"Le
Statut de Rome a un impact qui va bien au-delà de ce qui se passe au sein même
de la Cour"
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M. Luis
Moreno Ocampo et
le sénateur Sergio
Páez. |
Lors de sa 109ème Assemblée, l’UIP a organisé un débat intitulé « Les défis qui
attendent la Cour pénale internationale », en présence notamment de M. Luis
Moreno Ocampo, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Jelko Kacin,
Président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement slovène, M.
Jonathan O’Donohue, Conseiller juridique pour le Projet Justice internationale
d’Amnesty International et M. Bill Pace, coordonnateur de la Coalition pour la
Cour pénale internationale.
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le procureur Moreno Ocampo estime que «
ce type de table ronde est unique en son genre. C’est la raison pour laquelle,
même si j’étais débordé de travail, j’ai tenu à y assister pour informer les
parlementaires de mon travail. J’aimerais pouvoir mettre sur pied un modèle
permanent de fonctionnement qui me permettre d’informer les législateurs et où
nous pourrions collaborer. De nombreux chefs d’entreprises du secteur privé sont
également très intéressés et ils souhaitent nous aider à organiser un système
extra-net. Je suis désireux de travailler avec l’UIP, car j’aimerais qu’elle
coordonne ces différentes forces ».
Quel rôle les parlementaires peuvent-ils jouer pour soutenir l’action d’une cour
qui vient de voir le jour ? Le procureur Moreno Ocampo, citoyen argentin, tient
tout d’abord à rappeler que « le Statut de Rome a un impact qui va bien au-delà
de ce qui se passe au sein même de la Cour. Il a un impact préventif immense,
puisque les législateurs du monde entier débattent de l’insertion de thèmes
nationaux dans les conventions internationales, concernant les crimes contre
l’humanité, les crimes de guerre et le génocide. Ce rôle typique des
législateurs est très important pour le Statut de Rome. Je vois également un
rôle plus opérationnel pour les parlementaires. Par définition, je suis un
procureur qui agit dans des cas exceptionnels, puisque si le système national
fonctionne, je n’interviens pas. Je le fais lorsque l’Etat n’a pas la capacité
d’agir, que la police ne contrôle pas le territoire, ou la police tue les gens.
Ma tâche est donc très différente de celle des procureurs nationaux et c’est la
raison pour laquelle je pense qu’il manque une fonction, non seulement au niveau
du procureur, mais également au niveau des législateurs et des politiciens pour
changer ce genre de situation critique ».
Conscient qu’en tant que procureur il ne peut pas agir au niveau politique ou
diplomatique, M. Moreno Ocampo lance un appel aux hommes et aux femmes
politiques, ainsi qu’aux diplomates pour qu’ils s’engagent « à mener à bien les
processus de paix et les transformations nécessaires au sein de la société. Je
vois donc un rôle très important pour les parlementaires, non seulement lorsque
le Statut de Rome a été approuvé, mais également à l’avenir ». Et de citer
l’exemple d’Ituri au Congo. « La République démocratique du Congo reconnaît
qu’elle n’est pas à même de résoudre les problèmes à Ituri et qu’elle a besoin
d’un soutien international, il faut donc construire un mécanisme pour tenter
d’apporter une solution. Et ce mécanisme ne peut pas être mis en place par le
procureur ».
L’appel aux parlementaires africains
L’appel du procureur de la CPI s’adresse en premier lieu aux pays africains de
la région et aux pays africains en général. « L’Afrique est une région qui offre
des solutions très intéressantes. La « gayasa » me semble par exemple un système
très intéressant. De même que la Commission de vérité mise en place par
l’Afrique du Sud qui démontre que l’Afrique propose des solutions concrètes qui
peuvent inspirer la communauté internationale. S’agissant du cas d’Ituri, une
solution africaine serait parfaite et je serai très fier d’y apporter ma modeste
contribution ».
Le procureur Moreno Ocampo estime que les parlementaires ont également un rôle
fondamental à jouer pour mettre en place des structures en faveur de la
réconciliation. «A Ituri, il y a dix mille enfants soldats. Il faut mettre en
place des programmes éducatifs qui leur soient destinés, il faut leur donner du
travail. Il ne suffit pas que je juge les chefs, il faut faire beaucoup plus. Il
faut créer une structure économique différente. Ituri est une région très riche,
qui possède de l’or et des ressources minérales. Si Ituri était en Suède, les
licences d’exploitation de ces produits vaudraient deux millions de fois plus.
Pourquoi les responsables politiques ne se mettent-ils pas d’accord pour créer
un système qui donne des assurances aux exploitants de ces mines d’or, et qui
permettent que cet argent soit investi à Ituri même, dans la création d’emploi
pour les jeunes? Là réside le défi majeur pour les responsables politiques ».
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