Le rôle des dirigeants parlementaires
La Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Mme Asha Rose Migiro, a prononcé un discours à la cérémonie inaugurale de l'Assemblée de l'UIP tenue au Cap, au mois d'avril, en présence du Président sud-africain, M. Thabo Mbeki.
Ancienne Ministre tanzanienne des affaires étrangères et de la coopération internationale, Mme Migiro a pris ses fonctions de Vice-Secrétaire générale de l'ONU en février 2007. Avant de devenir Ministre des affaires étrangères, elle a été Ministre du développement communautaire, de l'égalité des sexes et de l'enfance pendant cinq ans. En tant que Ministre des affaires étrangères, Mme Migiro a amené la Tanzanie à participer à la recherche de la paix, de la sécurité et du développement dans la région des Grands lacs. Elle a également présidé les réunions du Conseil des ministres de la Conférence internationale de la région des Grands lacs, avec en point d'orgue la signature du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands lacs.
Ces objectifs qui visent à réduire la pauvreté et à atténuer les problèmes dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'environnement, pour les femmes et les enfants les plus vulnérables, ont été définis en 2000, avec une échéance à 2015. Il est important de mesurer ce qui a été fait et ce qui reste encore à faire. Le bilan est mitigé.
Le taux de pauvreté est en baisse un peu partout, à commencer par l'Asie. Depuis 2000, ce sont trois millions d'enfants de plus qui survivent chaque année, deux millions de personnes supplémentaires qui sont soignées contre le sida et des millions d'enfants supplémentaires qui sont scolarisés. Voilà pour les chiffres mondiaux. A présent, si l'on considère les pays et les régions un par un, des progrès remarquables ont enregistré au regard de certains objectifs. Ainsi, comme dans nombre d'autres pays, la scolarisation est en augmentation au Ghana, au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie. De son côté, le Sénégal a fait de grands progrès en ce qui concerne les objectifs relatifs à l'eau et à l'assainissement. Dans le domaine de la santé, le Malawi a réussi à réduire de manière spectaculaire le taux de mortalité infantile. Quant aux pays d'Asie du Sud, ils ont sensiblement amélioré le taux de survie des enfants grâce à des campagnes de vaccination massives. Enfin, un peu partout dans le monde, des pays parviennent à contenir l'épidémie de VIH.
D'autres avancées ont été réalisées en ce qui concerne la lutte contre le paludisme, grâce aux moustiquaires fournies gratuitement aux familles au Niger, au Togo et en Zambie. Enfin, parmi les progrès les plus notoires, il convient de mentionner un recul de 91 pour cent des décès liés à la rougeole en Afrique et l'éradication du tétanos maternel et néonatal au Viet Nam, avec l'aide de l'UNICEF et de l'OMS.
Des progrès sont possibles
Des progrès sont possibles. Et chacun sait quels sont les ingrédients nécessaires. Une administration forte signifie souvent un leadership parlementaire fort, avec des législateurs volontaires, qui ne se contentent pas de concevoir des lois et des stratégies propices à la réalisation des programmes socio-économiques nécessaires, mais qui, par leur engagement actif - et souvent personnel - aux niveaux local et national, s'assurent de leur mise en oeuvre au moyen d'une bonne gouvernance et d'une mobilisation populaire.Cette façon de travailler favorise les partenariats public-privé. De même les bonnes stratégies encouragent la recherche et permettent de mieux comprendre les problèmes existants sur le plan de la santé, de l'éducation et sur le plan social, dans le contexte plus général du développement rural et urbain. Ensuite, l'identification des zones et des groupes vulnérables permet de réaliser les investissements publics en temps opportun et au niveau approprié. Les politiques économiques et administratives, la mise en place de l'infrastructure, les incitations fiscales et des crédits budgétaires ciblés destinés à renforcer le pouvoir des communautés qui en ont besoin - notamment les femmes, sont essentiels pour s'assurer la participation des institutions de la société civile et du secteur privé.
Par ailleurs, il importe que la communauté internationale contribue à l'aboutissement des projets en fournissant une assistance financière/technique et en établissant au plus tôt des politiques commerciales compatibles avec les besoins.
Ce besoin se fait désormais sentir de manière urgente compte tenu de la crise alimentaire qui commence à toucher de plus en plus de monde, en tous points de la planète. Les conséquences sont graves - avec des émeutes dans plus d'une trentaine de pays, 100 millions de personnes qui seraient menacées et 30 millions d'Africains qui risquent de sombrer dans la pauvreté. La Banque mondiale considère que l'explosion des prix de l'alimentation a fait reculer la lutte contre la pauvreté de près de sept ans ! Les enfants pauvres sont plus susceptibles, à cause de la faim, de souffrir de malnutrition et d'avoir des difficultés d'apprentissage, ce qui hypothèque leurs possibilités de mener une vie pleine et productive. Un enfant faible ne devient pas un citoyen fort !
Le ralentissement de l'économie, les changements climatiques et les catastrophes naturelles constituent des menaces supplémentaires pour la réalisation des programmes en rapport avec les OMD en ce sens qu'ils sont en concurrence avec ces programmes au plan financier et en ce qui concerne l'attention que les pouvoirs publics peuvent leur consacrer.
Comme il ressort du dernier Rapport sur le développement humain, 40 pour cent de la population de la planète vit sous le seuil de pauvreté, et ne parvient donc pas à faire face à ses besoins élémentaires au quotidien. Or, ces 2,6 milliards de personnes risquent d'être directement victimes de changements climatiques dangereux et de reculs dans le développement humain. Il est indispensable d'entretenir et d'améliorer les infrastructures pour améliorer la qualité de vie des pauvres - dans les zones urbaines et rurales - car leurs moyens de subsistance dépendent directement de la terre, de l'eau et de l'air.
C'est d'autant plus vrai dans les pays les moins avancés. L'Afrique et certains des pays d'Asie du Sud qui connaissent une croissance économique rapide ont par ailleurs beaucoup de mal à améliorer la nutrition de leur population et à atteindre certains autres Objectifs. Aussi faut-il que les parlements, qui ont vocation à amener le progrès, soient attentifs aux liens intrinsèques entre santé, éducation et facteurs environnementaux ou de développement, et tiennent compte aussi du fait que lorsque les ressources se font rares, elles vont d'abord à des projets fiables.
Donner accès aux terres et aux marchés aux plus pauvres
Malgré les obstacles, il est encore possible d'atteindre les OMD. D'où une obligation plus impérieuse pour les pays - développés et en développement - de tenir leurs engagements. Dans les pays développés du Nord, les parlements doivent honorer leur engagement d'affecter 0,7 pour cent du produit national brut (PNB) à l'aide publique au développement (APD) qui, d'après les derniers chiffres, est en nette baisse. A la question du volume de l'aide internationale, il faut ajouter celle de la qualité de cette aide, qui est tout aussi importante. L'aide intérieure et internationale devrait viser à permettre aux populations vulnérables et aux femmes de s'émanciper en les encourageant à faire face à leurs besoins fondamentaux et à trouver des moyens de subsistance durables. Pour ce faire, il importe de permettre aux plus démunis d'accéder aux terres et aux marchés, notamment au moyen d'un système commercial qui permette aux produits agricoles des pays les moins avancés de soutenir la concurrence. Les parlementaires peuvent être les garants d'une gouvernance responsable et assurer l'interface entre, d'une part, les politiques nationales et locales et, de l'autre, les politiques nationales et internationales qui influent sur le contenu des projets et sur le rythme de mise en oeuvre des OMD.Afin d'accélérer les efforts de mise en oeuvre des OMD, le Secrétaire général de l'ONU a lancé le Groupe de pilotage pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique, qui rassemble un nombre sans précédent de dirigeants d'organismes intergouvernementaux travaillant au développement de l'Afrique. Ce groupe a récemment adopté une série de mesures concrètes destinées à faire avancer la réalisation des OMD en Afrique et à favoriser la mobilisation de fonds pour faire face aux conséquences de l'augmentation des prix des produits alimentaires qui touchent un certain nombre de pays d'Afrique.
Le Secrétaire général de l'ONU a décidé en outre, en collaboration avec le Président de l'Assemblée générale, d'inviter les dirigeants politiques du monde entier à une manifestation de haut niveau sur les OMD, le 25 septembre prochain, à New York, dans le but de sensibiliser l'opinion mondiale et de maintenir la dynamique afin que les OMD puissent être atteints. Il serait à présent souhaitable de renforcer cette dynamique en nous entendant sur les stratégies qui permettront de faire face aux nouveaux défis et de mobiliser plus de fonds pour accélérer la mise en oeuvre des OMD - au moins dans les régions les plus touchées par la crise alimentaire actuelle. La bonne gouvernance voudrait que les parlementaires organisent eux aussi des groupes spécifiques avec les partenaires locaux dans les circonscriptions qu'ils représentent pour faire le bilan de l'action relative aux OMD.
La bonne gouvernance est une valeur à elle seule. Cette année marque le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce texte intemporel a beaucoup de points communs avec la Déclaration du millénaire. Les avancées en matière de développement humain et les efforts déployés pour éradiquer la pauvreté sont voués à l'échec si l'on ne considère pas ces deux textes comme les deux facettes d'une même problématique. La réalisation des valeurs et objectifs qui y sont énoncés n'est possible que s'il existe un dialogue constant entre un Etat protecteur des droits et la société civile.
L'UIP est un partenaire important de l'ONU dans le cadre de l'action historique relative aux OMD. A ce titre, je voudrais évoquer les projets conjoints tels que le réseau virtuel iKNOW Politics qui relie des femmes du monde entier occupant ou aspirant à occuper des fonctions politiques et leur permet d'accéder aux informations dont elles ont besoin pour remplir efficacement leur rôle sur le sujet des OMD et sur d'autres sujets. Ces projets sont la preuve d'une collaboration féconde.
A de nombreux égards, les parlementaires sont les premiers à qui il incombe de donner un sens concret à l'Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à savoir que tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Il faut voir dans ces représentants des citoyens la conscience de leurs mandants et de leurs pays respectifs dans les efforts visant à donner corps aux Objectifs du millénaire pour le développement au service des plus démunis.
Objectif 8 du millénaire pour le développement : METTRE EN PLACE UN PARTENARIAT MONDIAL POUR LE DEVELOPPEMENT |
L'UIP s'investit pour le développement
L'UIP a déployé beaucoup d'efforts pour créer une dynamique politique à l'appui de l'Objectif 8 qui consiste à « mettre en place un partenariat mondial pour le développement ». Dans une résolution globale de sa 118ème Assemblée, au Cap, an avril dernier, l'UIP donne plusieurs indications quant aux mesures que les parlements peuvent prendre pour que l'aide étrangère remplisse sa fonction.
L'Objectif 8 porte principalement sur trois domaines dans lesquels les pays riches sont les seuls à pouvoir agir : instaurer des règles commerciales équitables propres à garantir l'accès aux marchés aux pays en développement, de manière à ce qu'ils puissent accroître leurs recettes d'exportation et donc se développer; alléger la dette des pays lourdement endettés afin qu'ils puissent consacrer une plus grande part de leurs ressources à leur population; et accroître l'aide publique au développement tout en l' assortissant de moins de conditions, de façon à permettre aux pays en développement, surtout les plus pauvres, de mieux satisfaire leurs besoins.
L'UIP s'est aussi engagée dans un nouveau mécanisme du Conseil économique et social de l'ONU, qui rassemble toutes les parties prenantes, à savoir les parlementaires, les organisations de la société civile et les autorités locales, de même que les « nouveaux » intervenants, comme les fondations privées. Il s'agit du Forum pour la coopération en matière de développement, qui se réunit tous les deux ans à New York, au moment de la session du Conseil économique et social. Dans ce cadre, l'UIP a participé à l'organisation du Forum des parties prenantes, avec l'ONU, à Rome, les 12 et 13 juin, et pris part à un certain nombre de débats spécialisés durant l'année écoulée.
L'UIP a aussi pris des résolutions au sujet du maintien de la dette à un niveau compatible avec les OMD. Elle a également créé un nouveau mécanisme, la Conférence parlementaire sur l'OMC, qui a permis à des centaines de parlementaires de se familiariser avec les négociations commerciales en cours et avec les rouages de l'OMC. Enfin, dernièrement, l'UIP s'est investie plus largement dans le domaine de l'aide publique au développement.
A ce jour, il y a eu des améliorations, mais aussi de nombreuses déceptions. La plus criante a trait au Cycle de négociations commerciales de Doha, qui n'a toujours rien donné. D'après l'ONU, les pertes annuelles enregistrées par les pays en développement au titre du commerce sont à présent de l'ordre de 700 milliards de dollars E.- U. S'agissant du maintien de la dette à un niveau tolérable, au moins deux initiatives spécifiques ont été mises en oeuvre ces dernières années, mais elles suffisent à peine à répondre aux besoins des pays à revenu intermédiaire et ne tiennent pas compte de la capacité des pays d'atteindre ou non les OMD. En ce qui concerne l'aide publique au développement, le bilan est plus positif, quoique mesuré.
La Déclaration de 2005 sur l'efficacité de l'aide, dite Déclaration de Paris, offre un nouveau cadre important pour permettre aux pays bénéficiaires de l'aide de mieux se l'approprier. La tendance à la baisse de l'aide a été inversée, de sorte que l'objectif de 0,7 pour cent du PIB n'est plus tout à fait une promesse en l'air, même si, notamment en raison des perturbations qui sévissent sur les marchés financiers mondiaux et d'autres évolutions inquiétantes de l'économie, l'aide commence à stagner de nouveau. Nous sommes à mi-parcours de l'horizon 2015, échéance à laquelle les OMD devraient être atteints. Nous avons perdu beaucoup de temps. Toutefois, avec une plus grande volonté politique, que l'UIP entend bien susciter, nous pouvons encore y arriver.