La violence politique à l'égard des femmes
Par Mme Elizabeth Salguero Carrillo, Présidente de la Commission des droits de l’homme de la Chambre des Députés bolivienneLa participation politique des femmes a progressé en qualité et en quantité dans presque tous les pays du monde, mais la violence sexiste perdure tout de même dans la vie politique d’un certain nombre d’entre eux. Dans les pays ayant appliqué le principe de l’alternance et de la parité dans leurs listes électorales, avec pour résultat que les listes comportent un homme et une femme en alternance, y compris pour les postes de remplaçants, un grand nombre de femmes continuent à être victimes de harcèlements et de violences visant à les faire renoncer à leur place en faveur des hommes.
C’est la raison pour laquelle plusieurs pays d’Amérique latine tels que l’Equateur, le Guatemala, le Mexique et la Bolivie défendent l’adoption de lois destinées à prévenir et à sanctionner toute forme de persécution, de harcèlement et de violence à l’égard des femmes. En Bolivie, la Loi contre le harcèlement et la violence sexistes en politique a été approuvée dans ses grandes lignes par la Chambre des Représentants et les femmes espèrent qu’elle sera définitivement approuvée avant la fin de la session législative, car elles souhaitent utiliser cet outil pour défendre le droit des femmes candidates aux élections générales de décembre prochain, ainsi qu’aux élections municipales et préfectorales d’avril 2010.
L’objectif de la loi contre le harcèlement et la violence sexistes en politique est de protéger, défendre et garantir l’exercice des droits politiques des femmes candidates et des élues, en les protégeant également dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que d’assurer la sécurité juridique et de sanctionner les comportements individuels et collectifs de harcèlement et de violence politique.
Les dispositions de cette loi s’appliquent à toutes les candidates élues et exerçant des fonctions en vertu d’un mandat confi é par le peuple dans le cadre d’une représentation démocratique exercée aux échelons national, départemental et municipal, dont les droits politique sont entravés ou restreints.
Le harcèlement politique est défini comme étant un acte ou une série d’actes commis par une personne ou un groupe de personnes à l’encontre d’une femme ayant des fonctions publiques ou politiques dans le but d’exercer une pression sur cette femme, de la menacer, la harceler ou la persécuter directement ou par l’intermédiaire de tiers. En outre, des pressions sont exercées sur la famille pour éviter que la personne ne porte plainte ou la pousser à la faute dans l’exercice de ses fonctions.
La violence politique est définie comme étant un acte, un comportement ou une agression provoquant des blessures physiques, psychologiques ou représentant un abus sexuel à l’encontre d’une femme ou de ses proches, dans le but de l’empêcher d’exercer ses droits ou de les restreindre, ou de l’obliger à prendre des décisions qui vont à l’encontre de son libre arbitre, de ses principes, voire de la loi.
La Loi contre le harcèlement et la violence sexiste en politique prévoit aussi des circonstances aggravantes lorsque la victime de ces actes de discrimination est une femme enceinte, que la femme a fait une fausse-couche à la suite de l’agression, lorsque cette dernière vise une femme de plus de soixante ans, ou si le coupable est un récidiviste. Parmi les autres facteurs pris en considération, citons le fait que la victime soit illettrée ou possède un très faible niveau d’instruction, que le ou les auteur(s) soi(en)t à la tête de partis ou de groupes de la société civile, ou qu’ils soient fonctionnaires et que les actes discriminatoires aient également touché des mineurs ou des membres de la famille de la représentante politique.
En outre, les démissions ne sont valables que si les femmes occupant un poste à responsabilité se présentent en personne devant le Tribunal électoral national. En effet, il est arrivé que des femmes soient obligées de signer leur démission sous la menace de la force et de l’agression, ce qui constitue une violation de leurs droits.
Cette loi innovante s’inspire aussi de la nouvelle Constitution approuvée par le peuple bolivien au mois de février de cette année, dans laquelle figurent les principes de l’égalité des chances et de la parité entre les sexes. Elle interdit et sanctionne donc tout acte de discrimination et de violence, quelle que soit sa nature, à l’égard de qui que ce soit, particulièrement les femmes. En ce qui concerne les droits politiques des femmes, la Constitution garantit une participation juste et équitable des femmes comme des hommes (article 26). Pour l’élection des représentants de l’Assemblée législative municipale, la participation des hommes et des femmes est garantie (article 147).
Enfin, la République de Bolivie adopte un mode de gouvernement démocratique, représentatif et participatif mettant hommes et femmes sur un pied d’égalité, conformément aux dispositions en ce sens prévues par l’article 11 de la Constitution.
Un appel à l’action contre les mutilations sexuelles féminines en Afrique
Par Mme Rebecca Kadaga Vice-présidente du Parlement ougandaisPrès de 30 ans après l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en 1979, et malgré l’existence de dispositions législatives dans plusieurs pays, la pratique des mutilations sexuelles féminines reste l’un des aspects de la CEDAW qui a fait l’objet du moins grand nombre de mesures « visibles ». Cette pratique persiste sous des formes multiples à des degrés de gravité divers dans certaines régions de l’Afrique du Nord et de l’Ouest, dans l’ensemble de la Corne de l’Afrique et dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale. Dans certaines communautés, cette pratique est ancrée si profondément que des groupes de demandeurs d’asile ou de réfugiés l’ont exportée avec eux ou renvoient régulièrement leurs fillettes en Afrique, au prétexte d’y passer des « vacances » mais, en réalité, pour s’assurer qu’elles sont soumises à cette pratique, qui est interdite dans la majorité des pays d’Europe et dans les autres pays développés.
En Ouganda, cette disposition de la CEDAW a été incorporée à la Constitution de 1995, qui dispose dans son article 32(2) “Les lois, cultures et traditions qui vont à l’encontre de la dignité, du bien-être et de l’intérêt des femmes ou autres groupes marginalisés relevant de la Clause (1), ou qui portent atteinte à leur statut sont proscrites par la présente Constitution”.
Malgré cette disposition claire, la pratique des mutilations sexuelles féminines se poursuit depuis plusieurs années chez les ethnies Sabiny, Pokot, Tepeth, Kadam et Somali et les premières tentatives du Gouvernement en 1985 pour y mettre un terme se sont heurtées à une violente résistance de la part de ces communautés, lesquelles, pour empêcher que les autorités ne « s’ingèrent dans leur culture », ont adopté une règle rendant les mutilations sexuelles obligatoires pour les filles tout comme pour les garçons. Cette mesure a conduit le Gouvernement à entreprendre un travail de sensibilisation des populations.
Plus tard, suite à plusieurs décès, blessures et défigurations, la communauté Sabiny a adopté, dans les années 1990, une autre règle rendant les mutilations sexuelles « facultatives » pour les filles. En 2006, la même autorité locale a finalement adopté une ordonnance interdisant les mutilations sexuelles féminines dans le district de Kapchorwa, et a demandé aux parlementaires de contribuer à appuyer d’urgence la nouvelle loi. Là encore, cette démarche faisait suite à plusieurs années de campagne et de sensibilisation menées par les parlementaires.
Au moment où j’écris ces lignes, le Parlement ougandais examine en première lecture un projet de loi visant à mettre fi n aux mutilations sexuelles féminines. Ce changement d’attitude s’est opéré grâce au travail de sensibilisation continu des parlementaires et des organes de l’ONU, mais le renversement d’opinion est dû aux anciens et aux militants des droits des femmes dans les communautés pratiquant les mutilations.
Pourquoi la pratique a-t-elle persisté ? Le facteur principal était l’opprobre social liée à la « non-conformité » aux normes culturelles; toute femme ou fillette qui refusait de se plier à cette pratique et restait dans la communauté était constamment humiliée.
Par exemple, elle ne pouvait aller puiser de l’eau au puits communal que longtemps après que les « femmes » s’étaient servies; elle conservait un statut d’enfant. Elle n’était pas autorisée à prélever des aliments dans le grenier familial. Si elle venait à mourir, une ouverture était creusée dans le mur de la maison pour ne pas faire sortir son corps par l’entrée principale de la maison de son père ou de son mari; elle était donc ostracisée dans la vie tout comme dans la mort !
Une femme ou fille non excisée apportait la “Honte” sur la famille et la communauté. Ce qui était peut-être le plus préoccupant est qu’aucune attention n’était accordée à la femme après l’excision; on ne se souciait pas des règles douloureuses et de la cicatrisation, des rapports sexuels douloureux et des accouchements obstrués. Pour les femmes qui avaient subi l’excision, il était presque habituel qu’après 45 ans, la plupart d’entre elles soient abandonnées par leur mari car les rapports sexuels étaient trop traumatisants pour ces femmes. Plusieurs membres du Groupe des femmes parlementaires ougandaises ont mené une campagne déterminée, avec les communautés, pour mettre un terme à cette pratique.
En tant que responsables politiques, que pouvons-nous faire ? La volonté et le soutien politiques sont essentiels pour faire cesser les mutilations sexuelles génitales et le financement des campagnes de sensibilisation est indispensable. Il faut sensibiliser davantage, par le biais des médias, des débats en séance plénière à l’Assemblée nationale et d’ateliers sur la question, éduquer les institutions chargées de l’application et du respect de la loi et leur donner les moyens de comprendre la nature, les effets et les incidences des mutilations sexuelles féminines. Il faut sensibiliser les “Chirurgiens” et changer leur comportement; les encourager à trouver d’autres sources de revenus, encourager les jeunes hommes et les hommes à aimer et à respecter leurs femmes/soeurs/ partenaires qui ne sont pas excisées. Et adopter les lois nécessaires et prévoir un budget pour leur application, militer en faveur de la création d’internats protégés où les filles peuvent étudier sans peur et terminer leurs études.
J’ai le plaisir d’annoncer que, le 1er juillet 2009, la communauté Pokot d’Ouganda a lancé la 1ère journée annuelle de la culture à Amudat et que le Président de l’Ouganda, M. Y. K. Museveni, a lancé à cette occasion une campagne nationale pour éradiquer cette pratique.
Les parlementaires ont une position unique dans leurs communautés, qui leur confère de l’influence; ils doivent donc mener la campagne au nom des jeunes, des sans voix et des femmes stigmatisées d’Afrique. Il est triste de constater que cette campagne a été déléguée presque entièrement aux femmes, alors qu’elle devrait être au centre des stratégies communautaires.