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N°32
DECEMBRE 2008

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de la Revue

Le Monde des Parliaments
Démocratie

La démocratie implique un partage du pouvoir

De gauche à droite : Mme Muriel Siki, M. Benjamin Barber et le Président Danilo Türk à la tribune. L'année dernière, l'Assemblée générale des Nations Unies a fait du 15 septembre la Journée internationale de la démocratie. Cette décision revêt une signification particulière pour l'UIP en sa qualité d'organisation mondiale des parlements. Pour marquer cet événement, l'UIP a fait un tour d'horizon des défis que doit actuellement relever la démocratie, lors d'une réunion-débat organisée à la Maison des parlements, en la présence de M. Danilo Türk, Président de la République de Slovénie, de Mme Marta Lagos, Directrice exécutive de l'institut de sondages LatinoBarómetro (Chili) et de M. Benjamin Barber, politologue et écrivain résidant aux Etats-Unis. M. Anders B. Johnsson, Secrétaire général de l'UIP, et M. Sergei Ordzhonikidze, Directeur général de l'Office des Nations Unies à Genève, étaient aussi présents. M. Jimmy Carter, ancien Président des Etats-Unis, Lauréat du Prix Nobel de la Paix en 2002 et Président du Centre Carter, a envoyé un message vidéo.

« L'UIP se félicite de cette Journée internationale, qui offre à la communauté internationale et aux différents pays une occasion importante de réfléchir à la démocratie et de penser à ce que chacun d'entre nous peut faire pour défendre la démocratie et l'améliorer », a déclaré le Secrétaire général en souhaitant la bienvenue aux participants rassemblés à la Maison des parlements pour la réunion-débat animée par la journaliste suisse Muriel Siki (TSR).

M. Sergei Ordzhonikidze a souligné que : « en créant cette Journée, le Secrétaire général de l'ONU a réaffirmé que la démocratie est une valeur universelle reposant sur la volonté librement exprimée du peuple de définir son propre système politique, économique, social et culturel ».

« La valeur de la démocratie se mesure aux fruits qu'elle porte »

Dans son allocution, M. Danilo Türk, Président de la Slovénie, a déclaré que : « il est juste de dire que tout ce processus des démocraties nouvelles ou rétablies a défini une liste de questions essentielles pour la création et le fonctionnement de la démocratie à l'échelon mondial dans le monde d'aujourd'hui ». Ces éléments essentiels sont les suivants : la conscience que la démocratie doit se montrer à la hauteur.

« La démocratie est une valeur en soi, mais le vrai test de la démocratie réside dans les fruits qu'elle porte. Les gens ne vivent pas d'amour pour les grands principes et la démocratie doit donc produire des résultats pratiques, ce qui signifie que les démocraties doivent relever le défi de répondre aux besoins pratiques qui s'expriment tout au long de l'existence ». L'état de droit, la transparence et la nécessité de lutter contre la corruption sont importants. « La crédibilité de la démocratie dépend de son efficacité dans ce domaine. La démocratie ne peut pas exister dans une société sans loi, en tout cas pas pour longtemps. Une fois l'état de droit établi dans ses grandes lignes, des tests permettent de déterminer si la démocratie fleurira ». L'un de ces tests consiste à évaluer son degré d'efficacité dans la lutte contre la corruption.

La sécurité constitue un autre élément. « La démocratie ne va bien sûr pas sans soulever des difficultés. Les défis à la sécurité de la société constituent aussi des défis à la démocratie », a ajouté le Président slovène.

Les marchés sont remis en cause

Mme Marta Lagos Mme Marta Lagos, Directrice exécutive de LatinoBarómetro, a commenté les menaces auxquelles la démocratie est confrontée. « La menace la plus importante pour le processus de démocratisation est le fait de ne pas réussir à démocratiser les sociétés et les marchés afin que tous puissent bénéficier du progrès ». La démocratie sera-t-elle en mesure de donner naissance à des sociétés équitables? Telle est la question à laquelle nous devons répondre.

« Malheureusement, dans certaines régions du monde, la croissance et le développement mondiaux ont creusé le fossé entre ceux qui se sentent intégrés dans le système et ceux qui s'en sentent exclus. Les marchés sont remis en cause dans leur capacité à répartir les fruits de l'économie et la richesse croissante. Les parlements jouent un rôle clé dans ce processus. Ils peuvent contribuer au problème ou à sa solution. Le Parlement n'est rien de plus, et rien de moins, que le reflet de la façon dont une société donnée a réussi à représenter sa pluralité et sa diversité », a souligné Mme Lagos. « A l'occasion de cette première édition de la Journée, espérons, pour l'amour de la démocratie, que les parlements comprendront et interprèteront la demande de pluralisme et de diversité en produisant dans leur société davantage de liberté et de confiance », a t elle conclu.

« La démocratie, c'est le partage du pouvoir »

M. Benjamin Barber, politologue et écrivain résidant aux Etats-Unis, également Président de l'ONG CivWorld, estime que la démocratie est le seul espoir de survie de notre planète. « La démocratie implique le pouvoir et le partage du pouvoir. Ceux qui vivent en démocratie doivent participer à cette dernière. Trop souvent, nous parlons de démocratie sous l'angle de la liberté, de l'égalité, de la justice, de la citoyenneté, de la représentation, mais en dernière analyse, la démocratie concerne le pouvoir et le partage du pouvoir et les individus qui veulent la démocratie souhaitent le partage du pouvoir. Il souhaitent avoir voix au chapitre pour ce qui les concerne, ce qui explique que l'impossibilité de s'exprimer constitue le signe le plus préoccupant de l'absence de démocratie et que le travail réalisé dans le monde entier par ceux qui veulent permettre aux femmes, aux pauvres et aux défavorisés de s'exprimer constitue l'un des principaux objectifs ».

Selon M. Barber, les parlements sont les dépositaires et le symbole de la démocratie. Ils jouent un rôle essentiel mais ne peuvent le tenir pleinement que s'ils conservent un lien étroit avec leurs administrés, s'ils nourrissent leur engagement et les amènent à jouer leur rôle de citoyens et à assumer leur part de responsabilités.M. Barber, qui a été l'un des conseillers du Président Clinton, a souligné que « si la citoyenneté se limite à payer des impôts et voter une fois par an avant d'envoyer ses enfants mourir, le cas échéant, dans des guerres qu'on n'a pas les moyens d'éviter, alors la plupart des gens perdront la foi dans la démocratie, quelle que soit la qualité des lois adoptées, quelle que soit la participation aux élections des parlementaires et quels que soient les dirigeants élus pour représenter le peuple ».

« Je félicite l'UIP d'avoir su sensibiliser le public »

    Jimmy Carter, ancien Président des Etats-Unis

« Je félicite l'Union interparlementaire de s'être mobilisée pour sensibiliser le public au sujet de la première Journée internationale de la démocratie et de la responsabilité collective qui nous incombe de protéger le droit des citoyens de voter, de se présenter aux élections et de participer librement aux affaires publiques de leur pays », a déclaré M. Jimmy Carter, ancien Président des Etats- Unis, Lauréat du Prix Nobel de la Paix 2002 et Président du Centre Carter, dans un message vidéo spécial transmis à l'UIP.

M. Carter a expliqué que, avec ses collègues du Centre Carter, il oeuvre depuis presque 20 ans en faveur de la démocratie et des droits de l'homme. «Depuis 1989, nous avons envoyé des observateurs à 70 élections dans 28 pays différents. Toutes les missions d'observation des élections organisées par le Centre Carter respectent la Déclaration de principes relative à l'observation internationale d'élections. Ce document, dont l'UIP est aussi signataire, a marqué un tournant fondamental dans le développement de l'observation des élections. Il a désormais été entériné par 32 organismes d'observation des élections du monde entier. La Déclaration est importante parce qu'elle propose des normes professionnelles cohérentes pour l'observation internationale d'élections. Sur le fond, nous ne faisons que tenter de donner expression aux droits humains essentiels et aux principes fondamentaux contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et instruments ultérieurs, en leur donnant valeur de critères permettant d'évaluer le caractère authentiquement démocratique d'élections », a-t-il ajouté.

Journée internationale de la démocratie

Evénements organisés par les parlements

Photo Exposition de tableaux illustrant des thèmes et des messages relatifs à la démocratie réalisés par des élèves de l'école secondaire aux Maldives Pour célébrer la première Journée internationale de la démocratie, l'UIP a invité les parlements nationaux à organiser leurs propres manifestations commémoratives pour mettre l'accent sur le rôle des parlements, véritables piliers de la démocratie.

Selon les informations reçues, les parlements des pays suivants ont organisé un événement autour du 15 septembre pour commémorer cette Journée : Afrique du Sud, Afghanistan, Algérie, Allemagne, Autriche, Belarus, Belgique, Burkina Faso, Burundi, Croatie, Ex-République Yougoslave de Macédoine, Etats-Unis d'Amérique, Finlande, Grèce, Hongrie, Indonésie, Lettonie, Lituanie, Maldives, Monaco, Mongolie, Namibie, Nouvelle Zélande, Pakistan, Philippines, Qatar, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin, Serbie, Slovénie, Suisse, Thaïlande, Togo, Turquie, Uruguay et Zambie. Parmi ces activités figurent l'adoption de résolutions marquant la Journée, des émissions de radio et de télévision, des journées « portes ouvertes » et des sessions parlementaires extraordinaires.

Le Président de l'UIP, Pier Ferdinando Casini, a d'ailleurs participé à l'une de ces sessions extraordinaires au Parlement hellénique. D'autres activités ont également eu lieu, notamment pour associer le public, et en particulier les jeunes, aux travaux du Parlement, ainsi que des expositions en rapport avec la démocratie. Nombre de parlements ont utilisé les informations mises à leur disposition par l'UIP, au nombre desquelles figure une affiche et une brochure, ainsi qu'une nouvelle présentation de la Déclaration universelle sur la démocratie de 1997. Certains d'entre eux avaient traduit ces documents dans leur(s) langue(s) nationale(s).
[Voir la liste complète des évènements]

M. Ali Larijani & M. Anders B. Johnsson

Ali Larijani, Président du Parlement iranien, en visite à la Maison des parlements

A l'occasion de la 119ème Assemblée de l'UIP, M. Ali Larijani, Président du Parlement iranien, est venu en visite à la Maison des parlements. M. Larijani et sa délégation ont été reçus par Anders B. Johnsson, Secrétaire général de l'UIP. La discussion a porté sur la relation entre l'UIP et le Parlement iranien, la diplomatie parlementaire, ainsi que les domaines dans lesquels l'UIP peut offrir ses bons offices, ainsi que la crise au Moyen-Orient, la situation en Iraq et la non-prolifération nucléaire.

Défendre les droits de l'homme des élus est une responsabilité pour tous les parlementaires

Réunion-débat tenue au Congrès américianUne réunion-débat sur les droits de l'homme des parlementaires et les différentes violations dont ils sont parfois victimes s'est tenue au Congrès américain le 18 septembre 2008, sous les auspices conjoints de l'UIP, du Congressional Human Rights Caucus et de la Commission d'assistance à la démocratie de la Chambre des représentants des Etats-Unis.

Comme son titre l'indique, cette réuniondébat s'est penchée sur le lien existant entre démocratie et droits de l'homme, plus particulièrement le droit des représentants élus à exprimer leur avis librement et sans peur. On y a aussi débattu de la façon dont la solidarité et la diplomatie parlementaires peuvent être mises au service de la démocratie. Cette réunion-débat, organisée au lendemain de la première Journée internationale de la démocratie, célébrée le 15 septembre, a offert au Congrès américain l'occasion de rendre hommage à cette nouvelle Journée. Des parlementaires de l'Afghanistan, du Libéria, du Timor-Leste et de Haïti figuraient au nombre des participants. Un message vidéo de l'ancien Président américain Jimmy Carter (où, entre autres choses, il salue l'UIP et sa déclaration universelle sur la démocratie) a constitué l'un des temps forts de la réunion.

Parmi les points saillants de la réunion figuraient un appel pour la mise en oeuvre d'une diplomatie active dès les premiers signes que la démocratie est remise en cause dans un pays. Les gouvernements qui abusent de leur autorité doivent prendre immédiatement conscience du fait que leurs actes ne resteront pas impunis. Les participants ont souligné que les parlements doivent veiller au respect des droits de l'homme et dénoncer les abus dans ce domaine sur la scène internationale. Ils doivent contribuer à renforcer les exigences concernant la conduite acceptable de la part des gouvernements dans le traitement réservé aux opposants politiques.

Ils ont ajouté que la démocratie est un processus lent devant être adapté à l'histoire politique et à la conjoncture de chaque pays. Il n'existe pas de panacée. Le contrôle parlementaire est de toute évidence la clé de la réussite. Il est aussi important pour renforcer la confiance de la population dans le processus démocratique. Les régimes non démocratiques ne sont pas les seuls à violer les droits des parlementaires. Le terrorisme peut constituer une menace encore plus grande à l'encontre de la démocratie dans certains pays. Il est arrivé que des parlementaires soient tués par des terroristes tentant de déstabiliser la démocratie pour en tirer profit.

L'éducation aux droits de l'homme devrait constituer l'un des piliers de toute démocratie. Elle revêt une importance particulière dans les nouvelles démocraties, dans lesquelles la population peut ne pas avoir pleinement conscience des choix auxquels elle est confrontée, comme dans le cas d'une nouvelle Constitution. Les démocraties doivent lutter contre les inégalités sociales et économiques croissantes tout en protégeant les droits des minorités et en acceptant les différences linguistiques et ethniques en leur sein.

Deux défenseurs des droits de l'homme au Congrès américain, les parlementaires Jim McGovern et David Price, participaient à la réunion, aux côtés du sénateur David Coltart du Zimbabwe, de M. Amanullah Paiman, Vice-président du Parlement afghan et de M. Lenin Hurtado, membre de l'Assemblée constituante de l'Equateur. Mme Kathryn Porter, Présidente du Legislative Council for Human Rights, a lu un message émanant de Mme Leyla Zana (l'un des principaux dirigeants de l'opposition en Turquie) et Mme Ariela Blatter, d'Amnesty International, a résumé les discussions de fond.

Le Secrétaire général de l'UIP, Anders B. Johnsson, a animé la discussion et prononcé une intervention présentant les travaux du Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP. Dans ses remarques de clôture, il a invité les participants à faire preuve de vigilance, sans toutefois oublier d'être optimistes. La démocratie a fait d'énormes pas en avant en tout juste 20 ans, a-t-il affirmé, tout particulièrement en Afrique. Certains pays considérés il y a peu de temps encore comme des cas désespérés connaissent actuellement une vraie renaissance démocratique.

Frederik Bajer et l'UIP : 1889 et aujourd'hui

Le Secrétaire général de l'UIP a prononcé une allocution lors du Séminaire annuel du Bureau international de la Paix, qui a eu lieu à Copenhague en novembre et était consacré à Frederik Bajer, l'une des huit personnalités de l'UIP à avoir reçu le Prix Nobel de la Paix. Pour comprendre Frederik Bajer et l'importance de l'oeuvre de sa vie, il est nécessaire d'avoir conscience de l'époque à laquelle il a vécu, très différente de celle d'aujourd'hui, a déclaré M. Johnsson. « La paix n'est pas un état d'esprit passif. La paix exige l'action, et l'action de tous, hommes et femmes. Mon rôle n'a guère été, de façon générale, celui d'un militant, a affirmé Bajer lors de son discours de remise du Prix Nobel, mais plutôt celui d'un organisateur, dont le travail s'est déroulé dans les coulisses, justement pour aider les autres à agir. Ce qui était vrai de Frederik Bajer est également vrai de l'UIP, tant en 1889 qu'aujourd'hui ».