En quoi est-il intéressant que le Parlement s'ouvre pour refléter davantage la diversité sociale de la nation ? L'idée de la représentation « descriptive » repose sur une conception de la politique en tant que miroir de la société, le gouvernement se devant d'être un portrait miniature de la société en général, de refléter les différents groupes, opinions et traits caractéristiques. Par la force des choses, une telle représentation descriptive devrait mener à un renforcement de l'influence réelle des groupes minoritaires. Il est évident qu'un certain degré de représentation descriptive est utile, en particulier lorsque les groupes minoritaires ont des intérêts communs, ont tendance à voter de la même façon aux élections, et sont très marginalisés par rapport au processus de décision. Il ne s'agit pas seulement d'un symptôme de mauvaises relations entre majorité et minorité dans les nouvelles démocraties des pays en développement; c'est un problème qui s'observe aussi dans la plupart des démocraties occidentales.
Même si un certain degré de « représentation descriptive » apporte à l'évidence d'importants avantages, cette conception pose un certain nombre de problèmes. Il y a d'abord la question de savoir de quoi ou de qui le corps représentatif doit être le reflet, les individus ou citoyens étant des combinaisons complexes de traits caractéristiques. Minorités ethniques et peuples autochtones sont des éléments essentiels de la mosaïque que compose tout Etat mais sont-ils les seules pièces du puzzle ? Qu’en est-il des autres groupes qui, eux-aussi, sont traditionnellement sous-représentés : les pauvres, les gays et lesbiennes, certaines confessions, sans oublier d’autres groupes « ethniques » qui n’ont pas forcément de reconnaissance officielle ? Ensuite, la notion de représentation descriptive en miroir peut être jugée dangereuse si elle empêche les électeurs de voter pour des représentants qui ne leur ressemblent pas. L’un des grands piliers de la démocratie est la liberté de choisir le bulletin que l'on dépose dan l’urne; si ce choix est contraint par la nécessité de voter pour le candidat de sa propre ethnie, cette liberté essentielle est remise en question.
Enfin, la représentation descriptive présente le risque de devenir une fin en soi. Le souci d’obtention d’une bonne représentation ne doit pas s’arrêter lorsque le Parlement comprend un nombre adapté de noirs et de blancs, de Hutus et de Tutsis, d’Asiatiques et de Libanais, de catholiques et de protestants : c’est en fait à ce stade que notre souci d’obtention d’une représentation politique adaptée doit commencer. Ces parlementaires doivent, en effet, pouvoir exprimer les préoccupations des minorités et pouvoir peser sur les choix politiques. Quoi qu’il en soit, si un parlement ne comprend aucun représentant des minorités ethniques, ou seulement quelques-uns, c’est probablement le signe, inquiétant, d’un manque d'ouverture aux minorités. Les parlementaires issus d'une minorité sont en mesure d'assurer cette minorité que ses intérêts sont défendus et d’exprimer des besoins que la majorité ne réussira pas nécessairement à comprendre parfaitement, quel que soit son degré d'empathie.
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