à Chypre et dans le Haut-Karabakh.
- La Chambre des députés italienne est dotée d'une commission de la diplomatie parlementaire, chargée "d'harmoniser les activités internationales des commissions permanentes et des délégations parlementaires aux assemblées internationales ainsi que les activités des groupes de coopération bilatérale et autres instances de la Chambre".
Il va de soi que la diplomatie parlementaire ne se borne pas à des relations entre parlementaires ; des membres d'un parlement peuvent également se rendre dans un autre pays aux fins d'y rencontrer les dirigeants de diverses instances et de s'entretenir avec eux en vue de résoudre des problèmes ou de mettre fin à un conflit. C'est ainsi, par exemple, que des membres du Parlement sud-africain ont partagé leur expérience en matière de résolution des conflits et de réconciliation dans plusieurs pays du Moyen-Orient.
Coopération interparlementaire
La multiplication des échanges interparlementaires, sous quelque forme que ce soit, a été extrêmement rapide au cours de la dernière décennie. Stelios Stavridis a tenté d'en établir la cartographie dans un document de travail de novembre 2002, intitulé: Diplomatie parlementaire : quelques conclusions préliminaires (<http://www.fscpo.unict.it/EuroMed/jmwp48.htm>). L'UIP, qui s'efforce de conserver la trace des structures de coopération formelles et informelles s'y est également employée. Vu l'essor de la diplomatie parlementaire, nous ne traiterons ici que d'un petit nombre d'exemples, davantage pour illustrer leur variété que par souci d'exhaustivité.
Tous les parlements sont engagés dans une forme quelconque de coopération bilatérale. La plupart d'entre eux ont créé des groupements amicaux bilatéraux voués à la promotion de la coopération entre parlements et pays concernés. On dénombre aujourd'hui plusieurs milliers de groupements amicaux de ce genre.
A cela s'ajoute un nombre toujours croissant de réseaux informels de parlementaires qui se rencontrent pour traiter de questions précises. Certains s'occupent de questions liées au développement ou à la démographie, d'autres de désarmement, d'autres encore d'armes de petit calibre, etc. Le réseau Parliamentarians for Global Action (PGA) traite d'un large éventail de sujets; il a récemment fait campagne avec succès pour mobiliser l'opinion en faveur de la Cour pénale internationale.
Il existe également nombre de structures parlementaires plus formelles. L'une des premières à voir le jour fut la Commonwealth Parliamentary Association, forum parlementaire qui réunit les parlements des pays membres du Commonwealth. Elle a pour homologue francophone l'Assemblée parlementaire de la Francophonie.
On recense un grand nombre d'assemblées parlementaires régionales et sous-régionales. Le rapport de l'UIP Participation parlementaire aux affaires internationales note que les réponses des parlements au questionnaire qui leur avait été adressé "indiquent clairement une intensification de la participation aux structures interparlementaires régionales. Dans le monde entier, cette tendance se dessine nettement : les parlements consacrent de plus en plus de temps et de ressources à la coopération parlementaire régionale".
Autre problème relevé : les doubles emplois et les chevauchements entre les différentes organisations parlementaires régionales. Une assemblée andine, par exemple, peut être membre du Parlement du Pacte andin, du Parlement latino-américain et de l'Assemblée parlementaire interaméricaine. De même, un parlement du Maghreb peut être membre du Conseil consultatif de l'Union du Maghreb arabe, de l'Union interparlementaire arabe, de l'Assemblée internationale des parlements francophones et du Parlement panafricain. Le rapport note que "la plupart des parlements indiquent la priorité qu'ils accordent au travail avec certaines organisations parlementaires", bien que peu d'entre eux aient pris des mesures visant à coordonner leurs relations interparlementaires, ce qu'a fait la Chambre des députés italienne.
Les assemblées interparlementaires régionales ont en commun qu'elles cherchent toutes à favoriser une meilleure intégration et une meilleure coordination entre leurs pays membres.
Un membre d'un groupe de travail de l'UIP de la région de l'ASEAN, Loretta Rosales, cite un exemple concret d'initiative parlementaire régionale visant à promouvoir la démocratie :
Un progrès a récemment été enregistré dans la région de l'ASEAN, où des parlementaires partageant les mêmes convictions ont réclamé la libération sans conditions d'Aung Sang Suu Kyi et la restauration complète de la démocratie en Birmanie. Munis, chacun, de leurs résolutions législatives sur ce sujet, des élus de Malaisie, de Thaïlande, de Singapour, des Philippines, d'Indonésie et du Cambodge, ainsi que des parlementaires birmans en exil, se sont réunis à Kuala Lumpur en 2004 en vue d'unir leurs forces pour convaincre leurs gouvernements respectifs de refuser la présidence birmane de l'ASEAN en 2006, à moins que le pays ne tienne son engagement de restaurer pleinement la démocratie et de libérer les prisonniers politiques dont Aung Sang Suu Kyi est le chef de file. Les réunions ordinaires du groupe interparlementaire sur la Birmanie de l'ASEAN (AIPMC) et le dialogue permanent que nous entretenons avec nos ministres respectifs, avec les réunions ministérielles de l'ASEAN et avec certains chefs d'Etat ont largement contribué à pousser la Birmanie à retirer sa candidature à la présidence de la Conférence ministérielle de l'ASEAN.
Assistance technique
L'expression "assistance technique" s'entend des mesures prises par des institutions ou des personnes pour aider à renforcer les capacités d'un parlement, tout particulièrement dans les pays en développement et les nouvelles démocraties, pour les aider à mieux s'acquitter de leurs fonctions. L'assistance technique est née d'une prise de conscience : un parlement encore tout jeune manque souvent des ressources humaines et matérielles dont il a besoin pour remplir efficacement le mandat que lui confère la Constitution. On peut donc définir l'assistance technique comme l'ensemble des moyens financiers et matériels et de l'expertise que les démocraties bien implantées et les pays développés du Nord mettent à la disposition des parlements des démocraties naissantes et des pays en développement du Sud.
L'assistance technique peut prendre des formes variées : développement des infrastructures, développement institutionnel via l'introduction de procédures améliorées et la modernisation des processus parlementaires, sensibilisation par le biais d'échanges d'expériences et d'informations entre parlementaires de différents pays, renforcement des capacités et perfectionnement professionnel (ce qui implique la formation des fonctionnaires et des membres du parlement) et développement des compétences juridiques (dans le cadre duquel les parlements bénéficient d'une assistance lors de l'élaboration de nouvelles lois ou de l'amendement de textes législatifs plus anciens.)
L'assistance technique touche ordinairement aux domaines les plus variés : règlement intérieur de l'Assemblée et autres règles de procédure, système des commissions, législation, fonction de représentation du parlement, fonction de supervision, administration, bibliothèque, services de documentation et de recherche et archives. Les questions relatives aux droits de l'homme et à la parité entre les sexes recoupent plusieurs domaines d'intervention et figurent en bonne place dans les programmes de formation et ceux des services consultatifs. Le soutien au développement des infrastructures couvre notamment les systèmes de sonorisation, les enregistrements audiovisuels et la radiodiffusion des séances du parlement, ainsi que les services d'imprimerie, les transports et la rénovation des locaux. L'assistance technique prend des formes variées : offre de services consultatifs, organisation de séminaires et d'ateliers, voyages d'étude, détachement provisoire de personnels et services de formation en cours d'emploi, et tenue de réunions et de conférences. Notons que les technologies de l'information et des télécommunications occupent une place de plus en plus importante dans les programmes d'assistance technique.
Au niveau multilatéral, l'UIP a fait œuvre de pionnier en lançant son programme de coopération technique au début des années 70, en un temps où, pour les organismes donateurs, aider les parlements à renforcer leurs capacités constituait une immixtion dans la vie politique d'un pays et n'était donc pas recommandé. Depuis ces débuts, le champ d'activité de la coopération technique s'est considérablement élargi et constitue aujourd'hui le fer de lance des actions menées par l'UIP pour promouvoir la démocratie.
Un nombre croissant d'institutions ont résolu de se joindre à cette entreprise au début des années 90. Citons notamment la Commonwealth Parliamentary Association (CPA), l'Assemblée parlementaire de la Francophonie et des réseaux parlementaires tels l'Association des parlementaires européens pour l'Afrique (AWEPA). Un grand nombre d'organismes non parlementaires comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la United States Agency for International Development, la Commission européenne, la Banque interaméricaine de développement, l'Institut de la Banque mondiale ainsi que le National Democratic Institute for International Affairs et l'International Republican Institute, ONG établies aux Etats-Unis, ont, eux aussi, lancé d'importants programmes d'assistance technique. On trouvera en annexe une liste des institutions qui octroient une assistance technique aux parlements.
L'assistance technique bilatérale a en réalité précédé l'assistance technique multilatérale. En effet, nombre de parlements d'anciens pays coloniaux ont mis en place une assistance aux nouveaux parlements de leurs anciennes colonies. On citera à ce propos les détachements auprès du parlement donateur ainsi que les échanges de fonctionnaires et les visites d'étude de parlementaires.
Le Parlement indien a mis en place il y a de longues années un programme d'assistance à un certain nombre de parlements, du Commonwealth en particulier. Ce programme, qui fonctionne encore aujourd'hui, couvre des domaines comme l'élaboration des lois. Outre une formation dispensée aux législateurs et fonctionnaires parlementaires des Etats de l'Union indienne, on y organise des détachements et des visites d'étude pour les membres et le personnel de parlements étrangers.
Comme son pendant multilatéral, l'assistance technique bilatérale s'est considérablement développée ces dernières années. Outre qu'ils sont une grande réserve d'expertise pour les programmes gérés par les institutions multilatérales, les parlements établis de longue date, généralement ceux des pays du Nord, ont mis en place des programmes complets d'assistance technique pour appuyer les institutions parlementaires du Sud. La Chambre italienne des députés, par exemple, signale que dans ses activités internationales elle accorde la plus haute priorité aux programmes d'assistance aux parlements d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie centrale, d'Europe du Sud-Est et de la région du Caucase. Ces programmes couvrent notamment la réforme constitutionnelle ou la réorganisation de l'appareil technique et administratif conçu pour appuyer les parlements.
Les deux Chambres du Parlement français ont, elles aussi, mis au point de vastes programmes d'assistance aux parlements, non seulement ceux des anciennes colonies françaises, mais aussi ceux du Cambodge, de la Roumanie et de la Géorgie. Ces programmes sont fréquemment financés par l'Union européenne et le Programme des Nations Unies pour le développement. Avec l'appui financier de l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement, le Parlement suédois est actuellement engagé dans un projet d'assistance qui vise à développer les systèmes d'information et de documentation qui étayent les fonctions législatives et de supervision de l'Assemblée nationale vietnamienne. Le Parlement suédois a également administré un projet similaire pour aider le jeune Parlement du Timor Leste.
Aux Etats-Unis, la Chambre des représentants a créé, en 2005, la Democracy Assistance Commission (HDAC) pour permettre à ses élus, à leurs personnels et aux organismes de soutien du Congrès de faire parvenir une assistance à leurs homologues des démocraties naissantes. La séparation des pouvoirs inscrite dans la Constitution américaine interdisant au législateur d'administrer les programmes d'aide étrangère, c'est la HDAC qui est chargée d'octroyer - de membre à membre ou de service à service - l'assistance technique requise. Le programme permet d'octroyer, en 2006, une assistance à cinq pays au plus dans les différentes régions du monde; ces pays sont choisis au terme d'une mission d'évaluation sur place. En outre, la résolution qui l'a investie de ce mandat permet à la HDAC de recommander à l'USAID la fourniture d'une assistance matérielle à un parlement si le besoin en est avéré.
Le rapport préliminaire d'un groupe de travail créé par la Conférence des présidents de parlement de l'Union européenne pour étudier les modalités de l'assistance aux parlements des pays jeunes et des démocraties naissantes indique que le Gouvernement fédéral de l'Allemagne a affecté un montant de 511 000 euros à l'assistance à quatre parlements; cette somme servira à financer l'achat d'équipements et matériels de bureau et d'ouvrages spécialisés destinés aux bibliothèques parlementaires. Ce rapport mentionne également le projet lancé par le Bundestag, en partenariat avec l'Université de Berlin, et qui permet à 100 jeunes gens et jeunes filles de 21 pays de venir à Berlin pour y recevoir une formation aux travaux parlementaires auprès d'un membre du Bundestag.
En guise de conclusion
Comme nous l'avons vu, les relations internationales souffrent d'un déficit de démocratie qu'il convient de combler en impliquant plus efficacement les parlements dans les affaires mondiales et régionales.
A l'échelon mondial, les parlements doivent œuvrer avec les forums ou organisations intergouvernementales où les Etats, agissant sur un pied d'égalité, mettent au point des accords qui devront être appliqués dans chacun des Etats membres. A l'échelon régional, les parlements doivent s'adapter à la nouvelle donne résultant d'un certain transfert de souveraineté (ce qui n'est pas le cas à l'échelon mondial) en faveur de la nouvelle entité régionale.
Cependant, si différentes soient-elles, les mesures que les parlementaires sont amenés à prendre pour combler le déficit de démocratie, sont étonnamment semblables dans l'un ou l'autre cas. Elles doivent être profondément enracinées dans leur propre parlement et prises à l'échelon national. Cela implique, dans les deux cas, une supervision méticuleuse de l'action de leurs gouvernements. Cette participation parlementaire doit reposer sur une base juridique claire. Les parlements doivent être informés suffisamment à l'avance des politiques retenues par le gouvernement et de ses positions de négociation, recevoir toutes informations utiles sur les politiques préconisées et leur contexte, et disposer des ressources et de la structure organisationnelle permettant de s'attaquer à ces questions - ce qui suppose que les parlementaires concernés auront acquis l'expertise voulue en travaillant dans des commissions spécialisées. Il faut également qu'ils puissent poser des questions aux ministres et aux négociateurs et, à la lumière des réponses reçues, faire part de leurs propres opinions au gouvernement (même si celles-ci ne sont pas forcément juridiquement contraignantes). Enfin, des parlementaires doivent faire partie de plein droit des délégations gouvernementales aux organisations internationales.
Aux efforts déployés à l'échelon national doit s'ajouter un engagement international, par exemple par le biais d'une coopération interparlementaire internationale et régionale, du type esquissé à la section trois du présent chapitre.
Quant aux affaires internationales, cette approche a été validée par deux conférences mondiales récentes des présidents de parlement; toutes deux ont été d'avis que le meilleur moyen de combler le déficit de démocratie à l'échelon international était d'utiliser les organisations et assemblées parlementaires existantes, qui tirent leur légitimité d'un scrutin national démocratique, et non pas de créer de nouvelles structures. L'organe de coordination approprié de ces instances au sein des organisations internationales serait l'UIP elle-même, organisation mondiale des parlements. En particulier, l'UIP s'étant vu octroyer, en 2002, le statut d'observateur permanent auprès de l'Organisation des Nations Unies, les présidents de parlement ont jugé qu'elle était l'instance la mieux capable de conférer une dimension véritablement démocratique aux Nations Unies elles-mêmes.
L'autre mérite de l'approche préconisée par l'UIP est qu'elle offre un excellent moyen de combiner les deux stratégies propres à combler le déficit de démocratie de la politique internationale : par un meilleur contrôle parlementaire à l'échelon national, d'une part, et, de l'autre, par un engagement dans les organisations et assemblées parlementaires internationales. Des élus investis d'une véritable légitimité démocratique seraient impliqués aux deux niveaux. Les parlementaires retenus seraient ceux qui s'intéressent de près aux questions abordées, ne fût-ce que parce qu'ils en traitent déjà dans les commissions de leur propre parlement.
Cette approche sur deux fronts a été entérinée par la Déclaration de la deuxième Conférence mondiale des Présidents de parlement, tenue à New York en septembre 2005 :
- Nous réaffirmons la Déclaration de la première Conférence des présidents de parlement (2000) où nous engagions tous les parlements et leur organisation mondiale - l'Union interparlementaire (UIP) - à donner une dimension parlementaire à la coopération internationale. [...] Nous considérons que les parlements doivent être activement engagés sur la scène internationale, non seulement par la coopération interparlementaire et la diplomatie parlementaire, mais aussi en contribuant aux négociations internationales, en en suivant le déroulement, en supervisant la mise en œuvre par les gouvernements des instruments adoptés et en veillant au respect des normes internationales et de l'état de droit. De même, le Parlement doit être plus soucieux de passer au crible les activités des organisations internationales et d'apporter une contribution à leurs débats.
- Aussi nous réjouissons-nous du débat actuel sur la meilleure manière d'assurer une interaction plus importante et plus structurée entre l'ONU et les parlements nationaux. Nous réaffirmons les recommandations faites à ce propos dans notre déclaration de l'an 2000 et affirmons que cette interaction doit être, pour l'essentiel, ancrée dans le travail quotidien de nos parlements nationaux. Au niveau international, nous nous proposons de travailler plus étroitement que jamais avec l'UIP que nous considérons comme un homologue parlementaire des Nations Unies sans équivalent.
- A cette fin, nous encourageons l'UIP à veiller à ce que les parlements nationaux soient mieux informés des activités des Nations Unies. En outre, nous invitons l'UIP à faire appel plus souvent à l'expertise des membres des commissions permanentes et spécialisées des parlements nationaux pour traiter des enjeux appelant une coopération internationale. Nous encourageons par ailleurs l'UIP à développer encore les auditions parlementaires et les réunions spécialisées aux Nations Unies et à coopérer davantage avec les assemblées et organisations parlementaires régionales officielles pour accroître la cohérence et l'efficacité de la coopération parlementaire mondiale et interrégionale.
Enfin, comme nous l'avons vu aux chapitres précédents de ce Guide, l'efficacité d'un parlement dépend grandement des ressources humaines et matérielles - en particulier des informations - dont il dispose. C'est ce qui fait le plus souvent défaut dans les nouvelles démocraties; il convient donc de remédier à ces manques par le biais d'une coopération internationale aux échelons multilatéral et bilatéral.
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