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N°31
SEPTEMBRE 2008

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de la Revue

Le Monde des Parliaments
M. Roland Rich

L'Organisation des Nations Unies et la promotion de la démocratie

M. Roland Rich M. Roland Rich, Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la démocratie (FNUD), a derrière lui 30 années d'expérience dans la diplomatie, la recherche et la promotion de la démocratie. Avant d'être nommé au FNUD, il faisait partie de la direction du Centre pour la défense et les études stratégiques de l'Australian Defence College, où il enseignait et conseillait des officiers de haut rang de l'armée, inscrits en maîtrise de relations internationales. En 2005, il a fait de la recherche au National Endowment for Democracy, à Washington D.C., après avoir été, de 1998 à 2005 Directeur fondateur du Centre for Democratic Institutions de l'Université nationale australienne, l'institut australien de promotion de la démocratie, qui réalise des projets dans la région Asie-Pacifique. Il a également publié divers ouvrages spécialisés sur la démocratie et la promotion de la démocratie.

S'agissant de promouvoir la démocratie, l'ONU porte un lourd fardeau historique. En effet, nulle part dans la Charte des Nations Unies le mot démocratie n'apparaît, et ce sur les instances des Soviétiques lors de la rédaction. De même, on ne peut dire de la structure de décision des Nations Unies au sein de laquelle les cinq membres permanents du Conseil de sécurité occupent une place privilégiée, qu'elle soit conforme aux principes fondamentaux de la démocratie. Enfin, même le commentateur le plus amène serait forcé d'admettre qu'un nombre important, sinon la majorité, des membres de l'ONU ne pratiquent pas la démocratie. Pourtant, ces dix dernières années, l'ONU a joué un rôle volontaire en matière de promotion de la démocratie, marqué notamment par le Sommet du Millénaire tenu en 2000, où les dirigeants politiques du monde entier ont décidé de « n'épargn[er] aucun effort pour promouvoir la démocratie et renforcer l'état de droit, ainsi que le respect de tous les droits de l'homme et libertés fondamentales reconnus sur le plan international, y compris le droit au développement ».

C'est ainsi que le Programme des Nations Unies pour le développement a fait de la gouvernance démocratique l'un de ses principaux axes de travail; plus de 100 Etats membres de l'ONU ont sollicité les conseils de la Division de l'assistance électorale de l'ONU; et le Fonds des Nations Unies pour la démocratie a été institué sur la base du Document final du Sommet mondial de 2005 où il est dit que : « la démocratie est une valeur universelle, qui émane de la volonté librement exprimée des peuples de définir leur propre système politique, économique, social et culturel et qui repose sur leur pleine participation à tous les aspects de leur existence ».

Si le terme de démocratie ne figure pas dans la Charte des Nations Unies, cette notion constitue néanmoins un élément important dans la définition du rôle de l'ONU. La Déclaration universelle des droits de l'homme précise que : « La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote. » De son côté, le Comité des droits de l'homme apporte, dans son observation générale n° 25 de 1996, des précisions sur ce qu'il faut entendre par « élections honnêtes » en indiquant les conditions requises, à savoir : libertés d'expression, de réunion et d'association; suffrage universel; liberté de soutenir ou de s'opposer aux autorités sans contrainte; et nécessaire représentation des différents points de vue dans les assemblées élues. Enfin, une résolution adoptée par la Commission des droits de l'homme en 2000 précise que les processus électoraux doivent être ouverts à une pluralité de partis. Des élections honnêtes associées au respect des droits de l'homme sont un gage considérable pour le bon fonctionnement d'une démocratie.

Pourquoi l'ONU s'est-elle engagée sur cette voie tortueuse qui lui crée parfois des difficultés avec certains de ses membres ? Avec la fin de la Guerre froide, la communauté internationale a commencé à envisager la question de la démocratie sous un jour nouveau. Après que les participants de la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l'homme ont décidé que « la démocratie, le développement et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales [étaient] interdépendants et se renfor[çaient] mutuellement », le Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali a ouvert la voie en lançant, en 1996, un Agenda pour la démocratisation dans lequel il décrit la démocratie comme « l'élément de base d'un système international de coopération pacifique ». Ainsi, en 2005, au moment où il a présenté son rapport intitulé Dans une plus grande liberté, son successeur, Kofi Annan, a pu se targuer de ce que l'Organisation des Nations Unies faisait «plus que toute autre organisation pour promouvoir et renforcer les institutions et les pratiques démocratiques partout dans le monde ».

C'est dans le lien qui unit la démocratie à chacun des trois principaux objectifs de l'ONU qu'il convient de chercher les raisons de l'enthousiasme de l'ONU à l'égard de la démocratie. En un mot, l'ONU est désormais convaincue que la démocratie est une condition essentielle à la concrétisation de la paix, des droits de l'homme et du développement. La théorie de la paix démocratique intrigue la communauté internationale depuis qu'elle a été embrassée, pour la première fois, au XVIIIème siècle, par Emmanuel Kant. Durant les deux siècles qui ont suivi, cette théorie est passée pour utopique, mais plus récemment, un constat sans appel s'est imposé, à savoir que des démocraties bien établies ne partaient pas en guerre les unes contre les autres. La démocratie envisagée comme un chemin vers la paix donne à l'ONU un moyen de réaliser son objectif le plus important.

De même, ce n'est pas un hasard si c'est dans les démocraties que les droits de l'homme sont les mieux protégés.

Ces deux concepts se renforcent en effet mutuellement. C'est grâce au respect des droits de l'homme que les sociétés peuvent ménager l'espace nécessaire à une contestation démocratique pacifique et c'est grâce aux processus démocratiques que les droits de l'homme trouvent leurs défenseurs les plus ardents. Les bilans en matière de droits de l'homme de démocraties de même ancienneté demandent encore des améliorations, mais les mécanismes d'autocritique de la démocratie portent en eux les moyens nécessaires à ces améliorations.

En revanche, il est plus difficile de faire le lien entre démocratie et développement. L'idée initiale qui voulait que le développement soit un préalable de la démocratie a été revue par Amartya Sen qui explique qu'on a tort de chercher à savoir si un pays est « prêt pour la démocratie », car dans les faits les pays « se préparent grâce à la démocratie ». Bien que l'on ne dispose pas encore d'informations totalement exhaustives sur le sujet, on peut affirmer sans risque qu'un développement authentiquement durable passe par la démocratie et que meilleure elle est, plus grand en est le développement.

Côté (Canada) « L'ONU ne devrait pas limiter son rôle à l'établissement de normes, mais élargir l'aide qu'elle offre à ses membres afin de propager et de renforcer encore les tendances démocratiques partout dans le monde. À cette fin, j'appuie la création à l'ONU d'un fonds pour la démocratie destiné à fournir une assistance aux pays qui cherchent à instaurer la démocratie ou à la renforcer. » Le voeu ainsi formulé par Kofi Annan a été exaucé. Le Secrétaire général Ban Ki-moon a dessiné les contours du rôle du Fond des Nations Unies pour la démocratie en le chargeant d'être particulièrement attentif aux organisations de la société civile, ajoutant que le travail et la participation de ces dernières demeurent la clé pour édifier des démocraties.

Le Fonds des Nations Unies pour la démocratie bénéficie à ce jour de l'aide de 35 donateurs au sein des Etats membres de l'ONU. Il concentre son énergie sur le renforcement de l'audience donnée à la société civile dans le processus démocratique. Il consacre environ 25 millions de dollars par an au profit d'organisations de la société civile réparties dans le monde, qui participent à l'éducation civique, portent la voix des femmes et des groupes vulnérables et permettent par d'autres moyens à la contestation des idées et politiques de s'exprimer pacifiquement. Il s'agit là de la concrétisation la plus récente et la plus directe de l'engagement pris par l'ONU en faveur de la promotion de la démocratie.