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PARLEMENT ET DEMOCRATIE AU VINGT-ET-UNIEME SIECLE :
GUIDE DES BONNES PRATIQUES


2. Un parlement représentatif

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Le premier critère d'un parlement démocratique est qu'il doit être représentatif du peuple. Avant toute chose, cela signifie que le parlement doit incarner la volonté populaire telle qu'exprimée par les électeurs lorsqu'ils choisissent leurs représentants ainsi que les partis politiques au nom desquels ces élus agissent. Tout parlement qui serait, à cet égard, non représentatif, que ce soit en raison de déficiences dans la procédure électorale ou dans le système électoral lui-même, renonce dans cette mesure à la légitimité et est moins à même de représenter l'opinion publique sur les principales questions de l'heure. Un parlement démocratique doit, par ailleurs, refléter la diversité sociale de la population en termes de sexes, langues, religions, groupes ethniques et autres caractéristiques politiquement importantes. Un parlement non représentatif en ce sens donne nécessairement à certains groupes sociaux et communautés le sentiment qu'ils sont désavantagés dans le processus politique, voire complètement exclus, avec les conséquences que cela entraîne pour la qualité de la vie publique ou la stabilité du système politique et la cohésion sociale.

Pour qu'un parlement démocratique soit réellement représentatif aux divers sens évoqués ci-dessus, il faut d'abord qu'il soit adéquatement composé, ce qui dépend du processus électoral. Il faut ensuite qu'il soit doté de procédures parlementaires équitables et sans exclusive, donnant à tous ses membres la possibilité d'exprimer leur point de vue, de participer au travail parlementaire sur un même pied d'égalité avec les autres et de construire une carrière parlementaire. Certes, la composition du parlement semble, à première vue, résulter d'un processus pré-parlementaire, mais les parlements n'en sont pas moins en mesure d'influer indirectement sur leur propre composition et, grâce à leur pouvoir législatif, de fixer les règles du jeu électoral. Quant au caractère équitable et sans exclusive des procédures, il relève à l'évidence du contrôle direct du parlement.

Des règles et procédures électorales garantissant qu'un parlement est politiquement représentatif

Trois caractéristiques du processus électoral concourent à la réalisation de cet objectif. On doit d'abord avoir la garantie de procédures électorales équitables, une condition élémentaire permettant d'assurer que nul électeur, candidat ou parti ne soit systématiquement désavantagé ou victime d'une discrimination. Les normes régissant des "élections libres et régulières" sont désormais bien définies puisqu'elles s'appliquent à tous les niveaux : de l'inscription des électeurs et des partis à chaque aspect du processus électoral lui-même, sans oublier les procédures de recours contre le résultat, de préférence sous la supervision, d'un bout à l'autre, d'une commission électorale indépendante. Des normes certes complexes, mais qui visent à respecter un principe très simple, inscrit dans la Convention internationale sur les droits civiques et politiques (voir encadré ci-dessous). Ce n'est pas le lieu, ici, d'évoquer ces normes plus en détail, rappelons simplement que leur respect ne doit pas être pris pour acquis. Allègrement violées dans quelques pays, appliquées de façon plutôt sommaire dans plusieurs autres, elles requièrent une vigilance constante si l'on veut que le parlement soit, et demeure, représentatif.

En même temps, nous ne devons pas écarter la possibilité qu'un parlement soit non représentatif en raison de restrictions importantes sur le plan du suffrage. A cet égard, la réponse du Sultanat d'Oman a fait une grande place à l'extension du suffrage à tous les citoyens de plus de 21 ans lors des dernières élections au Conseil de la Choura en 2003. D'autres pays ont signalé qu'ils avaient étendu le suffrage aux citoyens vivant à l'étranger, une extension qui prend une importance toute particulière dans le cas de pays ayant une forte proportion de travailleurs expatriés. De ce fait, les Philippines ont grossi leurs listes électorales de quelque 7,5 millions de nouveaux électeurs potentiels en 2003; dans le cas du Mexique en 2005, leur nombre a été de plus de 10 millions. D'autres pays encore ont augmenté leur nombre d'électeurs en fixant l'âge minimum à 18 ans, voire à 16.

Encadré : Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 25

Chaque citoyen doit avoir le droit et la possibilité :

  1. De participer à la conduite des affaires publiques, directement, ou par le biais de représentants librement choisis.
  2. De voter et de se faire élire dans le cadre d'élections périodiques authentiques qui se tiennent au suffrage universel égal et au scrutin secret, garantissant la libre expression de la volonté des électeurs.
  3. D'avoir accès, dans des termes généraux d'égalité aux services publics de son pays.

Source: Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Consulté le 20.07.2005 à Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme <http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm>

Autres lectures en ligne sur les élections libres et régulières :

Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) (2002). Lignes directrices en matière électorale. <http://www.venice.coe.int/docs/2002/CDL-AD(2002)013-F.asp?MenuL=F>

Goodwin-Gill, G (2006). Elections libres et régulières. Union interparlementaire <http://www.ipu.org/PDF/publications/Free&Fair06-f.pdf>

Union interparlementaire (1994). Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières <http://www.ipu.org/cnl-f/154-free.htm>

Nelson, S (2002). Normes pour juger les élections. Projet Administration et coût des élections

Organization for Security and Co-operation in Europe, Office for Democratic Institutions and Human Rights (2003). Existing commitments for democratic elections in OSCE participating states. <http://www.osce.org/documents/odihr/2003/10/772_en.pdf>

Southern Africa Development Community (2004). SADC principles and guidelines governing democratic elections <http://www.iss.co.za/AF/RegOrg/unity_to_union/pdfs/sadc/elecprinciples.pdf>

Southern Africa Development Community Parliamentary Forum (2001). Norms and standards for elections in the SADC region <http://www.sadcpf.org/documents/SADCPF_ElectionNormsStandards.pdf>>

   Systèmes électoraux

Le deuxième critère de la représentativité politique d'un parlement est le bon fonctionnement du système électoral dans le contexte social et politique du pays, l'équité avec laquelle les divers partis politiques sont traités, le soutien dont ces derniers bénéficient dans l'électorat étant le meilleur indicateur de l'opinion publique. Plusieurs systèmes électoraux sont actuellement en usage; les trois plus courants sont :

  • Le scrutin uninominal en vertu duquel, dans chaque circonscription, les électeurs votent pour un seul candidat. Lorsque le scrutin est à un seul tour, le candidat qui recueille le plus de suffrages l'emporte, qu'il ait ou non réuni la majorité absolue des suffrages exprimés. Le scrutin uninominal à deux tours avec élimination des candidats autres que les deux premiers, permet de garantir que le candidat élu a remporté la majorité non plus relative mais absolue des voix. Dans certains pays ce résultat peut être atteint par un système de report ou transfert des voix.
  • Le scrutin de liste avec attribution des sièges à la proportionnelle. Dans ce cas, les partis politiques présentent des listes de candidats, classés selon un ordre fixe, qui briguent les sièges - en nombre supérieur à 1 - à pourvoir dans chacune des circonscriptions électorales établi au niveau régional, voire national. Le nombre de candidats élus sur chacune des listes est proportionnel au nombre de suffrages exprimés en faveur des différents partis dans la circonscription.
  • Le système mixte. Dans ce cas, les électeurs disposent de deux voix, l'une pour le représentant de circonscription à élire au scrutin uninominal, l'autre pour une liste ou un parti permettant l'attribution de sièges supplémentaires, à la proportionnelle, au niveau régional ou national. Ce système a pour effet d'équilibrer la représentation des différents partis au sein du parlement en introduisant une dose de proportionnalité plus ou moins forte en fonction du nombre de représentants élus selon chacune des deux méthodes.

L'analyse de ces trois systèmes montre que le système de scrutin majoritaire à un tour peut aboutir à la constitution d'un parlement présentant une répartition des sièges entre les partis peu en rapport avec les suffrages obtenus par ces partis au niveau national, donc d'un parlement peu représentatif de la volonté populaire du pays. La comparaison des résultats des élections récemment tenues en Inde et au Royaume-Uni montre combien ces résultats dépendent du contexte national particulier (voir l'encadré ci-dessous). Bien que les résultats obtenus en Inde traduisent un manque de concordance flagrant entre les votes exprimés et le nombre de sièges remportés dans les différents Etats de l'Union indienne par les différents partis politiques, le résultat national du scrutin n'en était pas moins largement représentatif de l'opinion politique du pays, alors que les élections intervenues au Royaume-Uni ont débouché, à l'instar des deux précédents scrutins, sur un parlement fort peu représentatif.

Encadré : Résultats d'élections en Inde et au Royaume-Uni

  % des voix sièges % de sièges
Inde, 2004
Congrès & alliés 36.5 222 41
BJP & alliés 36 189 35
Autres 27.5 132 24
Royaume-Uni, 2005
Travaillistes 36 356 55
Conservateurs 33 197 30
Libéraux Démocrate 23 62 10
Autres 8 31 5

Source : Union interparlementaire

Le scrutin de liste, par contre, est conçu pour permettre la constitution d'un parlement reflétant largement le choix des électeurs, qui ont à choisir entre différents partis politiques, et donc tout l'éventail des opinions politiques du pays. L'inconvénient de ce système est qu'il peut rompre le lien entre les électeurs et un représentant local identifiable – or ce lien est important dans la mesure où il met l'élu en contact avec ses mandants et lui permet de représenter les intérêts locaux. Les communications reçues dans le cadre de la présente étude montrent qu'un certain nombre de parlements naguère fondés sur le système du représentant unique par circonscription y ont récemment ajouté un volet scrutin de liste, ce qui constitue la réforme la plus simple permettant de disposer d'un parlement plus représentatif et plus inclusif. En 2002, par exemple, le Parlement de Monaco a ajouté un élément de proportionnalité à son système de scrutin à deux tours, de manière à garantir une représentation politique plus diversifiée au Conseil national. La République de Corée a modifié sa loi électorale en 2004, instituant un système "Une personne, deux voix", en vertu duquel chaque électeur met dans l'urne un bulletin en faveur d'un candidat qui se présente dans sa circonscription et un second bulletin en faveur du parti politique qu'il préfère, ce qui permet de répartir 56 sièges additionnels à la proportionnelle. "En conséquence, la 17ème Assemblée nationale est devenue plus représentative et fait entendre la voix de tous les groupes de la société". L'effet d'une telle réforme, qui permet à certains secteurs de la société, jusque là sous-représentés, de s'assumer, est reflété dans la communication sur les Philippines d'un membre du groupe de travail de l'UIP.

La promulgation, en 1995, de la loi instituant le scrutin de liste, applicable à 20% des membres de la Chambre des représentants du Congrès des Philippines, ce qui représente l'attribution d'un maximum de 53 sièges pour un total de 236 membres, a constitué une avancée en direction du démantèlement du monopole exercé par les grandes sociétés et les grands propriétaires fonciers sur la composition du Congrès des Philippines. C'est un système de représentation proportionnelle qui vient s'ajouter, à l'échelon du district électoral, au système de la majorité relative, fondé sur un scrutin majoritaire à un tour. Bien qu'imparfait et méritant d'être amendé, le scrutin de liste a permis l'élection de représentants des secteurs "marginalisés et sous-représentés de la société philippine.

Autres lectures en ligne sur les différents systèmes électoraux :

Projet Administration et coût des élections (2003). Systèmes électoraux: table des matières. <http://www.aceproject.org/main/frnancais/es/>

Projet EPIC : Collecte de données sur le processus électoral (2004). Résultats de la recherche EPIC pour Systèmes électoraux. <http://ace.at.org/epic-fr/es>

International IDEA (2002). La conception des systèmes électoraux : un manuel de International IDEA. <http://www.idea.int/publications/esd/upload/ESD_French_full_book.pdf>

Union interparlementaire (2006). Base de données Parline : module sur les systèmes électoraux. <http://www.ipu.org/parline-f/parlinesearch.asp>

   Qui vote, en fait ?

Indépendamment du caractère intégrateur du suffrage et de la nature du système électoral, il est clair que la représentativité politique du Parlement peut également dépendre de qui exercent effectivement leur droit de vote. Parmi les nombreuses raisons invoquées pour ne pas voter, l'une des plus courantes tient à la conviction que les élus, quels qui soient, ne représenteront pas les intérêts de leurs électeurs. Si cette croyance est plus manifeste dans certains secteurs de la société que dans d'autres, elle peut fausser la composition du parlement issu du scrutin. Ainsi, par exemple, le coût d'une campagne électorale risque d'inciter les élus à représenter davantage le point de vue de leurs soutiens financiers que celui de leurs électeurs. Nous fournirons des exemples de bonnes pratiques en matière de réglementation des campagnes et du financement des partis dans le chapitre intitulé Un Parlement qui rend des comptes. Qu'il nous suffise, ici, de rappeler cette citation du Parlement canadien sur l'importance d'une rigueur financière absolue, sans laquelle il n'est pas de processus électoral crédible et, de ce fait, sur l'importance du taux de participation électorale.

Les partis politiques sont au cœur des systèmes politiques et électoraux modernes. Sans eux il ne peut y avoir de système démocratique dynamique et viable. Les récentes modifications apportées à la loi canadienne sur les élections et la loi de l'impôt sur le revenu régissant le financement des partis politiques et des candidats rendent le système électoral canadien plus représentatif. Ces amendements essentiels visent à mieux faire connaître les sources et les montants des financements, les limites des dons effectués par les particuliers et les interdictions de dons en faveur de candidats politiques de la part de personnes morales telles que les entreprises et les syndicats. Les modifications comportent également des mesures relatives aux financements publics, garantissant l'équité pour tous les partis politiques.

Au Canada, les hommes politiques accordent la plus haute importance aux taux de participation aux affaires publiques, surtout à celle des jeunes aux élections. Une préoccupation qui n'est aucunement propre au Canada puisqu'elle est partagée par toutes les démocraties occidentales. Les changements évoqués ci-dessus visent, entre autres, à redonner confiance dans le système électoral.

Pour plus d'informations sur le financement des candidats et des partis, voir chapitre 5.

Des règles et procédures électorales garantissant des parlements qui incarnent réellement la diversité sociale de la population.

Certes, il n'est pas possible de donner une liste exhaustive, dans l'abstrait, des groupes sociaux dont la sous-représentation au parlement pourrait devenir préoccupante dans un pays donné, mais la question de la représentation des femmes est universelle, de même que la représentation des communautés minoritaires ou marginales, qu'elles soient linguistiques, religieuses, ethniques, peuples premiers ou tous à la fois. Un parlement démocratique ne manque pas de prendre des mesures efficaces visant à éviter toutes les exclusions.

   Les femmes au Parlement

Dans presque toutes les sociétés, la politique a toujours été une chasse gardée masculine, les femmes devant surmonter toutes sortes d'obstacles pour y participer. Dans les démocraties occidentales, le droit de vote n'a été accordé aux femmes que depuis peu, mais l'égalité avec les hommes en termes de vote n'a pas abouti à l'égalité des chances devant les mandats électifs. Aujourd'hui encore, les femmes ne représentent que 16,4% approximativement de l'ensemble des législateurs dans le monde. Elles ne sont pas représentées du tout dans 11 parlements et, dans la chambre unique ou basse de 60 parlements, leur pourcentage est inférieur à 10% (chiffres au 28 février 2006).

Pourquoi cette question est-elle grave du point de vue démocratique ? En 2000, l'UIP a effectué une enquête sur les femmes parlementaires dans le monde, recueillant leurs points de vue et leurs expériences du travail parlementaire. Dans sa publication Politique : Les femmes témoignent, les femmes répondent à cette question dans leurs propres termes :

  • S'agit-il d'une question d'égalité et de justice. "Une démocratie dans laquelle les femmes ne sont que marginalement représentées n'est pas une véritable démocratie … La participation des femmes à l'élaboration des politiques est une question de justice et d'égalité". "Tout déficit d'égalité pour les femmes, dans ce domaine, est un déficit de démocratie".
  • La présence de femmes change le processus et la culture politiques. "Les femmes ont, dans l'ensemble, une attitude moins antagoniste et sont plus enclines au consensus : elles cherchent moins à marquer des points en politique qu'à résoudre les problèmes". "Les femmes humanisent le monde politique … leur présence suscite des transformations". "Grâce aux femmes la politique commence à retrouver la confiance de l'opinion publique".
  • Les femmes changent les priorités politiques jusque-là purement masculines. "Les femmes sont beaucoup plus sensibles aux problèmes sociaux, surtout ceux liés à la pauvreté et à l'éducation des enfants". "Les femmes sont les premières à prendre conscience des problèmes économiques, d'éducation et de santé". "Leurs priorités sont beaucoup plus humaines, aussi bien pour les hommes que pour les femmes".

Les personnes ayant répondu à l'enquête s'accordent sur un point : pour que la présence des femmes produise des résultats concrets, il faut que leur nombre soit suffisant au parlement. A cet égard, elles confirment les résultats d'une enquête effectuée en 1995 par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui estimait qu'il fallait au moins 30% de représentation féminine dans les corps législatifs pour que les femmes, en tant que groupe, aient une influence sensible dans ces institutions.

La représentation des femmes s'est-elle améliorée depuis la parution de ce rapport du PNUD ? En 1995, seuls les parlements de 5 pays avaient une représentation féminine de plus de 30%, contre 20 actuellement et le pourcentage global des femmes parlementaires n'a cessé d'augmenter, passant de 11% à 16,4%, comme le montre le tableau 2.1..

Figure 2.1 : : Moyennes mondiales relatives à la présence des femmes dans les parlements nationaux, 1995 - 2006
Situation relevée au mois de janvier de chaque année, à l'exception de 1995 (juillet) et de 1996 (avril) *

Figure 2.1 : Moyennes mondiales relatives à la présence des femmes dans les parlements nationaux, 1995 - 2006

* Les pourcentages indiqués ne tiennent pas compte des parlements pour lesquels aucune donnée n'était disponible.
Source : Union interparlementaire

On trouvera la répartition régionale de ces chiffres dans le tableau 2.2. Ces moyennes régionales masquent des divergences importantes entre pays d'une même région. C'est la raison pour laquelle, par exemple, les pays nordiques se distinguent par rapport à la moyenne européenne. De même, le Maroc, la Tunisie et l'Iraq se différencient des Etats arabes, le dernier de ces pays ayant plus de 25 % de femmes parlementaires. En Afrique sub-saharienne, le Rwanda arrive en tête avec plus de 48 %. Sur le continent américain, la progression significative enregistrée dans la plupart des pays latins depuis 1995 est sans équivalent dans les pays d'Amérique du Nord. On peut donc dire que ces chiffres régionaux cachent des écarts importants entre les pays.

Figure 2.2 : Moyennes régionales relatives à la présence des femmes dans les parlements nationaux, 1995, 2000 et 2005
Situation pour les deux chambres du Parlement combinée en décembre de chaque année*
Figure 2.2 : Moyennes régionales relatives à la présence des femmes dans les parlements nationaux, 1995, 2000 et 2005
* Les pourcentages indiqués ne tiennent pas compte des parlements pour lesquels aucune donnée n'était disponible.
Source : Union interparlementaire (2006). Les Femmes au Parlement en 2005 : regard sur l'année écoulée <http://www.ipu.org/pdf/publications/women06_fr.pdf>

Autres lectures en ligne sur le pourcentage de femmes dans les parlements nationaux :

Union interparlementaire (2005). Les femmes en politique 2005: affiche. <http://www.ipu.org/pdf/publications/wmnmap05_fr.pdf>

Union interparlementaire (2006). Les femmes dans les parlements mondiaux : état de la situation au 28 février 2006 <http://www.ipu.org/wmn-f/classif.htm>

Union interparlementaire (2006). Les femmes dans les parlements mondiaux. Statistiques antérieures <http://www.ipu.org/wmn-f/world-arc.htm>

Union interparlementaire (2006). Les femmes en politique : 60 ans en rétrospective (dossier d'information) <http://www.ipu.org/PDF/publications/wmninfokit06_fr.pdf>

Quels sont donc les obstacles empêchant une progression plus rapide sur ce plan ? Et que peut-on faire pour y remédier ? On trouvera, ci-dessous, quelques pistes proposées par des femmes parlementaires à l'occasion de l'enquête UIP 2000, expliquant pourquoi elles sont si peu nombreuses dans les parlements et dans la vie politique en général :

  • Auto-exclusion. Beaucoup de femmes hésitent à participer à la vie politique en raison des rivalités et de l'agressivité qui y règnent et des sacrifices que cela impliquerait pour leur vie de famille.
  • L'hostilité masculine. Les directions des partis politiques sont le pré carré des hommes qui peuvent se montrer hostiles aux femmes.
  • Les heures des réunions. La plupart des réunions se tiennent le soir et en fin de semaine, ce qui les rend peu compatibles avec les obligations des femmes ayant charge de famille.
  • Le coût des campagnes électorales, lorsque les frais sont en partie à la charge du candidat et non totalement assumés par les partis politiques.

Alors que peut-on faire pour supprimer ces obstacles ? L'exemple des pays qui ont les plus forts taux de participation féminine ou qui ont enregistré la progression la plus remarquable au cours des dix dernières années, montre que les améliorations ne peuvent venir que de mesures volontaristes. à ce jour, 81 pays ont pris de telles mesures, le plus souvent à l'issue de campagnes énergiques menées par des organismes de promotion de la femme. Certaines ont force de loi, d'autre dépendent des partis eux-mêmes. On trouvera, ci-après, les principales d'entre elles :

  • Des sièges réservés aux femmes dans les parlements, à pourvoir par exemple en fonction de la proportion des sièges globalement remportés par les partis.
  • Proportions garanties sur les listes de candidats présentés par les partis, ou "quotas", réservés aux femmes, y compris aux meilleures places.
  • Listes exclusivement féminines pour la sélection de candidats dans des systèmes de circonscription, ou "jumelages" de circonscriptions, avec l'obligation de sélectionner un candidat de chaque sexe.

Des pays où la participation des femmes laissait fortement à désirer ont commencé à remédier à la situation en adoptant des mesures de ce type. Ainsi, en 2004, la République de Corée a mis en œuvre une combinaison de l'ensemble des mesures ci-dessus, les inscrivant dans sa législation. Désormais, la loi sur les partis politiques fait obligation de réserver 50% des sièges à la proportionnelle aux femmes et de présenter une femme pour deux candidats figurant en tête de liste. La loi sur les financements politiques permet d'accorder des subventions publiques aux partis présentant des femmes dans 30% de circonscriptions ou plus. Le résultat ne s'est pas fait attendre puisque le pourcentage de femmes dans la 17ème Assemblée nationale a doublé par rapport à l'Assemblée précédente, atteignant 13%. D'autres pays ont fait mieux en affectant davantage de sièges aux listes de partis qu'en Corée.

Des mesures volontaristes de ce type répondent à un souci d'égalité et sont conformes à l'esprit de l'article 4.1 de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

L'adoption, par les Etats parties, de mesures spéciales temporaires visant à accélérer l'égalité de fait entre les hommes et les femmes, ne saurait être considérée comme une discrimination ……lesdites mesures seront suspendues dès que les objectifs d'égalité des chances et de traitement auront été atteints.

Il ressort de ce texte que de telles mesures sont de nature à favoriser un changement à long terme, sachant qu'elles ne sont pas suffisantes. Le meilleur exemple en est le Bangladesh où la disposition réservant 30 sièges parlementaires additionnels aux femmes a expiré en 2000. Immédiatement, la représentation féminine au parlement s'est effondrée de 9 à 2%. Le texte de loi a donc été remis en œuvre avec augmentation des sièges additionnels, portés à 45. Cela prouve que des mesures volontaristes sont souvent une condition nécessaire mais non suffisante quand on veut améliorer la participation féminine à moyen terme.

Autres lectures en ligne sur les "quotas" et les autres mesures volontaristes :

Global database of quotas for women. <http://www.quotaproject.org/>

Htun, M (2004) Is gender like ethnicity? Global Database of Quotas for Women <http://www.quotaproject.org/other/HtunPOP2004.pdf>

International IDEA (2002). Les femmes au parlement : au-delà du nombre. <http://www.idea.int/gender/wip_handbook.cfm>

International IDEA (2004). The implementation of quotas: African experiences <http://www.quotaproject.org/publications/Quotas_Africa.pdf>

Union interparlementaire (2004). Les femmes au parlement en 2005 : regard sur l'année écoulée. <http://www.ipu.org/pdf/publications/women06_fr.pdf>

   La représentation des communautés minoritaires et marginales

Le fait qu'il n'y ait pas de partis représentant les minorités au Parlement ne signifie pas nécessairement que les identités propres de ces minorités et leurs intérêts soient ignorés. Il arrive, en effet, que lesdits intérêts soient adéquatement représentés par les principaux partis. Par ailleurs, rien n'interdit aux partis de désigner un porte-parole pour une minorité ou de mettre en œuvre des systèmes de vote permettant à leurs membres d'accorder un soutien supplémentaire aux candidats appartenant à une minorité. Cependant, la représentation des minorités dans le cadre des grands partis ne donne de bons résultats que lorsque la minorité constitue une forte proportion de la population.

Lorsqu'on craint que des minorités ne soient pas correctement représentées au parlement, on peut opter pour diverses solutions en fonction du type de système électoral et du degré de concentration géographique de la minorité ou des minorités concernées.

  • Réduction des seuils d'enregistrement, de financement ou d'entrée au parlement. Pour faciliter la participation de groupes numériquement peu importants, on peut réduire le nombre de signatures nécessaires à l'enregistrement d'un parti politique ou le nombre d'électeurs requis pour l'obtention de financements publics. De même, les partis enregistrés comme appartenant à une minorité nationale peuvent être autorisés à entrer au parlement avec un seuil inférieur de votes populaires.
  • Définir un découpage des circonscriptions donnant aux minorités de meilleures perspectives (ce qu'on appelle "affirmative gerrymandering" ou discrimination électorale positive). En cas de minorités concentrées dans une région particulière, on peut affecter un nombre de sièges plus favorable à cette région.
  • Les quotas de candidats de partis, de sorte que dans certaines régions un pourcentage minimum de candidats appartenant aux minorités soit nécessairement retenu sur les listes de partis. A Singapour, par exemple, 14 circonscriptions sur 23 sont prévues pour assurer une représentation des groupes ethniques; sur la liste présentée par chaque parti doit obligatoirement figurer au moins un candidat appartenant à une minorité.
  • Des sièges réservés pour les représentants des minorités. Cette méthode est la plus fréquente dans le monde puisqu'elle est actuellement employée par 25 pays de toutes les régions. L'Inde réserve actuellement 79 des 543 sièges du Lok Sabha aux 41 castes et tribus inscrites. L'Ile Maurice réserve 8 de ses 70 sièges aux "meilleurs perdants" représentant les quatre communautés ethniques reconnues par la constitution. La Slovénie, enfin, réserve un siège à la "communauté nationale" italienne et un à la communauté hongroise.

Aucune de ces méthodes ne fait l'unanimité. Les quotas en faveur des minorités sur les listes des partis principaux risquent, par exemple, d'empêcher les communautés concernées de se faire représenter par leurs propres organisations autonomes, ce qu'elles préfèrent parfois. En revanche, des mesures visant à soutenir des organisations autonomes renforcent parfois le séparatisme identitaire, voire sapent l'unité nationale. La Nouvelle-Zélande, confrontée à ce dilemme, a donné à ses électeurs maoris le choix entre l'inscription sur une liste électorale nationale ou sur une liste maorie séparée, autorisant ceux qui optent pour la deuxième solution à fixer le nombre de sièges réservés au parlement. Reste que protéger les droits des minorités sans susciter un ressentiment chez la majorité est partout un exercice difficile. Il faut donc choisir des solutions en fonction des circonstances propres à chaque pays. N'oublions pas non plus qu'il arrive que des communautés marginalisées dans leur représentation parlementaire constituent une majorité de la population.

Dans les pays sortant d'un conflit, il faut parfois trouver des solutions électorales particulières, ainsi que dans ceux qui essaient de rétablir la démocratie après une intervention de l'armée due à des heurts entre communautés. De telles solutions peuvent être provisoires et donner lieu à des désaccords sur la définition de la démocratie, comme le montre la réponse des îles Fidji :

Pour ce qui est de la représentation, le système électoral par communautés pour le renouvellement des sièges à la Chambre des représentants a été spécialement conçu en fonction de la diversité ethnique des îles Fidji. Cet Etat a connu tant de luttes pour maintenir la démocratie qu'il considère actuellement ce système comme le plus adapté puisqu'il garantit la représentation des grands groupes ethniques et maintient l'équilibre en permettant à tous les citoyens inscrits dans une circonscription donnée d'élire des parlementaires pour pourvoir des sièges ouverts. Les avis restent partagés aux Fidji pour ce qui est d'un système électoral susceptible de garantir une majorité indigène fidjienne à la Chambre des représentants ou d'une réforme conduisant à élire tous les membres de la Chambre à des sièges ouverts.

   Le rôle d'une seconde chambre

La seconde chambre du Parlement (ou Chambre haute) peut jouer un rôle clé en représentant la population nationale dans toute sa diversité. Il va de soi que dans un système fédéral la diversité territoriale du pays est reflétée dans la représentation des différents Etats ou provinces et dans l'intérêt qu'ils témoignent pour une seconde chambre; celle-ci peut avoir pour mandat particulier d'étudier l'impact de la loi dans les différentes régions et localités. Cette fonction territoriale n'est pas l'apanage des seuls systèmes fédéraux; et elle peut prévoir, comme le fait la France, une représentation spéciale à la seconde chambre des citoyens vivant à l'étranger. Dans tous les pays qui se sont dotés d'un système bicaméral, le mode de sélection de la seconde chambre peut également servir à assurer une meilleure représentation des divers groupes sociaux et des différentes communautés, soit via l'adoption d'un système électoral différent pour la seconde chambre, soit par le biais de procédures de nomination (lorsqu'il est prévu que des membres sont nommés). On peut ainsi améliorer la représentativité sociale du parlement, en prévoyant, par exemple, la représentation de groupes particuliers comme les personnes handicapées, les groupes sociaux marginalisés et les petites minorités de toute sorte.

Autres lectures en ligne sur la représentation des communautés minoritaires et marginales :

Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) (2000). Droit electoral et minorites nationales <http://www.venice.coe.int/docs/2000/CDL-INF(2000)004-f.asp>

Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) (2005). Rapport sur les règles électorales et les actions positives en faveur de la participation des minorités nationales aux processus de décision dans les pays européens <http://venice.coe.int/docs/2005/CDL-AD(2005)009-f.asp>

Foundation on Inter-Ethnic Relations (1999). Recommandations de Lund sur la participation effective des minorités nationales à la vie publique & Note explicative <http://www.osce.org/item/2929.html?lc=FR>

Ghai, Y (2001). Public participation and minorities. Minority Rights Group International <http://www.minorityrights.org/download.php?id=112>

Norris, P (2004). Ethnic minorities, dans Electoral engineering: voting rules and political behavior <http://ksghome.harvard.edu/~pnorris/ACROBAT/Institutions/Chapter 9.pdf>

Organization for Security and Co-operation in Europe, Office for Democratic Institutions and Human Rights (2001). Guidelines to assist national minority participation in the electoral process. <http://www.osce.org/item/13589.html?ch=129>

Des procédures parlementaires équitables et sans exclusive

Comme nous l'avons déjà indiqué, il ne suffit pas de soigner la composition d'un parlement pour qu'il soit parfaitement représentatif des citoyens. Encore faut-il que ses procédures et son mode de fonctionnement ne laissent personne sur le bord du chemin et permettent à chaque parlementaire de remplir parfaitement sa mission. Ne pas exclure, c'est là un principe aux implications multiples que nous nous proposons d'étudier une à une. Des conditions doivent être réunies dont la première est la présence d'un président d'assemblée impartial, soucieux d'assurer l'équité entre les différents groupes et partis. De nombreux parlements s'efforcent de faire en sorte que le président de leur assemblée soit 'au-dessus des partis', quitte à faire abstraction de ses loyautés antérieures. Kiribati exige même que les candidats au poste de président d'assemblée n'aient pas de passé parlementaire afin d'éviter toutes les pressions et les tentations de favoritisme dans l'exercice de leurs fonctions. La plupart des parlements, toujours dans le même souci, élisent des parlementaires dont l'impartialité est au-dessus de tout soupçon, notamment aux postes de président de commission ou de vice-président de l'assemblée. Le premier président du Lok Sabha indien, G.V. Mavalankar, incarnait on ne peut mieux ces qualités :

Comme Président du premier Lok Sabha d'une nation naissante, le rôle de G.V. Mavalankar n'était pas seulement celui d'un médiateur et d'un animateur de débats, mais celui d'un père fondateur investi d'une grande responsabilité : instaurer des règles, des procédures, des conventions et des coutumes conformes aux valeurs de la nation. Il s'attela à cette tâche avec patience, persévérance, sagesse et, surtout, un grand sens de l'Histoire. [...] Dans l'application du Règlement intérieur et la conduite des débats de la Chambre, Shri Mavalankar se montra d'une rare objectivité et ne fit jamais de distinction entre membres du parti au pouvoir et membres de l'opposition. Cette tradition s'est maintenue au cours des années et c'est elle qui garantit le bon fonctionnement de notre système parlementaire.

La description ci-dessus montre bien à quel point l'importance du caractère d'un président de parlement, (surtout s'il s'agit d'un parlement nouvellement créé ou encore jeune) dans l'instauration d'une tradition d'impartialité dans la conduite des débats. Dans les parlements où l'on conçoit le rôle du président comme celui d'une figure de proue représentant le parti ou la coalition au pouvoir, il est important de prévoir des mécanismes régulateurs pour s'assurer que les droits de tous les élus sont respectés.

   Un parlement ouvert à tous les partis

L'essentiel du travail parlementaire s'effectue dans les commissions, qu'elles soient législatives ou de contrôle, ou les deux à la fois. Dans presque tous les parlements, la composition de ces commissions est définie au prorata des sièges détenus par les différents partis ou formations à la Chambre dans son ensemble. Ainsi, la Serbie-Monténégro indique que "dans le processus de mise en place des instances de travail de l'Assemblée, on tient compte de la représentation proportionnelle des parlementaires de chaque Etat membre et chaque parti politique". Un certain nombre de parlements réservent la présidence de commissions particulières à un membre de l'opposition ou d'un parti de la minorité. L'Assemblée nationale française accorde à l'opposition le droit de désigner le président ou le rapporteur de n'importe qu'elle commission d'enquête ou mission d'information. Au Seimas lituanien un représentant de l'opposition est élu président ou vice-président de la Commission du budget et des finances, de même que pour la Commission des comptes publics dans les parlements de type Westminster.

Dans beaucoup de parlements, ce souci d'inclure tous les partis ne vaut pas que pour les seules commissions, il s'étend aussi à la prise de décision en privilégiant le consensus. Il est très souhaitable d'appliquer ce principe dans les commissions de procédure qui préparent le travail du Parlement. Au Zimbabwe, par exemple, une commission pluripartite tient une réunion hebdomadaire avec le président et le vice-président du parlement afin d'organiser les travaux de l'Assemblée de façon non partisane. De tels arrangements sont fréquents dans la plupart des parlements et nous en traiterons plus en détail au chapitre 6. Dans certains cas, cette recherche du consensus s'étend aussi à l'ensemble des commissions. A la Chambre des représentants chypriote "les débats en commission sont empreints d'un esprit de compromis et la plupart des lois sont adoptées à l'unanimité en plénière". Au Stortinget norvégien, une commission élargie des Affaires étrangères donne au gouvernement la possibilité de débattre des questions les plus importantes touchant au commerce, à la sécurité nationale et aux autres points de politique étrangère avec toutes les formations politiques, avant toute décision finale. "Cette commission a favorisé… le consensus en matière de politique étrangère en Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale". L'Assemblée nationale sénégalaise confie les projets de loi les plus importants à une commission ad hoc constituée des chefs de toutes les formations politiques, afin d'aboutir aux accords les plus larges.

En Australie, on trouve ce souci du consensus dans beaucoup de commissions :

One feature that marks House of Representatives committees is that they usually do not adopt a political approach to subjects considered by them; members from across the political spectrum usually adopt a non-confrontational attempt to reach a common solution. As such, their outputs are usually more productive and bring about effective change in governmental policy on issues of great importance to the Australian public.

Lorsque le consensus s'avère impossible dans les travaux en commission, beaucoup de parlements permettent la prise en compte de rapports des minorités.

   Des droits spécifiques pour les partis et groupes d'opposition ou minoritaires

Les parties d'opposition ou de minorités ont un rôle essentiel à jouer en exigeant du gouvernement qu'il rende compte et en proposant des options politiques alternatives au débat public. Dans les systèmes parlementaires où le gouvernement a l'initiative des débats et des projets de loi grâce à sa majorité, il est important que l'opposition ait le droit garanti d'inscrire à l'ordre du jour du parlement des points concernant les projets de loi et les débats, ainsi qu'un temps de parole. Pour la même raison, les partis de la minorité dans les législatures de pays à système présidentiel doivent avoir des droits similaires. Même dans système monarchique de l'Arabie saoudite, tout groupe constitué de dix membres de l'Assemblée a désormais le droit de déposer une proposition de loi ou un amendement à une loi en vigueur. Ces droits sont reconnus par tous les parlements ou presque.

Ainsi, dans la Camera dei Deputati italienne qui a un règlement très précis concernant le temps de parole, les groupes de l'opposition peuvent inscrire un nombre minimum de questions à l'ordre du jour, avec une proportion garantie du temps de parole affecté à chaque question. En cas de projets de loi proposés par le gouvernement, le temps de parole attribué aux formations de l'opposition est supérieur à celui des partis de la majorité. Le Seimas lituanien accorde aux formations de l'opposition un temps garanti leur permettant de proposer des projets de loi et des "ordres du jour" parlementaires et donne la priorité au chef de l'opposition lors des séances de questions aux ministres et des débats sur le Programme du gouvernement et sur son rapport annuel. La Chambre des Communes britannique affecte 20 jours, lors de chaque session, aux débats sur les questions proposées par l'opposition, dont 17 jours à la disposition du chef de la plus importante formation de l'opposition. Et on peut multiplier les exemples.

Pour plus d'informations les sur droits spécifiques pour les partis d'opposition au parlement :

Union interparlementaire (1999). Statut-type de l'opposition au parlement. <http://www.ipu.org/splz-f/gabon.htm>

   Pour les parlementaires de base

Toujours dans le même souci de ne pas exclure, il faut veiller à donner aux parlementaires qui n'ont pas de responsabilité particulière au sein de leur groupe politique la possibilité garantie de participer à toutes les activités du parlement. Beaucoup de parlements réservent à ces élus un temps de parole pour leur permettre de présenter des propositions de loi, de faire des propositions en commission ou en Chambre, de leur propre initiative, ou de lancer des débats.

De telles garanties peuvent, cependant, créer des problèmes. Ainsi la Knesset israélienne fait état dans sa réponse d'une prolifération de propositions de loi, ce qui complique singulièrement l'organisation de son travail. Le Riksdag suédois exprime les mêmes réserves sur le droit d'initiative de parlementaires non inscrits :

L'exercice plein et entier de ces droits peut nuire à la bonne marche du travail parlementaire. En Suède, l'utilisation de ce droit d'initiative par des parlementaires sans étiquette n'est pas sans poser quelques problèmes dans les commissions. Ces dernières sont saturées de questions soulevées par de telles initiatives. Contrairement à ce droit d'initiative, l'utilisation des autres droits est essentiellement contrôlée par les partis et non par les parlementaires eux-mêmes, ce qui réduit le risque d'utilisation excessive.

L'efficacité de l'organisation du travail est une préoccupation pour tous les parlements et nous y reviendrons au chapitre 6. Nous nous contenterons, ici, d'évoquer deux solutions apportées par d'autres parlements au problème signalé par la Suède. La première est la solution choisie par la Camera dei Deputati italienne qui recherche un accord en bonne et due forme avant le temps imparti à toutes les interventions, "y compris les interventions personnelles de parlementaires qui ne parlent pas au nom d'un groupe parlementaire". L'autre solution consiste tout simplement à rallonger le temps imparti. Par exemple, le Lok Sabha indien s'est doté d'un mécanisme appelé "heure zéro" qui commence à l'issue de la séance des questions et avant le début des débats sur les points inscrits à l'ordre du jour. D'aucuns le décrivent comme suit :

Ce mécanisme de l'Heure Zéro remonte au début des années soixante, époque à laquelle les parlementaires ont commencé à soulever des questions urgentes et de la plus haute importance pour la conduite des affaires publiques, parfois avec l'autorisation du président du parlement, parfois sans. Les parlementaires sont libres de soulever n'importe quelle question – internationale, nationale ou locale – qui les concerne. Ce mécanisme apparaît pour certains comme "un gaspillage de fonds publics", "une heure de démence", "l'aube glorieuse d'une époque néfaste" et "une chose indésirable". Reste qu'il donne lieu à des séances animées et importantes. Parfois on le considère comme la principale entrave empêchant les présidents de séance de traiter des questions régulièrement inscrites à l'ordre du jour, parfois comme un système original, digne de figurer dans le vocabulaire et la pratique parlementaires.

Une solution plus radicale pour accroître le temps attribué aux parlementaires de base consiste à mettre en place une instance parallèle. La Chambre des représentants australienne qui a été la première à se doter d'une telle institution, appelée Main Committee (Commission principale), la tient pour la plus grande réforme de ces dernières années. "Cette instance ne peut prendre l'initiative d'une question parlementaire ni de décision finale sur une telle question, mais elle peut se charger de n'importe quelle activité entre ces deux moments. Grâce à elle, le temps consacré aux questions soumises par le gouvernement et par des parlementaires individuels a été considérablement augmenté. Il a également permis d'organiser des débats continus sur les rapports des commissions parlementaires tout en donnant aux parlementaires la possibilité de mieux débattre". On trouve une instance parallèle similaire, appelée Westminster Hall, dans la Chambre des Communes britannique.

   Egalité entre les hommes et les femmes

Il ne suffit pas, pour que les femmes jouent pleinement leur rôle dans le travail parlementaire, de leur donner plus de chances de briguer un mandat électif. Encore faut-il que les parlements s'organisent de manière à faciliter la contribution des femmes et non à les désavantager, de sorte qu'elles remplissent leur rôle dans toutes les activités à égalité avec les hommes. Le Parlement sud-africain note "qu'en dépit des succès rencontrés dans l'augmentation du pourcentage d'élues, les femmes ont encore parfois du mal à remplir leur rôle politique, et que le parlement doit constamment veiller à ce que son infrastructure et son organisation permettent de satisfaire les besoins pratiques et stratégiques des femmes". Voici, d'ailleurs, leur point de vue tel que résumé dans l'enquête de l'UIP sur les femmes parlementaires : "la première préoccupation des femmes en politique est de concilier leur vie de famille avec leurs engagements… Les crèches ou les garderies de jour, telles que celles proposées par les parlements des pays nordiques aux parlementaires mères d'enfants en bas âge, sont encore un rêve lointain pour la plupart des femmes parlementaires des autres pays. Et on peut en dire autant de l'horaire des séances, qui doit être aménagé pour que les femmes parlementaires puissent mener de front leurs devoirs politiques et leur vie de famille (Politique : les Femmes témoignent, UIP, 2000).

Voici ce que dit une parlementaire du combat qu'elle doit livrer dans un immeuble exclusivement conçu pour des hommes :

J'avais pris l'habitude de me servir des toilettes pour hommes, jouxtant la salle des comités. Les autres femmes parlementaires m'ayant imitée, ces toilettes sont devenues, de fait, unisexes. Après mon départ, une crèche a enfin été mise en place et, à l'occasion d'une remise en état du bâtiment, on peut dire que les femmes et les hommes disposent désormais d'installations satisfaisantes aussi bien pour les parlementaires eux-mêmes que pour leurs familles. Par exemple, il y avait autrefois une salle réservée "aux conjointes des parlementaires", mais rien n'était prévu pour les conjoints des parlementaires.

Et il ne faut pas oublier l'horaire des débats. Beaucoup de parlements occidentaux tiennent des séances en fin d'après midi et qui ne se terminent que tard dans la nuit. C'est la raison pour laquelle la Chambre des Communes britannique, entre autres, essaye depuis peu de nouveaux horaires, de manière à éviter les réunions nocturnes, même si l'accueil mitigé réservé à cette réforme par les parlementaires montre qu'il n'est pas facile d'opérer un tel changement. Les Commissions de programme du Parlement sud-africain, pour leur part, ont décidé d'un commun accord que les séances de la chambre ne se prolongeront pas au-delà de 18 heures 'pour permettre aux parlementaires de concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales' – une préoccupation qui vaut autant pour les hommes que pour les femmes.

Etant donné que l'essentiel du travail du parlement est effectué en commission, beaucoup de ces institutions s'efforcent de donner aux femmes toutes les chances de participer aux travaux des organes et même d'en assumer la présidence. Un objectif qui peut être atteint par une modification des procédures, comme au Cameroun. "Le règlement de l'Assemblée nationale du Cameroun stipule que chaque parlementaire doit être membre d'une commission au moins et de deux au plus. Suite à des consultations judicieuses, il y a donc au moins une femme dans chaque commission. Deux commissions générales sur six sont présidées par des femmes".

Certains parlements, dans le cadre d'une initiative plus ambitieuse, se sont dotés d'une commission d'égalité entre hommes et femmes, chargée de promouvoir la parité entre les sexes dans l'ensemble de la société. Ces commissions sont généralement composées d'un nombre égal d'hommes et de femmes, comme c'est le cas en France; dans une démarche soucieuse de parité, certaines d'entre elles s'emploient même à passer en revue leurs propres procédures parlementaires. Ainsi le Parlement suédois a mis en place "un groupe de travail sur l'égalité entre hommes et femmes dans le Riksdag". Son rapport de novembre 2004 se termine par quinze propositions visant à assurer l'égalité entre hommes et femmes au Riksdag. En voici les plus importantes :

  • Nous proposons qu'un programme d'égalité soit défini pour la durée de chaque mandat, dans le but de promouvoir l'égalité au Riksdag.
  • Le Conseil du Riksdag approuve le programme pour la durée de chaque mandat. La mise en œuvre de ce programme est confiée à un fonctionnaire
  • Nous proposons que des séminaires réguliers soient organisés pour permettre aux bureaux des commissions de débattre des méthodes de travail, du rôle du président, de l'esprit qui doit présider aux réunions, etc.
  • La page d'accueil du Riksdag doit être conçue en fonction d'informations statistiques par sexe.
  • Les membres qui estiment être victimes d'un traitement injuste doivent pouvoir bénéficier d'un soutien professionnel.
  • Les nouveaux parlementaires, en arrivant au Riksdag, doivent bénéficier d'une formation informelle au travail de cette institution.
  • Les enquêtes effectuées au sein du Riksdag doivent indiquer les conséquences éventuelles qu'elles peuvent avoir sur l'égalité.
  • Le programme de travail des commissions doit permettre aux parlementaires de concilier leurs responsabilités au Riksdag et leurs obligations de parents.

Des initiatives de ce type sont, en général, le résultat de pressions exercées par les femmes parlementaires. Dans plusieurs parlements, ces dernières ont institué des groupes de parlementaires inter-partis dans le but de promouvoir de tels changements mais aussi pour évaluer le programme de travail parlementaire du point de vue de l'égalité entre hommes et femmes.

Autres lectures en ligne sur la prise en compte de l'égalité entre hommes et femmes dans le travail des parlements :

Union interparlementaire (2000). Politics: women's insight. <http://www.ipu.org/PDF/publications/womeninsight_en.pdf> (document en anglais)

Union interparlementaire (2004). Enhancing the role of women in electoral processes in post-conflict countries. Post-election support. <http://www.un.org/womenwatch/osagi/meetings/2004/EGMelectoral/EP3-IPU.PDF> (document en anglais)

Union interparlementaire, Nations Unies Division de la promotion de la femme (2003). The Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women and its Optional Protocol. Handbook for Parliamentarians. <http://www.ipu.org/PDF/publications/cedaw_en.pdf> (document en anglais)

The Commonwealth (2001). Gender-sensitizing Commonwealth parliaments <http://www.cpahq.org/uploadedFiles/Programmes_and_Activities/Professional_Development/g_report.pdf>

   Égalité pour les parlementaires issus de communautés minoritaires et marginales

Beaucoup de parlements règlent le problème des représentants de communautés minoritaires et marginales dans le cadre des procédures applicables aux partis de l'opposition et aux minorités, comme nous l'avons déjà vu. Toutefois, lorsque la minorité est numériquement très faible, elle peut se trouver dans l'impossibilité de bénéficier de certains droits parlementaires, notamment de postes dans des commissions législatives ou autres. Dans ce cas, on peut suspendre l'application de règles telles qu'un seuil minimum de parlementaires élus, ou on peut accorder certains droits spéciaux aux minorités : droit de proposer des propositions de loi ou d'opposer un veto à certains types de projets de loi. En Belgique, par exemple, le parlement se divise en groupes francophone et néerlandophone lorsqu'il s'agit d'examiner certaines questions. Dès lors, il faut une majorité dans chaque groupe ainsi qu'une majorité globale des deux tiers pour qu'une mesure soit adoptée.

D'ordinaire, les minorités et groupes de peuples premiers se caractérisent par le fait qu'ils parlent une langue différente de celle de la majorité. Aussi les parlements doivent-ils se soucier, pour éviter les exclusions, de leur langue ou langues de travail. Cette règle est encore plus importante lorsque la langue des délibérations parlementaires n'est pas celle de la majorité de la population. Là, les frais de traduction et d'interprétation peuvent devenir une contrainte. Ainsi au Lok Sabha indien, les langues de travail sont l'hindi et l'anglais. Cependant, depuis le Quatrième Lok Sabha, les parlementaires peuvent aussi s'adresser à la Chambre dans n'importe laquelle des langues reconnues par la constitution. Pour l'instant, l'interprétation simultanée est possible en huit langues en plus des deux susmentionnées (l'assamais, le bengali, le kannada, le malayalam, le marathi, l'oriya, le tamil et le telegu) alors que la Chambre haute, le Rajya Sabha, assure également l'interprétation en gujurati, ourdou et en punjabi.

Autres lectures en ligne sur l'usage des langues minoritaires et vernaculaires dans le travail des parlements :

Matiki, A (2002). Language planning and linguistic exclusion in the legislative process in Malawi <http://www.linguapax.org/congres/taller/taller1/Matiki.html> (document en anglais)

The House: New Zealand's House of Representatives 1854-2004 (2005). Parliament in Te Reo <http://www.nzhistory.net.nz/politics/the-work-of-government/history-of-parliament/parliament-in-te-reo (document en anglais)>

   Faciliter le travail de tous les parlementaires

Outre les diverses formes d'inégalité que nous avons déjà évoquées, certains parlementaires sont systématiquement désavantagés, parfois de façon moins visible, par un manque de ressources ou de capacités. La question des ressources et des moyens parlementaires sera examinée en détail au chapitre 6. Qu'il nous suffise, ici, de rappeler que les parlementaires doivent pouvoir en bénéficier à égalité et que les services de documentation et d'analyse du parlement doivent servir tous les parlementaires de façon impartiale.

Mais il ne suffit pas de disposer d'installations, encore faut-il être capable de les utiliser. Par exemple, la plupart des parlements sont désormais équipés d'une informatique en ligne pour permettre aux parlementaires d'obtenir des informations de dernière minute sur l'état d'avancement des projets de loi et d'autres activités parlementaires. Or toutes les enquêtes sur l'utilisation des moyens de communication électronique montrent que les inégalités ne sont pas une simple question de matériel, mais aussi d'aptitude à profiter de toutes les possibilités offertes par cet outil. Vu que les parlementaires sont de plus en plus issus de milieux professionnels, on peut penser que de telles aptitudes sont acquises. En réalité, chacun a besoin d'une formation, ne serait-ce que pour remettre à jour ses connaissances.

Cette règle générale vaut tout particulièrement pour les parlementaires fraîchement élus. Les procédures parlementaires peuvent leur apparaître complexes et ardues et il ne faut pas qu'ils soient abandonnés à leur sort, d'autant que leur emploi du temps est très chargé. Les parlementaires récemment élus peuvent mettre beaucoup de temps à être opérationnels de manière à assumer pleinement leurs diverses responsabilités. C'est pourquoi la plupart des parlements proposent stages d'initiation et conseils aux nouveaux venus, même si ces formations sont d'une qualité et d'une utilité très inégales. Certains de ces stages sont assurés par les partis, d'autres par le personnel administratif du parlement. Dans une enquête effectuée par l'UIP, les répondants ont suggéré d'inclure les éléments essentiels suivants dans les programmes de formation à l'attention des nouveaux parlementaires :

  • droits et devoirs des parlementaires;
  • procédure parlementaire, règles des débats et votes en commission et à la Chambre;
  • description des services parlementaires proposés et comment en profiter;
  • organisation du travail du parlementaire et utilisation des matériels électroniques et autres;
  • diffusion et relations avec les médias;
  • organisation des permanences et relations avec les électeurs.

Pour prendre un exemple précis, le parlement néo-zélandais publie une série de guides à l'usage de tous ses parlementaires, en ligne, leur donnant des conseils sur divers aspects de leur travail. Son guide, intitulé Effective Select Committee Membership (Comment être efficace au sein d'une commission), par exemple, explique tous les aspects du travail d'une commission : règlement permanent, procédure par type d'activité, services administratifs disponibles, conseils aux présidents, etc. Le but est d'initier les parlementaires afin "que les connaissances acquises grâce à ce guide leurs permettent d'atteindre plus facilement leurs objectifs dans les commissions d'enquête". Ils se donnent ainsi les moyens de représenter efficacement leurs électeurs. En voici quelques extraits :

Bien définir votre but. Pour travailler efficacement au sein d'une commission, vous devez définir à l'avance ce que vous attendez d'une réunion particulière et l'objectif que vous voulez atteindre. Les points à l'ordre du jour défilent parfois très rapidement et, sans un bon plan, vous pouvez rater l'occasion de soulever une question ou de suggérer une modification à un rapport. Le présent guide vous permettra de définir des objectifs réalisables et d'exécuter un plan conformément aux limites fixées par le règlement permanent…
Comment être un législateur efficace. Vous n'avez pas besoin d'être titulaire d'un diplôme en droit pour être un bon législateur. Tout ce qu'il vous faut ce sont vos propres idées, la volonté de suivre une procédure jusqu'au bout, l'art de convaincre vos collègues au sein de la commission que les propositions que vous défendez méritent d'être mises en oeuvre. Les conseillers de la commission vous donneront un avis sur la faisabilité des propositions, la rédaction des projets de loi étant assurée par des spécialistes. Faites preuve d'esprit critique lorsque vous examinez un texte de loi. N'hésitez pas à poser des questions si vous ne comprenez pas le texte de loi qui vous est soumis. Si vous ne le comprenez pas vous-même, il est fort probable que vos électeurs ne le comprendront pas non plus.
Protéger les droits des parlementaires dans l'exercice de leur fonction

L'une des conditions fondamentales pour qu'un parlement soit représentatif et que les parlementaires servent efficacement leurs électeurs, est que les élus puissent parler librement, sans crainte ni faveur. Les exemples ne manquent pas, dans l'histoire, de parlementaires soumis à toutes sortes de pressions et d'intimidations de la part de l'exécutif, surtout lorsqu'ils se dressent contre les abus d'un gouvernement. Ils sont également soumis à des pressions abusives de la part d'autres forces puissantes de la société. C'est la raison pour laquelle le droit des parlementaires à parler librement fait l'objet d'une protection spéciale dans le cadre des règles dites de "privilège", qui protègent les parlementaires contre des poursuites pour des opinions exprimées ou des votes émis dans l'exercice de leur mandat.

L'immunité parlementaire s'applique à toutes les déclarations orales ou écrites et à tous les actes effectués par un membre d'Assemblée parlementaire dans l'exercice normal de ses fonctions officielles… cette protection, absolue, est accordée à vie, même lorsque le parlementaire perd son siège. Tous les pays, sans exception, ont adopté le principe d'immunité répondant à cette définition. (UIP, Comité des droits de l'homme des parlementaires 1993).

Le but de ce privilège n'est pas seulement de protéger les parlementaires, mais aussi de leur permettre de bien représenter leurs électeurs et de protéger leurs intérêts. C'est ce que dit, on ne peut mieux, cette résolution prise par le Conseil de l'UIP à Mexico en 1976 : "La protection des droits des parlementaires est une condition nécessaire et préalable sans laquelle ils ne peuvent défendre les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans leur pays. En outre, la représentativité d'un parlement dépend étroitement du respect des droits des membres de ce parlement".

Beaucoup de parlements, ayant souffert sous des régimes d'oppression, accordent également à leurs membres l'immunité contre les arrestations et les poursuites pour délits mineurs, puisque de telles poursuites ont souvent été le prétexte sous lequel des gouvernements ont cherché à réduire au silence des parlementaires critiques de leur action ou qui osaient se dresser contre eux. Cette immunité-là, dite aussi "inviolabilité", n'est accordée que pour la durée du mandat du parlementaire. Dans certains cas graves, elle peut être levée, mais seulement sur vote du parlement lui-même. Les pays qui appliquent une telle disposition doivent s'efforcer de protéger la liberté des parlementaires contre les abus de l'exécutif mais sans donner l'impression à l'opinion publique que les parlementaires constituent une élite spéciale bénéficiant de privilèges indus. L'équilibre n'est pas facile à trouver dans des circonstances qui évoluent et beaucoup de parlements sont en train de modifier leur législation sur cette question.

En cas de violation présumée de leurs droits qui ne peut être résolue par les procédures en vigueur dans le pays, les parlementaires peuvent se tourner vers le Comité des droits de l'homme des parlementaires, créé sous les auspices de l'UIP en 1977. Ce comité, constitué de parlementaires expérimentés du monde entier, suit une procédure quasi judiciaire visant à régler les contentieux par accord mutuel, et de façon confidentielle, avec les gouvernements ou les parlements concernés. Ce n'est qu'à défaut de solution à l'amiable que la question est rendue publique par le biais du Conseil directeur de l'UIP. Ce comité est désormais reconnu comme le principal organe international pour ce qui est de la protection des droits des parlementaires.

Autres lectures en ligne sur les droits des parlementaires :

Union interparlementaire (1993). Symposium interparlementaire. Le parlement : gardien des droits de l'homme. Synthèse des débats par la présidence du symposium. <http://www.ipu.org/splz-f/budapest.htm>

Union interparlementaire (2006). Base de données Parline : module sur le mandat parlementaire. <http://www.ipu.org/parline-f/parlinesearch.asp>

Union interparlementaire (2006). Droits de l'homme et droit humanitaire. <http://www.ipu.org/iss-f/hr-law.htm>

McGee, S (2001). Rules on parliamentary immunity in the European Parliament and the member States of the European Union. European Centre for Parliamentary Research and Documentation <http://www.ecprd.org/ecprd/getfile.do?id=5062> (document en anglais)

Myttenaere, R (1998). The immunities of members of parliament, dans Constitutional and Parliamentary Information N° 175. Association des Secrétaires Généraux des Parlements <http://www.asgp.co/Resources/Data/Documents/UJJICUIPKRGKNWTBNCAMSZFAGOKNXL.pdf> (document en anglais)

L'autre voie de recours ouverte aux parlementaires soumis à des pressions est le soutien de leurs homologues à l'étranger. Ainsi, le Bundestag allemand a lancé une campagne intitulée "Les parlementaires protègent les parlementaires" dont les objectifs et le mode de fonctionnement peuvent être résumés comme suit :

Nul ne peut être inquiété pour avoir défendu la mise en œuvre et le respect des droits de l'homme en Allemagne. Dans beaucoup d'autres pays, toutefois, les défenseurs des droits de l'homme peuvent se retrouver eux-mêmes victimes d'abus … … Les hommes politiques font aussi partie des défenseurs des droits de l'homme exposés à des risques. L'exercice de leur droit à la libre expression est le seul délit qui leur est reproché. Par leurs critiques, ils deviennent une épine dans le pied des autorités des pays où la situation des droits de l'homme laisse à désirer et leur action les désigne aux groupes paramilitaires.

En tant que membre du Bundestag, vous disposez d'un réseau de contacts internationaux que vous pouvez utiliser en faveur de vos homologues parlementaires en péril … … le secrétariat du Comité des droits de l'homme et de l'aide humanitaire vous informera sur les opposants menacés dans un pays où vous avez des contacts ou que vous avez l'intention de visiter, et vous conseillera sur la meilleure façon de leur venir en aide. Vous pouvez aussi utiliser des informations fournies par le secrétariat du Comité afin de les soutenir à partir de l'Allemagne. Ces informations sont des données fiables permettant de poser des questions aux hommes politiques et responsables des pays dans lesquels les droits de l'homme sont violés et d'avoir des entretiens utiles avec eux.

   Droits individuels des parlementaires et discipline de parti

L'une des questions les plus difficiles et les plus controversées est celle du juste équilibre entre les nécessités de la discipline de parti, d'une part, et le droit de chaque parlementaire de s'exprimer librement. D'un côté, il est normal qu'un parti dont le programme et le soutien ont permis l'élection d'un parlementaire s'attende à ce que ce parlementaire soutienne à son tour le programme du parti au parlement. D'ailleurs, il s'agit là d'une obligation non seulement vis-à-vis des partis mais aussi des électeurs, car ceux-ci doivent pouvoir établir une relation prévisible entre l'exercice du vote et l'action qui sera menée par leurs représentants élus au parlement. D'un autre côté, cependant, les parlementaires ont l'obligation individuelle de défendre les intérêts de leurs électeurs, de s'opposer aux politiques qu'ils estiment dévoyées ou nocives, même lorsqu'elles sont soutenues par leur propre parti. Les partis, eux, ont le devoir d'élaborer des procédures internes démocratiques permettant de débattre librement de questions prêtant à controverse, plutôt que de simplement s'en tenir à des diktats émanant de la direction.

Pour les parlementaires, ce compromis entre la loyauté vis-à-vis du parti et leur conscience individuelle peut être des plus difficiles à trouver. Les partis parlementaires ont à leur disposition plusieurs sanctions pour ramener les parlementaires dissidents à la discipline, la peine ultime étant l'expulsion du parti, au risque pour le parlementaire de se trouver privé de soutien lors des prochaines législatives. Mais il y a un point au-delà duquel de telles mesures empiètent sur les droits individuels du parlementaire et c'est ce qu'a clairement montré le Conseil de l'UIP dans les cas tests soumis à son Comité des droits de l'homme des parlementaires. Tout d'abord, l'expulsion doit être conforme au règlement intérieur du parti garantissant un traitement équitable, notamment le droit du parlementaire à se défendre. Ensuite, l'expulsion ne doit pas entraîner automatiquement la perte du siège du parlementaire ni une réduction de son mandat car cela serait attentatoire à son droit à la libre expression. L'UIP l'a dit et répété : l'exclusion d'un parlementaire du parlement nécessite une décision du parlement dans son ensemble et ne peut être prononcée que suite à une condamnation au pénal et non suite à son exclusion du parti.

La question devient plus épineuse lorsque le parlementaire quitte son parti de façon volontaire ou change de parti à mi-mandat (ce qu'on appelle le 'nomadisme' politique). Des décisions de ce type peuvent s'avérer fructueuses en termes de carrière, par exemple, en vue d'obtenir un poste ministériel mais elles entraînent une forte instabilité dans les parlements et vont manifestement à l'encontre de la volonté des électeurs. C'est la raison pour laquelle beaucoup de parlements ont mis en place des dispositions anti-défection impliquant la perte de leur siège par les parlementaires en cause. Citons à ce sujet l'amendement à la Constitution adopté par le Parlement indien en 1985 pour 'lutter contre le fléau des défections politiques … qui risque d'ébranler les fondations mêmes de notre démocratie et les principes qui la soutiennent.' Cet amendement constitutionnel prévoit l'exclusion de tout membre de parti politique, non seulement en cas de sortie, par le parlementaire concerné, de son parti, mais même en cas de vote contraire aux indications du parti sans autorisation préalable de celui-ci. Cet amendement a été renforcé par l'adoption, en 2003, d'un autre amendement visant à prévenir la fusion complète de partis politiques.

Le Parlement suédois traite autrement le problème des défections. Il affirme que, bien que choisis au scrutin de liste, les parlementaires sont élus à titre individuel et sont investis d'un mandat personnel.

En conséquence, si un élu est exclu de son parti ou s'il quitte celui-ci en pleine campagne électorale, il reste membre du parlement. Toutefois, les élus qui quittent leur groupe parlementaire en cours de mandat ne peuvent former un nouveau groupe parlementaire pouvant être reconnu comme tel par le parlement, ni rejoindre officiellement un autre groupe parlementaire.

à cet égard, il serait utile de rappeler les directives de Latimer House pour le Commonwealth, adoptées sous les auspices de l'Association parlementaire du Commonwealth en juin 1998 :

'La sécurité des parlementaires tout au long de leur mandat revêt la plus haute importance pour l'indépendance parlementaire, en conséquence :
  1. l'exclusion de parlementaires d'un parlement comme sanction pour avoir quitté leur parti doit être considérée comme éventuellement attentatoire à l'indépendance des parlementaires concernés, mais des mesures anti-défection peuvent s'avérer nécessaires dans certains territoires pour lutter contre la corruption;
  2. les lois autorisant la révocation de parlementaires au cours de leur mandat doivent être considérées avec prudence car elles peuvent compromettre l'indépendance des parlementaires;
  3. lorsqu'un parlementaire quitte son parti de son propre chef, cela ne doit pas entraîner la perte de son siège.

Autres lectures en ligne sur les droits des parlementaires vis-à-vis de leur parti :

Norris, P (2004). Building political parties: reforming legal regulations and internal rules. International IDEA <http://www.idea.int/parties/upload/pippa%20norris%20ready%20for%20wev%20_3_.pdf> (document en anglais)

Scarrow, S (2005). Political Parties and Democracy in Theoretical and Practical Perspectives: Implementing Intra-Party Democracy. National Democratic Institute <http://www.accessdemocracy.org/library/1951_polpart_scarrow_110105.pdf> (document en anglais)

The Commonwealth (2002). Commonwealth (Latimer House) Principles on the three branches of government. <http://www.cpahq.org/uploadedFiles/Programmes_and_Activities/Commonwealth_Promotion/CommonwealthPrinciplesonThreeArmsofGovernment.pdf> (document en anglais)

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