« L'UIP a sa propre identité, qu'elle doit protéger »
M. Theo-Ben Gurirab, Président de l'Assemblée nationale namibienne, a été élu président de l'UIP le 15 octobre dernier. M. Gurirab, dont le mandat sera de trois ans, a été Premier Ministre de la Namibie de 2002 à 2005 et Ministre des affaires étrangères de 1990 à 2002. Il a été membre du Comité de rédaction de la Constitution créé par l'Assemblée constituante et est l'un des membres fondateurs du Parlement. En 1999, il a présidé la 54ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies. Entretien avec l'homme qui a joué un rôle clé dans le progrès du processus de réforme des Nations Unies et piloté la rédaction de la Déclaration du Millénaire des Nations Unies, qui fait date dans l'histoire de l'Organisation.
Q : M. le Président, quelles seront vos priorités ?
M. Theo-Ben Gurirab : les priorités de l'UIP pour la période 2009-2011 figurent en toutes lettres dans son plan stratégique. Ayant pris part à sa formulation, je n'ai aucune modification à y apporter. Toutefois, sur le plan politique, je peux vous dire ce sur quoi l'UIP devrait, selon moi, faire porter son attention. L'une des priorités de l'UIP devrait être d'exploiter le mieux possible son partenariat croissant avec les Nations Unies. Dans le discours que j'ai prononcé après mon élection, j'ai souligné le fait que l'UIP n'est ni une institution spécialisée ni une commission permanente des Nations Unies, mais qu'elle en est la partenaire. L'UIP a une identité sui generis, celle d'une organisation de parlements nationaux, et elle doit la protéger.
Q : A la lumière de votre longue expérience tant à l'échelon national qu'à l'échelon international, qu'est-ce qui singularise, selon vous, l'UIP ?
T.-B.G. : L'UIP diffère de toutes les autres organisations internationales. A l'échelon national, le Parlement est la maison du peuple. La priorité du Parlement est de promouvoir le bien-être, la sécurité et le progrès des citoyens et de la collectivité. Nous sommes bien plus que de simples parlementaires. Les parlements dépendent de systèmes politiques différents, mais ceux d'entre nous qui venons d'un système dans lequel les ministres siègent aussi au Parlement aimerions établir une distinction entre ministres et ministres adjoints, d'une part, et parlementaires sans portefeuille, de l'autre, dont la seule responsabilité est d'oeuvrer au Parlement en faveur de l'amélioration des conditions de vie du peuple et de mettre le gouvernement face à ses responsabilités concernant les lois adoptées et la politique formulée. La raison d'être de l'UIP en tant qu'organisation rassemblant les parlements est de mettre en avant, dans tout ce que nous faisons, notre responsabilité et notre engagement en faveur de l'amélioration des conditions de vie des peuples.
Q : L'UIP est aussi une enceinte permettant à des délégués, voire des pays en conflit, de tenir des rencontres bilatérales. Pensez-vous qu'il faille encourager ce type de rencontres ?
T.-B.G. : De telles rencontres vont tout à fait dans le sens de l'idéal du travail parlementaire. Certains parlements sont dominés par un parti politique unique, mais le Parlement donne le meilleur de lui-même lorsque règne le pluralisme politique, qui permet l'expression de tout un éventail de points de vue concernant la meilleure façon de promouvoir le développement économique, la prise en charge médicale, l'éducation, le développement rural et la protection des femmes et des enfants. Le multilatéralisme et le dialogue nourri par des visions différentes constituent la meilleure garantie de l'existence d'un parlement riche et actif. J'oeuvrerai à la fois en faveur des relations bilatérales et du multilatéralisme, qui nous permet, en tant que membres de l'UIP, de participer à la discussion de sujets tels que l'économie mondiale, les changements climatiques, le réchauffement planétaire, la protection de l'environnement, les droits de l'homme et les droits de l'enfant. Je jouis d'une riche expérience car je collabore depuis longtemps avec les Nations Unies et j'ai toujours accordé beaucoup d'importance à la diplomatie ouverte, qui part du principe que le dialogue est le meilleur moyen de résoudre les problèmes.
Q : Vous avez évoqué l'économie mondiale. Que peut faire le législateur pour tenter de résoudre la crise financière ?
T.-B.G. : Chaque parlement doit réfléchir à la question avec son gouvernement. C'est le gouvernement qui est responsable de la planification économique et du budget. Chaque pays devrait, par le biais de son parlement, tenter de définir les conséquences de la crise économique frappant actuellement le monde et de l'écroulement des marchés financiers, afin que nous sachions comment ces phénomènes affectent nos pays. Le dialogue est essentiel. Nous devons mettre le gouvernement face à ses responsabilités. Les chefs d'Etat, les chefs de gouvernement, les ministres des finances, de l'économie et de la planification doivent venir au Parlement présenter la situation aux parlementaires et, par conséquent, au peuple. Chaque pays possède des caractéristiques qui lui sont propres: certains ont des ressources énergétiques ou minières, d'autres dépendent du tourisme, colonne vertébrale de leur économie. Le gouvernement doit se présenter devant le Parlement pour expliquer les répercussions de la situation économique actuelle sur la société et le Parlement, dûment informé, doit alors se tourner vers les citoyens pour leur expliquer quelles mesures ils devraient prendre pour protéger leurs conditions de vie et ce qu'ils devraient éviter de faire. Les citoyens ne savent pas ce qui se passe dans le monde et nous devrions nous faire le relais de ces informations pour les porter à leur attention. Il y va donc de la responsabilité de l'UIP de faire entendre, avec ses membres, son inquiétude et d'exhorter les gouvernements, par le truchement des Nations Unies, à remédier à la situation mondiale pour éviter une catastrophe à l'échelle planétaire.
Q : Dans le contexte du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, pensez-vous que les droits de l'homme soient en danger, ou la situation s'améliore-t-elle ?
T.-B.G. : De façon générale, permettez moi de dire que les activités entreprises par les Nations Unies, l'UIP et d'autres organisations, la société civile et les différents acteurs concernés, nous ont permis de faire davantage en tant que pays et en tant que gouvernements. La situation en matière de droits de l'homme continue à s'améliorer, mais les droits de l'homme ont peut-être empiré dans certains pays. L'UIP, par le biais de son Comité des droits de l'homme des parlementaires, qui dénonce les cas de parlementaires emprisonnés ou assassinés, est au premier rang de ceux qui demandent des comptes à ces pays. Nous suivons de près le comportement des gouvernements dont les parlements sont représentés à l'UIP. La question des droits de l'homme préoccupe au plus haut point les gouvernements et, bien évidemment, les parlements, et l'UIP ne ménage pas ses efforts pour que cette question ne quitte jamais l'actualité.
Q : Selon vous, quelles activités l'UIP devrait-elle entreprendre pour promouvoir le partenariat entre hommes et femmes ?
T.-B.G. : L'UIP a ouvert la voie non seulement en montant au créneau en faveur des droits des femmes, mais aussi en définissant des critères de base à la lumière desquels évaluer ses membres. Toutes les délégations assistant aux réunions de l'UIP doivent respecter l'équilibre entre les sexes et comporter des femmes. Tous les pays ne se plient pas à cette exigence, mais ceux qui refusent sont sanctionnés. Il faut que nous continuions à promouvoir ce partenariat en mettant en oeuvre les conventions et protocoles considérés par la communauté internationale comme le fondement des mesures devant être prises pour promouvoir l'égalité des sexes. L'UIP doit y veiller et inciter les parlements nationaux et les gouvernements à nommer des femmes à des postes à responsabilité, ainsi qu'à leur accorder un rôle politique plus important dans leur pays. La participation des femmes ne relève pas de la charité. C'est l'obligation faite aux gouvernements de respecter les conventions qu'ils ont signées.
Q : L'IPU s'apprête à fêter 120 années au service de la démocratie et du dialogue. Comment évaluezvous la démocratie dans le monde d'aujourd'hui ?
T.-B.G. : En Namibie, nous avons été parmi les premiers pays à célébrer la Journée internationale de la démocratie. Nous l'avons fêtée le 18 septembre, et non le jour même (le 15), car le Parlement ne reprenait ses travaux que le 16. Nous avons organisé un atelier. J'ai annoncé la Journée à l'Assemblée nationale et j'ai présenté une allocution devant nos invités : le Président, une éminente personnalité religieuse, un porte-parole de la société civile, un professeur d'université et une représentante des organisations de femmes. Il est important que la question de la démocratie soit abordée tant à l'échelon national qu'international.