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N°26
JUILLET 2007

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Le Monde des Parlements
Analyse

"ELECTIONS LIBRES ET REGULIERES"

Par M. Victor-Yves Ghebali, Professeur à l'Institut universitaire de hautes études internationales (HEI), Genève

Extrait - Consolidation de la paix et reconstruction post-conflit. Lexique pratique, édité par Vincent Chetail et Marc Roissard du Bellet, à paraître chez Oxford University Press, Oxford.

Présidentielles, parlementaires, locales ou référendaires, les élections libres et régulières sont des consultations populaires qui, organisées en temps de paix civile, de crise ou au lendemain d'un conflit armé, ont pour fin l'établissement d'un gouvernement légitime et représentatif au travers d'un processus exigeant (outre les critères de la liberté et de la régularité) la périodicité, l'universalité et l'égalité de suffrage, le scrutin secret, ainsi que la transparence et la redevabilité. Généralement soumises à observation internationale, de telles élections soulèvent certains problèmes liés aux normes régissant leur conduite pratique aussi bien que leur observation.
 

Prof. Victor-Yves Ghebali Le concept d'"élections libres et régulières" s'est développé dans le sillage du processus de la décolonisation. Les Nations Unies semblent en avoir inauguré l'usage à partir d'un certain rapport de 1956 sur l'accession du Togo à l'indépendance (John M. Ebersole, 1992). Le concept est cependant resté, à ce jour, sans définition internationalement agréée. La raison en est que les organisations universelles et régionales, ainsi que les ONG, utilisent les adjectifs "libres" et "régulières" de manière souvent interchangeable avec ceux d'"honnêtes", "authentiques", "impartiales", "sincères", "régulières", "périodiques", "démocratiques" ou "transparentes". En fait, l'idée de liberté a trait aux problèmes de participation et de choix, et celle de régularité vise l'égalité en matière de participation et de vote, l'impartialité et la non-discrimination (Guy Goodwin-Gill, 2006).

On pourrait donc qualifier de libres les élections exemptes de pression, d'intimidation ou de violence à l'égard des électeurs – et de régulières celles au cours desquelles les candidats en lice font l'objet d'un traitement globalement non discriminatoire (Elklit et Svensson, 1997). Il est cependant clair que les exigences de la liberté sont plus faciles à réunir (et à vérifier) que celles de la régularité. En effet, une élection peut être libre sans nécessairement offrir de chances égales à tous les candidats ou partis – et cela sans compter les problèmes de transparence et de vérification liées au vote électronique ou, encore, au vote anticipé et postal (Guy Goodwin-Gill, 2006). Quoi qu'il en soit, la tenue d'élections libres et régulières est une question d'intérêt général qui concerne les démocraties de longue date aussi bien que les Etats qui effectuent leur transition de l'autoritarisme à la démocratie ou de la guerre à la paix. Quant à l'observation internationale des consultations électorales, elle remonte à 1857, date à laquelle une Commission composée de puissances européennes observa le plébiscite organisé en Moldavie et Valachie (Yves Beigbeder, 1994). La pratique ne se généralisa réellement qu'après la Seconde Guerre mondiale, sous l'égide de l'ONU et dans le contexte de la décolonisation, de la transition démocratique et des opérations de maintien de la paix. Toutefois, depuis la fin des années 90, l'ONU se concentre surtout sur l'assistance électorale qu'elle fournit à ses Etats membres sur requête, laissant l'observation électorale à toute une gamme d'organisations intergouvernementales régionales et d'ONG.

Contenu normatif et opérationnel

Tout en relevant de la compétence souveraine des Etats, les élections libres et régulières sont régies par le droit international. Leur conduite est assujettie à certaines normes incluses dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (art. 21), et autres textes tels que la Déclaration Universelle sur la démocratie de l'Union interparlementaire. Toutes ces dispositions procèdent de la prémisse que les élections libres et régulières permettent l'expression authentique de la volonté populaire et l'instauration d'un gouvernement légitime. En même temps, elles affirment le droit de voter, d'être élu et de participer (directement ou par des représentants élus) aux affaires publiques dont l'exercice exige la liberté d'association, d'expression et de réunion. Si le droit à un gouvernement démocratique représentatif n'est pas internationalement reconnu de manière expresse, le droit international n'en prescrit pas moins qu'une élection doit refléter la libre volonté du peuple à travers l'exercice d'un certain respect des libertées fondamentales liées aux critères mentionnés dans la définition générale du concept qui a été ici proposée.

Ce ne fut qu'en octobre 2005, à l'initiative de la Division de l'assistance électorale de l'ONU et de deux ONG américaines (le Carter Center et le National Democratic Institute), qu'une "Déclaration de principes pour l'observation internationale des élections" accompagnée d'un "Code de conduite à l'usage des observateurs électoraux internationaux" virent le jour.

La Déclaration de 2005 donne de l'observation électorale internationale la définition suivante (qui est la première du genre au plan universel) : "la collectesystématique exacte, et exhaustive d'informations relatives à la législation, aux institutions et aux mécanismes régissant la tenue d'élections et autres facteurs relatifs au processus électoral en général; l'analyse professionnelle et impartiale de ces informations et l'élaboration de conclusions concernant la nature du mécanisme électoral répondant aux plus hautes exigences d'exactitude de l'information et d'impartialité de l'analyse".

Les conditions préalables à l'observation internationale d'une élection sont au nombre de quatre. Premièrement, le pays prévoyant une élection doit exprimer sa volonté expresse d'accueillir des observateurs internationaux, et ce suffisamment à l'avance pour permettre une planification adéquate de l'observation. Si non prévue par un accord de paix ou le mandat d'une opération onusienne de maintien de la paix, l'observation découle normalement d'une invitation facultative – sauf dans la région de l'OSCE dont les membres sont tenus (en vertu du § 8 du Document de Copenhague) d'inviter des observateurs internationaux.

Deuxièmement, le pays hôte doit fournir à la mission d'observation (si possible dans un mémorandum d'accord), toutes les garanties nécessaires en matière de sécurité et de liberté aux divers stades du processus électoral : accréditation officielle, accès aux technologies et aux responsables électoraux, liberté de mouvement sur l'ensemble du territoire, publication sans entrave de conclusions et recommandations, etc.

Troisièmement, les principaux candidats à l'élection doivent aussi approuver par avance la présence d'observateurs internationaux. Quatrièmement, les exigences minimales d'un scrutin libre et régulier doivent exister a priori, à défaut de quoi l'observation internationale n'aura pas lieu afin de ne pas servir à légitimer un processus électoral non démocratique. L'OSCE applique à cet égard une pratique bien rodée. Après obtention des garanties nécessaires de la part de l'Etat hôte, le BIDDH établit une "Mission d'évaluation des besoins" (Needs Assessment Mission) dont les conclusions seront déterminantes: si les conditions d'une consultation démocratique sont réunies, une mission d'observation sera déployée pour suivre l'ensemble du processus électoral; en l'absence d'un certain nombre de ces conditions, seule une mission d'observation restreinte sera envoyée sur place – mais quittera le pays avant le jour du scrutin; enfin, si les critères de l'Etat de droit font fondamentalement défaut dans le pays invitant, aucune observation n'aura lieu.

Lien avec les programmes de consolidation de la paix

Les élections libres et régulières font partie des programmes de consolidation de la paix au même titre que le triptyque DDR (désarmement/démobilisation/réinsertion des ex-combattants dans la vie civile), la reconstruction socioéconomique, le retour des réfugiés et personnes déplacées, la démocratisation ou la justice transitionnelle. Relevant de la problématique des droits de l'homme et de la démocratisation, leur fonction dans ce contexte est triple. Premièrement, la présence d'observateurs internationaux a pour vertu de décourager les irrégularités (dont tout processus électoral peut être entaché : bourrage des urnes, intimidation à l'égard des électeurs, etc.), d'encourager la participation électorale et, surtout, de favoriser l'avènement d'un gouvernement légitime. Deuxièmement, des élections libres et régulières menées au lendemain d'un conflit armé violent ouvrent la voie à un processus de pacification et de gouvernance démocratique. Troisièmement, leur tenue annonce l'ultime phase des programmes de consolidation de la paix (dont la DDR constitue généralement le point de départ) – une "stratégie de sortie" qui peut d'ailleurs servir d'alibi à un désengagement international rapide.

Depuis la fin de la guerre froide, bon nombre d'opérations onusiennes de maintien de la paix de l'ONU ont comporté une composante électorale chargée d'observer – au sens générique du terme – l'organisation et la régularité d'élections libres et équitables en Afrique (Namibie, Angola, Mozambique, Libéria, République Centre-africaine, Sierra Leone, Congo, Burundi, Côte d'Ivoire) et dans les Amériques (El Salvador, Haïti). L'OSCE en a fait de même en Croatie, en Albanie, en Macédoine et au Tadjikistan. Dans les cas exceptionnels d'organisation directe d'élections (au Cambodge, Croatie et Timor Est d'une part; en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo d'autre part), l'ONU et l'OSCE se sont respectivement abstenues d'observer celles-ci pour éviter d'apparaître à la fois comme juges et parties.

Les élections menées en Namibie, El Salvador, Mozambique, Albanie et Macédoine ont permis, à des degrés variables, le rétablissement de la paix civile et l'instauration d'un gouvernement de type démocratique. En revanche, celles tenues au Cambodge, Libéria et Kosovo n'ont produit qu'une normalisation éphémère. Les premières élections libres et régulières organisées à la sortie d'un conflit armé ne sont en fait qu'une étape initiale sur la longue voie de la stabilisation et de la démocratisation.

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