Femmes au parlement : avancées insuffisantes
« A ce rythme, on n'atteindra pas la parité au Parlement avant 2050 », a déclaré le Secrétaire général de l'UIP, M. Anders B. Johnsson, en présentant les statistiques des femmes dans les parlements et les gouvernements à la presse à New York, puis à Genève, le 29 février et le 4 mars 2008. Au 1er janvier 2008, 17,7 % des parlementaires dans le monde sont des femmes, un niveau record certes, mais une avancée insuffisante. Après les renouvellements intervenus dans 63 pays (78 Chambres) en 2007, une progression du nombre de femmes a été enregistrée dans 58 % des cas, les femmes emportant 16,9 % de tous les sièges parlementaires renouvelés en 2007.Parmi les femmes ayant emporté des sièges, 1 764 ont été élues au suffrage direct, 116 au suffrage indirect, et 133 ont été nommées. Dans 20 % des chambres renouvelées, la proportion de femmes est restée la même que dans la législature précédente. Pis encore, dans 22 % des chambres renouvelées, les femmes étaient moins nombreuses qu'auparavant.
Plus de parlements ont franchi le seuil critique des 30%
Les femmes ont emporté 30 % ou plus des sièges à renouveler dans 13 chambres. Fait intéressant, quatre parlements peuvent se vanter aujourd'hui de compter plus de 40 % de femmes dans leurs rangs. Rejoignant le Rwanda et la Suède, en tête depuis plusieurs années maintenant, l'Argentine a élu 40 % de femmes à sa chambre basse, et la Finlande a atteint le niveau de 41,2 %. Les chambres hautes du Parlement ont également enregistré d'importants progrès. Au Sénat des Bahamas, les femmes occupent 60 % des sièges, soit le niveau le plus élevé jamais atteint dans une chambre parlementaire.Le continent américain et les pays nordiques confirment leur progression
Le continent américain a enregistré certaines avancées impressionnantes pour les femmes en 2007 : 28 % en moyenne des sièges renouvelés dans les 10 chambres sont allés à des femmes, ce qui a porté à plus de 20 % en moyenne la proportion des femmes dans les parlements de la région. Ceci est dû à des progressions non négligeables à Trinité-et- Tobago, en Argentine, aux Bahamas et au Guatemala.Les pays nordiques continuent d'élire le plus fort pourcentage de femmes dans leurs parlements. La moyenne régionale est passée à 41,4 % après que le Danemark, la Finlande et l'Islande ont élu un nombre important de femmes. Les Etats insulaires du Pacifique ont eu le plus faible taux de femmes au Parlement en 2007, soit 1,8 %. Aucune femme n'a été élue dans les Etats fédérés de Micronésie et à Nauru.
Les avancées les plus marquées ont été réalisées en 2007 par le Kirghizistan, où l'on est passé de l'absence totale de femmes au Parlement au chiffre de 25,6 % suite aux élections tenues en 2007. Cela s'explique par l'introduction de la représentation proportionnelle où les partis politiques sont tenus de présenter au moins 30 % de femmes sur leurs listes.
Exposition de l'UIP au Palais des Nations à Genève
Le Secrétaire général de l'UIP, M. Anders B. Johnsson, a inauguré, le 4 mars dernier, une exposition intitulée Femmes en Politique, au Palais des Nations. L'exposition, divisée en plusieurs panneaux, évoque des thèmes tels que les principaux obstacles que les femmes rencontrent pour être élues au Parlement, avec le plus grand nombre et le plus petit nombre d'élues, les chiffres concernant les femmes présidentes de Parlement, la démocratie sous l'angle de la parité hommes-femmes, et les femmes à l'UIP. L'exposition était installée sur la passerelle entre l'ancien et le nouveau bâtiment de l'Office des Nations Unies à Genève (UNOG). Des exemplaires de la nouvelle carte des Femmes en politique 2008 - un projet UIP-ONU - avec des données sur les femmes dans les parlements et les gouvernements du monde au 1er janvier 2008, étaient à la disposition du public.Des femmes chefs d'Etat et présidentes de parlement
Les femmes continuent d'être une minorité aux plus hautes fonctions de l'Etat. Sur 150 chefs d'Etat début 2008, seuls sept (soit 4,7 %) étaient des femmes. La proportion est encore plus faible lorsqu'il s'agit des chefs de gouvernement, avec 4,2 % de femmes, soit huit femmes sur les 192 chefs de gouvernement que compte la planète. S'agissant des présidentes de parlement, le total est d'environ 10 % - 28 femmes présidant un parlement, dont près de la moitié sont des parlements d'Amérique latine et des Caraïbes.Les femmes à l'Exécutif
Pour les femmes à l'Exécutif, au niveau mondial, 16,1 % de tous les portefeuilles ministériels sont détenus par des femmes, soit une augmentation globale de deux points de pourcentage par rapport à 2005. Ces conclusions sont tirées de la carte sur les femmes en politique en 2008 produite par l'UIP et la Division des Nations Unies pour la promotion de la femme.Le nombre de pays qui n'ont pas de femmes ministres est passé de 19 à 13. La sousreprésentation des femmes dans les gouvernements est de plus en plus considérée comme une question politique clé. Contrairement à ce qui se passe dans certains parlements, où différentes mesures ont été prises pour assurer des sièges aux femmes, au plan gouvernemental, tout est affaire de volonté.
Deux pays ont ainsi dépassé les 50 % de femmes aux postes ministériels : la Finlande avec 58 % et la Norvège avec 55,6 % de femmes. La Grenade arrive en troisième position avec 50 %. Les trois têtes de liste sont suivies de près par la Suède, la France, l'Afrique du Sud et l'Espagne, pays où les dirigeants politiques se sont fortement engagés en faveur de l'égalité entre hommes et femmes.
Vingt-deux pays ont plus de 30 % de femmes à des fonctions ministérielles - 12 en Europe et six dans la région Amérique latine-Caraïbes. En 2005, seuls 17 pays - principalement en Europe - avaient atteints les 30 %. En fin de liste, 13 pays n'ont toujours aucune femme ministre et huit autres ont une proportion inférieure à 5 %. A l'échelon régional, le continent américain et les pays nordiques ont plus de femmes ministres qu'en 2005. Sur le continent américain, elles sont passées de 17 à 23 % et les pays nordiques peuvent eux aussi se vanter d'avoir enregistré une augmentation de 5 %, passant ainsi de 42,5 à 47,5 %. Cette tendance, pays nordiques et Amériques en tête, reflète la progression constatée dans les parlements. De leur côté, les Etats arabes ont connu une amélioration de 1 %, et comptent désormais 8 % de femmes dans les fonctions ministérielles, tandis que l'Asie marque le pas, également à 8 %.
Les femmes continuent à se voir confier des portefeuilles « de seconde importance ». La plupart des ministères dirigés par des femmes ont trait aux affaires sociales, à la famille, à l'enfance, à la jeunesse et aux affaires féminines. Viennent ensuite l'éducation et l'environnement. Il convient toutefois de noter qu'il y a un plus grand nombre de femmes à la tête des ministères du commerce, de l'emploi, des affaires étrangères et de la justice. La défense demeure comme on l'imagine en bas de liste, et ne représente que six ministères sur les 1 022 détenus par les femmes à l'échelle planétaire.
Des membres du Congrès des États-Unis participent au lancement de la carte des Femmes en politique 2008
Lors d'une manifestation organisée par l'UIP à Washington le 5 mars en collaboration avec le Groupe parlementaire des droits de l'homme du Congrès américain (Congressional Human Rights Caucus), des membres du Congrès ont pris la parole à tour de rôle pour sensibiliser le public à la question de la représentation politique des femmes et promouvoir la diffusion de la Carte mondiale dans le public américain. Les membres, Lois Capps, Jan Schakowsky, Diane Watson, Christopher Shays et Donald Payne, ont pris part à un débat interactif, concernant notamment la nécessité pour les parlements de constituer et de travailler sur des groupes parlementaires bipartites consacrés aux questions concernant les femmes. Par exemple, le Groupe parlementaire sur les questions relatives aux femmes, dont Mme Capps est Vice-Présidente, a démontré son efficacité, permettant à de nombreuses questions liées aux besoins spécifiques des femmes d'être débattues ouvertement et exhaustivement.Toutefois, les changements doivent aussi s'opérer au niveau des mentalités, ce qui demande un travail en profondeur. Comme le remarque Mme. Schakowsky, une étude récente a comparé un groupe de femmes et un groupe d'hommes de profil identique (du point de vue des qualifications, de l'âge, et d'autres critères) et leur a demandé dans quelle mesure ils ou elles se sentaient disposés à briguer des fonctions électives. L'étude a mis en évidence que pour chaque participant ayant répondu par la négative, deux participantes ont fait de même. On constate donc que, dans une large mesure, les causes de la disparité de représentation entre hommes et femmes parlementaires sont ancrées profondément dans les esprits, et relèvent de l'image et de l'estime de soi, et qu'il faudra encore mettre en place des mesures de formation pour que les femmes se valorisent davantage, accèdent à des responsabilités dans les institutions locales et intègrent peu à peu la classe politique. Dans les pays en développement, ces solutions sont encore plus difficiles à mettre en oeuvre en raison du manque de moyens. Il faudra pour ce faire qu'une plus grande part de l'aide extérieure soit affectée directement aux questions concernant les femmes par rapport à la proportion actuelle.
Mme Marie Wilson, Présidente du Projet Maison Blanche, et M. Anders Johnsson, Secrétaire général de l'UIP, comptaient aussi parmi les participants à cette manifestation.
L'UIP continue de sensibiliser les responsables politiques
aux mutilations génitales féminines
A l'occasion de la Journée de tolérance zéro contre les mutilations génitales féminines (MGF), le 6 février dernier, plus de 150 représentants des organisations internationales, de la société civile et des autorités genevoises se sont réunis à La Maison des Parlements pour débattre des moyens de mettre fin aux mutilations génitales féminines.
Le Secrétaire général de l'UIP, M. Anders B. Johnsson, a souligné l'importance d'une synergie entre les organisations internationales, les responsables politiques et religieux, les médias, les représentants de la société civile et le personnel médical, pour que «le voeu que nous avons fait à la Conférence de Dakar en décembre 2005, à savoir que cette pratique ne soit plus considérée comme normale, puisse devenir réalité dans une génération».
L'UIP s'engage à continuer de sensibiliser les responsables politiques, hommes et femmes, en Afrique et ailleurs, à la nécessité de continuer à travailler sur ce sujet et aussi à travailler en réseau. « Il est certes important de légiférer mais l'information et la sensibilisation sont essentielles car si les lois ne sont pas acceptées, il y a beaucoup de risque qu'elles ne soient pas appliquées », a ajouté M. Johnsson.
Mme Fabienne Bugnon, du Département des institutions à Genève, a lu un message de la Conseillère fédérale, Mme Micheline Calmy-Rey, dans lequel la ministre des Affaires étrangère suisse exprime sa conviction que « seule une union forte et internationale nous permettra de convaincre qu'il faut mettre fin sans délai à de tels actes». Mme Bugnon a rappelé que chaque 15 secondes, une petite fille est victime d'une mutilation à travers le monde. « Il faut qu'ensemble nous arrivions à mettre fin à ce drame humain ».
Pour les organisations internationales telles que le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, l'OMS et l'UNICEF, les mutilations génitales féminines constituent des actes de violence contre l'intégrité physique, sexuelle et psychologique des femmes et représentent des atteintes aux droits fondamentaux de l'être humain et aux droits de l'enfant. Deux millions de filles seraient excisées chaque année au nom de la tradition.
Mme Berhane Ras-Work, du Comité inter-africain a rappelé que les mutilations génitales féminines ne sont pas seulement pratiquées dans 28 pays d'Afrique, mais également dans quelques pays de la péninsule arabique, surtout au Yémen et à Oman ainsi qu'en Malaisie et en Indonésie. Et Mme Ndioro Ndiaye, de l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), d'ajouter que si les MGF ont été un phénomène longtemps tabou, aujourd'hui, par le biais des flux migratoires, cette pratique devient de plus en plus un problème international.
Le Président du Conseil d'Etat de la République et Canton de Genève, M. Laurent Moutinot, a clos les travaux en affirmant qu'il est «difficile de combattre des pratiques considérées comme normales, car il faut démontrer tout d'abord qu'elles ne le sont pas». Quant au professeur et anthropologue Abdoulaye Sow, de l'Université de Nouakchott (Mauritanie), il a appelé à « déconstruire les mythes ». Selon lui, les MGF ne répondent à aucune considération religieuse, médicale, sociale ou esthétique.
L'OIM, l'OMS, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le Comité pour les droits de l'enfant de l'ONU, le Comité interafricain, le Département des institutions de Genève, le Comité suisse de l'Unicef ainsi que des représentants de la société civile étaient représentés à cette table ronde modérée par le journaliste d'Euronews Mohamed Abdel Azim.