L'UIP lance un projet-cadre pour la démocratie
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Le panel est composé de parlementaires et anciens parlementaires, de journalistes et de spécialistes des questions de démocratie, ainsi que d'universitaires. Il orientera la mise en oeuvre du projet. Le professeur David Beetham, universitaire éminent, est le rapporteur de ce groupe.
“On assiste à une érosion du rôle des parlements”
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Ala fin de la discussion du comité, les participants ont donné leur point de vue sur la perception actuelle des parlements et sur les mesures que pourraient prendre les parlementaires pour renforcer leur position aux niveaux national et international. Pour M. Avraham Burg, ancien Président de la Knesset, “ce panel constitue peut-être l'action la plus importante de l'UIP ces dernières années. Il apporte une réponse à un défi d'envergure mondiale, car il ne se contente pas de porter sur tel ou tel parlement, il cherche aussi un nouveau souffle pour les parlements”.
M. Burg, qui a démissionné de la Knesset il y a un an, tire cependant la sonnette d'alarme : “on assiste à une érosion du rôle des parlements dans de nombreuses régions du monde. S'ils parviennent à se réinventer, les parlements auront de l'avenir. Dans le cas contraire, les populations chercheront des systèmes alternatifs. Ce panel s'inscrit dans une tentative de préservation du système représentatif, démocratique”.
Ce point de vue a été repris pas le professeur David Beetham, qui a affirmé que “beaucoup pensent que les parlements sont peu à peu marginalisés dans les structures de pouvoir et, à titre collectif et individuel, les parlementaires pâtissent d'un manque d'estime de la part de la population. Il est donc utile de chercher à établir des critères clairs pour les parlements démocratiques, afin de contribuer à faire mieux comprendre leur place et leur importance dans le processus démocratique et d'améliorer ainsi leur image auprès de la population.”
“Les parlementaires sont absents des grands défis de notre siècle”
Francis Kpatindé, journaliste béninois, collaborateur de l'hebdomadaire Jeune Afrique L''Intelligent base à Paris, est sur la même longueur d'onde. “Aux yeux de l'opinion publique, de la presse et de l'exécutif, les parlementaires sont perçus comme des empêcheurs de tourner en rond, à cause parfois d'une certaine cacophonie et d'une lenteur du travail parlementaire. Les élus devraient communiquer davantage, jouer la transparence et surtout expliquer ce qu'ils font dans le domaine du contrôle de l'action de l'exécutif et de la consolidation de la démocratie qui protège les intérêts de la population. Car cela n'est pas perçu comme tel. Il faut aussi qu'ils s'ouvrent au débat social interne, et sur le plan extérieur. Les parlementaires sont absents des grands défis de notre siècle. Ils doivent donc redevenir visibles”.
Certes, mais les gouvernements sont-ils prêts à leur céder une place sur la scène politique internationale ? “Il faut qu'ils l'arrachent, car toutes les libertés s'arrachent. Il faut qu'ils créent des évènements qui attirent l'attention des populations et qu'ils affirment leur différence”, estime le journaliste.
Les nouvelles exigences de la démocratie
Pour Mme Christina Murray, professeur de droits de l'homme et de droit constitutionnel à l'Université du Cap (Afrique du Sud), les parlements doivent être au centre de la démocratie dans tous les Etats, “mais il est clair aussi que, au cours du siècle passé, les parlements ont été relégués à l'arrière-plan dans l'opinion du public, et peut-être qu'ils n'ont pas su répondre aux nouvelles exigences de la démocratie. Une réunion comme celle-ci nous permet de nous concentrer sur ce que les parlements peuvent faire pour développer les pratiques démocratiques et approfondir la démocratie”.
Cela signifie-t-il qu'il existe aujourd'hui un décalage entre les citoyens et leurs représentants ? Mme Murray répond que “le décalage existe non seulement entre les parlements et le peuple, mais peut-être plus généralement entre les institutions gouvernementales et le peuple, et ce décalage est plus important dans certains pays que dans d'autres”. Elle explique que dans son pays, en Afrique du Sud, “certaines statistiques suggèrent que la population a très peu de contact avec ses représentants publics, ce qui est préoccupant. De même, les médias ont tendance à se tourner vers l'Exécutif pour obtenir des nouvelles, et cela est dû en partie au fait que c'est l'Exécutif qui met en oeuvre les politiques. C'est là un problème majeur”.
“L'engagement politique doit revenir à une vision morale”
Peut-on faire de la politique différemment, avec une nouvelle philosophie ? M. Peter de Souza, expert en évaluation démocratique à l'Université de Goa (Inde), le pense. Il espère que le comité contribuera à créer un nouvel instrument, une “sorte de carte routière pour les personnes qui, dans leur vie parlementaire, arrivent à une bifurcation. Cette “carte” pourrait les aider à choisir la direction à prendre. Nous avons la possibilité de réintroduire une vision morale dans l'engagement politique. Le Parlement est une institution, une instance faite de procédures, mais il incarne aussi une philosophie morale d'universalité, d'égalité, de règlement pacifique des conflits, d'ouverture à toutes les tendances, et de négociation. La vraie nature des parlements se trouve quelque part entre ces deux définitions, et non pas dans les extrêmes”.
M. Pierre Cornillon, ancien Secrétaire général de l'UIP, partage ce point de vue: “ce guide sera bienvenu dans tous les parlements, non seulement dans ceux qui sont établis de longue date, mais surtout dans ceux qui tentent aujourd'hui de devenir des institutions contribuant à la démocratie dans leur pays. Tous les parlements ont une expérience à partager.”
C'est là un défi passionnant, mais comment le relever ? Le professeur Beetham explique que cela “dépend de la manière dont nous consoliderons les relations entre l'UIP et les parlements, et de la manière dont nous présenterons ce projet”.
Mesures concrètes
Loretta Ann Rosales, membre du congrès et présidente de la Commission des droits de l'homme de la Chambre des représentants des Philippines, a décidé de prendre des mesures concrètes : “je songe déjà à ce que je vais faire ensuite. Je vais m'assurer que les résultats des délibérations de notre réunion initiale sont examinés à la Chambre des représentants, dans les comités et les ONG qui participent à ce projet, dont je suis un membre très actif (l'Institut pour les réformes politiques et électorales et l'Institut pour la démocratie publique), ainsi que dans mon parti politique. Je rendrai compte au président de la Chambre des débats de la réunion. J'ai aussi discuté de cette réunion avec plusieurs parlementaires et avec l'ambassadeur des Philippines auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, qui est très intéressé par ses résultats”.
La démocratie au quotidien
La sénatrice mexicaine Dulce María Sauri met l'accent sur “l'engagement du panel en faveur du renforcement des parlements, espace propre à faire en sorte que la démocratie se matérialise et devienne une pratique courante. Nous espérons que le manuel que nous comptons publier aidera les parlements à renforcer leurs activités et à être plus démocratiques, donc plus forts. Transformer le concept quasi philosophique de démocratie en pratique quotidienne est sans aucun doute un énorme défi”.
Mme Sauri et les autres experts présents à Genève ne prétendent pas donner des leçons de démocratie, mais espèrent “trouver des pistes pour faire connaître les difficultés mais aussi les succès qu'ont connu les parlements pour faire face à leurs situations spécifiques et à leurs besoins”. La sénatrice mexicaine dit ne pas croire aux recettes universelles “et encore moins lorsqu'il s'agit du fonctionnement des parlements. L'important est de mettre en pratique ce qui a donné de bons résultats, non seulement pour le parlement en tant que tel, mais surtout pour les citoyens, qui attendent que l'Etat les aide à résoudre leurs problèmes”.
“Nous sommes dans l'ambiguïté vis-à-vis des institutions existantes”
Mme Yakin Erturk est la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes : “j'ai trouvé cette réunion très intéressante. Ma seule critique est que nous ne nous penchons pas suffisamment sur l'aspect mondial de ce problème. La mondialisation a introduit l'idée de transcender les frontières nationales et de remettre en question la gouvernance au niveau national, et elle nous amène aussi, après les attentats du 11 septembre 2001, à nous demander comment la hiérarchie mondiale est devenue unipolaire, et ce que cela implique en termes d'initiatives de démocratisation au niveau national.” En tant que sociologue, Mme Erturk explique que “le monde est en train d'établir un nouvel ordre social. Ce processus n'est pas achevé et je ne comprends pas totalement les paramètres de cet ordre changeant. D'autre part, nous disposons toujours des mêmes institutions : Etats nations, parlements, etc. Ces institutions ne sont peut-être plus tout à fait à même d'examiner des questions plus générales, car les nouvelles formations institutionnelles correspondant aux nouveaux paramètres transnationaux ne sont pas encore apparues. Même une institution comme l'ONU, créée pour répondre aux besoins du dialogue multilatéral après la Seconde Guerre mondiale, n'estplus suffisante pour répondre à la dimension transnationale de l'ordre mondial actuel. Et la réforme de l'ONU, qui ne se déroule pas très bien, est nécessaire précisément parce qu'il ne s'agit pas de mettre en cause le rôle de l'ONU, mais d'essayer de prendre des dispositions au sein de sa structure actuelle. Nous sommes dans une situation d'ambiguïté vis-à-vis des institutions existantes, semblable à ce que le monde a vécu pendant la transition vers l'établissement des Etats nations”.
Quelle est la solution? “Nous devons envisager de nouvelles réponses internationales, plutôt que de limiter nos débats aux institutions existantes.”
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“L'importance d'un président de parlement indépendant”
Dans une démocratie, il est indispensable d'avoir un parlement indépendant. Et pour M. Cyril Ndebele, ancien président du Parlement du Zimbabwe, “un parlement indépendant sans président indépendant n'a aucun sens”. M. Ndebele sait bien de quoi il parle. “L'indépendance et l'intégrité du président sont absolument indispensables au progrès de la démocratie, au sein de l'institution essentielle que représente le Parlement”.
Lorsqu'on lui demande si les gouvernements autorisent généralement les présidents de parlement à être indépendants, sa réponse est un rappel pour tous les représentants de l'Exécutif : “nous devons savoir que nous disposons d'un parlement, et quel est son rôle. Son rôle est de contrôler l'action de l'Exécutif, et les parlementaires ne peuvent donc recevoir aucune instruction de la part de l'Exécutif qu'ils sont censés passer au crible.” Si toutefois un tel scénario se présente, que peut faire un président de parlement ? “En toute humilité, je pense que dans la plupart des cas il est difficile pour un président de défier l'Exécutif ou l'autorité politique d'un parti auquel il pourrait appartenir. Mais une fois qu'on est élu président, on se retrouve en position de supériorité, ce qui donne une certaine indépendance.”
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