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 Genève, le 8 mars 2011IPU Logo-bottom

INTERVIEWS A L'OCCASION DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LA FEMME

Pour marquer le 100ème anniversaire de la Journée internationale de la femme, des élues de différentes régions du monde nous font partager leur expérience politique. Elles ont répondu à des questions concernant l'importance des femmes en politique, leur motivation pour entrer en politique, leur conseil à une jeune femme intéressée à faire de la politique et les éussites dont elles sont particulièrement fières.

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La nomination de Michelle Bachelet à la tête d'ONU Femmes est l'apogée de ce qui a commencé à Mexico en 1975

Entretien avec Mme Rosario Green, sénatrice mexicaine, Présidente du Comité des droits de l'homme de l'UIP

Mme Rosario Green  
Sénatrice mexicaine Rosario Green est ancienne ministre des Affaires étrangères et ex-Secrétaire générale du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI). Elle fut aussi Secrétaire générale adjointe aux Affaires politiques à l'ONU et membre du Cabinet du Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali.

Q : Comment voyez-vous l’évolution de la situation de la femme dans le monde ?
R.G. L’évolution des questions liées à la femme tout au long de mon parcours politique est intéressante. Je travaillais au Ministère des affaires étrangères en tant que consultante lorsque la première Conférence mondiale sur les femmes a eu lieu à Mexico, en 1975. J’ai eu la possibilité de participer à deux évènements majeurs : la Conférence et le forum des organisations non gouvernementales (ONG) qui réunissait des personnalités telles que Susan Sontag. Cette première conférence et celles qui ont suivi ont permis l’introduction des questions relatives à la femme dans les documents des Nations Unies et des gouvernements, prise de conscience qui a trouvé sa pleine expression dans la notion d’intégration des questions de genre à l’ensemble des activités Puis il y eut la Conférence de Beijing où j’aurais probablement été l’oratrice principale, étant à l’époque Secrétaire générale adjointe à l’ONU et membre du Cabinet de M. Boutros Boutros-Ghali, si je ne m’étais pas cassé le pied juste avant de partir. Après ma convalescence, je suis devenue la porte-parole de M. Boutros-Ghali pour les questions relatives aux femmes.

Q : Que reste-t-il de cette époque pionnière ?
R.G.  Le fait de nous demander quelle conséquence peut avoir pour les femmes chaque action que nous entreprenons est devenu un automatisme dans de nombreux pays. Il est plus facile de mobiliser les femmes et les hommes contre la lapidation ou les mutilations génitales féminines par exemple. Je suis très contente qu’une Latino-américaine, l’ancienne Présidente du Chili Michelle Bachelet, dirige la nouvelle agence appelée ONU Femmes. Une personnalité d’une telle envergure politique permettra de fédérer certains espaces considérés comme intouchables. C’est l’apogée de ce qui a commencé à Mexico en 1975.

Q : Quelle est la situation de la femme mexicaine ?
R.G. A certains égards, elle s’est un peu améliorée, mais cela n’est pas le cas dans d’autres domaines. Cela m’afflige de voir que nous les législatrices sommes si peu nombreuses, et ce même si des règles claires dans les partis politiques stipulent qu’un tiers au moins des candidats sur les listes doivent être des femmes. Au Sénat de la République, des femmes ont été élues mais dès qu’elles ont commencé à siéger, elles ont demandé un congé pour être remplacées par leur suppléant, qui était généralement un homme. Nous avons protesté. Les suppléants des élues doivent être des femmes pour éviter que la proportion hommes/femmes soit modifiée. D’ailleurs, nous ne représentons même pas un tiers des élus. C’est une chose d’inclure un tiers de femmes sur les listes, c’en est une autre qu’elles soient élues. Autre fait difficile à admettre : nous avons toujours un club d’hommes au niveau des bureaux des Chambres. Il n’y a pas de femme aux postes de prise de décision et les chefs des groupes parlementaires sont toujours des hommes. Ils constituent les bureaux de coordination politique où se prennent les décisions. Les Présidents du Sénat et de la Chambre sont généralement des hommes. Au Sénat, aucune femme ne détient un poste de pouvoir.

Q : Où se situent les progrès ?
R.G Dans la sphère familiale. Je crois qu’il y a plus d’égalité dans la division des tâches ménagères au sein des jeunes couples. Je le vois avec mon fils et sa génération d’hommes de 35 ans. Ils changent les couches, chauffent le biberon, nourrissent et promènent les enfants. C’est de là que peut venir le changement. Les femmes mexicaines sont plus nombreuses que les hommes, mais nous ne sommes pas représentées dans les hauts lieux du pouvoir exécutif, législatif, judiciaire, ou économique, les grands chefs d’entreprise étant des hommes. Cela n’a rien à voir avec les lois. Le Mexique s’est doté d’une législation avancée prévoyant l’égalité entre hommes et femmes.  Cela à avoir avec la tradition et avec ce machisme absurde qui ne reflètent pas la réalité. Aujourd’hui, les femmes de la classe moyenne travaillent autant que les hommes, de nombreuses femmes sont chef de famille et être mère célibataire est une chose courante.  

Q : Qu’attendez-vous des partis ?
R.G. J’ai été Secrétaire générale du PRI, parti où si le président est un homme, la secrétaire générale doit être une femme. Cette règle est respectée, mais pour le reste, non. La bonne volonté ne suffit pas. J’exige qu’il y ait des quotas et je n’accepte pas qu’on dise que les quotas stressent les femmes, parce qu’elles ne savent pas comment arriver autrement. C’est l’argument le plus machiste que j’aie entendu !

Q : Une femme fait-elle de la politique autrement ?
R.G. Oui, nous sommes habituées depuis toutes petites à utiliser tous nos atouts pour atteindre nos objectifs : énergie, intelligence, intuition, talents, beauté, charme et façon différente de gérer notre emploi du temps.  Je ne viens pas d’une classe politique, d’un réseau ou d’un milieu fortuné, je viens d’une classe éduquée. Pour réussir, j’ai mis à profit les ressources que m’a données l’éducation, avec une force de caractère et une assurance que je me suis inventées.

Q : Que dites-vous à une jeune femme qui souhaite se lancer en politique ?
R.G. Qu’elle ne doit jamais renoncer ! Qu’elle ait confiance en ce qu’elle a, qu’elle croie en sa capacité à apprendre et à résoudre les problèmes. Qu’elle étudie, qu’elle cherche à s’améliorer de toutes les façons. Personne ne croit que je suis très timide parce que je suis parvenue à occuper de très hauts postes, mais chaque nouvelle étape implique pour moi une grande violence intérieure. Je me mets à l’épreuve. Cela veut dire reconnaître ma solitude et ma vulnérabilité. Il n’y a pas de manuel pour apprendre à avancer, cela dépend de ce que nous avons en nous. Il ne faut pas avoir peur des défis, il faut les affronter. Après m’être cognée la tête et avoir réussi à surmonter un obstacle, je me dis qu’au fond ce n’étais pas si difficile.

Q : Autre défi, la présidence du Comité des droits de l’homme des parlementaires de l’UIP…
R.G. Au début, cela m’a fait peur. Aucune des deux langues de travail du Comité, le français et l’anglais, n’est ma langue maternelle. J’ai décidé de ne pas utiliser l’espagnol car je voulais relever le défi de me sentir à l’aise dans une langue qui n’est pas la mienne et trouver la meilleure façon de m’exprimer. C’était un défi, surtout en venant à la suite d’une femme d’une grande force et d’une grande fermeté comme la sénatrice canadienne Sharon Carstairs Je suis Latino-américaine et le Comité examine de nombreux cas d’allégations de violations des droits qui touchent des élus latino-américains. Rester ferme lorsqu’il faut parler de cas qui nous fendent l’âme est un défi majeur. Je dois tenter d’émouvoir les membres d’une Assemblée interparlementaire sur des cas de tortures, de disparitions forcées, d’assassinats, d’hommes et de femmes jetés en prison sans motif à charge en face desquels on ne peut pas rester indifférents. Faire partager cette préoccupation à l’Assemblée de l’UIP est un défi important parce que je sais que si j’y parviens, j’aurai acquis un allié de plus à la cause.

Q : Parlons de la violence envers les femmes, dont celles de Ciudad Juarez.
R.G. La violence au Mexique est sans pitié. Elle est en grande partie liée au trafic de stupéfiants et elle a aussi un lien avec la violence au foyer. Nous avons une loi contre la violence mais ce qui se passe montre que la loi seule ne résout rien. La femme a si peu d’importance qu’on peut la punir en lui ôtant la vie et cela passe et est considéré comme une lamentation de plus. S’il a été prouvé qu’un grand nombre de morts qui ont eu lieu à Ciudad Juarez étaient liées à la violence au foyer, je ne suis pas satisfaite parce que justice n’a pas été rendue, puisque les coupables n’ont pas été emprisonnés.

Cet entretien a aussi été publié dans l'édition de mars du magazine UN Special.


Fondée en 1889 et basée à Genève, l'UIP, doyenne des organisations politiques internationales, compte 155 parlements nationaux affiliés et neuf assemblées parlementaires régionales comme membres associés. L'organisation mondiale des parlements dispose d'un Bureau à New York en tant qu'Observateur permanent auprès de l'ONU.
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