Par Richard G. Lugar
Président de la Commission des affaires étrangères du Sénat américain
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Nous devons nous assurer que toutes les sources d’armes de destruction massive (ADM) dans le monde sont répertoriées et systématiquement mises sous surveillance ou détruites. Nous avons pris des mesures importantes à cet égard et obtenu de grands succès. Mais nous devons faire beaucoup plus que cela.
Pour combattre la menace des ADM en ex-Union soviétique, les Etats-Unis ont mis en place en 1991 le Programme Nunn-Lugar de coopération pour la réduction des menaces. Ce programme a mis l’expertise technique et des fonds américains au service d’efforts conjoints pour protéger et éliminer les matières et armes de destruction massive. Pendant les dix premières années du programme Nunn-Lugar, 6 212 ogives nucléaires de l’ex-Union soviétique ont été démantelées, et leurs matières fissiles stockées en sécurité. En outre, le programme a permis de détruire 520 missiles balistiques intercontinentaux, 451 silos à missiles balistiques intercontinentaux, 122 bombardiers stratégiques, 624 missiles de croisière nucléaires aéroportés, 445 missiles balistiques lancés d’un sous-marin (SLBM), 408 lanceurs de missiles SLBM, 27 missiles stratégiques sous-marins et 194 tunnels d’essai nucléaires. Mais ce qui est sans doute plus important, c’est que l’Ukraine, le Bélarus et le Kazakhstan sont aujourd’hui exempts d’armes nucléaires grâce aux efforts de coopération déployés dans le cadre du programme Nunn-Lugar.
Le programme a aussi aidé à maîtriser les armes chimiques et biologiques en Fédération de Russie. Au moins 40 000 tonnes d’armes chimiques ont été stockées dans différents endroits en attendant d’être détruites. Leur destruction aura lieu dans l’installation de Shchuch’ye, en Sibérie.
Dans le cadre du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, les dirigeants du G8 se sont engagés à investir 20 milliards de dollars dans des projets de non-prolifération dans les dix années à venir. Cette initiative est connue sous le nom de " dix plus dix sur dix ans ". Une partie importante de ces investissements sera consacrée à la destruction d’armes chimiques à Shchuch’ye.
Cette année, j’ai organisé une réunion sur le projet Shchuch’ye à Washington. J’y ai invité des représentants du Canada, de la Fédération de Russie, de l’Italie, de la Norvège, de la République tchèque, du Royaume-Uni, de la Suisse et de l’Union européenne pour que nous examinions nos efforts communs pour débarrasser le monde des plus grandes réserves d’armes chimiques.
Je me suis rendu à Shchuch’ye pour la première fois en 2001 pendant une de mes tournées d’inspection régulières dans le cadre du programme Nunn-Lugar. On m’a montré un dépôt d’armes où près de 2 millions d’obus d’artillerie contenant du gaz neurotoxique étaient disposées sur des étagères comme des bouteilles de vin. Un soldat russe m’a photographié en train de placer un de ces obus dans une serviette pour montrer à quel point il est facile de faire trafic de ces armes.
Le projet international de destruction et de nettoyage d’armes chimiques au village de Shchuch’ye est une tâche gigantesque. Plus de 100 bâtiments vont être construits sur le site. Parce que la plupart des infrastructures modernes font défaut dans cette localité, le projet comporte l’installation de stations d’eau et d’électricité et la construction de logements pour plus de 150 experts américains, russes et internationaux qui vont procéder à la destruction de 32 500 tonnes d’obus et de bombes d’artillerie remplis de sarin, soman et VX.
En plus de ces fonds publics, l’Initiative contre la menace nucléaire présidée par l’ancien sénateur Sam Nunn investit actuellement un million de dollars dans le projet de Shchuch’ye. L’organisation non gouvernementale Green Cross de l’ancien Président Mikhaïl Gorbatchev participe également à un projet de la société civile conçu pour renforcer le soutien local aux opérations de nettoyage et de destruction.
Le programme Nunn-Lugar en Fédération de Russie a démontré que la menace des armes de destruction massive peut donner des résultats extraordinaires dans l’intérêt mutuel. Dans les années 1980, personne n’aurait pensé que des entrepreneurs américains et des fonctionnaires du Pentagone iraient un jour en Fédération de Russie pour détruire des milliers de systèmes stratégiques. Si nous voulons nous protéger en ces temps incroyablement dangereux, nous devons créer de nouveaux partenaires de la non-prolifération et exploiter de façon dynamique toutes les possibilités qui se présentent dans ce domaine.
En plus des contributions russe et américaine au projet de désarmement de Shchuch’ye, les pays suivants apporteront aussi leur aide :
Le Canada
en mai 2003, le Canada a annoncé qu’il consacrerait jusqu’à 240 millions de dollars à la destruction d’armes chimiques russes, et notamment au projet de Shchuch’ye. Très récemment, le pays a annoncé un investissement de 33 millions de dollars canadiens dans une voie ferrée de 18 km, permettant de transporter en toute sécurité des munitions chimiques des abris fortifiés de stockage de Shchuch’ye à l’installation de démantèlement.
L’Italie
de 2001 à 2003, l’Italie a investi 7,15 millions de dollars dans l’infrastructure. En 2003, le pays s’est engagé à verser 5,75 millions supplémentaires au projet.
La Norvège
s’est engagée à consacrer 2,3 millions de dollars à l’infrastructure de Shchuch’ye.
La République tchèque
s’est engagée à investir 69 000 dollars dans l’infrastructure de Shchuch’ye.
Le Royaume-Uni
en 2001, le Royaume-Uni s’est engagé à investir 18 millions de dollars sur trois ans dans le programme de Shchuch’ye. En mai 2003, le pays a déclaré son intention de consacrer jusqu’à 100 millions de dollars sur dix ans au projet.
La Suisse
s’est engagée à investir 17 millions de francs suisses dans le programme russe de destruction d’armes chimiques sur six ans, à partir de la fin de l’année 2003. Une partie de cette somme sera consacrée au programme de Shchuch’ye.
L’Union européenne
s’est engagée à investir 2,3 millions de dollars dans l’infrastructure.