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N°29
AVRIL 2008

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de la Revue

Le Monde des Parliaments
L'interview

« Nous avons un défi persistant à relever : faire changer les mentalités »

Mme Baleka Mbete, Présidente de l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud La « National Chairperson » de l'ANC (Congrès national africain) est désormais la femme politique la plus influente en Afrique du Sud. Durant la dernière Assemblée de l'UIP à Genève, la Présidente de l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud a exposé au Monde des Parlements comment elle envisage la prochaine Assemblée de l'UIP, qui se tiendra au Cap en avril 2008.

Q : En quoi l'Assemblée de l'UIP qui se tiendra au Cap est-elle importante pour l'Afrique du Sud ?
Présidente Baleka Mbete :
Il est important à nos yeux de sentir que nous pouvons accueillir les parlements du monde dans notre pays, compte tenu du fait que notre affiliation à l'UIP est relativement récente. Nous considérons que notre pays a 13 ans car la démocratie n'existe elle-même que depuis 13 ans en Afrique du Sud. C'est aussi un geste qui montre combien nous apprécions le soutien que nous avons reçu du monde entier alors que nous nous battions encore pour la démocratie et pour notre liberté. Nous faisons maintenant partie de la communauté mondiale.

Q : Vous attendez la venue de nombreux parlementaires et personnalités au Cap. Pouvons-nous nous attendre à un message de la part de l'ancien Président Nelson Mandela ?
B.M.:
Nous y travaillons. Nous sommes conscients que ce serait un évènement important pour la communauté internationale. Comme vous le savez, nous le considérons non seulement comme nôtre mais aussi comme appartenant au monde entier.

Q : A quelles principales difficultés l'Afrique du Sud est-elle confrontée aujourd'hui ?
B.M.:
Nous devons venir à bout de la pauvreté et faire en sorte de lutter efficacement contre les déséquilibres socio-économiques de notre société, ce qui ne se fera pas du jour au lendemain. Nous nous félicitons de voir que le monde, par l'intermédiaire des Objectifs du millénaire pour le développement, prête attention à ces questions qui correspondent à nos propres priorités politiques et nous nous réjouissons que les parlements mondiaux fassent des efforts pour faire en sorte que le retard que nous avons accumulé puisse être rattrapé le plus vite possible.

Q : L'Afrique du Sud est un exemple de réconciliation. Comment percevez- vous celle-ci aujourd'hui ?
B.M.:
La réconciliation s'est effectuée à deux niveaux : d'une part, au niveau symbolique car nous avons publiquement mis en place un processus et élaboré des mécanismes, et, d'autre part, nous avons entrepris cette démarche à l'échelle du peuple, de manière à montrer aux sud-africains qu'il est possible de parler aux gens d'une autre communauté que nous avions toujours considérée comme ennemie. Si, en tant que dirigeants, nous pouvons nous entendre sur des perspectives politiques, même si nous appartenons à des partis différents, nous pouvons assumer collectivement la responsabilité symbolique d'offrir un autre avenir à notre peuple, dans lequel les valeurs et les principes différents ont leur place et nous aident à gouverner le pays. Mais certaines choses sont plus faciles à dire qu'à faire dans la vie courante.

Q : Avez-vous des exemples ?
B.M.:
Lorsque vous vous rendez à la banque ou à l'hôpital, dans des établissements où divers membres de la société vous fournissent des services, vous constatez fréquemment qu'il faudra beaucoup de temps pour que les mentalités changent. Nous avons un défi persistant à relever: faire changer les mentalités et les manières de procéder. Pour nous, en tant que sud-africains, nous devons, au quotidien, nous efforcer d'entrer dans une ère nouvelle, dans un monde démocratique, et nous devons prendre conscience que certaines des manières de faire et certaines attitudes parfois exprimées appartiennent désormais au passé, et qu'elles n'ont plus leur place à notre époque. Les institutions que nous avons mises en place dans le cadre de notre démocratie nouvellement instaurée nous permettent de travailler dans ce sens.

Le parlement Sud-Africain en session.Q : Les femmes sud-africaines sont très actives. Comment expliquezvous qu'elles fassent figure de modèles?
B.M.:
Nombre de femmes ont participé à la lutte pour la libération. Ce n'est pas seulement dans la nouvelle Afrique du Sud et dans le cadre du processus démocratique que les questions de genre sont abordées. Pendant la lutte, nous avons refusé de croire que le pays ne devait s'occuper en premier que de l'émancipation politique, puis de l'émancipation du point de vue des genres. Les femmes étaient des victimes, cibles de l'oppression par des moyens spécifiques et propres à l'arrangement social au regard du pouvoir politique dans chaque société. Cette problématique devait faire partie de notre stratégie visant à émanciper le pays dans son ensemble et ces points devaient être abordés pour y parvenir. Il ne s'agit pas seulement des femmes, mais aussi de politique, d'engagement, de la vie des hommes comme des femmes. Ceux qui, parmi nous à l'ANC, ont eu un mandat parlementaire, ont adopté une ligne politique consciente, établissant qu'un pourcentage minimum de parlementaires devait être des femmes. Et à partir de là, la société a constaté que les femmes étaient capables de faire de la politique. Ensuite, c'est devenu une question d'habitude. Nous le faisons car nous avons confiance en nos capacités.

Q : Existe-il une loi dont vous soyez particulièrement fière ?
B.M.:
Au Parlement, un règlement prévoit qu'aucune délégation ne saurait être composée d'hommes uniquement. C'est pourquoi je n'autoriserais jamais la création d'une délégation composée uniquement d'hommes ou de femmes. Nous faisons savoir que la question de la parité est une question sensible, et que nous devons tous faire des efforts conscients pour l'améliorer.