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ELECTION HORS D'IRAQ DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DE TRANSITION IRAQUIENNE
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Après le vote, Amman.
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Alors que la fermeture des bureaux de vote approchait le dimanche 30 janvier à l'école élémentaire de Ammourieh à Jabal Al-Nasr, dans Amman, les derniers électeurs entraient dans le bureau, une expression en demi-teinte sur le visage. Alors qu'ils repartaient, deux employés électoraux qui n'avaient pas encore voté se sont mis dans la queue pour faire vérifier leur carte d'électeur, tremper leur index dans l'encre violette et faire tamponner et plier leurs bulletins de vote. Ils ont ensuite pris leur place derrière la cloison de carton.
A cinq heures il s'est mis à pleuvoir. Les urnes étaient closes. L'observateur d'un parti politique iraquien a inscrit les numéros de tous les couvercles de plastique et s'en est allé, apparemment satisfait. Mais la journée était loin d'être terminée pour les scrutateurs, qui ont procédé au dépouillement méticuleux et à la synthèse des chiffres pendant encore une heure et demie, alors que la salle de classe se refroidissait.
Une fois le travail terminé et les chiffres vérifiés quatre fois, les urnes ont été transportées dans une camionnette prévue à cet effet et enfermées à clé. Le responsable électoral est monté à l'avant. Une voiture de police escortait la camionnette. Derrière, un véhicule Toyota attendait avec trois policiers casqués à l'arrière, dont un tenait une lourde mitrailleuse montée sur le toit. Dans les hurlements de sirènes et la lumière des phares, le convoi s'est hâté vers le centre de dépouillement, un entrepôt fortifié situé derrière l'aéroport. Zigzaguant dans la banlieue, le convoi de police déployé pour protéger les bulletins de vote plutôt que de hauts dignitaires offrait un spectacle insolite.
Dans 14 pays du monde, de Calgary à Téhéran, de Rotterdam à Damas, les mêmes scènes se sont répétées pendant trois jours, alors que les expatriés iraquiens élisaient leur Assemblée nationale de transition. L'élection de l'Assemblée iraquienne à l'étranger a été organisée dans un laps de temps très court. La Commission électorale indépendante iraquienne a décidé de confier cette tâche à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) vers la fin de l'année 2004. De son siège régional à Amman l'OIM, qui a acquis une grande expérience dans l'organisation de programmes électoraux externes en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et au Timor Oriental, n'avait que 69 jours pour mettre en place son opération avant le début des élections le 28 janvier. Malgré des délais bien plus serrés pour l'UIP, sept parlements membres ont réussi à déployer des observateurs parlementaires pour suivre le déroulement des élections dans les bureaux de vote de leurs pays. L'organisation presque irréprochable des élections a finalement reçu un accueil unanime. Plus de 80% des employés qui géraient les bureaux de vote dans les 14 pays étaient eux-mêmes iraquiens et tout le monde a été impressionné par leur professionnalisme et leur dévouement. Les électeurs n'avaient pour la plupart jamais voté auparavant. On a répondu à leurs questions avec patience, et les situations délicates – comme à Damas, où beaucoup de femmes portaient le voile, ce qui rendait l'identification visuelle difficile – ont été gérées avec tact. On a fait preuve d'une sensibilité égale pour aider les nombreux électeurs illettrés.
L'aspect plus décourageant de cette opération était que relativement peu de gens s'étaient inscrits pour voter. On compte bien plus d'un million d'Iraquiens expatriés, mais seul un peu plus d'un quart d'entre eux se sont présentés aux centres d'inscription. Ceux qui se sont effectivement présentés avaient souvent parcouru des centaines de kilomètres. Un observateur néerlandais de l'UIP rapportait qu'un couple qui avait fait le voyage d'Italie à Amsterdam en avion pour s'inscrire avait passé les jours suivants dans un hôtel en attendant le début des élections. De fait, beaucoup ont sans doute été privés de leur droit de vote par ces difficultés. La raison la plus fréquemment invoquée pour expliquer le faible taux d'inscription en Europe et au Moyen Orient est que beaucoup d'Iraquiens expatriés qui estimaient leur statut juridique incertain ont craint que leurs coordonnées soient transmises à la police de leur pays d'accueil. L'OIM a fait de son mieux pour expliquer que toutes les coordonnées seraient traitées de manière strictement confidentielle, mais cela n'a pas suffit à dissiper leurs craintes.
Alors qu'elles avaient fait l'objet de larges commentaires de la part des médias vendredi et samedi, les élections à l'étranger et les questions connexes ont été reléguées au second plan le dimanche 31 janvier au matin, lorsque que de longues files d'attente ont commencé à se former dans les bureaux de vote en Iraq.
LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME DES PARLEMENTAIRES A RENCONTRE L'ANCIEN VICE-PREMIER MINISTRE MALAISIEN ANWAR IBRAHIM
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Le Comité des droits de l'homme de l'UIP
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Le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP a tenu sa 108è session à Genève, en janvier 2005. Il a élu un nouveau Président du Comité, Mme Ann Clwyd, membre de la Chambre des Communes britannique, en remplacement de M. Mahamane Ousmane (Président de l'Assemblée nationale du Niger).
Mme Veronika Nedvedova (députée de la République tchèque, Vice-Présidente du Comité), M. Luis Hierro (Président de l'Assemblée énérale et du Sénat de l'Uruguay), et M. Manouchehr Mottaki (membre du Majlis Shoraye Eslami de la République islamique d'Iran, membre substitut pour le Groupe Asie Pacifique), étaient également présents.
Ala Maison des Parlements, le Comité a rencontré M. Anwar Ibrahim, l'ancien Vice-Premier ministre et ancien ministre des Finances de la Malaisie, dont le cas est examiné par le Comité de l'UIP depuis 1999. Entretien.
Entretien
Q: Après avoir participé au Forum économique mondial de Davos, vous êtes venu à l'UIP. Quel était votre message ?
Anwar Ibrahim: Je suis venu exprimer ma vive reconnaissance au Secrétaire général et au Comité, qui ont servi avec constance les aspirations de l'UIP. Protéger les droits de l'homme des parlementaires est une tâche remarquable. J'ai vécu une expérience épouvantable – j'ai passé six ans en isolement pénitentiaire dans les prisons malaisiennes – et même aux pires moments, alors que ma situation semblait désespérée, j'ai reçu une note de l'UIP me disant qu'il y avait une réunion du Comité des droits de l'homme et que ce comité me demandait une réponse par l'intermédiaire de ma femme ou de mon avocat. J'ai repris vraiment espoir en apprenant que quelqu'un, dans un coin reculé du monde, se penchait sur ma situation et restait attaché aux idéaux de la démocratie, des droits de l'homme et de la dignité humaine.
Q: Pensez-vous que le Comité exerce une influence?
A.I.: Nous savons que la Malaisie et beaucoup d'autres pays craignent que les mauvais traitements qu'ils infligent à des individus innocents fassent l'objet de discussions à travers le monde, car c'est là, bien sûr, une source de gêne, en particulier quand les autorités prétendent être démocratiques et disposer d'un parlement, d'une justice et de médias totalement indépendants quand de toute évidence, ce n'est pas le cas. La Malaisie a conservé la Loi sur la sécurité, draconienne, au titre de laquelle des personnes peuvent
Q: Pensez-vous qu'il est important que le Comité soit composé de parlementaires de diverses régions du monde ?
A.I.: Le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP est unique en son genre. Bien sûr, on connaît aussi la Commission internationale des juristes, composée d'experts judiciaires, et les ONG qui représentent des militants, mais l'aspect singulier de l'UIP réside dans le fait qu'elle opère au sein du système. Elle est étroitement liée aux principes de la démocratie, des droits de l'homme, de la dignité humaine et de la liberté. Les parlementaires, à la différence des ministres des affaires étrangères ou de la communauté diplomatique, ne sont pas des porteparole de leur gouvernement, et ils jouissent en principe d'une plus grande liberté d'expression, même si celle-ci est menacée dans certains pays. Je dois dire que malgré la contrainte de devoir coopérer avec des parlements qui ne sont pas démocratiques ou qui n'ont pas été élus de manière libre et régulière, l'UIP obtient des résultats remarquables. En tant qu'ancienne victime, je suis certainement mieux à même de l'apprécier. J'ai dit au Secrétaire général et au Comité que je rendrai certainement la pareille, et que j'exprimerai ma reconnaissance en continuant
Q: Dans l'ensemble, pensez-vous que la situation des droits de l'homme s'est améliorée dans le monde, et notamment en Iraq, ou qu'elle est plus difficile aujourd'hui?
A.I.: Toute comparaison entre la situation actuelle et les atrocités ou violations des droits de l'homme commises dans le passé ne peut être que relative, mais la situation est certainement meilleure aujourd'hui. Dans le domaine des droits de l'homme, on est face à des cas individuels, et on ne peut donc s'en remettre aux statistiques. Les souffrances infligées à une personne, à sa femme ou à sa famille sont inimaginables. On constate néanmoins dans le monde civilisé d'aujourd'hui une tendance vers la démocratie, le respect des droits de l'homme et de la dignité. Aujourd'hui je suis libre et je suis dans une meilleure position pour observer les événements. La situation reste tragique et nous avons beaucoup à faire pour prévenir les violations des droits fondamentaux. La situation en Iraq constitue bien sûr un exemple extrême à cause de l'occupation étrangère, mais il faut se souvenir, et je l'ai toujours dit en tant que musulman, que cette situation est d'autant plus regrettable que les musulmans d'Iraq ont été bâillonnés pendant des dizaines d'années par le dirigeant soi-disant musulman Saddam Hussein, qui a commis des atrocités contre son peuple. Ce n'est donc pas seulement une idée occidentale, américaine que nous devons condamner, mais toutes les formes d'atrocité. Nous devons ondamner la violence et ses auteurs individuels, mais également la violence d'Etat. L'UIP et toutes les organisations de défense des droits de l'homme devront en faire plus, car l'hypocrisie des dirigeants politiques – je peux le dire en connaissance de cause car je participe à la vie politique depuis longtemps – est certainement indéfendable. Les politiciens parlent de démocratie et d'élections libres, du respect de la dignité humaine, mais agissent en fait à l'opposé de ces idéaux. C'est là un cas de conscience très pertinent. Nous devons encourager et motiver les gens, et en particulier les jeunes, à exiger un terme à ces excès.
Q: Avez-vous l'intention de vous retirer de la vie politique?
A.I.: Non. Bien au contraire. Cette expérience a renforcé ma conviction qu'en politique, si l'on a des principes moraux, on peut avancer.
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