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N°23
OCTOBRE 2006

SOMMAIRE

white cube Éditorial
white cube Interview avec le Président de l'UIP
white cube Droits de l'homme
white cube Les femmes en politiques
white cube Coopération internationale
white cube Coopération technique
white cube Évolution parlementaire
white cube Lu dans la presse

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Le Monde des Parlements
Droits de l'homme des parlementaires

"La torture est inacceptable en toutes circonstances"

"Si nous voulons protéger la démocratie dans nos pays, nous devons garantir le respect de certains principes qui ne sont pas négociables, et la prohibition de la torture en est un. La torture est inacceptable dans n'importe quelle circonstance et situation", ont déclaré des législateurs venus de plus de 40 pays, à la Maison des Parlements en septembre dernier.

"En tant que parlementaires, nous devons nous assurer que les procédures de sauvegarde nécessaires sont mises en place pour prévenir la torture à tout moment. Nous nous engageons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que nos parlements ratifient, s'il ne l'ont pas déjà fait, la Convention contre la torture et son protocole facultatif qui prévoit des visites dans les prisons et les centres de détention. Nous devons aussi adopter les textes d'application nécessaires. Nous devons faire en sorte que la torture soit considérée comme un crime dans nos codes pénaux, que les peines appropriées soient appliquées aux tortionnaires et que les témoignages obtenus sous la contrainte ne puissent pas être utilisés comme preuve", ont souligné les élus au terme d'un séminaire de trois jours, organisé par l'UIP, la Commission internationale de Juristes (CIJ) et l'Association pour la prévention de la torture (APT).

Au terme du séminaire, plusieurs participants ont fait part de leurs impressions au Monde des Parlements.


"Les élus doivent préserver l'intégrité de l'appareil judiciaire"

Mme Louise Arbour, ancien procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda et actuelle Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme

Mme Louise Arbour

Q: Qu'attendez-vous des législateurs ?
Louise Arbour:
Les élus doivent préserver l'intégrité de l'appareil judiciaire et être attentifs aux questions systémiques mais sans s'ingérer dans des cas particuliers. Lorsqu'ils font des lois, ils doivent respecter et maximiser les libertés et les droits fondamentaux. Et aussi être attentifs aux dérives qui peuvent se produire dans l'appareil judiciaire.

Q: Allez-vous travailler plus étroitement avec les parlementaires?
L.A.:
Nous avons eu quelques initiatives communes et j'espère que le Haut Commissariat va continuer. Historiquement nous avons essayé de faire avancer les droits humains devant les tribunaux. Nous avons beaucoup travaillé avec les appareils judiciaires et nous devons capitaliser sur toute cette puissance qui existe chez les parlementaires. D'une part ils font les lois, mais ils ont aussi chez eux les voix de l'opposition. C'est un forum privilégié et nous devons nous impliquer de plus en plus avec les parlementaires.


"La corruption est un problème universel"

Mme Eva Joly, ancienne juge et actuelle Conseillère spéciale de l'Agence de coopération et de développement de la Norvège

Mme. Eva Joly

Q : Vous avez dit qu'il existe une corruption nord-sud. Qu'en est-il exactement?
Eva Joly:
La corruption est un problème universel. Beaucoup de citoyens de l'Europe de l'Ouest pensent que la corruption a lieu au Kenya, ou dans les Etats d'Afrique australe, et que cela ne concerne ni la Suisse, ni la Norvège, ni l'Allemagne, ni la France. La réalité pour moi est tout autre. Nos entreprises occidentales cotées en bourse sont parfois, et même souvent, corruptrices. Des contrats sont obtenus au moyen de la corruption au niveau local. Cette situation entraîne beaucoup de pertes pour les pays en développement parce que les conditions économiques ne sont pas optimales. Par contre, cela profite souvent à l'entreprise occidentale.

Q: Que peuvent faire les élus ?
E.J.:
Il est important de construire un pouvoir judiciaire solide, indépendant, avec des juges compétents et non corrompus. Il n'y a que les parlementaires qui puissent le faire et qui puissent solliciter le soutien des donateurs lorsqu'il s'agit de l'aide bilatérale. Les législateurs peuvent demander l'aide des banques de développement pour construire eux-même cette institution importante qu'est le pouvoir judiciaire, et qui est absolument cruciale pour le développement.

Q: Les juges ont-ils les moyens de combattre la corruption ?
E.J.:
Dans l'état actuel de la justice dans le monde, je dirais non. Mais en même temps, je pense que sans la construction d'un pouvoir judiciaire fort, la probabilité d'endiguer la corruption est moindre. C'est un pas indispensable, mais insuffisant. Il faut construire des institutions dans les pays en développement, dont la justice. La justice a une place particulière parce que les autres institutions en dépendent. Si vous n'avez pas une justice en état de marche, ni les contrats commerciaux ni les contrats de travail ne vont fonctionner, pas plus que le respect des droits de l'homme qui est vital.

Q: Beaucoup de gens ne croient plus en la justice. Que leur répondez-vous ?
E.J.:
Il y a des solutions que nous pouvons résumer en trois mots : formation, sensibilisation et sanction. Mais pour ça, il faut une volonté politique. Il y a un espoir, Il se trouve dans certains pays en développement, où des personnes dotées de qualités remarquables construisent des institutions. Il y a des petits succès et l'action de la Norvège, au niveau bilatéral, consiste justement à identifier les personnes qui portent l'espoir dans leur pays et à les aider à supporter la pression dans laquelle ils vivent.


"Mettre en place des structures pour les droits de l'homme et la prévention de la torture"

Mme Martine Brunschwig-Graf, parlementaire suisse et Présidente de l'Association pour la prévention de la torture

Mme. Martine Brunschwig-Graf

Q: Que peuvent faire les parlementaires pour que la justice soit appliquée ?
Martine Brunschwig-Graf:
Les parlementaires doivent voter des lois qui respectent les droits fondamentaux. Nous avons aussi un devoir de contrôle. Nous devons être attentifs et écouter. Certains parlements ont le droit de pétition. Ils peuvent donc recevoir les informations émanant de simples citoyens qui pourraient se sentir lésés. Il faut aussi veiller à ce que les institutions nationales nécessaires soient mises en place, que ce soit pour les droits de l'homme ou la prévention de la torture.

Comment faire pour que la séparation des pouvoirs soit respectée ?
M.B.G.:
Il y a un champ de tension qui ne sera jamais résolu entre la séparation des pouvoirs, entre le pouvoir judiciaire et le fait de devoir contrôler la politique appliquée dans toutes les matières y compris en matière de justice. Certains parlements, comme le Parlement suisse, élisent leurs juges. Ils doivent donc veiller à ce que les juges soient de qualité.


"Situation inhumaine dans de nombreuses prisons"

M. Ira Robbins, Professeur au Washington College of Law

M. Ira Robbins

Q: Quel message souhaitez-vous transmettre aux législateurs?
Ira Robbins:
Je souhaite que les parlementaires étudient la situation des prisons privées, les peines et le mode de détermination des peines qui est trop étroit. La politique pénale doit être globale. Toute décision d'un côté a des conséquences de l'autre. Le vote par les parlementaires, au niveau législatif, d'une peine minimale obligatoire pour un crime donné, disons par exemple cinq ans pour un problème de drogue mineur, a des répercussions sur tout le système, y compris au niveau pénitentiaire. Il faut concevoir un ensemble global de lois permettant de transformer la justice et non se contenter d'appliquer des emplâtres ici ou là pour régler des problèmes ponctuels.

Q: Êtes-vous préoccupé par la situation actuelle des prisons dans le monde?
I.R.:
Oui et non. La situation est inhumaine dans de nombreuses prisons. Il y a trop de monde en prison. Je ne crois pas que nous ayons traité le coeur du problème parce que nous préférons recourir à des expédients qui apportent une solution sur le plan politique. Si je suis préoccupé à long terme ? Non, aussi longtemps que des gens en débattent, comme au séminaire qui se déroule ici cette semaine. Dans la mesure où les gens en parlent, posent les bonnes questions et réfléchissent sérieusement, qu'ils soient d'accord avec le conférencier ou non, je pense qu'au bout du compte le dialogue débouchera sur une meilleure compréhension de ces questions.


"Les droits de l'homme sont intimement liés à la démocratie"

M. Roberto Garreton, avocat spécialisé dans les droits de l'homme (Chili), ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo

M. Roberto Garreton

Q: Quel est votre message aux parlementaires ?
Roberto Garreton:
La question des droits de l'homme est intimement liée à la démocratie. C'est un sujet politique, bien que beaucoup de gens préfèrent le traiter comme un sujet humanitaire, par ailleurs important pour le projet de société que nous souhaitons. Le rôle des parlementaires est donc fondamental. Un philosophe espagnol a dit que le droit sert à la vie ou ne sert à rien. Je crois que le Parlement sert à la vie ou ne sert à rien. Car si nous allons au Parlement seulement pour légiférer en matière de répression ou de contrôle de la population, ou pour libérer l'Etat de sa responsabilité concernant des questions économiques et sociales, nous ne construirons jamais une société démocratique.

Q: Que doit avoir en tête un parlementaire au moment de voter une loi?
R.G.:
Il doit se demander en quoi elle peut affecter les droits de l'homme. Est-elle pour ou contre les droits de l'homme ? Si elle est en faveur des droits de l'homme, je vote pour, si elle est contre les droits de l'homme, je vote contre. Ou je présente des amendements pour qu'elle soit en faveur des droits de l'homme. Prenons l'exemple de la responsabilité pénale. Si un mineur commet un crime, quelqu'un peut demander d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale. Autre exemple: si un crime violent est commis, il y a celui qui demandera le rétablissement de la peine de mort. Le plus important est que les parlementaires reconnaissent le processus de développement culturel des droits de l'homme comme base de l'ordre social. Et dans ce sens, des progrès indéniables ont été accomplis.

Q: Que voulez-vous dire ?
R.G.:
Qu'avait les défenseurs des droits de l'homme en 1945 sur le plan international ? Rien. Pas même une déclaration. La Déclaration universelle des droits de l'homme nous a apporté un arsenal d'instruments internationaux en faveur de la protection de l'être humain et la diminution du pouvoir de l'Etat. Mais, sur le plan économique et social, nous avons besoin d'un Etat fort, qui possède des ressources, capable de créer une économie solidaire. Cette culture des droits de l'homme, qui a commencé en 1945, est allée en crescendo jusqu'à ce jour que nous les Chiliens, appelons le mardi 11 septembre bis, car le premier 11 septembre a eu lieu au Chili en 1973, et ensuite est venu le 11 septembre 2001. A ce moment-là, des pays importants ont commencé à remettre en question la culture des droits de l'homme. Si on analyse les thèmes qui ont été évoqués lors de ce séminaire, nous constatons qu'il y a eu un recul. La tendance était, par exemple, de diminuer l'influence des tribunaux militaires, afin que lesgens soient jugés par des tribunaux normaux et, dans ce domaine, des progrès avaient été accomplis. Certains pays comme la Belgique les ont supprimés en temps de paix, et en France, les tribunaux militaires sont formés par des juges civils qui ont suivi un cours spécial.

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