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N°7
SEPTEMBRE 2002
Page 3 de 8

SOMMAIRE


white cube L'invité: M. Pier Ferdinando Casini
white cube Editorial : Vous avez dit démocratie ?
white cube Evènement: Les Parlements et le Sommet mondial de la FAO
white cube Dossier: Le Comité des droits de l'homme des parlementaires fête ses 25 ans onusiens
white cube Egalité des sexes: Parlement et processus budgétaire, notamment dans la perspective de l'équité entre hommes et femmes
white cube Financement du développement: Opinion des parlementaires britanniques
white cube UIP et l'ONU: Parlementaires et Sommet mondial sur le développement durable white cube Evolution parlementaire

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Le Monde des Parlements
 Evènement

Des parlementaires réunis à Rome s'engagent à promouvoir le droit à l'alimentation

Réunion parlementaire de Rome
Réunion parlementaire de Rome. De gauche à droite : Mme Mary Robinson, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme; M. Antonio Martino, Président du Groupe interparlementaire italien et Ministre italien de la défense; M. Marcello Pera, Président du Sénat italien; M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des Députés italienne et M. Anders B. Johnsson, Secrétaire général de l'UIP.
Photo : Luxardo/Chambre des Députés italienne

Le Président de la Chambre des Députés italienne, M. Pier Ferdinando Casini, est intervenu devant le Sommet mondial de la FAO au nom de l'Union interparlementaire pour transmettre le message de quelque 200 parlementaires de 80 pays, à savoir qu'ils sont fermement résolus à combattre plus efficacement la faim.

"L'Union interparlementaire, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, est fermement convaincue que l'engagement pris par les Etats au Sommet mondial de l'alimentation de 1996 et consistant à réduire de manière notable la faim et la pauvreté d'ici 2015, doit impliquer les institutions législatives nationales", a déclaré M. Casini. Ce dernier a expliqué ensuite que les participants à la réunion parlementaire du mardi 11 juin à Rome, organisée par le Groupe interparlementaire italien et l'UIP, ont exprimé "leur préoccupation de voir que, cinq ans après le Sommet, l'objectif déclaré de réduire de moitié la population touchée par la malnutrition dans le monde semble encore plus éloigné que jamais. Seules quelques nations ont pris des mesures significatives à l'échelle requise pour atteindre cet objectif. Le taux de malnutrition dans le monde demeure élevé, chose inadmissible, tout comme le taux de réduction de ce chiffre", a martelé M. Casini.

"Lors de sa récente session à Marrakech, l'UIP a approuvé un message spécial au Sommet", a ajouté M. Casini, relevant que les parlements membres de l'UIP considèrent qu'il importe tout particulièrement de réaffirmer le droit de tout individu à une alimentation suffisante et de ne pas souffrir de la faim; d'agir d'urgence, aux niveaux national et international, pour que l'objectif de réduire de moitié le taux de malnutrition d'ici 2015 soit atteint; de poursuivre, dans le cadre des négociations commerciales multilatérales en matière agricole, le processus de fixation des termes et conditions à même d'améliorer la sécurité alimentaire.

Enfin, M. Casini a indiqué que "le paragraphe 10 de la Déclaration du Sommet mondial de l'alimentation : cinq ans après appelle les Etats à élaborer une série de directives pour concrétiser progressivement le droit à une alimentation suffisante pour tous. Nous sommes convaincus que ces directives devraient mettre en exergue le droit à l'alimentation comme norme contraignante et proposer des modalités concrètes de mise en œuvre. Elles devraient également préciser les obligations incombant aux gouvernements aux niveaux national et international, en gardant à l'esprit la responsabilité d'autres parties prenantes et la contribution attendue de leur part, y compris les organisations internationales et - éventuellement - le secteur privé". En conclusion, il a souligné la nécessité pour tous de s'attacher résolument à la réalisation des objectifs ambitieux et impératifs du Sommet mondial de l'alimentation. Les parlements et l'UIP mettront tout en œuvre pour offrir aux laissés-pour-compte de la planète des perspectives d'une vie d'espoir et de dignité.

M. Antonio Martino, Président du Groupe interparlementaire italien et Ministre de la Défense l'affirme :
"Il faut s'attaquer aux causes profondes de la faim dans le monde"

Q : Quel est selon vous le bilan de la réunion parlementaire de Rome ?
Antonio Martino:
Le bilan est positif. Tout comme le fait que l'on parle de la faim dans le monde. C'est un problème qui a des causes bien précises et qui touche des zones spécifiques. Si nous nous attaquons à ces causes, nous pouvons espérer obtenir de bons résultats. En revanche, si nous partons de l'hypothèse que la faim est un problème global, nous n'irons nulle part.

Q : Les parlements doivent-ils être associés aux décisions prises lors des grands sommets et notamment lors des réunions du G-8?
A.M.:
Je vous donnerai une réponse qui n'engage que moi et que d'autres ne partagent peut-être pas. Le G-8 n'est pas le gouvernement du monde. Partant de cette hypothèse, la position de ceux qui le contestent et celle de ceux qui le soutiennent doivent en être relativisées. Le G-8 est une occasion, pour les dirigeants des huit grands pays qui le composent, de se retrouver et de débattre de sujets d'intérêt général. C'est plus un lieu de discussion qu'un lieu de prise de décisions. Si cela est le cas, les parlements n'ont pas besoin d'y être associés. Par contre, si le G-8 devenait un lieu de prise de décisions concrètes, les parlements y auraient alors toute leur place.

Q : En tant que Président du Groupe interparlementaire italien, que pensez- vous de la réforme de l'Union interparlementaire ?
A.M.:
A mon sens, une chose est importante : lors des conférences de l'UIP, il faut essayer de définir, de façon rigoureuse, les thèmes de discussion, afin que nous abordions des problèmes concrets et que nous parlions de solutions concrètes. Parce que lorsque les discussions ne portent pas sur un thème déterminé, chacun parle de ce qui l'intéresse et la réunion se disperse. Je pense notamment au débat général sur la situation politique et sociale dans le monde, qui n'intéresse pas grand monde. Pour rendre les discussions plus dynamiques, nous pourrions, pour chaque session, présenter à l'avance un document préparé par un expert, qui donnerait un cadre aux débats. Nous aurions ainsi des discussions plus incisives.

Deux experts ont également participé à la réunion parlementaire organisée par le Groupe interparlementaire italien et l'UIP, en présence de 10 Présidents de parlements, M. Jean Ziegler, Rapporteur de l'ONU pour le droit à l'alimentation, et M. Jeffrey Sachs, Directeur du centre de développement international de l'Université de Harvard.

M. Jean Ziegler,
Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation de la Commission des droits de l'homme de l'ONU
"Les parlements, pivot central du droit à l'alimentation"

Q : Que faut-il faire pour soutenir le droit à l'alimentation ?
Jean Ziegler
Pour faire valoir le droit à l'alimentation devant la justice, il nous faut une loi-cadre, comme l'a dit Mme Robinson, la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. La question est compliquée, car il ne suffit pas de voter une loi consacrant le droit à l'alimentation. Car lorsqu'on parle de loi-cadre, il faut commencer par faire l'inventaire de toutes les lois existantes dans un pays donné, pour avoir une vue d'ensemble de celles à caractère négatif, pouvant porter atteinte au droit à la terre et à l'eau, en violation du droit à l'alimentation. Un certain nombre de mesures positives, dont nous avons constaté l'effet immédiat, même dans les pays plus démunis, doivent être prises.

Q : Que peuvent faire les parlements pour lutter contre la faim dans le monde ?
J.Z:
Je suis optimiste. C'est de la part des parlements que vont venir le soutien, l'assistance et la solidarité dont nous avons essentiellement besoin pour sauvegarder ce nouveau droit. Le droit à l'alimentation existe désormais. Sur le plan international, il est reconnu comme un droit de l'homme à égalité avec les droits civiques et politiques. La grande bataille est maintenant de rendre ce droit justiciable, c'est-à-dire de faire en sorte que des groupes d'hommes et de femmes affectés par ce fléau, ou des individus puissent s'adresser à des instances judiciaires nationales et internationales pour rendre effectif l'accès à la terre - par une réforme agraire - et l'accès à un revenu qui permette à ces personnes d'acheter les aliments qui leur permettent de vivre. Il faut aussi se protéger contre les sociétés multinationales qui privatisent l'eau et qui vendent l'eau potable beaucoup trop cher, comme c'est le cas actuellement dans plusieurs villes du Brésil notamment. Le droit à l'alimentation comporte une multitude d'aspects quand il s'agit de sa " justiciabilité ". Qui dit " justiciabilité ", pense loi. Et ce sont les parlements qui font les lois. Ici, à Rome, le forum des parlementaires est peut-être plus important que le congrès de la FAO, puisque ce sont les parlementaires qui devront maintenant prendre les mesures législatives adéquates pour rendre le droit à l'alimentation justiciable.

Q : Les parlements sont-ils prêts à le faire ?
J.Z.:
La plupart des parlementaires présents ici sont issus de grandes démocraties et ces dernières fonctionnent, selon Montesquieu, sous le régime de la séparation des pouvoirs. Nous savons que la négociation internationale d'Etat à Etat est l'affaire de l'Exécutif, et partant de là, le problème est l'exclusion des parlements des grandes négociations internationales. Un nouveau cycle de négociations va commencer à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il va durer des années et achever la libéralisation des marchés, et l'universalisation des brevets. Les décisions qui en découleront vont affecter, de façon très concrète, le destin de centaines de millions de personnes à travers le monde. Que va-t-il se passer si les parlementaires sont exclus de ces négociations et si l'OMC ne reconnaît pas le droit à l'alimentation ? Certains pays européens et du tiers-monde estiment que la libéralisation des marchés doit se faire à condition que la souveraineté alimentaire soit assurée. Cela veut dire que la libéralisation des marchés est possible uniquement si l'autosuffisance alimentaire est achevée et garantie. Or, cette réserve de la sécurité alimentaire que les organisations non gouvernementales et les mouvements sociaux très présents ici à Rome exigent, seuls les parlements peuvent le réaliser en forçant leurs gouvernements dans les négociations avec l'OMC à inclure cette condition. Les parlements sont donc le pivot central de la lutte pour le droit à l'alimentation.

M. Jeffrey Sachs
Directeur du centre de développement international de l'Université de Harvard
"Un véritable partenariat entre pays riches et pauvres"

Q : Que recommanderiez-vous aux parlements pour lutter contre la faim ?
Jeffrey Sachs:
A mon avis, le parlement, en tant que pouvoir législatif dans tous les pays du monde, a un rôle considérable à jouer pour que le gouvernement de chaque pays fasse siens les objectifs internationaux que sont les objectifs du millénaire, les objectifs en matière de développement et les objectifs de ce sommet mondial de l'alimentation et mette en place les politiques permettant de les traduire dans les faits. Dans les pays nantis, par exemple, les parlementaires doivent contribuer au renforcement de l'aide financière internationale en faveur des pays les plus démunis. Dans les pays pauvres, un rôle majeur est dévolu aux parlementaires pour que le cadre politique national soit à même de promouvoir l'ouverture, la transparence, la démocratie, les droits de l'homme et la volonté de relever les défis sociaux en matière de santé, d'éducation, de productivité agricole et d'élimination de la faim. Il s'agit là d'un partenariat dans lequel doivent s'impliquer tous les pays du monde et, par définition pour ainsi dire, tous les parlements du monde.

Q: Comment expliquez-vous le manque de volonté politique ?
J.S.:
Beaucoup de pays riches ont, à mon sens, tort de penser que les problèmes sont insolubles ou qu'ils finiront par disparaître. C'est un jugement erroné dans les deux cas. Ces problèmes sont solubles, mais ils ne se régleront pas d'eux-mêmes sans effort et ne sauraient non plus se régler uniquement au niveau des pays pauvres. Il faut un véritable partenariat entre pays riches et pauvres au-delà des mots, car il est facile de faire des discours. Je parle en termes de dollars, d'euros, de financement réel pour assurer le règlement de ces problèmes. Et je pense que le jour où les pays riches se rendront mieux compte de la nécessité d'une aide financière plus substantielle assortie de meilleures politiques et du fait que l'aide requise dépasse l'offre actuelle mais pas au point de grever une économie prospère (je parle de sommes fort modestes par rapport aux énormes revenus des pays nantis), l'aide internationale sera plus conséquente.

Q : L'alimentation est-elle un droit ?
J.S.:
Bien entendu, l'alimentation est un droit en ce sens que l'on meurt si l'on ne mange pas à sa faim. Et le droit à la vie est le premier droit. Ainsi, devant la famine ou le risque de famine de grande ampleur, comme c'est le cas en Afrique australe en ce moment même, le monde doit réagir, sans se demander s'il est en droit de le faire ou non, mais au titre des normes internationales des droits de l'homme. Il doit réagir vite parce qu'il ne sert à rien de fournir trop tard l'aide alimentaire requise, car les destinataires auront déjà trépassé. Et lorsqu'on est confronté à de multiples crises, comme en Afrique où sévissent la sécheresse, la faim et des pandémies, l'apport de l'aide et de l'attention requises se révèle encore plus urgent.

Que peuvent faire les parlements pour lutter contre la faim dans le monde ?
TL'avis de trois parlementaires présents à la réunion de Rome

Mme Marthe Amon Ago , Première Vice-Présidente de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire
"Il faut donner aux parlementaires les moyens d'aider les populations"

Marthe Amon Ago: Les parlements peuvent faire beaucoup. Les élus des peuples étant les personnes indiquées pour encadrer la population. Un parlementaire se rend dans les villages les plus reculés, il est donc au courant de tout ce qui se passe. Le parlementaire peut être formé, il faut lui donner des moyens d'encadrement, créer des associations, informer les coopératives de femmes et d'enfants, et les personnes qui ne travaillent pas.

Q : Leur demandez-vous concrètement d'être plus actifs, en essayant par exemple de convaincre les gouvernements qu'il faut agir ?
M.A.A.
Vous savez, chez nous par exemple, le parlementaire n'a pas une grande possibilité, institutionnellement parlant, de convaincre le gouvernement. Parce qu'il ne peut pas renverser le gouvernement. Nous vivons dans un régime présidentiel, ce n'est donc pas au niveau des gouvernements que le parlementaire peut agir. Ce que nous demandons, c'est que les organisations internationales prévoient des financements en faveur du parlement, directement. Par exemple, pour pouvoir donner les moyens au parlementaire de suivre l'utilisation de certains crédits. De nombreux jeunes gens veulent mettre en place une petite coopérative agricole. Mais, même si l'opération ne leur coûte que 1'000 euros, ils ne peuvent pas démarrer, faute d'argent. Ils s'adressent aux parlementaires parce qu'ils les considèrent comme étant les plus proches d'eux. Or, le parlementaire n'a pas les moyens de leur venir en aide. Si des aides pouvaient être apportées dans ce sens, cela serait vraiment intéressant.

M. Rafael Moreno, Sénateur chilien
"Les parlements doivent refléter ce que les citoyens ressentent"

Ils doivent refléter ce que les citoyens que nous représentons ressentent, la vérité de ceux qui nous élisent et non pas relayer la rhétorique des gouvernements. Que demandent nos électeurs ? Du travail et un marché pour leurs produits. Ils demandent que l'on comprenne les conséquences de la mondialisation et le déplacement des populations de leur lieu d'origine. Car il y a une grande incohérence entre ce que les gouvernements déclarent et la réalité. Les populations qui souffrent de la faim sont en grande partie issues du milieu rural et ceux qui ont faim, dans les villes, ont faim parce qu'ils ont abandonné le secteur rural. Nous devons donc avoir une politique plus concrète. Comment arriver, par exemple, à un accord avec le gouvernement des Etats-Unis, alors que celui-ci octroie des subsides, pour plus de 125 milliards de dollars en cinq ans, à ses agriculteurs ? Que signifie un tel accord pour les producteurs chiliens ? Rien. Il signifie tout simplement que nous devons baisser nos droits de douane, ouvrir nos frontières et dépeupler notre agriculture pour, ensuite, dépendre de l'agriculture excédentaire d'autres pays, qui ne sont pas les pays pauvres.

Mme Julia Valenzuela Cuellar, Membre du Congrès de la République du Pérou
"Les parlementaires doivent légiférer en faveur des besoins des populations"

Les parlementaires ont une mission très importante, un engagement très sérieux avec nos électeurs, face à la réalité de nos pays respectifs. Nous devons prendre des initiatives législatives qui tiennent compte des besoins des populations et légiférer dans ce sens. Nous devons le faire en collaboration avec l'Union européenne et les pays riches. On parle beaucoup de combattre violence, de sauvegarder les droits de l'homme, mais cela devient de la rhétorique. Les citoyens ne croient plus à ces belles paroles. Ce dont le peuple et les familles ont besoin, c'est que leurs dirigeants et leurs représentants au parlements agissent en représentation de ces familles. Qu'ils adoptent des lois en faveur de toute la population. Il est inutile de voter trop de lois qui ne servent pas l'intérêt de tous les habitants du pays. Nous, les parlementaires, nous devons freiner la corruption, lutter contre le trafic de drogues, le narco-terrorisme, la prostitution et le trafic de jeunes filles, la violence familiale, l'abus d'enfants qui ne cesse d'augmenter au sein même du foyer. Nous prenons des mesures pour corriger cela, comme par exemple, de trouver des foyers d'accueil pour tenter de résoudre ce problème. Certes, nous avons des ONG et des institutions qui travaillent, mais elles le font de façon isolée. Ce dont nous avons besoin, c'est de disposer d'instruments et de moyens pour travailler ensemble, pour faire face à cette forme de corruption malsaine pour la population.

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