La volonté politique au centre de la tolérance zéro pour les MGF
Pour faire suite à l'événement qui s'est tenu l'année dernière à la Maison des Parlements, les quatre partenaires ont organisé une autre réunion-débat le vendredi 6 février, à l'occasion de la Journée internationale de Tolérance zéro pour les MGF, à Genève. La réunion-débat était modérée par la journaliste Catherine Fiankan.
« Cette réunion-débat est l'expression d'une volonté politique d'accélérer nos efforts de mettre fin à cette forme intolérable de violence à l'encontre des femmes et des filles », a déclaré le Secrétaire général de l'UIP, Anders B. Johnsson. « Légiférer constitue le premier pas pour mettre fin aux MGF. C'est une déclaration publique qui stipule que cette pratique est illégale et inacceptable. Elle permet aux jeunes filles de dire non et d'exiger le droit à la protection de la part de l'Etat. Le premier objectif est de s'assurer que tous les pays concernées adoptent une loi contre les MGF et qu'il n'y a aucune différence d'un pays à l'autre ».
La parlementaire suisse Maria Roth-Bernasconi a rappelé que les MGF se pratiquent surtout au nord-est de l'Afrique et en Afrique de l'ouest ainsi que dans certaines régions du Proche-Orient. Cependant, sous l'effet des courants migratoires, ces pratiques se sont propagées hors des pays d'origine. Elles constituent de graves atteintes aux droits de la personne. Elles sont l'expression d'une inégalité des sexes profondément enracinée dans les structures sociales, économiques et politiques des pays où elles ont court, a-t-elle ajouté. Dans son pays, la Suisse, les MGF tombent sous le coup du Code pénal en tant que « lésions corporelles ». « La situation juridique en Suisse a été examinée à la lumière de deux avis de droit commandés par l'UNICEF Suisse. Ceux-ci ont conclus qu'il serait préférable d'insérer dans la loi une mention spécifique de cet acte criminel, raison pour laquelle j'ai déposé mon initiative parlementaire ».
Mme Silvia Ekra, Responsable des questions genre à l'OIM, a souligné que les MGF sont devenues une réalité en Europe. « Aujourd'hui, l'on sait qu'il n'existe pas de simple relation de cause à effet entre migration et abandon de la pratique. Nous savons qu'il n'y a pas qu'une simple relation de cause à effet entre migration et abandon de la pratique. Ce n'est pas parce que ces populations vivent ne Europe qu'elles vont l'abandonner ».
Pour donner un exemple concret la Directrice de l'Office des droits humains du Département des institutions de Genève, Mme Fabienne Bugnon, a expliqué que la Suisse doit tout mettre en place pour assurer aux personnes qui trouvent refuge sur son seuil, protection, information et soins. «Quelque 7 000 femmes provenant de pays à fort taux de prévalence de MGF vivent dans notre pays, dont environ 1 200 à Genève. Ce nombre est suffisamment élevé pour que nous mettions en place des programmes de prévention ».
Mme Berhane Ras-Work, Directrice exécutive du Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles (CI-AF) a largement contribué à ce que le 6 févier soit proclamé, il y a 7 ans, Journée internationale « Tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines » (MGF). Evolution des mentalités et des pratiques sociales et volonté politique doivent aller de pair : « Les attitudes et les pratiques négatives dont les femmes sont victimes sont à ce point intégrées dans les mentalités qu'elles se manifestent sous des formes multiples, et avec des degrés de violence divers, sans que la société les remette véritablement en question. Les femmes se plient à ce diktat, sacrifiant leur bien-être et celui de leurs filles, pour se conformer à la norme sociale », a déclaré Mme Ras-Work. Parce qu'elles n'ont pas accès à la connaissance et ne sont pas libres de faire d'autres choix de vie, les femmes se font les gardiennes de ces pratiques et les défendent avec vigueur, contribuant ainsi à les perpétuer. « La cruauté et les conséquences des MGF sont tolérées au nom de la tradition », a-telle ajouté.
Les MGF sont pratiquées traditionnellement depuis l'époque des pharaons d'Egypte. Contrairement à une croyance répandue, elles n'ont aucun fondement religieux. Pour mettre un terme à cette tragédie, dont sont victimes trois millions de petites filles chaque année, le CI-AF appelle les responsables gouvernementaux, les législateurs, les responsables locaux, les chefs coutumiers et religieux et la société civile dans son ensemble à s'associer pleinement à la lutte contre les MGF.
Citations :
Plan d'action norvégien pour la lutte contre les MGF : un outil évolutif« Le Plans d'action norvégien est un outil évolutif. Le premier a été adopté en 2000, et le troisième, qui est en cours de mise en oeuvre, arrivera à échéance en 2011. Il est axé principalement sur la prévention. Il a essentiellement pour objectif de modifier les attitudes par le dialogue et l'information, avec le concours de tous les groupes concernés. Il faut du temps pour faire évoluer les mentalités et les attitudes, mais tout porte à croire que cette approche est propice à des changements durables. Le plan d'action contient 41 mesures qui se répartissent en six grandes catégories : renforcement des capacités et transfert de connaissances ; prévention et sensibilisation ; services de santé ; intensification des efforts pendant les périodes de vacances ; application effective de la loi ; et renforcement de l'action internationale. La loi norvégienne interdit les MGF depuis 1995, mais il faut veiller à ce qu'elle s'applique concrètement. Les établissements scolaires, les services de santé et toutes les institutions concernées ont à la fois le droit et le devoir de communiquer au service de protection de l'enfance toute information pertinente en leur possession.»
Mme Bente Angell-Hansen, Ambassadrice de Norvège à Genève
Burkina Faso : Etat pionnier de la lutte contre les MGF
« Le Burkina Faso fait partie des Etats pionniers africains qui se sont engages dans la lutte contre les MGF. Depuis 18 ans, plusieurs dispositions institutionnelles et normatives ont été mises en place pour sensibiliser, dissuader et sanctionner les auteurs potentiels ou révélés des MGF. Plusieurs ministères sont chargés de coordonner leurs actions afin de mettre un terme aux MGF : Au plan normatif, la Constitution du Burkina Faso pose le principe fondamental du respect de l’intégrité de la personne humaine et de l’égalité des droits. En application de cela, le principal acquis contraignant est la loi pénale de 1996 qui a permis la relecture du Code pénal en y introduisant des dispositions sanctionnant d’amende et d’emprisonnement les auteurs et les complices d’atteinte à l’intégrité de l’organe génital de la femme.
Mme Clarisse Merindol Ouoba, Conseillère juridique à la mission du Burkina Faso à Genève
L'Egypte s'emploie à éradiquer les MGF
« En juin 2007, le Ministère de la santé et de la population a pris un arrêté ministériel qui criminalise les MGF et comble les failles que présentait la loi. Il est désormais interdit aux professionnels de santé ou à toute autre personne de pratiquer des MGF dans les établissements hospitaliers publics et privés. Ces nouvelles dispositions interdisent par ailleurs aux médecins et aux membres du corps médical, qu'ils exercent dans le public ou dans le privé, de pratiquer des clitoridectomies, toute forme de circoncision féminine étant désormais considérée comme une atteinte à la loi, et donc passible de sanctions. »
M. Khalid Emara, Ministre, mission permanente de l'Egypte à Genève
Le coût économique des MGF
Les recherches que nous avons menées sur les mutilations génitales féminines et leurs complications obstétriques constituent une avancée importante. Les conclusions d'une étude multipays de l'OMS à laquelle ont participé plus de 26 000 femmes confirment que les femmes ayant subides mutilations génitales ont beaucoup plus de risques d'être victimes de complications pendant l'accouchement. L'étude a également révélé que les MGF peuvent avoir des effets néfastes sur la santé des nourrissons nés de femmes ayant subi de telles mutilations. Mais il y a plus grave : selon notre étude, les taux de mortalité infantile périnatale sont plus élevés chez les enfants nés de mères ayant subi des mutilations génitales. Les conséquences de ces mutilations sont sans doute encore plus graves chez la plupart des femmes qui accouchent hors du cadre hospitalier. La forte incidence d'hémorragie du post-partum, pathologie mortelle, présente des risques particulièrement préoccupants dans les régions où les services de santé sont médiocres ou difficilement accessibles. Dans le cadre du suivi de cette étude, l'OMS souhaite donner la priorité à l'élaboration d'outils de formation sur support électronique destinés au personnel médical. L'Organisation poursuit également ses recherches sur les coûts économiques des MGF, cet argument étant parfois le seul que les gouvernements entendent.Dr. Heli Bathija, Responsable des régions Afrique et Méditerranée orientale Département Santé et Recherche génésiques, Organisation mondiale de la santé